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Villeneuve-la-Garenne, pour en finir avec le mythe de la banlieue abandonnée

Un fait divers en plein confinement a enflammé les réseaux sociaux puis les rues de cette commune des Hauts-de-Seine, une énième poussée de violence dans une ville pourtant loin d’avoir été défavorisée.
À la fin du XIXe siècle, Villeneuve est un hameau charmant établi sur les bords de Seine, un lieu où l’on vient facilement depuis Paris avec l’arrivée du chemin de fer.
On y compte alors près de trente bistrots et guinguettes.
Ce lieu lumineux et pittoresque attire les peintres, et notamment l’impressionniste Alfred Sisley, qui y pose son chevalet en 1872.
Caillebotte, Monet, Manet, Signac, Morisot peignent un peu plus loin sur les mêmes berges face à Argenteuil, autre charmante bourgade.
, qui compte alors un peu plus de 3.000 habitants, se détache de Gennevilliers et devient une commune indépendante en 1929.
Le bourg prospère, avec notamment deux usines automobiles, une usine à gaz, des ateliers de chantier naval et de nombreuses cultures maraîchères.
Mais c’est dans l’après-guerre que la commune se transforme à toute allure : de 1954 à 1965, un programme immobilier incroyable entraîne la construction de près de 8.000 logements, essentiellement des barres juxtaposées les unes à côté des autres.
La population est multipliée par six en quinze ans.

Parmi ces constructions, il y a la fameuse « Caravelle », immense ensemble de 1.630 logements qui se remplit rapidement de 6.000 nouveaux habitants.
La période est heureuse.
On a du mal à l’imaginer aujourd’hui, mais toutes ces constructions sont prisées, l’habitat est moderne et confortable et la population qui y habite est de qualité ; les familles de cadres y sont nombreuses.
Tout bascule à partir des années 80 avec l’arrivée d’une immigration massive et continue ; ces nouvelles populations font inexorablement fuir les familles d’origine qui partent souvent s’établir dans les petites communes paisibles du Val-d’Oise voisin.
Mutation de la population et de l’urbanisme
 En deux ou trois décennies, la métamorphose de la population est totale.
Il n’y a, dans les faits, plus aucune mixité. 75 % des habitants sont d’origine maghrébine ou africaine, les Français de souche sont essentiellement les personnes âgées.
Dans les écoles primaires et les deux collèges, il n’y a plus aucun Blanc, à part les profs. Politiquement, la ville est une originalité.
Noyée dans la ceinture rouge communiste, elle vote sans exception, depuis 1953, pour des maires de droite aux municipales.
En 65 ans, elle ne connaît, en fait, que deux maires : Roger Prévot (UDF) et Alain-Bernard Boulanger (LR).
Alain-Bernard Boulanger est une personnalité intéressante.
Issu d’une vieille famille locale, sociologiquement aux antipodes de sa population mais fin et cultivé (il lit 250 livres par an), il sera unanimement apprécié pour son volontarisme et son dévouement.
Élu en 1999, il entreprend un immense projet sur trente ans de remodelage complet de la ville.
L’objectif est d’en finir avec la cité-dortoir pour en faire une ville aérée, équilibrée et commerçante. Fin politique, il travaille avec les ministres de tous les gouvernements, entretient d’excellentes relations avec tous les préfets et obtient tous les financements (considérables) nécessaires.
Pas d’idéologie, pas de lutte des classes, pas d’arrière-pensée électoraliste, pas de valises de billets, les dossiers avancent et vite.
En quinze ans déjà, 75 % de la ville est transformé : les milliers de logements HLM sont rénovés, des rues sont percées, des avenues et squares sont aménagés, des zones d’activité sortent de terre, le tramway arrive, un grand centre commercial ouvre ses portes.
Alors, le discours habituel et convenu sur la banlieue défavorisée à l’abandon est, ici, particulièrement insupportable, les habitants d’ici ont tout : 72 % d’entre eux sont dans des logements sociaux aux loyers dérisoires et refaits à neuf, des quartiers ouverts et réaménagés, un bassin d’emploi hyper dynamique en recherche de main-d’œuvre, un tramway et un hôpital tout neufs, d’immenses parcs verdoyants, des gymnases, stades et piscine, 165 boutiques toutes neuves.
Que faire de plus ?
Si ghetto il y a, c’est parce que le mythe du vivre ensemble a fait long feu et que l’huile ne s’est jamais mélangée à l’eau.
Mais la France a été généreuse et bonne fille avec ses immigrés.
C’est pourquoi l’ingratitude des incendiaires de Villeneuve-la-Garenne (et d’ailleurs) est particulièrement répugnante.
L’auteur, Antonin Poncet, travaille depuis une dizaine d’années à Villeneuve-la-Garenne. 
Antonin Poncet

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