Un monstre technocratique
Donc, pour cette question majeure des migrations et de l’asile, point de débat parlementaire à l’échelon national. Personne ne peut croire que cela tient du hasard. Ces dix textes abordent des domaines différents, depuis le système de gestion des données, Eurodac, en passant par le « filtrage », l’asile, les conditions d’accueil, la réinstallation, une nouvelle agence européenne pour l’asile, la réaction aux situations de crise migratoire, la solidarité entre États membres. Ce dernier point étant essentiel, puisque ont été prévues la répartition obligatoire des migrants et des pénalités financières lorsqu’un État la refuse. Notons qu’un des critères de répartition est la superficie des États membres. La France étant l’État le plus étendu de l’Union européenne, chacun pourra en tirer les conséquences.
De surcroît, cet ensemble juridique est un monstre technocratique, indéchiffrable pour le citoyen ordinaire. Pour illustration, en voici un exemple, le point 5, alinéa 2 de l’article 9 sur les compensations de responsabilité du règlement sur la solidarité entre États membres : « Si, au terme de son examen de la notification visée au premier alinéa, la Commission confirme que l’État membre concerné a contribué au-delà de sa part équitable, la Commission, par voie d’un acte d’exécution [l’équivalent d’un décret, en droit français], autorise l’État membre concerné à réduire sa part équitable du nombre correspondant aux demandes pour lesquelles cet État membre a contribué au-delà de sa part équitable dans le cadre des prochains cycles annuels… » On notera qu’en évoquant les prochains cycles annuels, l’Union européenne ancre dans une continuité indéfinie l’installation de migrants sur son territoire.
Pour être simple et compréhensible, le système repose sur une attribution obligatoire de migrants aux États membres en fonction de l’étendue de leur territoire. Faute de l’accepter, l’État concerné devra s’acquitter d’une contribution de 20.000 euros par migrant ; en clair, une sanction financière.
L'Europe, terre de migrations...
La lettre des actes juridiques est une chose, mais l’important est l’esprit de ceux-ci qui est donné par l’exposé des motifs. Laissons la parole à la Commission. Dans sa communication du 23 septembre 2020, elle se fixait ses objectifs en matière de migration et d’asile : « La migration est une constante de l’histoire de l’humanité qui a façonné en profondeur la société européenne, son économie et sa culture. Grâce à un système bien géré, la migration peut contribuer à la croissance, à l’innovation et au dynamisme social. » Tout y est, la doxa sur l’Europe, terre de migrations, et sur l’intérêt économique de l’exploitation des migrants. La Commission oublie simplement que ces migrations ont souvent pris la forme d’invasions, qui n’étaient ni pacifiques ni tranquilles.
Il est vrai que certains États membres subissaient seuls la submersion migratoire. La solution n’est pas dans la répartition des vagues successives mais dans leur refoulement, avec l’humanité nécessaire. Elle seule peut être dissuasive. Mais les règles internationales l’interdisent. Devant la réalité, il conviendrait de les modifier. Or, la politique est devenue le champ clos de l’idéologie où le réel n’a plus sa place. Il ressurgira avec violence.
Encore un pan de la souveraineté française qui s’effondre
Dans la doctrine classique, l’exercice de celle-ci se caractérisait par la maîtrise de la force armée, la définition des termes de la nationalité, la diplomatie indissociable de la puissance militaire, la justice et le droit de battre monnaie. Tout cela est en lambeaux, depuis Maastricht. Ce Pacte sur la migration et l’asile est une étape de plus dans la disparition de la France en tant que puissance souveraine. Mitterrand, artisan cynique de ce désastre, en avait fait le constat : « En fait, je suis le dernier des grands Présidents […] je veux dire, dans la lignée de De Gaulle. Après moi, il n’y en aura plus d’autres en France […] à cause de l’Europe, à cause de la mondialisation […] le Président deviendra une sorte de super-Premier ministre. Il sera fragile » (Le dernier Mitterrand, Georges-Marc Benamou). Néron regarde Rome qu’il a incendiée ! Quant à nos politiciens, ils n’ont que l’apparence du pouvoir qu’ils ont abandonné en d’autres mains. Comment s’étonner que le peuple se détourne de ces impuissants artisans de leur impuissance ?