Dans les quartiers nord de Marseille, marqués par le chômage massif et la violence, une initiative pourrait bien améliorer un peu la vie des habitants. La cité de Font-Vert, enclavée géographiquement et sinistrée socialement, expérimente des jardins en pied d’immeubles, cultivés par les habitants. Une initiative qui recrée du lien, retisse des solidarités, génère des économies et permet de récupérer des espaces publics jusque-là abandonnés à la violence des trafiquants et aux représailles de la police. Reportage.
Les cris d’alerte des guetteurs résonnent entre les barres d’immeubles, signe qu’une patrouille de police approche de la cité. Max et Fathi s’en moquent. Les affres du trafic de drogue ne viendront pas troubler leur convivial barbecue. Au pied de la « zone K », un ensemble d’immeubles d’une dizaine d’étages de la cité de Font-Vert à Marseille, ils se sont constitués leur « petit coin de paradis », un « maquis de la résistance » pour combattre la désespérance sociale, l’isolement de la cité, la violence des trafiquants et des descentes de police.
Ce « petit coin de paradis » est un jardin potager, tout en longueur, bordant la ligne TGV. Quand il ne conduit pas, en tant qu’intérimaire, un engin sur l’un des nombreux chantiers de la cité phocéenne, Max en prend soin, chaque jour à 5 h du matin, le midi et le soir. Un jardin officieux au début, jusqu’à ce que l’initiative essaime tout autour de la cité. Au pied de la zone K, une quarantaine de parcelles sont désormais cultivées par les habitants et commencent à leur changer la vie.
La cité de Font-Vert est l’une des plus enclavées des quartiers nord de Marseille. À l’Ouest, l’infranchissable ligne à grande vitesse menant à la gare Saint-Charles. À l’Est, celle des trains régionaux, puis une caserne de CRS. Au Nord, un fleuve de voitures coule sur la quatre-voies actuellement en rénovation. « Quand on dit Font-Vert, on ne pense pas aux jardins », soupire Max. La zone est davantage connue pour être l’un des hauts lieux du trafic de drogue. « Narco-banditisme », « règlements de compte », « zone de non droit », énumère la presse au fil des faits divers, avec leur lot de meurtres, d’exécutions à la kalachnikov et de saisies de stupéfiants.