Pour tuer le site de Goodyear, d’Amiens-Nord, que sa direction va fermer, ils se sont mis à plusieurs. Un meurtre collectif. Ou plutôt un assassinat prémédité.
Il n’est pas utile d’établir une hiérarchie parmi les assassins. Commençons simplement par le plus bruyant et, hélas, le plus audible : la CGT. L’organisation syndicale hurle, proteste, promet grèves et vengeances. C’est dans sa nature, comme il est dans celle du scorpion de piquer pour donner la mort. La CGT, c’est la garde napoléonienne à Waterloo. Enfin pas tout à fait. La CGT, certes, ne se rend pas, mais elle ne meurt pas. Elle est increvable. Et elle se battra jusqu’à la mort du dernier ouvrier licencié.
Les micros imbéciles se tendent vers les cégétistes ravis de faire la roue avec les mâles accents de la lutte finale. Aucun des porteurs de micro n’a fait l’effort de parcourir quelques centaines de mètres pour aller sur l’autre site de Goodyear, celui d’Amiens-Sud. Quel intérêt en effet ?
Là-bas, pas de licenciements, pas de fermeture. L’usine tourne à plein régime. Ses ouvriers ont accepté de signer un accord de flexibilité avec la direction. Accord obstinément refusé par la CGT du site d’Amiens-Nord.
D’autres assassins maintenant. Parfaitement identifiés sans que des portraits-robots soient nécessaires : François Hollande et Arnaud Montebourg. En 2011 (campagne électorale oblige), ils sont venus sur le site d’Amiens-Nord. Histoire de montrer que le PS n’avait pas oublié ses fondamentaux et que son amour de la classe ouvrière était intact.
Évoquant les licenciements boursiers, Hollande a dit aux ouvriers : « L’État peut fixer des règles. » Ils l’ont cru. Hollande est aujourd’hui président, Montebourg est ministre. « Qu’ils reviennent s’ils osent ! » a lancé, écœuré, un des ouvriers de Goodyear.
Bien sûr, ce n’est pas Hollande qui, stricto sensu, a assassiné Goodyear. Il a tué bien plus : l’honnêteté, l’espoir, la confiance dans la parole donnée. Et maintenant, il leur dit quoi aux salariés de Goodyear ? Comme Marie-Antoinette : « Ils veulent du pain ? Qu’on leur donne de la brioche ! » Mais à sa façon : « Ils veulent du travail ? Qu’on leur donne du mariage pour tous, de la PMA et de la PGA ! » Ça, ça ne remplit pas le ventre des ouvriers. Ni les autres ventres d’ailleurs.
Benoît Rayski dans Boulevard Voltaire