Trente jeunes femmes, toutes plus jolies les unes que les autres, sont venues représenter leur région. Mais pas seulement. Comme un argument marketing, leur différence, leurs caractéristiques sont devenues un programme pour convaincre. Leur silhouette, leur visage, leur charme ne semblent plus qu’annexes et accessoires. Jolies femmes ou beaux programmes ? Jeunes beautés régionales ou figures de proue de causes sociétales ? Cela fait bien longtemps que le concours tente de moderniser son image, de ne plus être qu’un concours de beauté. Il semble que le résultat ait dépassé ses ambitions.
L’événement aurait pu être fédérateur. Que de joie populaire, que de tableaux envoûtants, de tenues resplendissantes, de danses charmantes tout au long de la soirée ! On notera notamment la revue particulièrement réussie des Miss en costumes régionaux derrière lesquelles 24 athlètes des sapeurs-pompiers enchaînaient les prouesses gymnastiques devant la tour Eiffel parée de fumées tricolores. Les costumiers s’étaient surpassés. Taxé de réactionnaire ou de conservateur, ce concours l’est peut-être si ces mots signifient patriote : la France y est mise à l’honneur et c’est avec l’écharpe, la bannière de leurs régions que ces jeunes filles concourent.
Pourtant… si l’on en croit les réactions sur X (ex-Twitter), ce sont d’autres couleurs que les internautes soutiennent : celles de la peau des candidates. Ainsi, on peut lire « Allez les Noires ! », « Martinique et Guadeloupe sont en finale. On a 2 chances sur 5 pour qu’une Noire gagne. On y va », « 1 Noire et une Arabe dans le Top 2, c’est les émotions » (sic). Nous qui croyions naïvement que serait élue la plus belle, celle qui saurait le mieux convaincre et charmer le jury et le public… les miss sont françaises, et c'est tout ce qui devrait compter !
Non, Miss France n’est pas que la représentation de la femme française, son élection est à l’image de la société en général, fracturée par une discrimination qui ne vient pas forcément de là où l’on voudrait nous le faire croire. Ainsi en finale se sont retrouvées, face à face, Angélique Angarni-Filopon (Miss Martinique), la doyenne des candidates, âgée de 34 ans, fière de montrer que son âge n’empêche rien, face à Sabah Aïb, Miss Nord-Pas-de-Calais, revendiquant fièrement ses origines maghrébines. Chacune son projet, comme dirait un autre de nos représentants. Dès le début de la soirée, certaines se voyaient déjà jetées de la roche Tarpéienne. Comme Manon Le Maou, Miss Franche-Comté, fière d’être gendarme comme son père, ce qui n’a pas manqué de faire réagir, sur X : « Une miss gendarme ? Et puis quoi, encore. » Pourtant, la jeune femme a failli perdre la vie, il y a deux ans, à cause d’un refus d’obtempérer, peut-on lire dans Le Parisien. « Mon métier me demande d’incarner le pays, et être Miss, c’est exactement la même chose », explique-t-elle. En effet, comment être mieux placée pour représenter la femme française forte et courageuse ?
Elle n’est pas la seule, cependant, à s’être vue ainsi vilipendée sur les réseaux. Miss Champagne-Ardenne (Louison Thevenin) a osé affirmer, pendant sa courte présentation, qu’elle « espère devenir le visage de la femme française ». Un espoir partagé par chacune des concurrentes, on s’en doute. Eh bien, non : sur X, la voilà déjà taxée de raciste ! Pourquoi tant de haine ? Mais parce qu’elle est blanche et que ses mots excluraient les autres. Pourtant, les mêmes mots dans la bouche de la première dauphine n’auraient sans doute pas provoqué la même réaction.
Ainsi, même l’élection de Miss France, fête populaire et joyeuse, n’aura pas su rassembler une société fracturée, cristallisée dans ses luttes de pouvoir culturel ou ethnique. On en viendrait presque à se demander si élire une Miss ne sera pas, bientôt, aussi difficile que de nommer un ministre. « La beauté sauvera le monde », dit-on pourtant…