Même le journal Libération a été forcé de le reconnaître, sûrement la mort dans l’âme : le très vertueux Clément Viktorovitch a laissé paraître un défaut à sa cuirasse étincelante ! Panique à bord chez les disciples de la religion du vivre ensemble : leur porte-étendard favori a dit un mensonge, sur le plateau de l’émission « Punchline » de CNews. De surcroît, sur un sujet qu’il affectionne tout particulièrement : les chiffres de l’immigration, qu’il brandit et manipule toujours avec l’exaltation de celui qui, seul, croit détenir la vérité.
C’était le 20 septembre dernier, face à Charlotte d’Ornellas – qu’il se vantait pourtant d’avoir mouchée sur Twitter quelques heures après sa passe d’armes, ce qui lui avait valu les louanges de l’intelligentsia parisienne : « Bizarrement, les débats sur “l’immigration massive” changent de tonalité quand on commence à déconstruire les “fake news” et à demander des chiffres précis… »Seulement voilà, pris à son propre jeu, le jeune chroniqueur a fait preuve d’une très grande désinvolture à l’endroit de ces mêmes chiffres censés disqualifier Charlotte d’Ornellas, en affirmant qu’un tiers des entrées légales sur le sol français concernait les étudiants Erasmus, originaires des pays membres de l’Union européenne. Jean-Yves Le Gallou est monté au créneau sur TV Libertés en pointant les mystifications et les errements de Clément Viktorovitch concernant les chiffres réels de l’immigration légale. Et Libération a dû donner raison à Jean-Yves Le Gallou : « Seuls les ressortissants de pays tiers (extra-européens) sont concernés par les titres étudiants. » En substance, ces 80.000 étudiants (c’est leur nombre) ne sont pas des Erasmus (qui, eux, n’ont pas besoin de titre de séjour puisque appartenant à l’Union européenne), mais des jeunes gens en provenance du reste du monde…
Nous voilà donc rassurés : Clément Viktorovitch n’est pas un archange descendu d’un ciel afin de sabrer la foule des affabulateurs terrestres. Bien que pleine de précautions oratoires et d’affectation chevrotante, sa parole n’est pas d’évangile. N’en déplaise au parterre de ses fidèles et aux partisans du sans-frontiérisme, le vicaire à la voix doucereuse peut, lui aussi, commettre une bévue – ou dire un gros mensonge. Lui qui semblait très désireux de se bâtir une iconographie immaculée, vouant un culte à la pure argumentation et à la précision des chiffres, voilà qu’il s’est emmêlé les pinceaux dans son entreprise préférée : parer la Vertu des couleurs de la Vérité. Hélas, le vernis a craqué.
Dorénavant, gageons que notre père la morale mettra un peu d’eau dans son venin lorsqu’il prendra la parole sur les plateaux de télévision. On ne peut pas toujours avoir raison sur tout. Même quand on enseigne la sophistique – pardon, la rhétorique ! – à Sciences Po Paris.