Le jeune volontaire, sa femme et sa fille de neuf mois ont aussitôt compris ce qui se passait et couru se protéger sous la table de la salle à manger, redoutant que le plafond ne s’effondre. C’est là qu’ils ont vécu les premières secousses, bientôt suivies d’une réplique « moins forte et moins longue », explique Jean-Rémi Méneau ce 6 février dans une conversation téléphonique à BV. Trois étages au-dessus, deux volontaires de l’association ont ressenti plus violemment encore la secousse. Le bruit des voisins qui sortent rapidement de l’immeuble les fait sortir eux-aussi de leur logement : « Nous avons suivi le mouvement, pris un manteau et des papiers au cas où on ne puisse pas rentrer », raconte-t-il. Dans la rue, les sinistrés attendent, effrayés à l’idée de rentrer à l’intérieur des appartements menaçant d’effondrement : les habitants y font des sauts les plus brefs possibles pour reprendre le strict nécessaire. « La population est choquée, les habitants ne savent pas comment réagir et n’osent pas rentrer chez eux », explique le chef de mission. Dans la rue, « des centaines de personnes » attendent sous la pluie et le froid, sans toilettes et sans affaires. « On voit des immeubles détruits ou délabrés, des gravats jonchent le trottoir », décrit le jeune volontaire. Un prêtre, le père Imad Daher, prêtre melkite de la paroisse de la Vierge Marie à Alep, a été retrouvé mort sous les décombres. « De nombreux immeubles sont très fragilisés, précise-t-il. Des voitures sont percées par la chute de débris ». Lui a pris la route vers Damas aux alentours de 8 h 30, ses volontaires ayant rejoint sains et saufs le point de ralliement fixé : il est allé mettre en sûreté sa femme, son enfant et ses volontaires avant de rentrer à Alep.
Avec la survenue d’un deuxième séisme dans la matinée, ce bilan provisoire qui s'accompagne de milliers de blessés ne cesse de s’alourdir. C’est une surprise. Les tremblements de terre ne sont pas fréquents à Alep, malgré la proximité d’une faille sismique. La dernière secousse grave remonte au Moyen-Âge, rappelle Méneau. Des signes avant-coureur ? La terre avait un peu tremblé en décembre dernier, les habitants ont ressenti quelques secousses. « C’est un danger qu’on envisage mais un danger lointain », explique Jean-Rémi Meneau qui constate l’accablement des Syriens.
« Le tremblement de terre ouvre une nouvelle crise alors que la Syrie est au fond du trou à cause du blocus, de la crise économique liée à celle du Liban. Les Syriens pensaient qu’ils ne verraient pas pire situation » : ils tombent plus durement encore.
Désormais, la priorité de SOS Chrétiens d’Orient consiste à fournir une aide d’urgence. L'association cherche des locaux et des matelas pour accueillir ces habitants jetés dehors. Les fenêtres et les portes n’ont pas résisté au choc, le froid est intense, le fioul nécessaire au chauffage est introuvable, assure le volontaire. Les Syriens redoutent que le froid ne s’intensifie, ils appréhendent les risques d’incendies lorsque l’électricité reviendra.
Les Syriens redoutent aussi déjà qu’on les oublie au profit des Turcs. L’épicentre du sinistre se situe en Turquie, « donc on en parle beaucoup », admet Méneau. « La Syrie est encore un paria pour la communauté internationale alors que les pertes et les dégâts y sont très importants : nous redoutons que l’aide internationale aille essentiellement en Turquie. Or la France ne peut pas être absente d’Alep après l’histoire partagée avec la Syrie ».
SOS Chrétiens d’Orient lance ainsi « un appel à l’assouplissement des sanctions internationales qui pèsent sur le pays, en raison de cette situation d’urgence humanitaire ». Le volontaire évoque la reconstruction des habitations mais ce sera long. En attendant, l’association a ouvert une page de dons spécialement dédiée à l'action d'urgence pour les Syriens victimes du séisme.
Crédit photo : Antoine Makdis pour SOS Chrétiens d'Orient
Marc Baudriller
https://www.bvoltaire.fr/tremblement-de-terre-a-alep-en-syrie-une-population-desemparee/