À quelle sauce devons-nous être mangés ? Les textes de Schengen permettent de reconstituer la recette du Maître-queux. Bon appétit !
Derrière les arrivées massives des CPE (chances pour l'Europe), on peut discerner bien des phénomènes : mains étrangères par les ONG américaines, contrôle de la route des Balkans par la maffia albanaise, politique étrangère folle, cynisme du patronat teuton etc… Mais quand on connaît l'esprit de l'Union européenne ont discerne surtout l'acmé d'une xénophilie intéressée et institutionnalisée dont les politiques font mines de s'émouvoir quand ce qui devait être une invasion au goutte à goutte devient un torrent.
Pourquoi s'en prendre à l'Europe demanderez-vous peut-être ? Il faut souligner d'abord que, depuis le traité d'Amsterdam en 1999 la politique d'immigration est impérativement cogérée entre les États (ou leurs ersatz) et l'Union Européenne. Ce domaine relève de la procédure ordinaire de cote (soit la majorité qualifiée) avec un petit air de souveraineté limitée. Depuis « les États sont des hôtels » comme dirait M. Attali car la politique des visas, d'immigration et les règles de franchissement des frontières sont régies par des textes communautaires. Il ne reste aux États que les règles d'accès à la citoyenneté et les règles du mariage. Tout le reste est sous l'empire de l'Approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM) dont le but humaniste fut expliqué comme suit : « L’effet de levier susceptible d'être exercé par la politique migratoire extérieure sur la croissance et la compétitivité des États membres, notamment en attirant et en fidélisant les talents les plus qualifiés, demeure sous-exploités ». En d'autres termes, la traite des cerveaux du tiers-monde, c'est maintenant !
Non contente de ce pouvoir, l'Union s'est arrogé le droit de légiférer sur l'entrée, le séjour et même les conditions d'expulsion alors qu'elle n en avait pas mandat. Suivant la méthode communautaire (dite méthode Monnet, ou théorie des petits pas ou théorie de l'engrenage) l'UE a capté un sujet qui ne lui appartient pas via un autre, en l'espèce la question du regroupement familial, qui est une obligation communautaire (directive CE 2003/86 du 22 septembre 2003). Si vous voulez arrêter le regroupement familial, il faudra quitter l'UE car le migrant devient « regroupant », lorsqu'il est titulaire d'un titre de séjour « délivré par un État membre d'une durée de validité supérieure ou égale à un an, ayant une perspective fondée d'obtenir un droit de séjour permanent » (art. 3, paragraphe 1). En matière de droit de séjour la directive CE 2003/109 du 25 novembre 2003 prévoit un statut de résident de longue durée ce qui donne le droit d'accès à toutes les aides sociales à égalité avec les nationaux (article 11, 1. d). Pour les cerveaux volés au tiers-monde on a même prévu une carte bleue (la verte n'étant pas disponible) qui garantit l'égalité de traitement entre étrangers et nationaux.
La séparation nationaux/étranger a pour symbole la frontière c'est dans le contrôle que l'UE a le plus détruit notre souveraineté par l'interdiction des contrôle aux frontières et, nous le verrons plus loin, par la « directive retour ». Le code Frontières Schengen dispose dans son article 20 : « Les frontières intérieures peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes, quelle que soit leur nationalité. ». L'article 22 précise : « Les États membres suppriment tous les obstacles qui empêchent un trafic fluide aux points de passage routiers aux frontières intérieures, notamment les limitations de vitesse qui ne sont pas fondées exclusivement sur des considérations de sécurité routière Parallèlement, les Etats membres doivent être en mesure de fournir les moyens nécessaires pour effectuer les vérifications au cas où les contrôles aux frontières intérieures seraient réintroduits ». Ce guide du routard pour invasion barbare a eût pour conséquence le démantèlement des infrastructures de contrôle (quais de déchargement, points de contrôles, ralentisseurs, chicanes, toits des aires de contrôle).
La Cour de justice de l'union européenne a étendu ces dispositions pour interdire les contrôles d'identité sans formalités préalables et sans conditions, que la France, par exemple, mettait en œuvre depuis les accords de Schengen. Le but de cette mesure ? Mettre les forces de l’ordre dans l'impossibilité d'exercer quelque contrôle que ce soit, même aléatoire, même de courte durée, à la frontière et permettre ainsi le libre déplacement des immigrés et des délinquants entre les pays de l’espace Schengen.
Enfin la « directive retour », CE 2008/115 du 18 décembre 2008, constitue l'une des plus belle réalisation immigrationniste de l'UE. Elle prévoit les mesures de reconduite à la frontière. Une expulsion quelconque doit être précédée d'une période de 7 à 31 jours, dite de départ volontaire, durant laquelle l'individu sous mandat d'expulsion est en liberté, au cas où il est l'intention de rentrer de son plein gré dans son pays d'origine. La rétention et les mesures coercitives ne peuvent être mises en œuvre qu en cas de refus réitéré de la reconduite à la frontière. La rétention ne pourra excéder 6 mois. La Cour de Justice de la Communauté Européenne est allée plus loin en interdisant aux États de disposer d'une peine d'emprisonnement pour séjour irrégulier dans leur droit pénal.
La crise des clandestins ne fait qu'apporter un flot supplémentaire dans des portes, qui sont juridiquement ouvertes. Comment aurait-il pu en être autrement ? Le despotisme de l’ouverture jusqu'à l'annihilation de soi est l'ultime attitude, comme la fierté dolosive d'un continent au regard vide. Bientôt viendra le temps de rappeler que la continuité est non seulement un droit mais surtout un devoir pour les hommes comme pour les sociétés…
André Ringwald monde&vie 24 septembre 2015 n°913