Pendant que nos politiciens s’écharpent sur une censure du gouvernement, et que des députés sans pouvoir s’invectivent, Ursula von der Leyen est allée à Montevideo signer l’accord de libre-échange avec le Mercosur.
Malgré l’opposition feinte de Macron et de notre classe politique, cet accord de libre-échange, en négociation depuis 1999, sera bel et bien signé, que nous le voulions ou non.
Olaf Scholtz avait prévenu il y a quelques semaines : « Nous n’avons pas transféré des compétences à l’Union européenne pour qu’aucun accord de libre-échange ne soit signé ».
Les politiciens allemands, contrairement aux nôtres, ont une vision à long terme de la situation économique de leurs pays. L’Allemagne, bien que dans une situation bien meilleure que la nôtre, sait que son modèle mercantiliste est en danger.
L’explosion des coûts énergétiques est en train de faire exploser la belle machine de guerre économique, des usines ferment, des salariés sont licenciés, l’industrie automobile est en danger, et les dirigeants allemands ont bien conscience qu’ils font face à une tendance de long terme.
C’est la raison pour laquelle il leur faut à tout prix trouver de nouveaux débouchés commerciaux pour leurs exportations, même si cela doit tuer l’agriculture européenne, y compris la leur. L’arbitrage entre industrie et agriculture a été fait depuis longtemps, rien n’infléchira leur position.
L’Union européenne a décidé que le modèle d’exploitation agricole familiale, caractéristique de l’agriculture française, était complètement dépassé. Par conséquent, soit les agriculteurs et les éleveurs ont le bon goût de crever en silence, soit ils se mettent à produire du bio, sachant que cela les fera crever plus tard, étant donné que les consommateurs européens n’ont pas les moyens de se payer des tomates cerises à 50 euros le kilo.
Les moins bien renseignés d’entre nous sont en droit de se demander comment il est possible que von der Leyen soit en en mesure de signer de son propre chef cet accord, alors même que notre vénérable Assemblée nationale s’est prononcée contre ce dernier récemment.
Il faut savoir que depuis le Traité de Lisbonne, les négociations des traités de libre échange sont une compétence exclusive de l’Union européenne. Nos dirigeants, ainsi que notre Assemblée nationale ne sont tenus au courant, ni de l’avancée des négociations, ni même de l’objectif final. Le vote de nos députés est donc devenu purement consultatif.
Cet accord, une fois signé, sera donc présenté rapidement au Conseil européen (composé des 27 chefs d’État) et sera voté non pas à l’unanimité, mais à la majorité qualifiée (au moins 15 États représentant plus de 65 % de la population de l’Union européenne).
Vous pourriez penser que si la France parvenait à œuvrer de manière à ce qu’une de ces deux conditions ne soit pas remplie (la négation de P et Q étant Non P ou Non Q en logique formelle), cela permettrait de stopper ce funeste accord.
C’est sans compter que l’Union européenne a également sa propre logique ; réunir quelques pays représentant 35 % de la population pour s’opposer à cet accord n’est pas suffisant, et il en faut au moins 4, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne seront pas aisés à trouver.
Entre les germano serviles comme l’Espagne, les parasites chroniques comme la Pologne, ou ceux que la BCE tient en laisse à cause de leur dette abyssale comme l’Italie, il sera très difficile à la France de trouver des alliés fiables.
La Pologne négociera son accord contre quelques dizaines de milliards supplémentaires de fonds structurels européens, et Meloni fera semblant d’avoir obtenu quelques compensations pour donner le change devant son électorat.
Quand bien même la France parviendrait à bloquer cet accord, ce ne serait que provisoire. L’Union européenne n’abandonne jamais, et ce que l’Allemagne veut, elle l’obtient.
Ainsi, à l’instar de la forfaiture du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, cet accord avec le Mercosur reviendra inexorablement en petit morceaux, sous une autre forme.
Quant au Parlement européen, il ne sera pas difficile pour von der Leyen d’y trouver une majorité pour le ratifier.
En vérité, Macron n’a aucune envie de bloquer cet accord ; il est juste contraint de faire semblant de s’y opposer, afin d’éviter que les agriculteurs ne déferlent sur Paris, pour y répandre du purin sur les façades cossues des ministères.
La France, deuxième contributeur net au budget de l’Union européenne, deuxième économie de cette dernière, membre fondateur, n’est donc officiellement plus en mesure de défendre ses intérêts vitaux.
Les agriculteurs et éleveurs français ont donc été sciemment sacrifiés, et vont crever la gueule ouverte dans l’indifférence générale.
Mais tout ceci n’est qu’un avant-goût de ce qui se produira lorsque les États-Unis reviendront à la charge avec les négociations sur le traité transatlantique.
Ce que le Mercosur a obtenu de nous, il est tout simplement impensable de le refuser aux États-Unis, particulièrement depuis que l’Allemagne dépend de son gaz.
Ce traité transatlantique aura des effets bien plus pernicieux sur les entreprises européennes que n’en aura celui avec le Mercosur.
En effet, ce traité ne se contentera pas de supprimer des droits de douanes au plus grand désavantage de notre pays, mais il fera en sorte d’imposer à tout le continent européen les normes américaines (comptables, financières ou sanitaires), ainsi que des tribunaux d’arbitrage qui ne permettront plus à notre système judiciaire d’intervenir.
En vérité, et c’est bien là le plus triste, l’élection de Trump, et sa volonté affichée de s’attaquer aux exportations allemandes, représente notre unique espoir.
Il nous faut prier pour que ce dernier, qui n’a que faire de la pérennité de l’Union européenne, la fasse exploser en mettant la pression sur l’économie allemande, et en entamant des négociations bilatérales avec différents pays de l’Union européenne.
Alain Falento
https://ripostelaique.com/mercosur-von-der-leyen-passe-en-force-pour-sauver-leconomie-allemande.html