Ça y est enfin. Ce 16 février, le monticule a accouché du souriceau attendu, avec le vote de la loi sur le « séparatisme », adoptée à l’Assemblée nationale. Il s’agit, à l’évidence, d’une motion « Nègre-Blanc », tel qu’on disait aux grandes heures d’une très laïque Troisième République, pas particulièrement tendre vis-à-vis de la nécessaire assimilation « républicaine » des immigrés, fussent-ils de vieille souche européenne. D’ailleurs, les Françaises de l’époque n’avaient même pas le droit de vote. C’est dire si cette République aimait plus ses fils que ses filles, ses voisins que ses voisines, pour paraphraser un autre « républicain » : Jean-Marie Le Pen.
De fait, ce sont les « principes républicains » qu’il s’agissait là de conforter, à en croire des autorités tout aussi « républicaines ». Si l’on faisait preuve de mauvais esprit (que Dieu nous en garde !), on ajouterait illico ce codicille : de quelle République parlons-nous ? Si nos comptes sont bons, nous en sommes déjà à la Cinquième.
Après, il y a aussi la République populaire et démocratique de Corée du Nord et la République islamique d’Iran, dont on imagine bien qu’elles ne sont pas forcément tout à fait conformes aux élégances « républicaines » de notre République en marche.
Non sans raison, Marine Le Pen voit dans ce texte une sorte de déclaration de guerre aux religions, tandis que le mélenchoniste Alexis Corbière évoque, lui, un autre « séparatisme scolaire et territorial ». À ce titre, on remarquera que les deux professions les plus assidues à contourner la carte scolaire et à fuir les quartiers trop empreints de diversité sont les enseignants et les journalistes ; deux professions éminemment « républicaines », comme chacun sait.
Autre « séparatisme », cet islam salafiste qui se vit en « contre-société » sur le modèle des ghettos d’outre-Atlantique à la mode saoudienne. On ne dira, décidément, jamais assez de mal de l’américanisation de l’islamisation de la France.
Après, il y a un grand non-dit dans cette affaire : cette immigration de masse, de longue date organisée par le grand patronat. Pour masquer cet « oubli », on s’en tient donc au rappel quasi chamanique des « valeurs républicaines », Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, n’hésitant pas à rappeler qu’aucune loi ne vaudrait au-dessus de celles de la « République ».
Du coup, on « stigmatise » ces musulmans pour lesquels la parole divine demeurerait par essence supérieure à celle des hommes. Certes, mais pour le premier catholique venu, même si pas forcément assidu à la messe, qu’écoutera-t-il, en dernier ressort : la voix du Christ dans les Évangiles ou celle d’Emmanuel Macron ? Pareillement, faudra-t-il bientôt pointer du doigt nos compatriotes de confession juive parce que tenant en plus haute estime ce qui est écrit dans le parchemin de la Torah que dans le marbre constitutionnel de la Cinquième République ?
Tout cela peut être décliné à l’infini. Les Français musulmans boudent l’école républicaine ? Si c’est pour que leurs enfants y apprennent la théorie du genre et que les transsexuels sont le sel de la Terre, on peut aussi comprendre le homeschooling islamique et son équivalent catholique.
Gérald Darmanin devrait pourtant savoir que la politique participe aussi de la transcendance, religieuse ou non. Bref, qu’elle consiste aussi à concevoir qu’il y a quelque part, là-haut, un énorme bidule qui nous dépasse.
Cela, nombre de « républicains », dont Régis Debray et quelques autres, avaient compris qu’avant l’avènement de la « République », il y avait aussi une vie sur Terre.
Nicolas Gauthier