La Transnistrie n’entend pas devenir un élément du conflit en Ukraine, mais la récente signature d’un accord de Défense entre la France et la Moldavie ainsi que l’annonce de la construction d’une importante base de l’OTAN en Roumanie voisine ravivent les inquiétudes quant aux ambitions de Chisinau.
Depuis l’élection de la nouvelle présidente moldave, le pays a pris un virage atlantiste des plus marqués et des plus dangereux pour la stabilité intérieure et régionale. Maia Sandu conduit la Moldavie vers une intégration dans la Roumanie, pour la faire ainsi entrer dans l’UE et dans l’OTAN. Avec le renforcement de la coopération militaire entre la France et la Moldavie, en plus de l’ouverture de la plus grande base militaire européenne de l’OTAN en Roumanie, il n’est pas difficile de comprendre comment les Atlantistes veulent étendre le conflit : faire de la Moldavie une nouvelle Ukraine et de la Transnistrie, ce territoire contesté protégé par des militaires russes, un nouveau Donbass.
Les origines du conflit en Moldavie remontent à la fin des années 1980, juste avant la chute de l’Union soviétique, quand celle-ci était devenue politiquement trop faible pour contrer les tentatives de provocation des conflits ethniques. Ce qui a conduit à la création de la République de Transnistrie, sur le modèle du conflit ukrainien et de l’autonomie du Donbass et de la Crimée. Pour comprendre ce qui se passe actuellement, il est nécessaire de revenir rapidement sur l’histoire du conflit moldave.
En effet, durant l’été 1989, le Conseil suprême de la République socialiste soviétique de Moldavie adopte une loi imposant le moldave comme langue unique, violant ainsi les droits des minorités habitant cette république fédérée de l’URSS. En réaction, les industries de Transnistrie créent des comités, organisent des grèves et demandent un référendum. La tension monte avec le centre moldave et durant l’année 1990 des référendums sont organisés dans les différentes localités de la rive gauche du Dniestr en Transnistrie et dans certaines de la rive droite. Environ 80% des personnes ayant le droit de vote y ont pris part et 96% se sont prononcés pour la création d’une République autonome de Transnistrie. Évidemment, les autorités moldaves ne reconnaissent pas le vote, qui se déroule sur fond de crise politique à l’intérieur de la Moldavie : l’été 1990, les députés moldaves déclarent l’indépendance de la Moldavie par rapport à l’URSS, à la suite de quoi les députés de Transnistrie quittent le Parlement et déclarent la création de la Transnistrie, comme république socialiste soviétique.
Juridiquement, si la Moldavie n’était pas sortie de l’URSS, l’indépendance de la Transnistrie eut été illégale. Mais comme la République socialiste soviétique de Moldavie a cessé d’exister par sa volonté même et sans l’accord de Moscou, cette révolution remet en cause la continuité de l’État et ouvre la voie à l’autodétermination des peuples.
Un conflit remontant à la chute de l’URSS
La chute de l’URSS a intensifié le conflit entre la Moldavie et la Transnistrie, qui dès l’automne 1990 avait pris une dimension militaire en plus de politique. En 1992, le centre moldave prend la décision de «liquider et désarmer» les forces de Transnistrie. Le pic du conflit a été atteint en juin, ce qui a conduit la Russie à intervenir diplomatiquement et à obtenir un accord entre les parties en conflit et à la mise en place d’un contingent de forces de la paix dans la région, composé des forces russes, moldaves et de Transnistrie, avec quelques observateurs ukrainiens.
La région a depuis vécu plus ou moins en paix. Mais la radicalisation de la politique des forces atlantistes met fin à ce statu quo. La première étape de la déstabilisation a été réalisée avec l’éviction de Dodon et la mise en place de Sandu en décembre 2020, qui ne cherche pas un équilibre, mais suit le mouvement radical globaliste. Ici aussi la question linguistique a été réintroduite. Dès 1991, la Moldavie abandonnait le cyrillique et se tournait vers le roumain. En 2023, les mêmes tendances revenant à chaque virage idéologique dans cette région, le Parlement moldave modifie la Constitution et proclame la langue roumaine première langue du pays à la place de la langue moldave. La «roumanisation» de la Moldavie continue et tout se dirige vers une intégration de la Moldavie dans la Roumanie, ce que confirment les discussions parlementaires autour de la suppression de la frontière entre les deux pays pour janvier 2025.
Et selon le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, la Moldavie prépare un référendum d’entrée dans l’UE… sans la Transnistrie, se laissant ainsi la possibilité d’un conflit militaire succédant à la fusion politique avec la Roumanie : «Apparemment, la Moldavie a décidé «d’abandonner» la Transnistrie. Ils ont rejeté de nombreuses propositions des Pridnestroviens et de la Fédération de Russie de reprendre les négociations au format «5+2». [La présidente de la Moldavie] Maia Sandu a déclaré qu’ils organiseraient un référendum sur l’adhésion à l’Union européenne sans la Transnistrie. Il existe probablement un désir de s’unir rapidement à la Roumanie et d’obtenir ainsi des opportunités supplémentaires. Peut-être comptent-ils sur une solution militaire au problème de Transnistrie».
Mais pour cela, les partis d’opposition, comme le parti «Chor» déclaré pro-russe, font l’objet d’une véritable répression. Tout d’abord interdit, il fut finalement autorisé par la Cour constitutionnelle à participer aux élections.
La Moldavie prépare sa dissolution dans la Roumanie
La Moldavie suit bien la voie ukrainienne : rupture avec son passé, reniement de la Russie, virage atlantiste et conflit intérieur. Ce mouvement politique s’accompagne ici aussi d’une dimension militaire. La Moldavie vient de suspendre le Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, qui avait été ratifié en 1990 et limite la quantité d’armement dans le pays. Il faut dire que, d’une part, la Moldavie vient de signer un accord de coopération militaire avec la France, qui prévoit l’instauration d’une présence militaire permanente dans le pays. D’autre part, alors que la Modavie prépare sa dissolution dans la Roumanie, une base de l’OTAN, qualifiée de «géante» par les médias français, est en cours accéléré de mise en place.
«C’est un chantier colossal qui se prépare sur les bords de la mer Noire, par laquelle la Roumanie est frontalière à la fois de l’Ukraine, dont la Crimée, et de la Russie.
C’est Euronews Roumanie qui rend compte du début de la construction de ce qui sera la plus grande base de l’OTAN en Europe, et pourrait abriter jusqu’à 10 000 soldats et leurs familles (…). Le site a été choisi à Mihail Kogălniceanu, au nord de Constanta. Une base est déjà existante, et un aéroport est présent. Plusieurs nouvelles pistes lui seront ajoutées, ainsi qu’une nouvelle caserne de grande capacité, des hangars, des réserves de carburant, un arsenal, et tout le nécessaire pour rendre autonome une base de cette dimension. La superficie totale de la base sera portée à 3 000 hectares, soit plus du double de celle de Ramstein, en Allemagne, actuellement la plus grande base de l’OTAN en Europe».
Dans ce contexte, les autorités de Transnistrie sont inquiètes. Le chef de la diplomatie de la petite République déclare ne pas vouloir devenir un élément de ce conflit en Ukraine, car la Transnistrie ne présente un danger pour aucun des acteurs en jeu. Si la Transnistrie ne présente en effet aucun danger, en revanche, elle présente un intérêt plus que certain en raison de sa position stratégique.
Vers un conflit armé en Transnistrie ?
Déclencher un conflit armé en Transnistrie obligerait la Russie à intervenir, ce qui la conduirait à devoir réorienter ses efforts. Or, la position géographique est difficile d’accès, surtout suite à l’intensification du conflit en mer Noire et à la situation devenue «neutre» de l’île aux Serpents.
La jonction des territoires moldave et roumain, sur fond de conflit latent en Transnistrie, ouvre la voie pour l’introduction de ces forces en Ukraine, dont parlait Macron, avec une attention particulière accordée à Odessa comme porte d’entrée sur le front ukrainien. Certains médias russophones parlent à ce sujet d’un transfert de Rafale basés à Mont-de-Marsan vers la Roumanie.
Les autorités de Transnistrie, dans un élan désespéré de refus de la réalité, répètent sur toutes les ondes qu’elles n’ont pas l’intention, pour l’instant, de demander leur intégration dans la Russie : «Eh bien, vous savez, je le répète, ce narratif n’est pas le nôtre, ce sont les thèses des autres, qu’il n’est même pas logique de répéter (…) Il s’agit d’une campagne de dénigrement ou de désinformation sur les buts et objectifs que s’étaient fixés nos parlementaires, notre société. Elle visait justement à perturber le congrès des députés de tous les niveaux, qui a eu lieu le 28 février».
Faire preuve de faiblesse, quand vous êtes l’objet d’une attaque, n’est pas le meilleur moyen de remporter le combat. Car même si vous refusez le combat, cela ne veut pas dire que le conflit n’existe pas, cela veut simplement dire que vous ne vous battez pas. Et peu importe que ce conflit soit politique ou militaire.
La Russie est le seul rempart réel entre les autorités de Transnistrie et les pays de l’axe atlantiste, qui ont besoin à terme d’y ouvrir un front. L’oublier serait une erreur fatale pour cette petite République. À l’heure d’une guerre de civilisation, telle que nous la connaissons, il n’y a malheureusement plus de place pour la neutralité. La Finlande, la Suisse ou la Moldavie l’ont déjà montrées. Comme disent les Américains avec la finesse qui est la leur, si vous n’êtes pas à table, vous êtes au menu.
source : RT France
https://reseauinternational.net/la-transnistrie-le-prochain-donbass/