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L’armée pour mater les prochaines émeutes raciales ? La belle blague !

Eric Zemmour a évoqué à plusieurs reprises, notamment dans son livre Un quinquennat pour rien (2016), l’existence d’un plan militaire baptisé « opération Ronces », destiné à permettre à l’armée française d’intervenir massivement dans les banlieues en cas d’émeutes raciales ou de violences urbaines majeures, comme celles qui ont suivi la mort de la racaille Merzouk en juin 2023. Selon Zemmour, ce plan aurait été élaboré avec l’aide de spécialistes israéliens, s’inspirant de leur expérience à Gaza – ils ont, depuis le 7 octobre 2023, engrangé de nombreux retours d’expérience… –, et prévoirait un déploiement de l’armée pour « reconquérir » des « territoires perdus de la République ».

Cette hypothèse est purement fantasmatique pour la bonne raison que l’armée française n’est plus ethniquement homogène depuis de nombreuses années.

Comparer l’armée française et Tsahal relève de l’incongruité absolue. Les citoyens arabes d’Israël musulmans et chrétiens sont exemptés du service militaire obligatoire, mais peuvent s’engager volontairement. En 2023-2025, environ 1 000 à 1 500 soldats arabes servent dans Tsahal, soit moins de 1 % des effectifs totaux (environ 170 000 soldats en service actif). À plus de 99 %, les soldats de Tsahal sont donc juifs. La majorité des volontaires arabes sont des druzes ou des chrétiens, tandis que les Arabes musulmans restent très minoritaires, en raison des barrières culturelles et politiques qu’on imagine. Parmi les rares officiers arabes, la plupart sont druzes, notamment dans des unités spécialisées comme le bataillon Herev. Les Arabes druzes, minorité arabe hétérodoxe (environ 140 000 en Israël), ont soutenu la création d’Israël en 1948 et sont considérés comme une communauté loyale à l’État hébreu. Contrairement aux Arabes musulmans, ils ne s’identifient pas au mouvement national palestinien. Depuis 1956, les Druzes israéliens sont les seuls Arabes soumis à la conscription, ce qui renforce leur intégration dans la société.

Les statistiques ethniques étant interdites en France, on ne peut dresser un tel tableau de l’armée française. On est réduit à imaginer la situation réelle de l’armée française à travers quelques événements symptomatiques.

Le Charles de Gaulle, symbole de puissance et de fierté nationale

Le porte-avions Charles de Gaulle, fleuron de la Marine nationale française, incarne la capacité de projection de puissance de la France à travers le monde. Depuis sa mise en service en 2001, il a participé à de nombreuses opérations, de l’Afghanistan à la Libye, en passant par la lutte contre le terrorisme en Irak et en Syrie. Pourtant, derrière cette image de force et de cohésion, l’histoire récente de la Marine française révèle des tensions internes, parfois exacerbées par des contextes opérationnels difficiles et des enjeux communautaires.

En 2011, lors de l’opération Harmattan en Libye, le Charles de Gaulle avait déjà connu des signes de malaise au sein de son équipage, avec des rumeurs de sabotage et une opposition marquée à la politique du président Sarkozy. Plus tôt, dans les années 2000, des incidents liés à la présence d’“imams autoproclamés” à bord avaient mis en lumière les défis posés par la diversité religieuse et sociale au sein des forces armées. Ces événements, bien que jamais officiellement confirmés comme une mutinerie, illustrent les risques de fracture au cœur même d’un navire conçu pour incarner l’unité nationale.

Un contexte explosif : la Libye et les tensions internes

En mars 2011, le Charles de Gaulle est engagé dans l’opération Harmattan, dans le cadre de l’intervention militaire internationale en Libye, autorisée par la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU. Les missions s’enchaînent, les équipages sont soumis à un rythme opérationnel intense, et les tensions politiques en France, notamment autour de la participation à cette guerre, se répercutent à bord.

Des sources internes évoquent des actes de sabotage mineurs : des pannes inexpliquées, des retards dans les procédures, des graffitis hostiles à la politique gouvernementale. Un sondage informel, réalisé par des officiers, révèle une opposition massive parmi les marins à la prolongation de la mission et à la politique étrangère de Nicolas Sarkozy. Certains membres d’équipage, recrutés via des contrats courts et issus de milieux défavorisés, expriment un sentiment d’injustice et de décalage entre leur engagement militaire et les objectifs politiques de l’intervention.

Ces tensions culminent en juillet 2011, lorsque des rumeurs de mutinerie poussent l’état-major à ordonner le retour précipité du porte-avions à Toulon, bien avant la date initialement prévue. Officiellement, il s’agit d’un retour pour maintenance et repos de l’équipage. Mais dans les coulisses, les autorités militaires craignent une crise ouverte, comparable à celle de 1999 sur le porte-avions Foch.

En juin 1999, le précédent du porte-avions Foch

Une soixantaine d’engagés volontaires, tous d’origine maghrébine, prennent en otage un officier et se barricadent dans la cafétéria du navire pendant deux jours. Cet incident survient alors que le Foch participe à l’opération Trident, dans le cadre des frappes de l’OTAN au Kosovo. Les mutins, recrutés via des contrats courts et souvent peu qualifiés, refusent apparemment de participer à des missions perçues comme dirigées contre des populations musulmanes.

La crise, rapidement médiatisée, est résolue par l’intervention d’un commando de fusiliers-marins. Elle révèle cependant des fractures profondes au sein de la Marine nationale : tensions communautaires, difficultés d’intégration des jeunes recrutés en urgence, et questionnements sur la cohésion des équipages en opération. Cet épisode, bien que rapidement étouffé par la hiérarchie militaire, reste gravé dans les mémoires comme un avertissement sur les risques de radicalisation et de contestation au sein des forces armées, surtout dans un contexte de missions internationales controversées.

Les “imams autoproclamés” : un précédent inquiétant

Dès le début des années 2000, des incidents liés à la pratique religieuse à bord du Charles de Gaulle avaient alerté la hiérarchie militaire. Lors d’une audition en 2011, l’ancienne ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie évoque publiquement, pour la première fois, la présence d’“imams autoproclamés” à bord du navire. Abdelkader Arbi, aumônier musulman des armées, confirme ces faits : certains marins, frustrés par l’absence de cadre religieux officiel, avaient organisé des prières collectives et des prêches, parfois détournés pour remettre en cause l’engagement militaire ou la légitimité des ordres reçus.

La Marine avait finalement résolu le problème en nommant des aumôniers musulmans officiels, permettant un encadrement religieux structuré et une médiation avec le commandement. Pourtant, l’épisode avait révélé une faille : dans un espace confiné comme un porte-avions, les tensions communautaires peuvent rapidement dégénérer, surtout en période de crise opérationnelle.

Une crise évitée de justesse ?

En 2011, le retour anticipé du Charles de Gaulle à Toulon est présenté comme une mesure de précaution. Les autorités militaires démentent toute velléité de mutinerie, mais les témoignages de marins et d’officiers, recueillis bien plus tard, suggèrent une situation bien plus tendue. Certains parlent de réunions clandestines, de refus collectifs d’obéir à certains ordres, et même de projets de désobéissance organisée.

La crise est finalement désamorcée grâce à une combinaison de facteurs : le retour au port, qui permet de séparer les éléments les plus radicaux ; une communication renforcée de la hiérarchie, rappelant l’importance de la chaîne de commandement ; et l’intervention des aumôniers, qui jouent un rôle clé dans l’apaisement des tensions religieuses.

Leçons et perspectives : comment éviter une nouvelle crise ?

L’épisode de 2011 sur le Charles de Gaulle, bien que jamais officiellement reconnu comme une mutinerie, a servi de signal d’alarme pour la Marine nationale. Plusieurs mesures ont été prises pour renforcer la cohésion des équipages :

  • Un recrutement plus rigoureux, avec une attention particulière portée à la motivation et à l’adhésion aux valeurs militaires.
  • Un encadrement religieux officiel, pour éviter les dérives communautaires.
  • Une meilleure gestion des temps de repos et des rotations, afin de limiter l’usure psychologique des marins en opération.
  • Une formation renforcée des officiers à la gestion des conflits et à la détection des signes de radicalisation ou de contestation.

La diversité croissante des équipages, les tensions géopolitiques et les opérations prolongées continuent de peser sur la cohésion interne.

Le scénario d’une mutinerie à bord du Charles de Gaulle, bien que jamais avéré, et son précédent à bord du Foch, rappellent que même les symboles les plus puissants de l’État ne sont pas à l’abri des tensions ethniques. Aujourd’hui, alors que le Charles de Gaulle prépare sa relève par un nouveau porte-avions de nouvelle génération, la question de la cohésion des équipages raciales reste plus que jamais d’actualité.

L’armée française ne peut pas, en temps normal, être déployée pour des missions de maintien de l’ordre ou de protection des civils en cas d’émeutes urbaines comme celles qui ont suivi la mort de Merzouk en 2023.

Les missions de maintien de l’ordre (dispersion de manifestations, contrôle des foules, protection des biens et des personnes) relèvent exclusivement de la police nationale et de la gendarmerie, sous l’autorité du ministère de l’Intérieur.

L’armée n’a pas vocation à intervenir dans ces contextes, sauf en cas de circonstances exceptionnelles (effondrement de l’ordre public) et sur décision politique.

Lors des émeutes qui ont suivi la mort de Merzouk, le gouvernement a renforcé les effectifs de police et gendarmerie (jusqu’à 45 000 agents mobilisés), utilisé des unités spécialisées (BRAV-M, GIGN) et mis en place des mesures juridiques d’urgence (couvre-feux, interdictions de manifestation). L’armée n’a pas été engagée et pour cause : on n’imagine pas des militaires issus de la diversité aller affronter à balles réelles des émeutiers de même race et de même religion qu’eux.

Henri Dubost

https://ripostelaique.com/larmee-francaise-pour-mater-les-prochaines-emeutes-raciales-la-belle-blague.html

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