En France, la pauvreté de masse devient un phénomène structurel. Emmanuel Macron, à l’instar de ses prédécesseurs, lance donc un énième plan sur le sujet.
Ainsi, la population française compterait 14 % de pauvres, à en croire les chiffres. Ce qui nous mettrait dans la moyenne européenne, toujours selon les mêmes chiffres. ATD Quart Monde, ici porte-parole de ce qu’il est convenu de nommer le « monde associatif », prévient : « Sans des moyens financiers à la hauteur, cette concertation débouchera sur des vœux pieux ou sur des actions à faible portée dont les plus pauvres ne bénéficieront pas. »
Mais les chiffres ne sont pas tout et, comme à l’accoutumée, ce n’est que d’argent qu’on parle. Pas de celui que les pauvres n’ont pas, mais de celui qu’il faudrait dépenser pour qu’ils le soient moins. Un peu comme les syndicats de l’Éducation nationale qui, devant la dégringolade du niveau scolaire, assurent qu’il ne s’agit que d’une question de « moyens ».
Il est à mettre au crédit d’Emmanuel Macron d’aborder la question d’un peu plus haut : « Il nous faut investir socialement pour que les enfants qui sont pauvres, parce qu’ils sont dans des familles pauvres, ne soient pas les pauvres de demain, et éviter les facteurs de reproduction. »
Tout cela passe, évidemment, par l’Éducation nationale plus haut évoquée, mais dont la préoccupation du moment semble plutôt être l’écriture inclusive, la théorie du genre, l’apprentissage sur tablettes et autres tartes aux chardons. Pourtant, l’illettrisme est un éminent facteur de pauvreté, puisque fermant la porte à la quasi-majorité des emplois, même les plus modestes. Cette réflexion semble connaître le début du commencement d’une ébauche d’éventuelle mise en œuvre. Il était temps.
Mieux, voilà qui soulagerait les finances de l’État et, par la même, celles du contribuable : un cahier et un crayon, une ardoise et une craie, un manuel de français et un autre d’arithmétique coûteront fatalement moins cher que tous les coûteux bidules informatiques à la mode. À propos de mode, le retour de l’uniforme à l’école – tel que cela se pratique en Martinique – ferait mieux que d’aider à y rétablir l’ordre, il soulagerait le budget de nombre de familles modestes : ce ne sont pas les plus riches qui se ruinent en fringues de marque…
Paradoxalement, nos actuels dirigeants, forts de leur seule vision économique de la politique, semblent ignorer ce que leur politique et la pauvreté structurelle qui en découle doivent à cette même vision économique. En d’autres termes, ils pleurent les effets dont ils chérissent les causes. En effet, combien de nos compatriotes perdent leurs emplois à cause de frontières ouvertes aux quatre vents, de concurrence déloyale et de dumping social. Le néolibéralisme a un coût et ce sont les travailleurs pauvres qui s’en acquittent le plus souvent. Pas eux…
Mais il y a encore une autre forme de pauvreté qui n’est pas ici évoquée, la perte d’un trésor inchiffrable, lui : celui de l’appartenance à une société et un destin communs. Comme si, exclus du monde du travail, les pauvres, confrontés à une immigration de masse – dont le moins qu’on puisse prétendre est qu’elle ne soit pas tous les jours une chance pour la France -, étaient de plus condamnés à se trouver exclus de leur propre pays. Une autre forme de double peine, en quelque sorte.
Dans « la France qui gagne » et qui l’a élu, on peut se permettre de promouvoir la culture gadget destinée à épater un bourgeois blasé depuis belle lurette, parce que de la culture « classique », on possède les fondamentaux. On peut se toquer de familles recomposées et autres fantaisies, c’est si plaisant dans ces films « choraux » se déroulant dans les beaux quartiers de Paris. Mais quid de ceux dont les mariages finissent par voler en éclats, trop-plein de misère et de frigos vides obligent ? Eux dont on raille le manque d’ouverture à l’autre, alors que les seuls problèmes d’immigration connus par certains se limitent au personnel de maison marocain qu’il faut sans cesse houspiller.
Ces pauvres, de plus en plus nombreux, ce n’est pas que de l’argent qu’ils demandent, mais aussi la dignité retrouvée. Ils ne sont peut-être pas citoyens du monde, et alors ? Ils veulent simplement se sentir un peu chez eux, en France. Ces choses-là n’ont pas de prix.