Avec les purs opportunistes, et notre Premier ministre en fournit un exemple assez remarquable, on doit s'attendre à presque tout. Ils peuvent parfois accomplir le bien, éventuellement le comprendre. Ne doutons jamais de leur capacité à adopter le pire. Mais si le vent tourne contre leurs tendances supposées, si l'opinion profonde appelle des solutions salutaires, si les pressions les plus fortes s'exercent dans un sens raisonnable, on les voit parader du bon côté. Ils se mettent avantageusement en avant selon le conseil bien connu, reçu de Cocteau : "puisque ces événements nous dépassent feignons d'en être les organisateurs".
Or, ces nouvelles recrues peuvent faire plus de mal que de bien à l'idée qu'ils viennent de rallier et qu'en général ils feignent, pour quelques temps, de défendre.
Le supposé socialiste Valls vient donc de découvrir l'effet Laffer. Il en proclame donc une formulation désuète. Elle donna plus ou moins à sourire voici presque 20 ans. On se souvient en effet que Chirac la reprit à l'envi pendant la campagne présidentielle de 1995, entre deux publicités gratuites pour la consommation des pommes. Le candidat trompait alors son monde. Dépourvu de convictions, il n'y croyait pas, non plus probablement que l'actuel chef du gouvernement : "trop d'impôt tue l'impôt".Cette évidence devrait être en effet comprise par tout le monde.
Ayant moi-même consacré un petit livre au sujet de la nécessaire Libération fiscale, écrit en 2011-2012, je n'ai pas l'impression d'avoir grand chose à apprendre, sur ce terrain. (1)⇓ Nos hommes politiques se révèlent par nature les piliers professionnels du parti dépensier. On ne leur devinera qu'un rôle de baromètres. Ce ne sont pas les girouettes qui tournent, mais le vent. Ils indiquent la mode. Notre livre n'avait intéressé que quelques centaines de lecteurs et de spécialistes avertis. Notre protestation jusqu'ici demeurait confidentielle. Elle valait aux adversaires du Tout Fiscalisme à la française, un étiquetage éliminatoire. Car le qualificatif ultra-libéral semble plus encombrant encore que celui de fasciste.
Mais désormais notre constat devient référence à condition d'être recyclé par ceux qui n'y croient guère et n'y connaissent pas plus.
Retenons une idée troublante avancée par notre Catalan préféré. Elle suppose, de sa part comme chez ses conseillers, une méconnaissance abyssale de la question quand il suggère que l'on pourrait, que l'on devrait "faire sortir de l'impôt sur le revenu" les 650 000 foyers qui y sont récemment rentrés par le seul mécanisme de la non réévaluation des tranches. (2)⇓
Deux points essentiels nous paraissaient en effet, dès 2011, devoir être soulignés :
- d'une part le fait que "tout le monde en France" paye trop d'impôts, et pas seulement "les riches". C'est par cela que commence mon propos. Ceux qui croient échapper à l'impôt parce qu'ils ne payent pas l'IR sur leurs modestes gains, en supportent du matin au soir, grâce à la TVA, la CSG, ils contribuent aussi au financement de la sécurité sociale monopoliste par les cotisations prélevées d'autorité sur leurs feuilles de paye, etc.
- d'autre part, si l'on examine les pistes possibles pour faire baisser la dépense publique, condition essentielle pour réduire la pression fiscale, elles passent toutes par le développement d'un courant d'opinion véritable et puissant.
Dans de telles conditions la diminution du nombre de Français supportant l'impôt sur le revenu apparaît comme le pire des retours en arrière. Diminuons le poids d'ensemble des impôts, oui. Mais élargissons celui-là, même de façon symbolique à tous les citoyens, voilà qui me semble plus nécessaire encore. Tant que l'impôt sera présenté comme le problème des seuls supposés riches, difficile de croire que l'électorat prendra majoritairement conscience de la nécessité de l'alléger.
JG Malliarakis
Apostilles
1) cf. "L'épouse de Schröder perd des primaires en Allemagne""in "Le Figaro" en ligne 31 janvier 2012.
2) cf. Journal télévisé de TF1, où il s'était invité le 11 mai.
http://www.insolent.fr/2014/05/lerreur-fiscale-du-citoyen-valls.html