Était-il louable de maintenir en fonction le ministre du Budget, en dehors même du principe légitime de la présomption d’innocence, alors que ce dernier, tout en en affirmant dans ces discours officiels qu’il entendait faire cracher les mauvais payeurs et que les Français devaient se serrer la ceinture, était accusé par le site Mediapart depuis plusieurs mois de détenir des comptes bancaires à l’étranger afin de s’y livrer à du « blanchiment de fraude fiscale » ? Cette question le chef de l’Etat et son Premier ministre auraient été inspirés de se la poser il y déjà bien longtemps, avant l’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris cette semaine, bref, avant qu’ils décident de se priver le 19 mars des services de Jérôme Cahuzac. D’autant que cette mise à pied tardive accrédite de facto toutes les mauvaises rumeurs, voire les convictions des journalistes ayant mené les investigations qu’ils estiment accablantes pour l’ex ministre du Budget, car apportant la preuve que ce dernier aurait menti.
Autre question centrale, le gouvernement savait-il depuis un mois et demi que le ministre du budget détenait comme Mediapart l’affirme et comme M. Cahuzac le dément formellement, ses fameux comptes bancaires dits « offshore » à Singapour et en Suisse ? C’est en effet à cette date que le ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, a refusé de rendre public la réponse des autorités helvétiques à sa demande de précisions sur la réalité de la possession par son ami et collègue socialiste de ce compte suisse…
Nous le savons, le gouvernement cherche de l’argent…principalement dans la poche des classes moyennes qui n’en peuvent, plutôt que de s’attaquer réellement à la fraude sociale qui coûte à l’Etat et partant, aux contribuables, plusieurs dizaines de milliards d’euros; plutôt que d’en finir avec la folle politique d’immigration de peuplement (73 milliards d’euros pris chaque année dans la poche des Français). Pour ne rien dire des gras et gros fromages républicains, divers et variés, servant à caser et nourrir les copains, les élus, les associations amies, à Paris comme en province…
Mais pour en revenir à la fraude fiscale proprement dite, les croisades verbales initiées en leur temps par le PS, et notamment en s’en souvient par Arnaud Montebourg, alors député, contre les paradis fiscaux, ne sont plus guère d’actualité depuis l’arrivée de M Hollande à l’Elysée qui là aussi, met ses pas dans ceux de Nicolas Sarkozy. Il est urgent de ne rien faire et vive la sociale !
Grand reporter à La Croix , Antoine Peillon a publié au Seuil il ya tout juste un an une enquête remarquable, « Ces 600 milliards qui manquent à la France » consacrée à se sujet. Dans son livre, il s’arrête longuement sur l’affaire Bettencourt et principalement sur la manière dont la banque suisse UBS jouerait « un rôle leader dans l’évasion fiscale en France » des (très) grosses fortunes… avec une impunité qui laisse songeur.
M. Peillon tire la sonnette d’alarme sur des pratiques qui ont de lourdes conséquences pour tous les Européens.
« Pour les spécialistes, affirme-t-il, l’évasion fiscale pèse très lourd sur les finances publiques : les avoirs dissimulés au fisc français sont presque de l’ordre de toute la recette fiscale annuelle du pays. Ils représentent même presque cinq fois le produit de l’impôt sur le revenu en 2010. » « La recette fiscale totale (recettes nettes du budget général) de la France en 2010, est de 267,2 milliards d’euros. Celle de l’impôt sur le revenu est de 54, 7 milliards d’euros, toujours en 2010 »
« Or les avoirs français placés sur des comptes non déclarés en Suisse ne dorment pas (…), ils produisent de substantiels dividendes, grâce à leur placement presque systématique dans des fonds d’investissements domicilies principalement au Luxembourg. »
« Cette masse considérable d’avoirs et de dividendes non déclarés, qui avoisine 10% de la richesse privée des nations européennes, fausse lourdement les comptes internationaux de toute la zone euro. « Selon le Boston Consulting Group »et le très jeune économiste parisien « Gabriel Zucman (prix de la fondation Eni Enrico Mattei en 2011), en 2010, pas moins de 2275 milliards d’euros n’entrent pas ainsi dans les comptes de l’Europe, ce qui génère des distorsions importantes dans les statistiques mondiales et dégrade gravement la qualité des politiques économiques de l’Union européenne et des Etats ».
M. Zicman dénonce le fait que « pour l’Europe, cela produit l’idée absurde que cette région est pauvre, endettée vis-à-vis de pays émergents comme la Chine, alors qu’elle est encore la plus riche de la planète ! Si la richesse manquante, revenait à sa source on améliorerait beaucoup l’impôt et cela contribuerait à résoudre de façon substantielle les problèmes de financements publics. Cela fait partie des solutions à la fameuse dette publique ! »
Il évoque ainsi « le rapport annuel sur la corruption dans le monde publié par l’association Transparency International (le 1er décembre 2011), (qui) estimait que les difficultés économiques de la zone euro sont en partie liées à l’incapacité de pouvoirs publics à lutter contre la corruption et l’évasion fiscale qui comptent parmi les causes principales de la crise. »
Même s’il s’agit de relativiser ce jugement en ce que la zone euro nous apparaît plus largement et pour bien d’autres raisons comme une zone économique non viable, l’auteur n’utilise pas la langue de bois pour souligner pus largement les pratiques des partis dits de gouvernement.
« Le gouvernement expliquait-il, évite la cruelle épreuve du contrôle fiscal et, pis encore, d’enquêtes plus poussées sur d’éventuels compte offshore à celles et ceux qui paient, en liquide si possible, leur cotisation au parti politique qui à l’heur d’être au pouvoir. (…) ».
« Cette sorte d’immunité, éventuellement couverte par le secret défense, s’est progressivement révélée si constante, si puissante, voire si risquée à dévoiler que j’en arrivais parfois à douter que je vivais dans une République digne de ce nom. Au profit de qui ? Oui, à qui profite l’évasion fiscale, en France ? A qui profitent les 590 milliards d’euros d’avoir placés à l’abri du fisc, en Suisse, au Luxembourg, à Singapour, dans les îles Caïmans et autres paradis fiscaux, et les au moins 30 milliards d’euros qui manquent, en conséquence, chaque année, aux finances publiques ? Au-delà même de ces « Français fortunés qui utilisent quelque 150 000 comptes non déclarés en Suisse selon le ministère de l’Economie et des Finances (…). »
« Ce sont les mêmes qui, pourtant, poursuit-il, ont vu aussi leur charge fiscale allégée de 77, 7 milliards d’euros entre 2000 et 2010, du fait de la réduction de l’impôt sur le revenu (selon le rapport d’information du député UMP Gilles Carrez du 30 juin 2010) pour les plus hautes tranches, l’évaporation de l’impôt sur la solidarité sur la fortune (environ 2 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances publiques en année pleine à partir de 2012), la mise en œuvre du fameux bouclier fiscal après 2007 (plus de 600 millions d’euros soustraits au fisc chaque année), la réduction des droits de succession et de donation (quelques 2, 3 milliards d’euros chaque année) ; Sur la base de calculs peu contestables, le journaliste Samuel Laurent a même estimé à 71 milliards d’euros les cadeaux fiscaux du quinquennat de Nicolas Sarkozy.»
Si l’on peut tout à fait juger comme Bruno Gollnisch qu’une fiscalité écrasante (confiscatoire), trop lourde, génère de nombreux effets pervers et s’avère au final contre-productive, comment ne pas être d’accord avec Antoine Peillon quand il relève, qu’au-delà même de la question du poids de l’imposition, «c’est surtout l’immunité judiciaire presque totale dont bénéficient les évadés fiscaux de haut vol qui pose la plus grave question.»
« Lors des G20 les appels rituels à la rigueur budgétaire, à la réduction de la dette et…à la liquidation des paradis fiscaux » sont de mise. « Mais chaque fois j’ai constaté que la diplomatie imposait, in fine, l’extension du tabou sur la finance fantôme.»
«Ainsi, à la veille du G 20 de Londres, par exemple, Jersey, Guernesey et l’île de Man disparaissaient, comme par enchantement, de la liste grise des territoires fiscalement « non coopératifs » établie par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; de même depuis 2010 (…) l’organisation internationale Tax Justice Network s’étonnaient que le Liechtenstein, le Luxembourg, la Suisse, l’Etat américain du Delaware ou la City de Londres ne figurent plus dans les listes noires ou grises de l’OCDE, alors que ce réseau d’associations indéniablement compétent en matière de paradis fiscaux considère toujours ces pays comme des centres offshore (entités juridiques créées dans un autre pays que celui où se déroule l’activité génératrice d’une richesse, afin d’optimiser la fiscalité ou la gestion financière de ces capitaux) toxiques ».
« De même, le Comité catholique contre la faim et le développement-Terre solidaire (CCFD) dénonce (…) l’impact humanitaire dramatique de l’évasion fiscale qui prive, selon cette association, les pays en voie de développement de 600 à 800 milliards d’euros, soit près de dix fois l’aide au développement octroyés par l’ensemble des pays riches »…
« La lecture du mémoire Gabriel Zucman m’a convaincu écrit encore Antoine Peillon, que la fraude et l’évasion fiscales sont un facteur majeur de la crise économique du monde ». « Il y était démontré, scientifiquement, que 8% de la richesse financière des ménages du monde entier sont détenus dans des paradis fiscaux (soit 6000 milliards d’euros en 2011)) et qu’ « un tiers de cette richesse mondiale manquante est géré en Suisse.»
Facteur majeur peut être, principal certainement pas. Mais cette enquête révèle au plus haut point les duplicités de ce monde de la finance internationale et mondialisée, qui au-delà des cas particuliers traités ici, constate le président de l’AEMN, asservit les peuples et les nations. Et ce sans que les partis euromondialistes au pouvoir ne combattent vraiment, et pour cause, ce Système qui les protège et les nourrit si bien…