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De la police au pré-carré africain, l’incontournable maçonnerie

Les francs-maçons restent très influents dans la police. Quelque trente-cinq frères ont été ministres de l’Intérieur depuis la Révolution française de Lucien Bonaparte (1799-1800) à Pierre Joxe (1984-1986 et 1988-1991) en passant par Léon Gambetta (1870). On estimait en 2006 que 20% environ des commissaires étaient maçons, par tradition républicaine, mais aussi par nécessité de carrière. Un ancien Grand Maître du GODF, Fred Zeller, a raconté sa surprise : « J’ai un jour présidé la fraternelle des policiers maçons et j’ai ainsi appris, par les interventions des uns et des autres, que tous les services officiels étaient systématiquement noyautés. » C’était dans les années 1970, mais trente ans plus tard, tout ministre de l’Intérieur doit en tenir compte : en 2006, le chef de cabinet de Nicolas Sarkozy, Laurent Solly, et son directeur de cabinet, Claude Guéant, étaient membres du GODF. Parmi ses conseillers, il avait également pris soin de recruter l’ancien responsable de la fraternelle de la Place Beauvau, membre de la GLNF. Pour tenir la police, on a toujours besoin de maçons autour de soi... 

     Autres ministères dont le titulaire est la plupart du temps un frère : la Coopération et les DOM-TOM. Historiquement, la maçonnerie a toujours été très implantée dans les colonies ou ex-colonies, notamment africaines. Le nom d’origine de la GLNF, fondée en 1913, est un programme à lui tout seul : « Grande Loge indépendante et régulière pour la France et les colonies ». Au sein de l’ancien Empire français, les loges ont longtemps servi à mettre de l’huile dans les rouages et un peu d’ordre dans l’imbroglio ethnique, à faire émerger « des élites nouvelles » au service de la métropole. Des maçons furent ainsi les premiers artisans d’une « indépendance » très contrôlée, tissant des liens avec les nouveaux régimes. Quelques décennies plus tard, si le cordon ombilical a été officiellement coupé avec la France coloniale, le cordon maçonnique demeure plus solide que jamais. Idriss Déby au Tchad, Blaise Campaoré au Burkina Faso, Omar Bongo au Gabon, Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, Paul Biya au Cameroun, Hassan II au Maroc... Tous ont été initiés à la GLNF, l’obédience la plus attachée aux potentats africains. En 1999, six mois après son coup d’Etat en Côte-Ivoire, le général Robert Gueï se voyait remettre son tablier... 

     Le premier et le plus ancien de ces frères-présidents est Omar Bongo, inamovible président-dictateur de la République gabonaise depuis...1967. La GNLF ne s’est pas contentée de l’initier dans les années 1980, elle l’a aidé à monter sa propre obédience, la Grande Loge du Gabon, afin de rester maître chez lui. Plus tard, au Congo, Sassou Nguesso créera également sa propre Grande Loge de Brazzaville, dont il sera immédiatement désigné Grand Maître. Les dictateurs n’envisagent pour eux-mêmes qu’un seul grade maçonnique : le plus élevé. A chaque cérémonie d’intronisation, la GLNF dépêche ses plus hauts spécialistes de l’Afrique et du bâtiment : des dirigeants du groupe Bouygues, d’anciens policiers ou militaires reconvertis dans les affaires
      Les dessous pétroliers n’arrangent guère le tableau. Pour séduire le Gabon et le Congo, riches en or noir, le groupe Elf, fondé par le frère Pierre Guillaumat, leur a longtemps dépêché d’éminents maçons : l’inamovible André Tarallo et l’inénarrable Alfred Sirven. Tous deux ont finalement été condamnés à l’issue du procès fleuve visant le réseau qu’ils avaient monté pour décrocher des contrats pétroliers en Afrique, en Amérique latine et en Europe de l’Est. 
     Rien de tel que la franc-maçonnerie – du moins sous cette forme dévoyée – pour synthétiser diplomatie, barbouzerie et business, toujours imbriqués en matière de relations franco-africaines. Elle permet aussi, dans les Etats presque sans droit, sans frontières respectées ni institutions légitimes, d’apporter un semblant de cohérence aux hiérarchies parallèles. Elle n’empêche pas les guerres civiles, loin de là. En 1998, au Congo-Brazzaville, un terrible bain de sang a opposé les milices de Pascal Lissouba, affilié au GODF, et de Denis Sassou Nguesso, affilié à la GNLF. Cobras contre Ninjas, GODG contre GNLF, terrible résumé. « Alors que les cadavres emplissaient les rues, tout le monde se réunissait au Gabon voisin comme si de rien n’était », témoigne un maçon horrifié. Depuis Paris, des frères de bonne volonté tentent de mettre un terme aux massacres. En vain. Ils avaient connu davantage de réussite en 1989, lorsque le gouvernement de Michel Rocard avait missionné des francs-maçons, le préfet Christian Blanc et l’ancien Grand Maître du GODF Roger Leray, accompagnés pour faire bonne mesure par un prêtre et un pasteur, afin de réconcilier indépendantistes kanak et irrédentistes caldoches. Mais c’était un territoire français d’Outre-Mer, pas l’Afrique. 
     En France, nombre de francs-maçons s’indignent de cet honneur fait à des potentats africains, le comble étant atteint lors du 90e anniversaire de la GLNF, en 2003 à Nice, lorsque les frères Bongo et Sassou furent invités en grande pompe. Sous la Ve République, on a les présidents maçons que l’on peut... Deux ans plus tard, le centenaire de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, sûrement la plus maçonnique des lois jamais adoptées (1905) par le Parlement français, sera célébré dans la discrétion...

Renaud Lecadre, Histoire secrète de la 5ème République

http://www.oragesdacier.info/2014/01/de-la-police-au-pre-carre-africain.html

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