Chaque année, la fin de l’hiver constitue l’apothéose de la saison des récompenses cinématographiques : des Golden Globes aux Oscars en passant par les BAFTA puis les traditionnels César. Loin des cérémonies anglophones fastes et spectaculaires, le cinéma français nous a habitués, trop souvent, à des célébrations trop protocolaires, faussement rythmées et bien longues, à quelques exceptions près.
Après la débâcle de la cérémonie 2020 pour cause de polémique #MeeToo, l’édition 2021 reposait sur les frêles épaules de l’actrice Marina Foïs, animatrice de la soirée, épaulée à l’écriture par Blanche Gardin et Laurent Lafitte. Ce n’était pas là une tâche aisée pour la comédienne, entre un public réduit à 150 participants, des invités masqués et surtout un cinéma national à l’agonie – la faute à ce maudit virus de Covid.
Le résultat n’en fut que tout aussi décevant. Entre prises de position politiques virulentes et maladroites, des blagues ratées, des hésitations et bafouillements, l’évèénement s’est révélé être gênant pour les téléspectateurs. Peu de moments d’émerveillement, finalement ; or, c’est pourtant l’un des enjeux essentiels du septième art censé être à la fête hier soir.
Si la lauréate de l’espoir féminin, Fathia Youssouf, s’est illustrée par sa sincérité et son humilité, ses aînés ont bien moins brillé. À commencer par le vainqueur du César de l’espoir masculin, Jean-Pascal Zadi. Son discours, chancelant quoique construit, a viré à la tribune antiraciste et anti-statues (l’acteur s’insurgeait contre la présence, dans nos rues, de statues publiques d’anciennes figures esclavagistes de l’Histoire de France). Pas certain que Frantz Fanon, cité par l’acteur, n’eût apprécié la démonstration vainement rhétorique de ce dernier.
Puis est venu le temps des absences : Albert Dupontel, primé comme meilleur réalisateur pour son œuvre Adieu les cons, également lauréat du meilleur film, n’a pas daigné se déplacer, comme à son habitude. On ne peut guère le blâmer, cette année. Absente, aussi, Émilie Dequenne, meilleure actrice dans un second rôle pour sa prestation dans Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, d’Emmanuel Mouret.
César du meilleur acteur pour son rôle dans Un fils, de Mehdi M. Barsaoui, Sami Bouajila, bien présent et visiblement ému, a évoqué son inspiration paternelle pour sa prestation, en souvenir de son père, migrant tunisien dans les années 1950, au périple de sa vie. À son tour, Laure Calamy, meilleure actrice pour son rôle dans Antoinette dans les Cévennes, réalisé par Caroline Vignal. Authentique mais confuse, l’actrice s’est souvenue de ses premiers émois cinématographiques au cours de sa jeunesse en province. Dommage que son discours ait été si long.
Entre-temps, Corinne Masiero s’est mise totalement nue sur scène pour plaider en faveur de la réouverture des salles. Était-ce bien utile ? Valérie Lemercier, venue remettre une récompense, nous a parlé de ses excréments ; on connaît son goût pour l’humour scatophile. Pour autant, l’humoriste n’était manifestement pas inspirée : nous n’avons pas ri, pas même souri.
Le ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, absente de l’assistance, s’est fait remonter les bretelles par Marina Foïs : « On a fermé les salles pour ouvrir les églises. » Ou comment (re)lancer une polémique vaine. Ce fut à l’image de la soirée : tout a sonné creux et factice. En bref, le cinéma français a raté sa fête plus que jamais…