Manuel Valls a tout fait pour passer en force son pacte de stabilité. Il a tout fait pour que la grogne de la gauche de la gauche de son propre parti ne se transforme en vote négatif ou en abstention. C’est un revers. Son premier revers politique.
41députés socialistes se sont abstenus. Il en espérait moins de 30. Les écologistes, majoritairement, ont voté contre comme l’opposition, à deux exceptions près les centristes se retrouvant dans l’abstention. Le texte présenté imprudemment, par Manuel Valls, comme fondamental du redressement et du quinquennat n’a été adopté que par une majorité relative. Valls, à peine désigné, en ressort déjà affaibli.
Ce mardi, l’Assemblée nationale a donc adopté le plan d’économies de 50 Mds d’euros, par 265 voix pour, 232 contre et 67 abstentions. Le nombre relativement important d’abstentionnistes au sein du Parti socialiste laisse prévoir de futurs débats difficiles. « Il y a une fissure dans la majorité », a constaté le chef de file de l’UMP Christian Jacob. « Trop d’abstentions mais clairement une majorité de gauche », a relativisé de son côté le patron du groupe PS, Bruno Le Roux. La majorité absolue à l’Assemblée se situe à 289. Avec 265 votes favorables, on en est loin et il y a 291 députés socialistes.
Valls a donc un gouvernement qui sera toujours sur le fil et devra faire des concessions un coup aux centristes, un coup aux écologistes, un coup à la gauche du parti socialiste. Il a obtenu la majorité relative, ce qui est pour lui le pire vote possible car il n’est plus vraiment maitre du jeu. Notre république redevient une république parlementaire, c’est tout l’exécutif qui est affaibli et cela touche le président.
Valls, ça ne marche pas…. Pas comme on l’espérait en tout cas. Le premier ministre a tout fait pour éviter ce vote de défiance. Il a fait des concessions, il a plaidé, il a tempêté… en vain. Valls a, semble-t-il, sous-estimé la haine que sa personne suscite à gauche. Le gouvernement sera encore plus fragile après les européennes. Le seul atout de Valls, c’est que les députés socialistes ou écologistes n’aient aucune envie de se retrouver devant leurs électeurs et donc ils éviteront sans doute de pousser le président à la dissolution. Mais rien n’est sûr.
Le PS « social-démocrate » vers une nouvelle majorité
Ce qui est évident maintenant c’est qu’il y a aujourd’hui deux PS. Un social démocrate ou social libéral et un, socialiste maintenu, comme le fut un temps le Psu de Michel Rocard (un premier ministre qui connut aussi une majorité relative et en souffrit beaucoup). Le PS qui suit Valls est en passe de constituer une nouvelle majorité avec comme force d’appoint les centristes et des écologistes. Mais les centristes dépendent, pour leurs sièges de députés, du vote de la droite (ce n’est pas Bayrou qui dira le contraire) et les écolos souvent de celui de la gauche du Ps et de la gauche de la gauche.
On avait prévu un éclatement de l’UMP entre modérés et droitiers, ce qui est toujours d’actualité, mais il y eut de fait un éclatement, lors du vote de mardi, au sein de la gauche et au sein du PS. C’est pourquoi Hollande ne voulait pas de Manuel Valls et qu’il a tenté de trouver une autre solution jusqu’au dernier moment. On lui a imposé, faute d’alternative, un homme qui a du caractère mais qui n’est pas un homme de consensus. Il vient de connaitre sa première fracture.
Aujourd’hui, le premier ministre n’a plus de majorité stable…. Ce n’est pas de bon augure pour l’avenir d’un gouvernement qui se voulait avant tout fort et dominant. Il a péché par orgueil en transformant un simple vote de confirmation d’un plan déjà présenté lors de l’investiture, en vote de confiance renouvelée. Il a mis la barre trop haute, forte de sa certitude de convaincre. Il devra la jouer plus modeste… mais le peut-il ? Et puis il n’a pas été mis à Matignon pour ça. Ou ça passe ou ça casse…. Ça n’a pas cassé mais ça n’a pas vraiment passé.
Raoul Fougax
Source : Metamag.