Il y a, dans le Ve arrondissement de Paris, une plaque au nom de Samuel Paty, professeur d’histoire assassiné puis décapité par un Tchétchène venu tout exprès l’attendre devant son lycée. À l’époque de sa mort, déjà, tout le monde, dans la courageuse hiérarchie de l’Éducation nationale, aurait bien aimé qu’il n’y eût, selon une tristement célèbre expression, « pas de vagues ». Mieux vaut laisser mourir l’école que de mourir soi-même. Lâché par ses collègues et ses chefs pour avoir seulement montré des caricatures du prophète de l’islam, Samuel Paty avait ensuite été, assez salement d’ailleurs, récupéré par les pompes et les œuvres de la République. D’où, parmi plusieurs autres hommages dérisoires, cette plaque.
Vandalisée dans la nuit du 21 au 22 juin, pour la sixième fois, la plaque qui porte le nom de cet enseignant, double victime de la barbarie et de la lâcheté, a, depuis, été remplacée par les services de la municipalité. En décembre 2021, suite à la première dégradation de la plaque, la ville de Paris et la mairie du Ve arrondissement avaient porté plainte, mais cette fois, en revanche, aucune réaction de la mairie de Paris qui, pour reprendre les mots de Mickaëlle Paty, la sœur du professeur, « s’en tamponne le coquillard ». La mairie de Paris a peut-être surtout peur : la récupération, ça permettait de faire des voix, mais assumer son soutien à un blasphémateur présumé, dans un pays prétendument laïc (en réalité déjà musulman de facto sur une bonne partie du territoire), faut pas pousser.
Il y a quelque chose de très symbolique, dans ce double mouvement (récupération neuneu et lâcheté inconséquente) : cette plaque posée par principe, puis abandonnée à la paix et à l’amour des détracteurs de la laïcité, est en cela comparable à la réaction de la ville d’Annecy après l’attentat du début du mois de juin. Pas d’amalgame, soutien aux victimes, on envoie sur scène quelqu’un chanter « Parlez-moi d’amour » avec une boîte à musique. Et hop, rideau !
Du concret ? Des mesures ? Un suivi dans le temps ? Non merci ! On a coché la case, ça ira bien comme ça. Les profs ont compris le message : on n’apprenait plus à lire ni à compter ; on se passera, désormais, aussi de l’esprit critique. L’école publique, mélange de madrassa et de centre aéré, pourra continuer à acheter des mangas pour le CDI et des panneaux de basket pour bien vivre ensemble. Samuel Paty a eu son quart d’heure de gloire. Le monde politique, aussi révoltant que cela puisse être, est passé à autre chose. Et c’est ainsi qu’Allah est grand, comme disait Vialatte.
Arnaud Florac
Tribune reprise de Boulevard Voltaire