Ce n’est pas le tout de gagner une élection. Il faut encore pouvoir se faire entendre. Donald Trump s’y emploie sans désemparer.
Le 16 février, Donald Trump a donné une conférence de presse dans laquelle il a conservé ce style direct, où le président américain prend à témoin son peuple des difficultés qu'une certaine intelligentsia, qu'on nomme volontiers outre-Atlantique « l'État profond », lui fait pour avoir prétendu, pour avoir osé prétendre vouloir rendre le pouvoir aux Américains.
Un simple indice sémantique de ce décalage. Un certain nombre de média note que ladite conférence de presse fut « improvisée ». Comme si le président des États-Unis ne pouvait s'exprimer comme bon lui semble, mais devait les avoir sans doute préalablement prévenus.
On notera aussi que, dans son propos, Donald Trump n'a rien perdu du punch qu'il a manifesté pendant des mois tout au long de sa campagne, n'épargnant pas ceux qu'il désigne comme ses adversaires, comme les adversaires du peuple américain, et justifiant - malgré tous ces pouvoirs judiciaire, médiatique, et des agences, qui participent de l'État profond - les décisions prises depuis son investiture. Donald Trump continue ainsi le pari, jusqu'ici gagnant, du peuple contre l’oligarchie. « Je suis ici une nouvelle fois pour faire passer mon message directement au peuple », a-t-il lancé.
Un président et son peuple
Tout n'est pas cependant ni tout noir, ni tout blanc, dans cette lutte d'influence, et il faudrait sans doute modérer le propos en observant qu'une partie de cette oligarchie, et notamment dans le monde de l'argent, se trouve derrière Donald Trump. Et on peut comprendre ces gens pour qui l'économie est en quelque sorte une religion, comme le proclame le billet vert, puisque - critère essentiel pour eux - cela marche. Ainsi, malgré la tension qui se fait jour de plus en plus entre la Fed et la Maison Blanche, la bourse reprend-elle des couleurs. Et l'indice Standard & Poor's, qu'on ne peut raisonnablement accuser d'être à la botte de la Maison Blanche, s'en fait le reflet.
Pour en revenir à la conférence de presse, à ce déballage, selon cette façon très directe qu'il a de s'exprimer, Donald Trump y a défendu son équipe, expliquant les affaires qui ont conduit à plusieurs démissions, déjà, au sein de ses proches, soit par des dossiers sans rapport avec son administration, antérieurs à son mandat, soit par des maladresses, notamment de communication.
Aussi le président américain a-t-il accusé les média d'être « le parti de l'opposition » et de propager de « fausses informations ». « La presse est devenue si malhonnête, a-t-il ajouté, que, si nous n'en parlons pas, cela dessert énormément le peuple américain », précisant que ce niveau de malhonnêteté est « hors de contrôle ».
Dans ce bras de fer médiatique, Donald Trump a une fois de plus joué la carte du peuple contre l'oligarchie, en dénonçant des journalistes au service « d'intérêts particuliers ».
Et le président les a avertis que tout ce qu'ils pourraient écrire ou dire non seulement ne correspondrait pas à la vérité, mais en outre ne l'influencerait pas. Evoquant notamment, et pour donner un exemple qui, ces derniers temps, enflamme les esprits, la question de ses relations, ou de celles de certains de ses proches, avec la Russie, Donald Trump a lancé « Vous pouvez dire ce que vous voulez sur la Russie, ce sont de fausses informations fabriquées pour compenser la défaite des démocrates, et la presse joue le jeu. »
« Quant à moi, a-t-il conclu après avoir pris la défense de certains de ses anciens collaborateurs obligés de démissionner à la suite de cette affaire, je ne possède rien en Russie. Je n'ai pas de prêts en Russie. Je n'ai aucun accord en Russie. Je n'ai rien à voir avec la Russie. »
En s'exprimant devant le peuple américain, le président ne s'est pas contenté de mettre les points sur les i pour sa défense, et celle de ses collaborateurs, il a également réaffirmé sa volonté de poursuivre dans la ligne qui est la sienne.
Dans sa conférence de presse, Donald Trump a ainsi confirmé sa volonté de détricoter rObamacare, la loi sur l'assurance-santé à laquelle son prédécesseur avait donné son nom, et qui facilitait la progression de la culture de mort par le biais, notamment, de la contraception et de l'euthanasie renforcées. « Nous nous occupons de l’Obamacare. Nous en sommes aux derniers stades. Nous la présenterons donc début ou mi-mars », a affirmé le président américain à propos de cette réforme.
Barack Obama au front
On comprend que son prédécesseur apparaisse donc désormais nettement comme le chef de file des opposants à son successeur - comme il l'avait d'ailleurs laissé entendre avant de quitter la Maison Blanche. « Il est normal de se sentir stressé, triste, découragé. Mais reprenez-vous ! Il faut aller de l'avant pour protéger ce que nous avons accompli. C'est le moment de s'organiser », avait lancé Barack Obama lors de Tune de ses dernières conférences de presse. Il semble bien, sur ce point, être suivi. Quant à lui, contrairement à la tradition, il paraît plus présent encore que lorsqu'il occupait le bureau ovale...
Il y a plus, si l'on considère l'agitation médiatique opérée autour du décret anti-immigration pris par Donald Trump dans les premiers jours de sa présidence. Actuellement contesté par les magistrats fédéraux, le texte est suspendu et, plutôt que d'entrer dans une longue bataille judiciaire, Donald Trump a préféré l'abandonner, afin de présenter, avant la fin du mois, un nouveau texte, « très complet, pour protéger le pays » tout de suite, sans se perdre dans les arguties des arcanes juridiques.
C'est d'ailleurs ce que ses avocats ont écrit dans un mémorandum adressé à la cour « Plutôt que de poursuivre ce litige en justice, le président a l'intention d'abroger son décret et de le remplacer par un nouveau décret, grandement révisé. » Ce qui n'empêche pas le requérant de camper sur ses positions, puisque ses avocats précisent que ce nouveau décret « éliminera ce que la cour a estimé, de façon erronée, soulever des questions constitutionnelles ».
Reste à estimer la valeur de ces « revers » subis par Donald Trump. Pour l'heure, il ne donne pas signe d'être abattu, comme l'annoncent ses adversaires, puisque, aussi bien, il manifeste sa volonté de poursuivre, voire de rebondir.
Ce qui n'empêche pas la clique internationale de ses opposants d'annoncer pour demain, pour bientôt en tout cas, la fin de Donald Trump. Même si « l'impeachment », évoqué ici où là, ne semble pas sérieusement envisagé.
En France, on a pu néanmoins entendre sur les ondes des raccourcis ravageurs, mais privés de tout réalisme. De « l'Amérique défile contre Trump » à « le monde entier contre les États-Unis », nous avons fait le plein de déclarations insanes dans lesquelles se répandent certains de nos confrères lorsqu'ils confondent leur métier avec celui des juges, ou même des commissaires politiques.
Pour l'heure, les chiens aboient, la caravane passe.
Hugues Dalric monde&vie 23 février 2017