Divers signes récents montrent que la question migratoire est devenue le sujet primordial dans le monde, et plus particulièrement en Europe.
Ainsi, en France, un journal en ligne ultracapitaliste (Contrepoints) ouvre ses colonnes aux No Borders. Aux États-Unis, les médias publient la photo d’un enfant séparé de sa famille à la frontière mexicaine, imputant cette férocité à Donald Trump alors que la photo, ancienne, date de la politique d’Obama. À Ouistreham, des rues sont fermées par des grillages pour protéger les habitants de migrants organisés en bandes. En Italie, un écrivain éditorialiste attaque avec une violence inouïe le vice-président du Conseil, Matteo Salvini : Roberto Saviano, journaliste auteur d’un livre sur la mafia, qui combat la politique migratoire du gouvernement italien, a tweeté, mardi, après la découverte des corps d’une femme et d’un enfant morts en mer : « Quel plaisir cela vous donne-t-il de voir mourir des enfants innocents en mer ? Matteo Salvini, ministre de la Mala Vita,[la mafia] la haine que vous avez semée vous renversera », comme légende des photos des cadavres. M. Salvini a décidé de porter cette atteinte à l’honneur devant les tribunaux. Roberto Saviano a rétorqué : « Salvini sera appelé à dire la vérité, une expérience nouvelle pour lui. » Quant à Mme Merkel, sa vie politique ne tient plus qu’à un fil, après ses décisions irréfléchies d’admettre brusquement plus d’un million de migrants dans son pays.
Enfin, le conflit entre la Commission et l’Italie vient de connaître un nouvel épisode. Peu savent que Bruxelles a mis en place une opération navale en Méditerranée (EUNAVFOR Med), reconduite en janvier jusqu’à fin 2018. Cette opération militaire européenne, aussi appelée « Sophia », a pour but de démanteler les réseaux de trafic de migrants et de traite d’êtres humains qui prospèrent entre Libye et Italie. Mission initiale à laquelle se sont ajoutés la formation-surveillance des gardes-côtes libyens et l’appui à l’embargo des Nations unies sur les armes, dont le trafic est intense dans la zone. Mais la Marine italienne, qui supporte l’essentiel des opérations en mer, ne bénéficie guère de l’aide des autres flottes. Oreste Foppiani (conseiller de l’opération EUNAVFOR) estime qu’il faudrait « une réponse globale […] intégrer l’Union africaine […] D’ici à 2040, les désastres environnementaux vont causer le déplacement de plus de 200 millions de personnes […] il faut ajouter la pression démographique africaine, avec 2,5 milliards d’habitants dans les prochaines décennies. »
Or, soutenu par la majorité de l’opinion, le gouvernement italien vient, ce 20 juillet, de conditionner le débarquement des migrants sauvés en Méditerranée par les navires de l’opération navale à un partage de la prise en charge par les autres États. Le ministre des Affaires étrangères Enzo Milanesi, dans un courrier au chef de la diplomatie bruxelloise, Mme Mogherini, a demandé la révision du mandat de l’opération Sophia, et le président du Conseil italien Giuseppe Conte a informé le président de la Commission Jean-Claude Juncker des conditions imposées pour le débarquement, en Italie, des migrants sauvés en mer.
Lors du dernier sommet européen, fin juin, à Bruxelles, les 27 avaient réfléchi à des « plates-formes régionales de débarquement » dans des pays tiers pour les migrants secourus dans les eaux internationales. L’Égypte, la Tunisie et le Maroc ont refusé. Les renvois en Libye sont impossibles, la Cour européenne des droits de l’homme ne considérant pas ses ports comme « sûrs » au plan des droits de l’homme. Les dirigeants de l’Union européenne ont également évoqué la création de « centres contrôlés » sur le territoire de l’Union européenne pour y transférer les personnes recueillies en mer, mais « uniquement sur une base volontaire » des États, surveillés par les opinions publiques.
Un huis clos dramatique commence. L’issue sera très brutale.