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[Point de vue] Mediapart : la Kommandantur des bien-pensants

Une telle indécence en deviendrait presque hallucinante. Mais pourquoi ces gens se gêneraient-ils, puisque personne ne leur reproche rien ? En une poignée de jours, Libé a essayé de discréditer Franck Ferrand parce qu'il serait de droite, Ouest-France a dénoncé un saisonnier de la police lorientaise parce qu'il est « militant d'extrême droite »... et Mediapart, sans doute éperonné par la concurrence, vient de publier, le 16 juillet, sa contribution à ce petit concours de délation qui ne dit pas son nom : « Votre témoignage nous intéresse. » Mediapart cherche à traquer les propos « racistes et déplacés au travail », survenus depuis la mort de Nahel, et surtout depuis les scènes de guérilla urbaine, que le journal d'Edwy Plenel appelle des « révoltes », avec ce goût des bolcheviques pour les éléments de langage.

Alors, quels sont-ils, ces « propos racistes et déplacés » ? Découvrons-les ensemble : est susceptible d'être dénoncé quiconque aurait proposé à ses collègues de contribuer à la cagnotte du policier, lancée par Jean Messiha ; quiconque aurait qualifié de « sauvages » les émeutiers - les révoltés, pardon ; et n'importe quel « chef » (puisque le « racisme » ne peut venir que des chefs) qui aurait « stigmatisé » les immigrés. Depuis quand est-ce raciste de soutenir un policier, jeté en pâture par Oise-Matin, un homme brisé, qui est à l'isolement pour n'avoir fait que son devoir, et à qui la Justice refuse toujours un parloir avec sa famille ? En quoi est-ce déplacé de considérer que des mineurs qui brûlent et pillent afin de « niquer la France » sont des sauvages ? Et pourquoi serait-ce raciste, puisqu'il y avait beaucoup de Kevin et Mathéo parmi les émeutiers, comme dit Darmanin ?

On a bien compris où Mediapart et son directeur voulaient en venir. La délation est une passion tristement française. Elle a toujours permis aux médiocres, aux envieux et aux salauds de se venger de leurs voisins, leur patron, leur concurrent de la boutique d'en face ou l'amant de leur femme. Les Français ont donné leur pleine mesure dans ce domaine entre 1940 et 1944, tout comme dans le domaine de l'héroïsme. La guerre fait émerger les héros et les pourris. Les héros se dressent contre le vent ; les pourris espèrent accompagner le régime pour qu'il serve de prothèse à leur propre faiblesse. Aujourd'hui, le régime est « antiraciste », une épithète désormais creuse, à force d'être répétée jusqu'à la stupidité. Alors les minables, comme avant, sont invités à écrire à la Kommandantur. Anonymement, bien sûr : les vrais délateurs sont timides.

Combien de personnes cette affiche, placardée sur les murs numériques de notre village français, fera-t-elle plonger dans l'opprobre ? On verra dans quelle mesure cette opération de dénonciation permettra de réveiller les bas instincts de tous les amis de la pensée dominante. En face, on ne fait pas la liste de ceux qui ont approuvé les pillages, de ceux qui ont fait de Nahel un martyr, de ceux qui ont haussé les épaules pour Lola ou oublié le prénom d'Axelle. On ne dénonce pas (et à qui le ferait-on ?) les chefs qui approuvent les quotas discriminatoires, les collègues qui dictent les sujets qu'on peut aborder ou non, les emmerdeurs du quotidien, les kapos du politiquement correct. D'abord parce que c'est immonde et lâche, et aussi parce qu'on n'aurait pas assez de place sur la feuille.

Arnaud Florac

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