Ivan Rioufol regrette, dans cette chronique, que la France ne puisse connaître un "shutdown" à l'américaine :
"Ainsi donc, le "shutdown" américain (la fermeture brutale de certains services administratifs), décidé mardi après le refus des Républicains de voter le budget 2014 et la réforme de l’assurance maladie de Barack Obama, serait une catastrophe pour les Etats-Unis. C’est du moins ce qu’assure le discours dominant, à l’exception du quotidien L’Opinion (qui titre ce mercredi : "Vivement un "shutdown" en France !"). Les mêmes perroquets y vont de leur condamnation du Tea Party, bête noire du bien-pensisme, qui aurait poussé la droite à se radicaliser. J’avoue, au contraire, trouver réjouissant que des parlementaires fassent leur travail, qui consiste à donner ou non leur aval au prélèvement de l’impôt. Et je ne vois pas ce qu’il y a de choquant qu’une partie de la société, à travers le Tea Party en l’occurrence, puisse donner son avis puisque ce sont aussi ces contribuables qui paieront la note. Je ne mésestime pas les problèmes d’organisation que pose cette interruption partielle, qui ne concerne néanmoins que des services marginaux. 800.000 fonctionnaires sont au chômage technique. Mais est-ce à l’Etat fédéral de prendre en charges ces missions annexes, qui pourraient peut-être être confiées à des services privés ?"
Et de se demander s'il faut espérer une grève de l'impôt en France :
"Cela pour dire qu’il est malheureusement inconcevable qu’un tel scénario se produise un jour en France, tant l’Etat est le pivot de notre civilisation. Malheureusement, car faute de vigilance extérieure, de pression de la société civile, d’efficaces contre-pouvoirs parlementaires, nous assistons à la pénible fuite en avant d’un gouvernement incapable, lui comme d'autres, de cesser d'engraisser l’Etat ventripotent et surendetté, qui s’achemine vers la possible banqueroute. Inutile de croire en la "détermination" de nos prétendus réformateurs ; ils n’ont jamais rien fait. Seul un électrochoc viendra à bout de l’endettement public. Or, faute de "shutdown", nous devons endurer l’assommoir fiscal et l’exode des talents. A moins que ne se décide une de ces rébellions des contribuables dont l’histoire à le secret. C’est ainsi que fut lancée, par exemple, la révolution de 1789. Actuellement, des appels à la grève de l’impôt s'élaborent sur le Net. Ils ont pour eux de répondre, légitimement, à des situations effectivement insupportables. J’en viens à espérer parfois une telle rupture, devant l’entêtement du pouvoir. Et vous, qu’en pensez-vous ?"
La référence à 1789 étant connue, voici deux autres précédents historiques (choisis parmi de nombreux autres) :
- Le cercle vicieux du recouvrement de l'impôt sous l'Empire romain : plus l'Empire s'affaiblissait, plus il devait augmenter les impôts et la répression pour les recouvrir, moins il était légitime, plus il courait à sa perte :
"Il ne resta alors aux contribuables que le choix de devenir des évadés fiscaux. Dès le IIIème siècle - et cela marqua le début de la chute de l’Empire romain - des agriculteurs révoltés par la dîme, et les autres impôts, quittèrent petit à petit leurs champs pour tenter leur chance ailleurs, le plus loin possible du pouvoir qu’ils fuyaient, c’est-à-dire à l’époque au bord du "limes", de la frontière séparant l’Empire romain des barbares. La furie fiscale de l’Empire romain transforma ainsi d’honnêtes agriculteurs en des "bagaudes", bandes de brigands, qui contrôlèrent jusqu’aux deux cinquièmes de la Gaule, et celle-ci fut d’autant plus aisément envahie par les Barbares… Ces bagaudes se rendirent d’ailleurs rapidement compte que la barbarie ne présentait pas que des inconvénients, puisque la fiscalité y était plus douce…
L’appétit fiscal du plus grand empire du monde, l’augmentation systématique des sanctions et des pouvoirs du fisc causèrent finalement l’effondrement d’un pouvoir qui fit disparaître les richesses en voulant les accaparer."
Article complet ici.
- Un exemple de grève de l'impôt réussie, quand, deux ans après la crise des inventaires, la région de Narbonne décide de se soustraire à l'impôt, par des pétitions ou "l'accueil" des précepteurs dans les villages :
"La grève de l'impôt pratiquée dans l'Aude en 1907, utilisée pour faire pression sur le gouvernement, se révèle plutôt réussie eu égard aux objectifs initiaux des protestataires. Du point de vue de son efficacité politique, ce mouvement de désobéissance fiscale a permis aux vignerons d'obtenir des dégrèvements d'impôts substantiels et le vote d'une loi censée les protéger contre les fraudeurs."
Extrait de "Les Batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours", de Nicolas Delalande, dont vous trouverez des extraits plus longs ici et le résumé ici.