L’éditorial de François Marcilhac
Il ne faut pas se tromper d’élections ! Car, contrairement à ce que le pays légal martèle, les élections européennes sont des élections nationales. Il faut donc voter uniquement en fonction de l’intérêt de la France, de la France seule. Il n’y a pas de bien commun européen, faute pour l’Europe d’exister en dehors d’une organisation aussi artificielle que tentaculaire, privative de la liberté des peuples.
Et il n’y en a pas plus en matière géopolitique, à moins d’accréditer le discours euraméricain, qu’en matière de défense : en dehors de solidarités variables au gré de l’histoire, quelle identité d’intérêt entre de petits États confinés par leur géographie et condamnés à confier leur défense à l’étranger, et la France, présente sur les cinq continents, puissance nucléaire (encore) indépendante et membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ? Et quand bien même les États-Unis se désengageraient — dans quelle mesure ? — de l’OTAN, rien d’existentiel ne se jouerait pour notre pays, du moins s’il recouvrait la voie d’une diplomatie indépendante. S’agissant de l’économie, celles des États membres de l’UE sont trop disparates pour que leurs intérêts ne soient pas divergents : on l’a vu avec l’énergie, primordiale en la matière, où la France a subi le diktat berlinois, au prix de milliards d’euros de déficit. L’euromark lui-même nous soutient comme la corde le pendu puisqu’il nous condamne à dépendre pour notre dette des seuls marchés financiers. Quant à la question de l’immigration, c’est un leurre de penser que la solution serait « européenne », même si, évidemment, elle a une telle dimension du seul fait de nos abandons de souveraineté. Mais le revirement spectaculaire de l’italienne Meloni, favorable au catastrophique pacte migratoire, a montré que la seule règle en la matière est le « chacun pour soi » — une règle que nous sommes les seuls à ne pas appliquer au sein de l’UE. Une fois cela compris, il est possible de parler sérieusement de ces élections.
DES ÉLECTIONS IMPORTANTES
Le constat est sans ambiguïté : il n’y a pas, aux élections du 9 juin prochain, de liste prônant à plus ou moins brève échéance le Frexit, capable de dépasser la barre fatidique des 5%. On peut le regretter, bien sûr, mais on doit faire preuve de réalisme : pourquoi voter pour une liste qui n’enverra aucun député au Parlement européen ? D’autant que ces élections, ordinairement plus ou moins boudées par les Français, sont très importantes, compte tenu des graves menaces que ferait peser une victoire des européistes en juin. Leur projet, pour le coup existentiel, tient en effet dans un « approfondissement » de l’Union en vue de son élargissement, d’aucuns envisageant un passage à plus de trente-cinq membres, l’Ukraine comprise. Or, derrière un tel « approfondissement », c’est une marche forcée vers le fédéralisme qui se cache, à savoir la dissolution politique de la France dans l’Europe sous direction germano-américaine, avec à la clef géopolitique et de défense le transfert à Bruxelles de notre siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et celui de notre force de dissuasion à l’OTAN. Or, contrairement à d’autres États de l’Union, notre destin n’est pas de changer de maître au gré de l’histoire.
LR DISQUALIFIÉ
Du camp national, nous excluons d’emblée, évidemment, la liste LR de nouveau dirigée par François-Xavier Bellamy, adepte du « en même temps », et réincarnation d’un autre agrégé de philosophie, Jean Lecanuet : ce démocrate-chrétien est le représentant d’un centre-droit européiste et atlantiste — il est favorable par principe au maintien de la France dans le commandement intégré de l’OTAN voulu par Sarkozy avec la complicité des socialistes. Au Parlement européen, les élus LR, en tant que membres, aux côtés de la CDU d’Ursula von der Leyen, du groupe PPE — Parti populaire européen —, sont parties prenantes de la cogestion de fait entre les démocrates-chrétiens, Renew — les libéraux incluant les macronistes —, les socialistes et les écologistes : une cogestion qui peut connaître des tensions dans tel ou tel domaine, notamment l’agriculture, mais qui, sur le fond, a noué un pacte visant l’ « approfondissement » de l’UE. De plus, Bellamy a beau tourner autour du pot comme M. Jourdain, s’agissant de l’entrée de l’Ukraine dans l’UE — « Il nous faut inventer avec elle une manière d’être européen qui n’implique pas d’être un État membre de l’UE » (sic) —, il s’inclinera. Reprenant le narratif euraméricain, il poursuit dans Causeur en avril dernier : « L’Ukraine veut être européenne. Ne pas répondre à cette aspiration, qui lui vaut aujourd’hui d’être attaquée, serait une faute morale et un suicide géopolitique ».
UN CAMP NATIONAL DIVISÉ
Restent les deux listes réputées d’extrême-droite par les médias de grand chemin. Et dont le positionnement « européen » montre combien l’électoralisme à la fois divise le camp national dans une lutte désastreuse d’égos et pollue tout discours qui se veut de conviction : l’une et l’autre ne remettent nullement en cause l’« Europe », de peur de se montrer « anxiogène », comme le souligne Bardella à Causeur en avril, non sans raison du reste, le suffrage universel étant « conservateur », c’est-à-dire « raisonnable ». D’où, il y a quelques années aussi, l’abandon par le RN de la sortie de l’euro. Nécessaire au plan politique, le Frexitest anxiogène, et donc perdant au plan électoral. La volonté d’exister au plan européen a poussé Marion Maréchal, qui dirige la liste libérale-identitaire de Reconquête, dans les bras de GiorgiaMeloni. Jusqu’au passage du seul député Reconquête, Nicolas Bay(transfuge du RN) au groupe CRE (Conservateurs et Réformistes européens), auquel appartient Fratelli d’Italia et qui se présente lui-même comme un groupe de centre-droit. L’objectif ? Passer devant le groupe Identité et Démocratie, auquel appartiennent le RN pour la France, la Lega pour l’Italie et l’AfD pour l’Allemagne. En vue d’une « große Koalition » avec le PPE et Renew ? Certes, si le conservatisme sociétal rassemble Meloni, Orbán (s’il adhère au CRE) et Maréchal, sans compter le PiSpolonais et Vox pour l’Espagne, en revanche, comment Marion Maréchal, qui pèsera peu au sein du groupe, pourra-t-elle concilier à Strasbourg la politique favorable au pacte migratoire imposée par Meloni, soutien d’Ursula von Der Leyen, et qui forcera la France à prendre « sa part » des migrants sous peine d’amende, et un discours anti-immigration à Paris ? Le « en même temps » atteindra vite ses limites.
VOTER EFFICACE
Ce qui relativise aussi grandement ses propos, quelque peu naïfs, à L’Incorrect d’avril, relatifs à la perspective d’un Frexit : « Ce n’est pas au moment où la droite forte, populaire, souverainiste et conservatrice progresse partout en Europe, où nos amis et alliés conquièrent le pouvoir dans de si nombreux pays, qu’il faut déserter ». Nous venons de le voir, nos intérêts vitaux et ceux de « nos amis et alliés » sont loin d’être toujours les mêmes ! Une parenté idéologique ne suffit pas à faire une politique européenne.
Jordan Bardella, qui dirige la liste sociale-identitaire du RN, laquelle caracole aujourd’hui à plus de 30%, se fait-il lui aussi des illusions sur une internationale des nationalismes ? Si oui, la récente prise de position de ses partenaires de l’AfD contre la souveraineté française à Mayotte a dû lui ouvrir les yeux. Mais le sujet n’est pas là. L’Europe institutionnelle ne peut, d’elle-même, évoluer que dans la mauvaise direction : vers le fédéralisme et l’effacement des nations. Envoyer des députés qui entraveront peu ou prou cette évolution, dans l’attente du sursaut de peuples désireux de reprendre leur destin en main — les Français en premier —, est le seul enjeu de ces élections. Rien ne doit affaiblir le camp national, si irritant ou insatisfaisant soit-il. Sauvegarder l’héritage : l’impératif est toujours le même. Le 9 juin prochain, il faudra voter efficace.
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