John Pilger, journaliste australien, ancien correspondant de guerre en Afrique et en Asie, est aussi scénariste et réalisateur. L’un de ses premiers films, Year Zero, a attiré l’attention de la communauté internationale sur les violations des droits de l’homme commises par les Kmers rouges.
♦ « Il ne suffit pas pour les journalistes de se considérer comme de simples messagers sans comprendre les intentions cachées du message et les mythes qui l’entourent » John Pilger.
John Pilger dénonce l’autocensure, la déformation et la servilité des médias et, plus spécialement des journaux, au Pouvoir.
Polémia
Pourquoi tant de journaux ont-ils succombé à la propagande ? Pourquoi la censure et les déformations sont-elles de pratique courante ? Pourquoi la BBC se fait-elle si souvent le porte-parole d’un pouvoir rapace ? Pourquoi le New York Times et le Washington Post trompent-ils leurs lecteurs ?
Pourquoi n’enseigne-t-on pas aux jeunes journalistes à comprendre les préoccupations des médias et à contester les hautes prétentions et les basses intentions de leur fausse objectivité ? Et pourquoi ne leur enseigne-t-on pas que la substance d’une grande part de ce qu’on appelle les médias mainstream n’est pas l’information, mais le pouvoir ?
Ces questions sont urgentes. Le monde fait face à un risque majeur de guerre, peut-être une guerre nucléaire – avec les Etats-Unis clairement résolus à isoler et à provoquer la Russie et finalement la Chine. Cette vérité est travestie dans tous les sens par les journalistes, y compris par ceux qui se sont faits les chantres des mensonges qui ont mené au bain de sang irakien de 2003.
La propagande, c’est le gouvernement.
Les temps que nous vivons sont si dangereux et si déformés dans la perception qu’en a le peuple que la propagande n’est plus, comme l’appelait Edward Bernays, un « gouvernement invisible ». Elle est le gouvernement. Elle règne directement sans craindre la contradiction et son principal objectif c’est de nous conquérir : notre vision du monde, notre capacité à séparer la vérité des mensonges.
L’ère de l’information est en réalité une ère des médias. C’est par les médias qu’on a la guerre ; par les médias la censure ; par les médias la démonologie ; par les médias les châtiments ; par les médias les diversions – une chaîne de montage surréaliste de clichés de soumission et d’hypothèses erronées.
Cette capacité à forger une nouvelle « réalité » se construit depuis longtemps. Il y a quarante-cinq ans, un livre intitulé The Greening of America [Le Verdissement de l’Amérique] avait fait sensation. Sur la couverture on pouvait lire ces mots : « Une révolution arrive. Elle ne ressemblera pas aux révolutions du passé. Elle émergera de l’individu. »
J’étais correspondant aux Etats-Unis à l’époque et je me souviens de l’accession instantanée au rang de gourou de son auteur, un jeune universitaire de Yale, Charles Reich. Son message c’était que la vérité et l’action politique avaient échoué, et que seules la « culture » et l’introspection pourraient changer le monde.