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La « prémajorité », un excellent projet de diversion, par Philippe RANDA

La réflexion entreprise par madame la ministre de la Famille pour accorder de nouveaux droits aux grands adolescents, en créant un statut de « prémajorité » est assurément une idée d’importance et d’actualité, tout le monde en convient.
On ne sait trop le pourquoi de la chose… Certains songent à de basses considérations électorales : quand le président Giscard d’Estaing abaissa de 21 à 18 ans l’âge de la majorité, c’est ce qu’il espérait. Mais patatras ! Les jeunes avaient alors massivement portés leurs bulletins de vote sur son rival socialiste. Mauvaise pioche.
Aujourd’hui, que pourrait-il en être ?… Les sondages indiquent régulièrement une forte attirance des jeunes pour… le Front national, déjà du temps du père, encore plus nettement avec la fille à la tête du mouvement. Pari risqué, donc !
Non, sans doute n’est-ce pas tant à des calculs électoraux que madame la ministre songe en agitant une telle idée dont on hésite à la considérer parfaitement grotesque, sans intérêt… ou encore dangereuse pour les intéressés, comme le souligne le pédopsychiatre Christian Flavigny : « On est dans l’illusion que le respect des enfants, c’est de leur laisser la décision. Toutes ces idées dans le vent qui poussent à laisser les jeunes choisir – jusqu’à leur sexe ! – c’est en fait une démission de notre rôle d’adultes. »
Il est plus certain que Dominique Bertinotti, la ministre en question, voit dans ces « quatre groupes de travail dirigés par des experts » plutôt un excellent moyen de faire parler d’elle… Qui la connaissait auparavant, à part les habitants du 4e arrondissement parisien qui en avait fait un temps leur premier édile ?
Devenue ministre, il lui fallait se faire connaître, laisser une trace de son passage, un souvenir même fugace ou futile, à défaut d’être impérissable.
C’est le challenge des ministres de second rang, voire de troisième catégorie… Obtenir quelques articles et interviews quelques jours durant, ce n’est pas rien… Et puis, se prennent à rêver ces ministres-là, imaginons que, faute des résultats économiques ou sécuritaires promis, il faille détourner le courroux de l’Opinion publique mécontente ? Le gouvernement pourrait un jour décider de donner suite à un projet de diversion… et alors, ce serait le jour de gloire de Dame Bertinotti, la postérité assurée, un peu comme Christine Taubira avec sa loi sur le Mariage pour tous !
Dans le temps, on mariait bien à l’âge nubile de douze ans pour les filles et quatorze ans pour les garçons… alors, un projet de loi sur une pré-majorité à 16 ans, ça ou autre chose ! s’est-elle dit ou plutôt a-t-elle été conseillée.
Quant au projet en question… Pour Dame Bertinotti, il s’agit de « faire de l’adolescence une sorte d’apprentissage de la citoyenneté ». Excellent ça ! À un âge où les jeux vidéo obsèdent la plupart de nos chers boutonneux et boutonneuses, si ce n’est pour les plus déluré(e)s d’entre eux les jeux de la drague et plus si affinités…
« Aujourd’hui, les mineurs sont des objets de droits, ils doivent devenir des sujets de droits », surenchérit la Ministre. Belle formule. Qui ne veut rien dire, mais qui sonne bien… et qui ne lui attirera guère de remontées de bretelles.
Mais une proposition qui n’a aucun intérêt suscite, hélas, tout autant un manque d’intérêt ! C’est évidemment l’envers de la médaille ! Dominique Bertinotti n’est pas Manuel Valls. Les jeunes font moins polémiques que les Roms. À croire qu’ils donnent moins de soucis (!)… ou pas les mêmes !
D’ailleurs, s’ils auront le droit de déposer un bulletin de vote pour le candidat de leur choix (ou de celui qui aura fait le plus de buzz sur les réseaux sociaux), il n’est pas question un instant qu’ils soient « prémajeurs » devant les tribunaux.
« En tout cas “pas pour le moment” », précise Dame Bertinotti dont la hardiesse pour faire parler d’elle ne va tout de même pas jusqu’à courir le risque d’être clouée au pilori de la suspicion d’être répressive.
« Le tact dans l’audace, c’est de savoir jusqu’où aller trop loin », écrivait Jean Cocteau.
Avec madame la ministre, « le tact dans l’inutilité, c’est de savoir jusqu’où faire du buzz sans aller trop loin… »
Philippe Randa est écrivain, chroniqueur politique et éditeur (www.francephi.com).

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