Le bobo, est l’incarnation d‘une nouvelle classe sociale, devenu un fait social incontournable ces dernières années. Comme tous les nouveaux phénomènes, chacun les évalue à sa manière. Le débat sombre alors dans les clichés et les préjugés.
Pourtant, le boboïsme, peut s’induire des théories de Schumpeter et comme un des produits de la modernité. Pour en évaluer l’impact sur l’avenir, il convient donc d’en comprendre les ressorts et les conséquences.
Selon la définition du Laroussei Le bobo est :
Personne généralement citadine, aisée et cultivée, revendiquant un progressisme sociétal et des préoccupations environnementales.
On pourrait le traduire avec mauvais esprit :
Personne s’autorisant d’un document remis par une institution pour cesser de penser et devenir victime de toutes les propagandes qui passent, car il se sait protégé par ses revenus. (vous connaissez mon âme noire, je n’allais pas manquer l’occasion d’une vilenie !)
En ce sens, le bobo peut se caractériser par les faits suivants : à la croisée des revenus supérieurs et titulaire d’un diplôme d’étude. Certes, cette définition est réductrice, mais elle nous offre l’avantage de pouvoir accéder à des statistiques.
En ce sens, la démocratisation du baccalauréatii, premier grade de l’université constitue un bon indicateur de cette démultiplication des diplômes de l’université. Longtemps contenu en dessous de 5000 diplômés par an au XIXe siècle, le nombre de bacheliers commence à augmenter avec la IIIe république avant de se démocratiser dans les années 1960, jusqu’à représenter un diplôme assez commun. L’industrie et l’expansion de l’économie française exigeaient cet effort de formation nous dira-t-on, nous verrons si les choses sont aussi évidentes.
Dès lors, la séparation sociale s’effectuera par les Bac+, BAC +3, Bac +5, etc… Les marqueurs du capital culturels changent, l’essentiel étant de maintenir cette idée d’entre soi et de rareté.
Comme nous le voyons, le capital culturel, rare dans les sociétés agraires devient bien plus abondant et cette surabondance du capital culturel est corrélée à des sociétés modernesiii déjà bien avancée dans la maturité.
En ce sens, la corrélation temporelle arrive au moment où dans des pays avancés, comme la France, les infrastructures principales, les industries clés sont construites.
Là est peut-être le principal paradoxe du boboïsme : Il arrive au moment où l’économie s’est développée sans cette masse de bacheliers. On peut donc s’interroger sur la légitimité de cette pléthore de formation et des efforts investis dans une telle surabondance de capital culturel.
Poser la question, n’est-ce pas y répondre ?
Si l’éducation ne correspond pas à un besoin de l’économie (À tout le moins dans de telles proportions), alors il répond à une autre demande.
Heureusement, nous n’avons pas besoin de chercher longtemps, les économistes sont des gens qui aiment à faire des prédictions et sans chercher bien loin, nous en avons une qui correspond comme un gant à la situation actuelle.
Dans son œuvre Capitalisme, socialisme et démocratie, Schumpeter analyse l’effet de la richesse : Les familles ayant des ressources croissantes, elles s’efforcent d’assurer l’avenir de leurs enfants. Logique profondément humaine, omniprésente chez les primates.
Le diplôme, vu comme une garantie d’emploi et de position privilégiée, constitue donc une demande essentielle des familles. Peu importe le choix sociétal primaire : Économie socialiste ou capitaliste, l’appareil éducatif répond soit à une commande politique, soit à une sollicitation financière.
En France, ce sera le collège unique, la démocratisation du lycée, puis, celle de la faculté. L’éducation nationale se transforme en machine à délivrer des diplômes, dont la valeur intrinsèque importe peu tant que l’on a le parchemin. L’économie capitaliste ne fait guère mieux avec la démultiplication d’un secteur éducatif pléthorique où les fondations derrière les facultés deviennent des fonds de placement ultra riches. Là encore, l’offre répond à la demande des étudiants et de leurs familles, pas à celle de l’économie.
Elle s’auto entretient d’ailleurs, car le premier débouché de ces diplômés est le corps enseignant, gage de carrières sures. Pour l’assurer, ceux-ci ont intérêts à pousser les élèves dans les études. Quitte à leur promettre monts et merveilles pour le jour où, diplôme en poche, ils se feront supplier par les entreprises de rejoindre leurs effectifs à coup de ponts d’or. L’enseignant sera loin au moment où, l’étudiant déçu constatera la dureté du marché du travail.
L’effet sur le marché du travail est radical : Cette surabondance de diplômés, crée une inflation de la demande des entreprises et on peut attendre (Sans trop d’impatience tout de même) les thésards pour assurer le service à Mac Do !
Cette dévalorisation s’accompagne d’une dévaluation financière des diplômes, l’IA leur mettra probablement encore un coup sur la coloquinte en réduisant le besoin de cadres devant les ordinateurs (Finalement, Mc do, ca aura alors certains avantages.). Dès lors, vous fabriquez des frustrés et la non-réalisation de leurs rêves de société de consommation et de vie aisée les transforment en aigris. En réaction, ils se mettent à favoriser des théories pour mettre l’état au service du niveau de vie auquel ils pensent avoir droit.
Schumpeter avait vu cette évolution vers le socialisme, il est mort avant 1989 et l’effondrement de l’URSS. Ces gens ont donc dû se reconvertir, mais Marx étant vaincu et discrédité, il fallait trouver un autre relais de croissance.
Le champ politique implique de compenser la violence du prélèvement fiscal qui n’est après tout qu’une dépossession organisée des revenus de certaines personnes/franges de la population. Il faut donc le contrebalancer par une charge morale symbolique capable de dissimuler la vilenie de ce qui est un vol institutionnel1. Pire, pour se distinguer des nons diplômés, il faut aux bobos des compensations symboliques, nécessaires pour mépriser le second groupe et justifier les efforts accomplis pour parvenir au diplôme2, graal en toc, mais inattaquable après s’être tant investi dedans.
D’où le boboïsme, classe sociale nouvelle fondée sur le diplôme où l’idée d’une exceptionnalité culturelle. Sauf que seul, le syndicat des intellectuels aigris ne saurait obtenir la permission de se servir de l’état pour réaliser son programme.
Il lui faut donc un allié, c’est naturellement la classe des capitalistes de copinages. L’alliance consiste à permettre aux copains de piller la population, en échange, la catégorie bobo fournit le justificatif idéologique ou le relaieiv. Elle bénéficie en contrepartie de miettes redistribuées sous forme d’emplois dans une administration pléthorique ou bien dans des associations dont l’utilité sociale peut être souvent questionnée.
Alliance contre nature, mais fondée sur une magnifique convergence d’intérêts : Le capitalisme des copains prospère sur le pillage du pauvre travailleur, seule source d’assiette assez large pour garantir de juteux bénéfices. Mandeville l’avait théorisé, avant d’être repris, par Marx pour le dénoncerv. Les intellectuels déclassés, obtiennent ainsi une reconnaissance de l’exceptionnalité de leur statut : Ils ne sont pas comme les pauvres. D’où le formidable racisme social de la classe bobo, intrinsèque à la logique de cette catégorie.
En ce sens, sauf à imaginer une dramatique rupture de la modernité, la combinaison marché du travail et richesse de la société continuera à produire ses effets délétères.
Le boboïsme, phénomène nouveau de notre époque, risque fort d’être notre compagnon durant les prochains siècles. Les moyens étant là, se pose la question de comment rendre compatible l’aspiration légitime des familles avec les besoins de l’économie ?
1Je n’ai jamais compris pourquoi les gens refusaient de me donner leur argent en échange de mon joli sourire.
2Si vous voulez un exemple dans un de mes livres, je vous conseilles le papa : https://www.atramenta.net/lire/adastra/98666
iii J’emploie moderne au sens d‘une société qui utilise massivement des machines pour produire en masse : Soit par l’industrie ou par le recour aux différents procédés de l’informatique.
iv Par exemple, l’escrologie.