C’est ainsi que, deux mois après l’annonce choc, le groupe Canal+, la maison mère de C8, lance officiellement sa contre-attaque. Jeudi 19 septembre, il a annoncé saisir le Conseil d’État pour contester la décision prise par l’Arcom. Son argumentation repose sur « trois injustices profondes » dont il s’estime victime.
Une sanction aux lourdes conséquences
Tout d’abord, C8 dénonce les conséquences sociales graves qu’entraîne la décision de l’ex-CSA. « Des emplois sont en jeu, un écosystème tout entier se trouve menacé », explique la chaîne, évoquant « 300 collaboratrices et collaborateurs, qui œuvrent depuis près de 20 ans à son succès, mais aussi les nombreuses sociétés de production avec lesquelles elle collabore ». Sur X, Pascal Praud a lui aussi rendu hommage à ces professionnels qui risquent de se retrouver sur le carreau d’ici quelques mois.
La deuxième injustice dénoncée par C8 concerne son émission phare, Touche pas à mon poste ! Selon la chaîne, c’est « surtout » en raison de cette émission et de ses « manquements » supposés qu’elle se voit aujourd’hui accablée par l’Arcom. Or, « l'autorité a déjà sanctionné lourdement C8 pour ce motif et rien ne l'autorisait à la réprimer à nouveau », estime C8. Rappelons en effet que le gendarme du PAF lui avait déjà infligé 7,6 millions d'euros d'amendes, ces dernières années, à la suite de séquences jugées déplacées. Il semble que ces sanctions financières record n’aient pas suffi à l’Arcom, regrette le groupe Canal+…
C’est d’autant plus injuste, estime Canal, qu’afin d’éviter d’autres dérapages, C8 avait proposé d'instaurer un différé de diffusion de l'émission Touche pas à mon poste ! et que « d'autres engagements auraient pu être négociés ». Cette proposition n'a hélas pas été entendue, déplore le groupe.
Une sanction très politique
La filiale de Vivendi reproche en outre à l'Arcom d'avoir redéfini « à sa guise la notion "d'intérêt du public", qui constitue le critère primordial d'attribution des fréquences ». Canal+ rappelle que C8 a été écartée alors qu'elle se classe pourtant première chaîne de la TNT avec, chaque jour, plus de 9 millions de téléspectateurs cumulés. « Tout laisse à penser qu'un climat d'hostilité envers la chaîne et le type de programmes qu'elle diffuse a régné au sein du collège de l'Arcom, écrit le groupe Canal+. C8 ne peut pas s'accommoder d'un tel manque d'objectivité et d'impartialité. » Le gendarme de l’audiovisuel a manifestement entendu les voix à gauche qui s’inquiètent de la montée en puissance de « l’empire Bolloré » et dénoncent un manque d'indépendance des rédactions vis-à-vis de l’actionnaire breton.
Mais pourquoi donc l’intégrité éditoriale n'est-elle questionnée que dans le cas de Vincent Bolloré et jamais pour les médias détenus par d'autres milliardaires, à l’engagement politique pourtant revendiqué ?
Idem pour le procès en pluralisme. En donnant la parole à tous (gilets jaunes, islamistes, racailles, militants associés à « l’extrême droite »…), C8 a largement participé à une liberté d’expression qui n’existe pas sur la plupart des autres antennes. N’est-ce pas là que réside, précisément, « l’intérêt du public », considèrent de nombreux soutiens de la chaîne, anonymes ou non.
Il revient désormais au Conseil d’État d’en juger. Mais pour le groupe Bolloré, les raisons d’espérer sont minces : l’instance est dominée par des « juges » tout sauf neutres et dont les décisions ont pu choquer par le passé. Ce sont eux qui, en février dernier, avaient intimé à l’Arcom l'ordre de mieux contrôler CNews. De là à penser que l’intérêt véritable du public et du peuple français n’est pas leur sujet…