J'assume le caractère familier de ce titre parce qu'il reflète bien le sentiment que j'éprouve. Et il autorise un kaléidoscope irrigué chaque jour de manière contrastée. Et il se balade : favori sans outsider !
Une approche superficielle de la réalité, de la politique sanitaire mise en oeuvre contre le fléau du coronavirus, de ses lacunes, de ses manques, la volonté d'établir les responsabilités et les culpabilités non seulement d'aujourd'hui mais en amont, quand François Hollande était président et Emmanuel Macron un personnage important de ce socialisme nuisible quoique à l'eau tiède, pourraient laisser croire à un futur catastrophique pour notre président de la République.
Pourtant, à le lire, à l'écouter, je ne peux m'empêcher de penser qu'il est, comme on dit, "trop fort" et qu'en effet, malgré les apparences contraires, il se balade dans ce monde menaçant mais qui étrangement lui garantit une sorte d'immunité.
Il est vrai qu'on lui facilite considérablement la mission de sa sauvegarde démocratique en 2022.
Entre l'extrémisme d'un Rassemblement national qui perdra toute chance de convaincre parce que l'outrance ne se substitue pas aisément à la compétence (il ne suffit pas, comme Jean-Yves Le Gallou, d'enjoindre que "Macron doit partir"(Bd Voltaire) pour être plausible) et les inconditionnels soutiens de LREM, je m'interroge. Aujourd'hui, qui peut sérieusement mettre en péril la réélection d'Emmanuel Macron ?
Si on veut bien aller au-delà du profond ressentiment d'une partie du peuple français, de l'hostilité distinguée d'élites qui l'ont porté aux nues en 2017 puis critiqué ensuite, de la détestation inlassable, même quand le président a fait quelque chose de bien, de certains médias, largement compensée par d'autres encore sous le charme, je ne vois personne qui, à l'heure actuelle, soit susceptible de lui faire perdre sa certitude d'être unique et donc d'affaiblir son assurance de n'avoir pas de rival pour 2022.
En effet, qu'on veuille bien appréhender l'ensemble des données en ligne de compte pour la future élection présidentielle et il me semble qu'on s'accordera avec moi.
L'opposition existe mais dans ses trois branches - RN, droite classique et extrémisme insoumis - elle n'est pas suffisamment crédible pour représenter une authentique alternative. Si Emmanuel Macron ne peut pas être tenu quitte de certaines défaillances du passé avant son élection, quelles personnalités des autres bords auraient l'aplomb de se juger non impliquées dans des erreurs et des positions, hier, rendant évidemment d'une faible portée leurs leçons aujourd'hui ? A tout bien peser, en intégrant le désastre sanitaire, seul Xavier Bertrand me paraît devoir échapper au procès sur ce qu'il aurait fallu accomplir et qui n'aurait pas été fait.
Au-delà de ces éléments incontestables, le président me semble jouir de ce don personnel et inégalitaire qui est tout simplement celui du talent. Avec les forces et les limites de ces dispositions qui sont trop rares pour ne pas être mises dans l'actif d'un être ; au point de compenser cette arrogance de soi et ce culot qui représentent un passif... dont il ne parvient pas à se défaire mais dont je devine le message implicite qu'il adresse aux Français : tant pis mais il faudra faire avec !
Sur les plans du concept et de la rouerie politique, dans l'un ou l'autre de ces registres, je le juge meilleur que les autres.
Quand, paraît-il, il ose déclarer : "...Il s'agit d'éviter le retour de l'ancien monde qui était d'ailleurs à bout de course, mais aussi de résister à la pulsion vers le collectivisme", son propos est à la fois d'une grande habileté - personne ne veut du collectivisme - mais totalement provocateur puisque, nous ayant promis le temps d'une campagne le nouveau monde, il a fait surgir à bride abattue, sans l'ombre d'une hésitation, l'ancien dont il a amplifié les effets négatifs (Le Canard enchaîné).
Lorsque s'épanchant dans un entretien passionnant au Point, le président mélange, sur un mode subtil et efficace, la polémique acide, le refus de la moindre contrition mais avec l'affirmation émue qu'il a forcément changé, lui, l'étouffement par l'admiration pour Agnès Buzyn en rappelant tout de même qu'elle prétendait demeurer ministre et participer à la campagne municipale, la défense de la tenue du premier tour des municipales, les considérations intellectuelles et philosophiques, les analyses et les commentaires forcément pertinents parce qu'ils les déconnectent d'une réalité dont il se défausse, on a presque envie de s'écrier : "Chapeau l'artiste" !
Personne, au sein du gouvernement, ne conteste son autorité. Le mépris dont paraît-il il accable la plupart de ses ministres - et, pour la communication, il s'accable lui-même puisqu'il les a choisis et les maintient - ne suscite pas à proportion de la révolte, ou du ressentiment. Aussi jupitérien qu'il sait être populiste, glissant dans sa soie et son velours des outrances, des audaces et des intimidations, il attend, l'intelligence et l'ambition prêtes comme des armes au pied, l'échéance de 2022. La seconde moitié de son discours du 14 avril relevait de la future campagne présidentielle.
Le citoyen attend, espère avec une vive impatience démocratique un vrai débat où E. Macron sera confronté à un adversaire de valeur qui lui offrira moins d'opportunités de briller et de se sentir à l'aise. Une authentique contradiction serait bienvenue. Pour lui comme pour nous. A-t-on eu raison de l'élire en 2017 ou n'est-il dorénavant qu'une illusion, une façade, créées par les marchés, une parole contrainte et une pratique dépendante ? Encore une chance ou déjà une déception ?
Je me prends parfois à regretter que dans son environnement personne ne soit capable de jouer auprès de lui le rôle qu'il a eu auprès de François Hollande. Il est clair qu'il manque auprès d'Emmanuel Macron un Macron.