Reprenons : Kouchner est pour une France forte dans une Europe forte, et plaide pour l’envoi de troupes au sol. Bon. La France a cessé d’être forte depuis assez longtemps, et l’Europe n’a pas fini de s’écharper sur des questions normatives ou commerciales (dont le traité du Mercosur, en ce moment, n’est pas la moindre). Les États-Unis, en attendant de procéder à l’un de ces « deals » dont Donald Trump annonce qu’il a le secret, ont autorisé l’Ukraine à frapper sur le sol russe avec des missiles à longue portée. Tout n’est donc pas excessivement simple. Bernard Kouchner ne le méconnaît pas. Il faut plutôt en revenir à sa première réponse, donnée à Darius Rochebin : il faudrait sortir de l’ambiguïté (celle dont on ne sort qu’à ses dépens, comme disait le cardinal de Retz…) et dire clairement que oui, la France a des lignes rouges, et qu’elle va envoyer du monde sur le terrain si ça continue.
Plus soucieux du sort des populations africaines...
Voilà qui est parler. Bernard Kouchner semble plus soucieux du sort des populations africaines que de celui des soldats français. C’est un peu facile de crier « En avant ! » depuis le balcon d’un immeuble haussmannien. Il est plus facile - plus méritoire aussi - de crier « Suivez-moi ! ». Bernard Kouchner a arpenté de nombreux théâtres de guerre. Il connaît le job. Son âge canonique en ferait une figure patriarcale de cette nouvelle croisade du Bien, une sorte de nouveau Pierre l’Ermite criant « Deus Vult » devant une foule galvanisée. Bernard l’Ermite, si on veut.
Alors, fais tes bagages, Bernard ! « Prends ton sac et viens sauter », comme disent les parachutistes ! Il n’y a pas mieux que la vertu de l’exemple quand on prétend donner des leçons, comme le rappelle malicieusement Régis Le Sommier sur X. Un « French doctor », ancien ministre, prix Nobel de la paix avec MSF, il ne faudra pas moins que ça comme excuse morale à un massacre gratuit. Ce serait même plutôt malin. Et on reparlera de la grammaire nucléaire un autre jour. Parce que là, si on sort de l’ambiguïté, ce sera au détriment de l’humanité.