L’homme du « bon steak » n’a pas viré à droite. Il veut même « fermer la porte définitivement à l’extrême droite ». Original ! Devant les téléspectateurs de BFM TV où il était invité, ce mardi 11 avril, au micro d’Apolline de Malherbe, il a réitéré sa position d’ouverture de nos frontières à toutes les migrations : « On ne doit laisser personne mourir dans un bateau. » Et quand la journaliste lui rappelle que son prédécesseur Georges Marchais, en 1981, voulait « stopper l’immigration officielle et clandestine », Roussel s’échappe en crabe. Il « ne fait pas de lien entre immigration et chômage » et met les choses au clair : « L’ennemi, ce n’est pas celui qui traverse la Méditerranée, l’ennemi, il est à Bruxelles. […] Non, ce n’est pas l’immigration qui pose problème. » On a eu peur. Roussel donne des gages à la gauche, bien malmenée ces temps-ci.
Mais voilà, les réseaux sociaux ont lu le contraire de ce qu’il a dit, obligeant même le dirigeant du PC à préciser ses propos.
Cela ne tient bien sûr pas au hasard : si la gauche a cru entendre un discours de fermeté sur l’immigration, c’est que Roussel a lancé une formule pavlovienne à gauche : « les frontières passoires ». Dans le cerveau « nupessien », le clignotant « méchant d’extrême droite » s’est aussitôt allumé, accompagné des sirènes du drame. Les lecteurs, auditeurs, internautes ont franchi le Rubicon, terminé la pensée du leader communiste et poussé jusqu’au bout la logique Roussel.
Car que dit Roussel ? Devant ses troupes, il évoque ces « peuples qui aspirent à vivre libres dans des États et des frontières souveraines ». Pour lui, la mondialisation sans frein et sans protection aucune a ruiné les Français et les pauvres gens, ouvriers en tête. C’est le bon Roussel, le Roussel contraint à la lucidité par un objectif bassement électoral : reprendre des voix au Rassemblement national. Il a mis au point sa formule : « Ils ont mis la France sur leboncoin », répète-t-il. « Ils ont signé des traités de libre-échange, ils ont transformé nos frontières en passoires, ils ont laissé filer nos usines et ils reviennent, la bouche en cœur, en parlant de souveraineté », poursuit Roussel. « Ces gouvernements, comme les précédents, ont trahi la France et le monde du travail en vendant nos usines à l’extérieur. » Ca doit être l’illumination de Pâques, celle qui renversa les soldats gardiens du tombeau du Christ.
La souveraineté de Roussel est boiteuse et il le sait
À tout péché, miséricorde : le communisme internationaliste bute sur le désastre de la mondialisation. Désormais, Roussel veut rétablir la souveraineté. « Les Français doivent choisir ce qu’ils veulent pour leur économie, leur famille et leurs enfants. » Un miracle, on vous dit ! Et notre communiste de déplorer que 15.000 postes de douaniers aient disparu en quelques années et que, désormais, seul un conteneur sur 10.000 soit contrôlé… On ne saurait être plus lucide sur le champ de ruine laissé par l’Union européenne, qui restera dans l’histoire du Vieux Continent comme la plus vaste entreprise de démolition jamais menée de main d’homme.
Mais voilà, la souveraineté de Roussel est boiteuse et il le sait. Les internautes ne l’ont pas vraiment trahi : ils ont été au bout de sa logique. S’il faut contrôler nos frontières pour les marchandises à bas coût qui nous ruinent, comment accepter l’arrivée, par les mêmes frontières et avec la même logique, de travailleurs à bas coût qui ruineront les ouvriers français ? Les frontières de Roussel seraient infranchissables pour les marchandises mais sans frein pour les migrations ? Un État souverain accepte ou non ceux qui veulent venir vivre sur son sol, sinon cette souveraineté n’a aucun sens. C’est ainsi tout autour du monde. Si nos gouvernants « ont mis la France sur leboncoin », s’ils l’ont offerte aux entreprises mieux-disantes, ils ont fait de même pour les populations, libres comme l’air ou presque – les chiffres de l’immigration en témoignent – de s’installer en France. L’immigration incontrôlée, jamais clairement exposée comme un projet politique, a bien « trahi la France et le monde du travail », selon les mots de Roussel. Et si « l’ennemi est à Bruxelles » pour l’économie française, il n’y aurait rien à redire sur la politique migratoire européenne ? Aberrant. La souveraineté, c’est, nous dit le dictionnaire, le « caractère d’un État qui n’est soumis à aucun autre État » : un État non soumis décide de sa politique industrielle, commerciale, étrangère, de défense - et migratoire. Il ne la délègue ni à l’Europe, ni aux migrants eux-mêmes, ni à leurs pays d’origine, ni aux associations d’aide aux migrants, partisanes par définition, ni à l’OTAN, ni à l’ONU. Encore un effort, camarade ! Le nouveau monde est derrière toi : le nouveau monde, c'est celui de 1981, au temps des fulgurances de Georges Marchais.
Marc Baudriller
https://www.bvoltaire.fr/fabien-roussel-converti-a-la-souverainete-encore-un-effort-camarade/