Ayant travaillé pendant plusieurs années sur la question des retraites, votre serviteur avoue ne pas croire possible d'envisager leur réforme d'ensemble sur les différents schémas, tous monopolistes sur lesquels s'exprime notre classe politico-médiatique.
Sans trop s'attarder à la genèse historique de la situation actuelle, rappelons quand même qu'en France, la retraite des vieux travailleurs figurait au nombre des promesses du Front populaire de 1936. Le gouvernement [sublime] présidé par Léon Blum après la victoire de cette coalition, se révéla incapable de la mettre en œuvre. Mais les technocrates qui l'entouraient alors étaient demeurés dans les allées de la haute administration et s'employèrent à la réaliser dans les circonstances dramatiques de 1941. Pour cela, compte tenu d'un environnement économique bien particulier, ils siphonnèrent les réserves des compagnies d'assurances de droit privé qui pratiquaient la capitalisation et instituèrent la répartition.
Dans l'après-guerre cette situation fut prolongée, de non-réforme en non-réforme, et l'État, c'est-à-dire aujourd'hui ce que l'on appelle "Bercy", a renforcé son monopole sur le pilotage de ce qu'on appelle les "régimes" de pensions.
À cet égard, après une timide tentative du gouvernement Balladur en 1993-1994, ce fut bien le plan Juppé de 1995-1997 qui alla le plus loin dans l'étatisation et la tutelle du ministère des Finances. Or, depuis cette date, la plupart des soi-disant experts et gestionnaires des caisses, des régimes, des conseils d'orientation, et jusqu'au chef de l'État lui-même, parlent et administrent des institutions d'assurance vieillesse dont ils ne supportent pas les cotisations, pas plus qu'ils ne s'apprêtent à en recevoir un jour les prestations.
Demandez donc à vos interlocuteurs à quel "régime" ils appartiennent. Ce n'est pas un outrage puisqu'ils pratiquent selon une expression qu'ils affectionnent, une "pédagogie". D'où parles-tu citoyen ?
Or, il existe en France, non pas 42 "régimes", ce mot ne veut rien dire, mais quatre (4) classes bien distinctes, "d'assujettis", c'est le mot que la république emploie très officiellement. Ces citoyens sont affilés de force à des caisses monopolistes, des taux de cotisations et des espérances de pensions de type très différents, mais entre lesquels personne en France n'a le droit de choisir.
La principale catégorie est composée des salariés du secteur privé. C'est au nom de ceux-ci que sont supposés parler les syndicats. Certes, ils représentent moins de 10 % des salariés. Mais, divisés en 7 ou 8 organisations rivales, ils ne semblent très majoritairement, pas disposés à remettre en cause la Répartition, désirant surtout le maintien du "droit" à un âge de départ le plus bas possible, en contradiction avec les données démographiques.
À noter qu'aujourd'hui parmi eux les organisations, jugées représentatives des cadres, après avoir si longtemps cru aux retraites dites complémentaires du système, se sont alignées sur les autres.
Seconde catégorie : celle des fonctionnaires, certes répartis eux-mêmes selon différents statuts, mais que l’on a agglomérées depuis le passage du communiste Anicet Le Pors dans le gouvernement Mauroy. On entend beaucoup de critiques sur leurs avantages mais, outre le fait qu'ils servent l'État dans des conditions qu'ils considèrent comme contractuelles, ils se sentent encore en mesure de le paralyser. Or, on doit bien mesurer que cet employeur s'est engagé sur les pensions que le Trésor public leur versera[1], après leur cessation d'activité, mais que cela n'est pas comptabilisé dans les dettes de la France au sens des accords de Maastricht. Toute transformation projetée mérite d'être évaluée à cette aune.
Troisième catégorie : celle dite des régimes spéciaux, avantages corporatifs principalement des éléctriciens-gaziers et des cheminots encore sous statut. Solder leurs privilèges coûterait sans doute moins cher que l'on croit mais a fait reculer très longtemps les pouvoirs publics, car ils ont affaire à la CGT.
Quatrième catégorie enfin, celle des indépendants, de tous statuts. Tout le monde s'en moque sauf quand les politiciens et les journalistes découvrent qu'il existe encore en France des exploitants agricoles, dont ils dressent un éloge purement métaphorique, etc.
Or la réforme des systèmes de cotisations/et pensions de ces quatre catégories, elles-mêmes subdivisées en sous-ensembles distincts, n'obéit à aucune logique commune.
La seule "réforme" d'ensemble possible consisterait à ouvrir un maximum de libre choix, à encourager l'épargne et à respecter les droits de propriété.
Sauf erreur, dont l'auteur de ces lignes se féliciterait volontiers, personne n'intervient dans ce sens au sein des structures du prétendu débat actuel. Nos technocrates prétendent résoudre de façon contraignante le problème de la quadrature du cercle. Ils n'y parviendront pas.
JG Malliarakis