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culture et histoire - Page 1022

  • Paris samedi 13 mai, colloque du Cercle de Flore : « Refonder le Bien Commun » en présence du Prince Jean de France

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    Colloque du 13 mai 2017 : REFONDER LE BIENCOMMUN

    Invité d'honneur le prince Jean de France, duc de Vendôme 

    L'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers. L’intérêt du moment n’est pas celui de l’avenir. Comment déterminer, aujourd’hui, dans le contexte actuel mais pour les générations à venir, ce qui est bien, juste, bon, durable, efficace, légitime ? Et comment s’assurer que la société mettra en œuvre les moyens nécessaires pour atteindre le but fixé ? Comment surtout ne pas tendre vers l’utopie mais s’inscrire dans la réalité, forcément mobile, de la nature, des êtres, des gens, des communautés, des peuples, des nations ? 

    Introduction :

    François Marcilhac, directeur politique de l’Action Française 2000 

    Table ronde 1 : BIEN COMMUN ET GOUVERNEMENT IDEAL

    Animateur : Stéphane Blanchonnet, président du Comité Directeur de l’Action Française

    Comment définir le Bien commun et peut-il être mieux servi par une forme de gouvernement que par une autre ? La participation politique des sujets sociaux à la vie de la Cité est-elle une condition, une marque du Bien commun ? Et quels sont ces sujets sociaux : personnes, familles, entreprises, associations, régions, peuples ? Ont-il tous un rôle à jouer ?

    + Guillaume Bernard, maître de conférences à l’ICES : "Le bien commun."

    + Pierre-Yves Rougeyron, directeur de la revue Perspectives Libres, Président du Cercle Aristote :" Les sujets sociaux." 

    Table ronde 2 : SUBSIDIARITE ET SOLIDARITE

    Animateur : Guillaume de Prémare, directeur-général d'Ichtus

    Le bon gouvernement ménage la liberté de chacun dans le cadre du bien commun poursuivi. Comment les individus conçoivent-ils leurs propres actions en fonction de ce bien commun, comment exercent-ils leur liberté, quelle réciprocité de services peuvent-ils ou doivent-ils mettre en place ?

    + Jacques de Guillebon, écrivain et journaliste La Nef : "Être un sujet libre."

    + Gauthier Bes, co-fondateur des Veilleurs : "Être un sujet engagé." 

    INTERVIEW DU PRINCE JEAN DE FRANCE. 

    Table ronde 3 : BIENS COMMUNS IMMEDIATS

    Animateur : Philippe Mesnard, rédacteur-en-chef de L’Action française 2000

    Si le bien commun doit être refondé, si la promotion de ce bien commun est nécessaire, si les formes du politique doivent être réinventées, il y a simultanément à ce chantier primordial une urgence sociale. C’est aujourd’hui que le bien commun de demain est menacé. S’engager dès maintenant, sans l’assurance de la meilleure forme politique et sans la légitimité du consentement des personnes et des communautés, est-ce déjà poser les bases, refonder ?

    + Charles de Meyer, président de SOS Chrétiens d'Orient : "L’urgence diplomatique."

    + Gabrielle Cluzel, écrivain et journaliste Boulevard Voltaire : "L’urgence sécuritaire."

    Conclusion :

    M° Jacques Tremolet de Villers, avocat et écrivain.

    Informations pratiques

    * Lieu : Espace Cléry, 17 rue de Clery, 75002 Paris.

    * Horaires :  14h-18h - colloque - 20h-00h - banquet

    *Tarifs : Colloque seul : 7€ (adhérent de l'Action française) 10€ / 20€ (soutien) Colloque + banquet : 20€ (adhérent de l'Action française)  30€ / 50€ (soutien)

    Renseignements : contact@cercledeflore.fr

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  • Islam et Laïcité : deux siècles ensemble

  • Il y a quatre-vingts ans, Pie XI condamnait le communisme

    Le 19 mars 1937 - il vient d'y avoir quatre-vingts ans - Ambrogio Damiano Achille Ratti (1857-1939), pape sous le nom de Pie XI (1922-1939), publiait l'encyclique Divini Redemptoris condamnant sans appel le communisme comme « intrinsèquement pervers ». C'était un pape qui savait parler en pape et qui osait dénoncer une erreur absolument nocive pour la foi, pour l'intelligence et pour la paix de nos vieux pays chrétiens.

    On me reprochera peut-être de parler d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître... Le communisme, pense-t-on souvent, c'est maintenant une vieille histoire ! Il semble en effet si loin, le temps où la guerre froide opposait Soviétiques et Américains et menaçait le sol européen ! En France même, nous avons fini de trembler devant la menace d'une révolution communiste comme durant les grèves insurrectionnelles de 1947-1948, par lesquelles le Parti communiste dit "français", alors à son apogée, préparait la prise du pouvoir. En 1981, encore, l'arrivée de l'allié momentané des communistes, François Mitterrand (1916-1996), à l'Elysée en remplacement du trop médiocre Valéry Giscard d'Estaing, qui, pendant sept années, avait accompli l'essentiel du programme des socialo-communistes, donna quelques sueurs froides à bien des Français. Tout cela a marqué les générations nées dans les années 40. Mais il y eut la chute du mur de Berlin en 1989 et l'effondrement, dans les années suivantes, de l'empire soviétique, comme un château de cartes ! Depuis lors, le parti communiste français ne semble plus représenter grand-chose...

    Au secours de la famille, de l’école et du mariage…

    Alors, aujourd'hui, on croit que tirer sur le communisme, c'est tirer sur une ambulance. Or, sachons ouvrir les yeux : le communisme pur et dur subsiste à Paris, rue de Grenelle, dans les murs du démentiel ministère de l'Éducation dite nationale, où pullulent nombre d'enseignants, de pédagogues, de psychologues, de technocrates et de "spécialistes", qui continuent de s'inspirer du plan Langevin-Wallon de 1947 selon lequel « c'est à l'Éducation nationale qu'incombe la mission de l'éducation pour tous les enfants », comme si les enfants appartenaient à l'État plus qu'à leurs parents.

    Le poison communiste demeure aussi dans l'esprit des prétendues élites françaises, lesquelles, même quand elles ont rompu avec k communisme ou n'ont jamais adopté sa façon de penser ou d'agir, restent marquées quand même par son idéologie, c'est-à-dire par le marxisme-léninisme qui est un matérialisme dialectique et qui explique la vie par l'évolution perpétuelle des forces matérielles au nom de quoi on ne croit à la Vérité durable de rien, mais à la force variable de tout. Ce qui explique le ralliement de tant d'hommes et de femmes, apparemment raisonnables, à toutes les idées détruisant notamment la famille. Ces personnes n'ont peut-être pas lu les principes du communisme rédigés par le théoricien Friedrich Engels (1820-1895) : « Le communisme transformera les rapports entre les sexes en rapports purement privés, ne concernant que les personnes qui y participent. Cette transformation sera possible du moment qu'il supprimera la propriété privée, qu'il élèvera les enfants en commun et détruira les deux bases principales du mariage actuel, à savoir la dépendance de la femme vis-à-vis de l'homme et celle des enfants vis-à-vis des parents. » Tout laisse à croire que ce genre d'idées ont envahi l'esprit de ceux qui, actuellement, rédigent des lois, dites de société, sur le mariage, la famille ou l'école.

    Dans Le Capital de Karl Marx (1818-1883), petit-fils de rabbin, on lit aussi « Il est absurde de considérer comme absolu et définitif le mode germano-chrétien de la famille » et dans le Manifeste du parti communiste, écrit vers 1848 par Marx et Engels « Sur quelles bases repose la famille bourgeoise d'à présent ? Sur le capital, sur le profit individuel. » Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine (1870-1924) préconisait, quant à lui. « Toutes les pensées des ouvrières doivent être dirigées vers la révolution prolétarienne. C'est elle qui créera également une base pour les nouvelles conditions du mariage et les nouveaux rapports entre les sexes. »

    Il était logique que de telles bases eussent conduit à l'union libre et à l'avortement légalisé par les institutions. Mais les communistes moscovites, se soumettant à la règle de l'efficacité, revinrent momentanément à des principes plus traditionnels lorsque la démographie devint inquiétante pour l'Union soviétique, base mondiale essentielle de la révolution - preuve que, dans cette philosophie du devenir et de l'évolution perpétuelle, où seule la transformation permanente par l'action est acceptable, n'est moral que ce qui sert le Parti, et la notion de famille est toujours au service de la révolution permanente.

    C'est sur ce point, entre autres, que Pie XI condamna sévèrement le communisme dans son encyclique : « En refusant à la vie humaine tout caractère sacré et spirituel, une telle doctrine fait nécessairement, du mariage et de la famille, une institution purement conventionnelle et civile, fruit d'un système économique déterminé. On nie par conséquent l'existence d'un lien matrimonial de nature juridico-morale qui soit soustrait au bon plaisir des individus ou de la collectivité et, par suite, on rejette l'indissolubilité de ce lien. En particulier le communisme n 'admet aucun lien spécial de la femme avec la famille et le foyer. [...] [En outre] on retire aux parents le droit de l'éducation, que l'on considère comme un droit exclusif de la communauté, c'est seulement au nom de la communauté, et par délégation, que les parents peuvent l'exercer. »

    Le matérialisme dialectique est encore dans tous esprits

    Toutefois, c'est tout le communisme que condamnait Pie XI comme « système rempli d'erreurs et de sophismes, opposé à la raison comme à la révélation divine [...] Pour la première fois dans l'Histoire, nous assistons à une lutte froidement voulue et savamment préparée de l'homme contre tout ce qui est divin. Le communisme est, par sa nature, anti-religieux. » Le pape avait bien compris que le matérialisme dialectique était un athéisme total, refusant non seulement Dieu, mais tout ce qui a été créé par Dieu, n'acceptant donc aucune réalité stable, aucune vérité constante, mais s'opposant toujours à ce qui existe en le transformant par l'action révolutionnaire dans laquelle l’homme se crée lui-même et crée l'histoire dans le rejet de toute dépendance vis-à-vis de Dieu.

    Pie XI savait qu'il était de son devoir de mettre en garde les insouciants qui laissaient se propager des doctrines aussi néfastes. Car le communisme avait l'art de pénétrer dans les milieux les moins accessibles et d’obtenir des connivences en manoeuvrant les catholiques, sans outrager ouvertement leurs sentiments religieux, pour les éduquer par l'action commune sur le terrain humanitaire. Le pape ne se laissait pas duper : « Ainsi, voyant le commun désir de paix, les chefs du communisme feignent d'être les plus zélés Jouteurs et propagateurs du mouvement pour la paix mondiale ; mais en même temps, ils excitent à une lutte des classes qui fait couler des fleuves de sang et, sentant le manque d'une garantie intérieure de paix, ils recourent à des armements illimités. » Alors éclate cette énergique et solennelle recommandation pontificale : « Veillez, vénérables frères, à ce que les fidèles ne se laissent pas tromper. Le communisme est intrinsèquement pervers, et l’on ne peut admettre sur aucun terrain la collaboration avec lui de la part de quiconque veut sauver la civilisation chrétienne. »

    On vantait parfois devant Pie XI les progrès économiques obtenus par le communisme, mais cela ne l'impressionnait nullement « Seul l'homme, seule la personne humaine, et non la collectivité en soi, est doué de raison et de volonté moralement libre, tandis que le communisme, renversant l'ordre des relations entre l’homme et la société, appauvrit la personne humaine. [Il] dépouille l'homme de sa liberté, principe spirituel de conduite morale, il enlève à la personne humaine tout ce qui constitue sa dignité, tout ce qui s'oppose moralement à l'assaut des instincts aveugles. On ne reconnaît à l’individu, en face de la collectivité, aucun des droits naturels à la personne humaine ; celle-ci, dans le communisme, n’est plus qu'un rouage du système. »

    Avec cela, le communisme peut se vanter d'être responsable, si l'on compte les exactions commises sous les différents régimes communistes et les famines causées par leurs différentes politiques économiques, de plus de 85 millions de morts dans le monde. Quel système fut plus criminel ?

    Cette attitude de défense envers le communisme continua sous le pontificat suivant, celui d'Eugenio Pacelli (1876-1958), pape sous le nom de Pie XII (1939-1958), où, par un décret du Saint-Office de 1947, fut condamnée fermement toute forme de collaboration avec les communistes.

    Honte à Vatican II

    Puis vint le concile Vatican II (1962-1965) qui s'empressa découronner le Christ roi des nations, et fit adopter par les évêques du monde entier un profil bas ; les « pères conciliaires » refusèrent que fût réitérée la condamnation du communisme et cela suffirait à jeter le discrédit sur ce conciliabule, car, à ce moment-là, en dépit des sourires de Nikita Khrouchtchev (1894-1971) à l'Occident et de sa déstabilisation donnée en spectacle, le monstre soviétique et son rival chinois étaient encore en train de persécuter les chrétiens, d'en envoyer par fournées dans les Goulags, et de réprimer sans pitié les révoltes hongroises, tchécoslovaques, ou autres... Cette non-assistance à chrétiens en danger montre qu'à Vatican II l'Église catholique qui était « l’arche de salut des sociétés » qu'admirait tant Charles Maurras s’éclipsait !

    Après 1989, le communisme a amorcé sa descente, non pas aux enfers, mais dans les oubliettes momentanées de l'Histoire. Et ce ne fut pas grâce aux gesticulations de Wojtyla (1920-2005), dit Jean-Paul II (1978-2005), mais sous le poids de ses propres contradictions. Il a cessé en principe d'être une menace nos libertés, mais il n'en reste pas moins un danger pour les intelligences et les volontés trop souvent soumises à une mafia de penseurs et de théologiens de pacotille qui s'obstinent à diffuser les idées les plus subversives et les plus avancées, donc encore quelque peu marxistes. C'est pourquoi rendre hommage à Pie XI pour Divini Redemptoris ce texte prophétique et de validité permanente, était un devoir.

    Michel Fromentoux. Rivarol du 30 mars 2017

  • Pierre Boutang : « Le seul horizon politique, le Prince chrétien

    Conférence donnée à Marseille, le 3 mars 1988, sous la présidence de Pierre Chauvet, au siège de l'Union Royaliste Provençale. Titre : « L'horizon politique, le Prince chrétien ». [Durée : 1 h 46]. 

    Nous hésitons toujours à diffuser cette conférence – pourtant exceptionnelle - de Pierre Boutang. 

    A cause de sa médiocre qualité technique, pour commencer : l'enregistrement a presque trente ans ; et, même pour l'époque, ce n’était pas un travail de professionnel…

    Ensuite, Boutang lui-même donne à sa conférence un aspect décousu, alors qu'elle est, en réalité, très construite. Ordonnée mais foisonnante et familière. A son habitude. D’ailleurs, ce soir-là, on est nombreux mais en famille.

    Qu'importe ! Une conférence de Pierre Boutang, d'une heure trois-quarts sur la situation de la France, de l'Action française, du royalisme français et, si l'on veut, de la mouvance maurrassienne, cela est sans analogue. Il n'en existe pas d'autre.

    Et quelle meilleure pièce à verser au débat rouvert par Jean Birnbaum dans Le Monde ! Il pourra y vérifier les rapports de fidélité – infidélité de Boutang à Maurras et à l'Action française, leur degré et leur nature respectives ; il verra si Boutang y apparaît comme « ce fils qui a mis à mort un père aimé et défaillant » ; il verra bien aussi s’il y trouve confirmation d’un Boutang « acceptant désormais la République » ; sans-doute constatera-t-il encore que parmi les sujets de préoccupation grave dont traite Boutang [l’islam, l’Allemagne, l’extrême fragilité de notre civilisation ... ] Israël – quoi qu’il aurait pu en dire – n’est pas du tout évoqué. Etc…

    Il y a, nous semble-t-il, une autre raison, conjoncturelle celle-là, de trouver un intérêt particulier à cette conférence. Donnée à Marseille le 3 mars 1988, elle tombe en pleine période préélectorale. Le 1er tour de l'élection présidentielle qui verra la réélection de François Mitterrand, est fixé au 24 avril, soit à moins de deux mois. En introduction, Boutang rappelle le sujet - pour lui en rien anachronique - de sa conférence : « le seul horizon politique : le Prince chrétien ». Il énumère les constitutions et les régimes, toujours faillis, que la France a connus depuis la Révolution ; il évoque l'échéance présidentielle toute proche, passe en revue les candidats, caractérise chacun d'eux en quelques phrases, non pas indifférent mais avec distance ou, si l’on préfère, avec détachement, et constate in fine pour situer son sujet dans le contexte politicien : « C’est très ennuyeux : Tout le monde s'occupe justement de ce qui n'est pas mon souci ».

    Y a-t-il là comme un exemple pour l’Action française et, au-delà pour les royalistes, les patriotes, d’aujourd’hui ? Nous le croyons. S’il faut établir une hiérarchie entre notre participation à l’enjeu électoral en cours [elle va de soi] et notre véritable horizon, l’avantage va à l’évidence au second terme. Telle est ici, nous semble-t-il, en la circonstance, la leçon de Pierre Boutang. 

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  • Comment « Le Monde » expose sur une pleine pagne signée Jean Birnbaum que « Boutang reprend le pouvoir »

    Au printemps 2016, alors qu’il dîne avec François Hollande à l’Élysée, l’acteur Fabrice Luchini évoque ses lectures du moment. Le comédien confie qu’il est plongé dans un livre de Pierre Boutang (1916-1998), poète éruptif, philosophe difficile et journaliste ­cogneur, en son temps pétainiste et disciple favori de Charles Maurras à l’Action française (AF). « Vous lisez Boutang ! C’est l’écrivain préféré de mon père ! », répond Hollande, au grand étonnement de son hôte.

    Mais, en l’occurrence, le président se révélait simplement normal. Car Boutang, depuis l’origine, c’est l’histoire d’un père qui revient sans cesse harponner les fils, faisant retour depuis les lieux les plus divers : un dossier du « Figaro littéraire » et un souvenir de Bernard-Henri Lévy, un ­livre de Patrick Buisson, mais aussi un dialogue télévisé avec le philosophe George Steiner, une réunion de La ­Manif pour tous ou une revue de chrétiens pro-israéliens.

    Relation au père

    Bien sûr, on doit commencer par mentionner l’enjeu biographique. Rappeler la relation de Boutang à son propre père, ingénieur déclassé, camelot du roi et grand lecteur du pamphlétaire antisémite Edouard Drumont : « Un jour, j’étais chez Boutang à Saint-Germain-en-Laye, se souvient Rémi Soulié, auteur de Pour saluer Pierre Boutang (Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016). Il a ouvert une commode, en a sorti une photo de son père, il avait les larmes aux yeux ».

    Mais Boutang le fils est à son tour ­devenu père, père biologique, père symbolique aussi, et l’aura qui est la sienne aujourd’hui reste largement liée à l’accueil protecteur que cet ogre normalien réserva aux jeunes gens venus frapper à sa porte. À ces fils adoptifs, Boutang parlait de Maurras, mais aussi de littérature et même du chanteur Renaud…

    Comme Rémi Soulié, Jean-François Colosimo, patron des Éditions du Cerf, fut de ceux-là : « J’avais 17 ans. Ce fut ­l’irruption du génie à l’état brut. Par la suite, quand je suis parti en Grèce, sans moyens, avec l’idée de vivre dans un ­monastère du mont Athos, Boutang me demandait au téléphone : “Où êtes-vous ? Donnez-moi votre adresse pour que je vous envoie de l’argent”. »

    Boutang a fait du lien paternel le fil rouge de sa vie mais aussi de sa pensée, et c’est ce choix qui lui confère aujourd’hui une influence renouvelée, au moment où une frange de la droite française renoue avec ce que l’écrivain hussard Antoine Blondin nommait « l’âge de Pierre »… Aux femmes et aux hommes qui cherchent à réarmer ­intellectuellement la famille réactionnaire, sa philosophie du père fournit des réponses dans au moins trois ­domaines : ceux de la filiation, du pouvoir et de la civilisation

    La filiation, d’abord. Plutôt qu’un territoire charnel, la France selon Boutang est une culture qui vous tombe dessus, une langue qui vous élit. Pour lui, l’héritage forme le seul horizon digne de ce nom ; c’est la gratitude qui nous jette en avant. « Dès le berceau, nous naissons avec une dette que nous n’avons pas contractée et qui est impayable : voilà l’idée anthropologique de Boutang », note la philosophe Chantal Delsol.

    Pendant Mai 68, Boutang enseigne au lycée Turgot, à Paris, et il sent d’emblée que l’insurrection en cours produira cette révolution du désir dont il combat certaines figures tutélaires : ­« Althusser à rien, Lacan à pas grand-chose », fredonne celui qui signera un essai intitulé Apocalypse du désir (Grasset, 1979). Au slogan soixante-huitard, « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! », Boutang semble rétorquer : « Marche, compagnon, l’origine est devant toi ! » Cette origine détermine toute vie humaine, dit-il, et elle est indissociable de la différence des sexes telle que la Bible l’a fondée (un héritage peu présent chez Maurras,­davantage travaillé par la mort que tourné vers la vie).

    « Une vraie influence sur le mouvement royaliste »

    Ainsi n’est-il guère étonnant que la pensée politique de Boutang ait inspiré une partie de La Manif pour tous. Certes, celle-ci est souvent « boutangienne sans le savoir », précise Gérard Leclerc, éditorialiste au journal Royaliste et à Radio Notre-Dame. Mais le lien existe, et il n’est pas que théorique : « Boutang a une vraie influence sur le mouvement royaliste, qui a lui-même plus d’influence sur les droites qu’on ne le croit. Un certain nombre de gens liés à La ­Manif pour tous viennent de là, et même quand il n’est pas explicitement cité, Boutang pèse », ajoute Chantal Delsol.

    « L’Action française est un peu la ­franc-maçonnerie des réactionnaires, ­confirme Francis Venciton, jeune militant de l’AF Provence. Parmi les fondateurs de La Manif pour tous, pas mal de gens sont issus de l’AF ou l’ont fréquentée, et nous avons contribué à orienter son argumentaire. » Or pour ces royalistes qui nourrissent les nouvelles mobilisations de droite, la voix de Boutang compte à nouveau. Après avoir longtemps été effacé pour raison de querelles internes, son visage est réapparu sur les autocollants de ­l’Action française. « Boutang revient en force à l’AF, constate Axel Tisserand, auteur d’essais sur le royalisme. Il permet de penser au moins deux questions qui ont été remises au centre par La Manif pour tous : celle de la filiation et celle du consentement populaire. »

    Après la filiation, donc, le pouvoir. Là encore, il y va d’un déplacement par rapport à la figure paternelle de Maurras. Quand celui-ci refusait toute souveraineté populaire et ancrait le pouvoir du prince sur l’autorité et la légitimité, son disciple indocile insiste sur un troisième pôle : celui du consentement. Dès lors, les monarchistes peuvent sortir de l’impasse émeutière et devenir non plus les démolisseurs de la démocratie, mais ses veilleurs impitoyables. Acceptant désormais le fait républicain, ils exigent que le pouvoir soit incarné par un père populaire.

    Antisémite de ­culture

    Voilà pourquoi Boutang finira par soutenir la Ve République gaullienne : « Pour Boutang, de Gaulle réunit les fils de l’histoire de France en coiffant la ­monarchie d’un bonnet de Marianne », résume Jean-François Colosimo. Voilà aussi pourquoi Boutang peut inspirer une partie de la droite contemporaine, comme en témoigne Jérôme Besnard, essayiste et membre de l’équipe de campagne de François Fillon : « Boutang a compris que la crise de légitimité produite par 1789 était toujours ouverte. Quand on l’a lu, on sait que pour retrouver cette légitimité il ne faut pas avoir peur d’aller au peuple. Après tout, de Gaulle a réalisé son coup d’État sans qu’un seul coup de feu soit tiré… » Et en dernière instance, là encore, toute légitimité d’avenir exige de renouer avec l’héritage spirituel de la France.

    Pourtant, cet héritage est-il exclusivement chrétien ? Après la filiation et le pouvoir, nous voici venus au troisième enjeu, celui de la civilisation. Par rapport à Maurras, Boutang a peu à peu ­accompli, ici, un déplacement encore plus douloureux. Antisémite de ­culture, auteur de textes et de gestes où suintait la haine des juifs, Boutang a fini par considérer que le nouvel esprit du sionisme prenait le relais d’une chrétienté défaillante.

    Alors que l’Europe politique devenait une construction supranationale, Boutang regardait Israël avec tendresse, car à ses yeux cette nation perpétuait les formes que l’Europe abandonnait : un État souverain, un peuple en armes, une identité millénaire. « L’homme européen ne se trouve pas éminemment en Europe, ou n’y est pas éveillé. Il est, paradoxe et scandale, en ­Israël », écrivait Boutang dans son journal, La Nation française, en juin 1967, à la veille de la guerre des Six-Jours. 

    Une nouvelle alliance judéo-chrétienne 

    Cinquante ans plus tard, alors que des figures de droite, comme l’ancien ­ministre de la défense Hervé Morin, appellent à « israéliser » la France en termes sécuritaires, les textes de Boutang nourrissent les arguments de [ceux qui prônent une nouvelle alliance judéo-chrétienne : « Le lien de Boutang avec Israël, c’est le lien non seulement avec l’origine du christianisme, mais aussi avec l’origine comme telle, qu’il faut sans cesse reconquérir, assure ­Olivier Véron, le patron des provinciales, qui republie des classiques de Boutang, dont Reprendre le pouvoir (1978). Quand on prétend faire face au terrorisme islamiste, on ne peut pas se contenter d’invoquer la République, il faut remonter aux sources de la civilisation occidentale, à ses sources juives et chrétiennes, qui fondent l’idée d’une société. Pour Boutang, cela impliquait de désobéir à Maurras, qui défendait l’héritage catholique sans prendre au sérieux la spiritualité. »

    Et de fait, qu’il ait pensé la filiation, le pouvoir ou la civilisation, à chaque fois Boutang a relancé l’héritage de Maurras dans une forme d’infidélité fidèle qui ne pouvait le laisser en paix : « Boutang n’a jamais vraiment trahi Maurras, note François Huguenin, spécialiste de l’Action française. En 1942, il a rejoint Giraud en Algérie, pas de Gaulle. De même, il n’a jamais rompu radicalement avec l’antisémitisme, comme l’ont fait les chrétiens après Vatican II. Dans les deux cas, pour lui, cela aurait été tuer le père ­publiquement. Or si Boutang a bien tué le père, c’est souterrainement. Un jour, il a failli me foutre dehors parce que je lui avais demandé s’il entretenait un rapport filial avec Maurras. Il hurlait : “Vous ne savez pas ce qu’est la ­paternité !” J’avais touché juste… »

    En 1958, dans un article important ­publié par la revue Esprit, l’historien Jacques Julliard affirmait que la pensée de Maurras avait constitué le seul grand effort tenté, au XXe siècle, « pour donner à la droite française une doctrine ferme et cohérente ». Aujourd’hui, alors que les idées de cette famille politique ont à nouveau le vent en poupe, certains de ses enfants sont tentés de ­renouer avec Maurras.

    Mais son nom est définitivement ­associé à l’aventurisme impuissant et à la collaboration sanglante. Désireux de se rebrancher sur cette tradition sans avoir à en assumer les erreurs et les compromissions, les nouveaux réactionnaires se tournent parfois vers Boutang, ce fils qui a mis à mort un père aimé et défaillant… pour mieux maintenir en vie sa famille. Par Jean Birnbaum

    Le Monde n°22462 du 31 mars 2017. 

    Reprendre le pouvoir, de Pierre Boutang, introduction de Olivier Véron, Les provinciales, 2016.

    La Politique, la politique considérée comme souci, de Pierre Boutang, postface de Michaël Bar-Zvi, Les provinciales, 2014.

    Le petit boutang des philosophes, introduction à la philosophie de Pierre Boutang, par Henri Du Buit, Les provinciales, 2016

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Notre premier commentaire de l'article de Jean Birnbaum

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  • La Terreur : une forme de société

    La Terreur est-elle connaturelle à la révolution ? Telle était la trame d’une conférence qui s’est tenue le 29mars à ICES (Institut Catholique d’Études Supérieures)  à la Roche-sur-Yon à l’initiative du COSH, l’Association des Etudiants Historiens Icéssienns, en ce centenaire de la révolution bolchévique.

    Les deux intervenants, Reynald Sécher et Stéphane Courtois, ont décrit la mécanique implacable de la violence révolutionnaire indispensable à la création d'un « homme nouveau ».

    Il faut assurément aujourd'hui en France l'espace de liberté qu'offre une université privée pour imaginer une telle table ronde. Robespierre et son lointain mais exact successeur, Lénine, ont encore leurs noms de rues et leurs monuments les Terreurs sanglantes sont achevées mais le mémoricide perdure.

    Reynald Sécher est devenu un proscrit pour avoir osé donner à l’extermination systématique des Vendéens son nom de « génocide ». Stéphane Courtois qui avait pu profiter de l’ouverture des archives de l’ex-URSS pour réaliser un décompte scientifique du nombre des victimes du communisme s'est vu fermer l'accès aux documents dès son Livre Noir paru. Et comme il le montre dans Communisme et totalitarisme, publié en 2009, la Russie de Poutine réhabilite Staline.

    D'un côté comme de l'autre, « il fallait assassiner les gens du passé ». C'était même, parce qu'ils étaient obsolètes, « le plus grand service qu'on pouvait leur rendre », explique Courtois à propos des persécutions, assassinats, tortures qui ont marqué la progression de Lénine dès 1917 Dans son œuvre abondante, la Terreur est une notion qui revient souvent : « On va exterminer, il faut exterminer ! » Les millions de morts du communisme soviétique ne doivent rien au hasard ils ne sont pas un dérapage imputable à Staline. Stéphane Courtois rappelle que la première année de la révolution bolchevique a fait deux fois plus de morts - entre 15 et 20 000 - que plus d'un siècle de « répression policière » sous les Tsars qui lors de violents soulèvements populaires entre 1810 et 1917, aura fait moins de 7 000 victimes. « On change d'échelle. »

    Le phénomène est inévitable parce qu'on veut « régénérer l'homme » à n'importe quel prix, reprend Reynald Sécher. Pour lui, « la mécanique terroriste commence dès 1788 : on prépare les esprits à la soumission » par les violences qui éclatent cette année-là.

    De même, confirme Stéphane Courtois, Lénine entreprend dès 1905 une course aux extrêmes à la tête de ses « jacobins prolétaires ». Mais une fois la révolution installée, va-t-on continuer de suivre l'exemple français ? Pas tout à fait en Russie, Lénine ne veut surtout pas d'une élection qui puisse compromettre la réussite de son projet et sa place à sa tête. « Il a compris que ce serait infernal - même Robespierre a été guillotiné », rappelle Stéphane Courtois. D'où la création, quasi immédiate, d'une police politique. Et le putsch, dès 1917, qui évite l'imminente élection d'une constituante au suffrage universel...

    Ainsi les Terreurs et leurs grandes figures s'éclairent l'une l'autre légale : organisée d'un côté, en France, de l'autre, en Russie, autocratique, dirigée par le seul Parti communiste en Russie. Lénine a tiré avec application les leçons du passé. C'est tout l'intérêt de cette confrontation Secher-Courtois elle permet de dégager les traits communs, et les mises en œuvres diverses.

    On saura gré à Reynald Sécher d'avoir montré comment en France, le vote de lois, la Terreur, l'exécution administrative avec ordres écrits et comptes-rendus dociles de la part d'exécutants chargés d'« exterminer » la Vendée non seulement ne contredit pas la Déclaration universelle des droits de l'homme mais en découle.

    « L'arme de la Révolution française, c'est la loi, et sa base est la Déclaration des droits de l'homme. Les totalitaires parlent toujours de progrès de l'homme. Celui qui refuse le progrès est-il un homme ? S'il ne l'est pas il est hors-la-loi, et il tombe sous la loi des suspects, et perd donc sa personnalité morale et juridique », explique Reynald Sécher. En Russie, l'exemple a bien été compris, confirme Stéphane Courtois ceux qui s'opposent à la Révolution deviennent moins que des hommes - des animaux.

    L'aspect commun aux deux Terreurs tient en un mot « sidération ». L’horreur de l'extermination passe par une dimension psychologique qui rend possible la mise en œuvre de la tuerie par milliers ou par millions.

    Lors de la Terreur en France, on a « fracassé, sidéré, rendu complice » cela passe, rappelle Sécher, par des exécutions massives et publiques auxquels le peuple est contraint d'assister. Son silence horrifié, son absence de réaction suffit « On va pouvoir y aller ». Le XVIIIe siècle avait pourtant été d'un extrême raffinement...

    En Russie, « la surenchère dans la cruauté est un des moteurs du processus révolutionnaire », répond Courtois. Là aussi, « il faut rendre le reste de la population complice par le "pacte du sang" en le faisant participer à l’assassinat collectif-procédé mafieux ».

    Courtois et Sécher ne l'ont pas évoqué, mais on pourrait dire la même chose du génocide contemporain, le massacre des enfants à naître au service d'un homme nouveau sans conscience et soumis à la nouvelle morale des « droits » : chacun est rendu complice par la société et les dissidents sont socialement éliminés. D'une révolution l'autre...

    Jeanne Smits monde&vie 6 avril 2017