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culture et histoire - Page 1021

  • Marine Le Pen : "je ne suis en aucune manière pour la disparition du hors-contrat"

    6a00d83451619c69e201b8d278b341970c-250wi.pngExtrait d'un entretien de Marine Le Pen à Boulevard Voltaire :

    "[...] Vous mettez souvent en avant votre condition de femme et de mère. Vous avez trois enfants : est-ce que c’est pour eux que vous faites tout cela ?

    Évidemment. Je ne le fais pas pour moi… Comme beaucoup de Français, qui ne pensent qu’à leurs enfants. Et qui constatent que plus ça va, génération après génération, et plus c’est dur… moins ils pourront avoir accès à un travail ; plus l’école s’affaiblit et même s’effondre ; plus la solidarité se délite ; et surtout plus notre culture, notre identité se dissout, notamment au travers d’une immigration massive qui est le siège d’un communautarisme et d’un multiculturalisme revendiqué par mes adversaires politiques. Prenez l’exemple de la sécurité… Moi, je m’adresse à tous les Français et je leur demande : pensez-vous sérieusement que monsieur Macron, par exemple, sera capable d’assurer la sécurité de vos enfants ? Croyez-vous qu’après cinq années à ne rien faire, monsieur Fillon va brutalement changer, découvrir qu’il aurait du courage et des convictions, et se mettre à appliquer la politique que vous attendez pour retrouver non seulement une protection mais des limites ? Je suis la candidate des limites. Quand il n’y a pas de limites, c’est le chaos, le désordre. Moi je veux poser des limites. Cela passe par les limites que représentent nos frontières, mais aussi par celles de l’autorité qui n’existe plus dans notre société, que ce soit à l’école ou dans la justice. Ce sont également les limites que l’on doit opposer aux dérives ou aux abus des lois du marché. Voilà, je veux être cette candidate des limites car poser des limites, c’est rétablir l’ordre, et donc la sérénité

    Vous parlez des limites, d’autorité, de l’école. Justement, sur ce dernier point, l’une de vos mesures phares est la possibilité du retour à l’apprentissage dès 14 ans. Or, certains estiment que c’est un retour 60 ans en arrière, puisque c’est en 1959 qu’a été instituée l’école obligatoire jusqu’à 16 ans. Que leur répondez-vous ?

    Il suffit de regarder les résultats du collège unique : ils sont déplorables ! L’école ne remplit plus son rôle et ne permet plus d’être cet ascenseur social qu’elle était et qui permettait à des enfants issus de familles extrêmement modestes de pouvoir arriver tout en haut. Cela n’existe plus aujourd’hui. Ceux qui arrivent tout en haut sont ceux dont les parents ont des relations ou ceux dont les parents peuvent payer les cours complémentaires nécessaires. On a rompu complètement avec l’égalité républicaine comme nous l’entendons, c’est-à-dire celle qui permet de donner sa chance à chacun. Si on relève le niveau de l’école, si on rétablit l’exigence des savoirs fondamentaux comme je veux le mettre en œuvre – vous savez, par exemple, que je veux réserver 50 % des apprentissages au primaire au français et non pas « en » français, comme l’a compris Najat Vallaud-Bekacem —, à ce moment-là, nos enfants auront toutes les armes en mains à 14 ans. Et ce n’est pas parce qu’ils se dirigeront vers une filière professionnelle qu’il n’y aura plus du tout de cours pour leur permettre d’aller plus loin dans telle ou telle matière… Mais nous cesserons ainsi de maintenir des enfants dans un système scolaire qu’ils n’apprécient pas et pour lequel ils ne sont pas faits. Cela permettra aussi de revaloriser le travail manuel parce que, aujourd’hui, on pousse des gamins jusqu’à 16 ans. Mais lorsqu’un enfant n’a plus envie, il ne se sent pas bien à l’école, alors autant lui permettre d’apprendre un métier… 14 ans me paraît être le bon âge.

    Vous dites que l’école est en échec et votre constat semble être partagé par de nombreux Français. Vous êtes pourtant assez prudente sur les écoles hors contrat…

    Non, je ne suis pas prudente : je souhaite simplement que l’État s’assure que les enseignements délivrés dans ces écoles correspondent aux valeurs de la République. Car il ne faudrait pas que ces écoles hors contrat constituent un vecteur pour que les fondamentalistes islamistes, qui s’immiscent à peu près partout dans notre société, dans les associations culturelles, sportives etc., se saisissent également de ce secteur. Il suffit simplement pour l’État de mettre en place un contrôle classique. Ni plus ni moins que ce qui devrait être fait depuis longtemps. Mais je ne suis en aucune manière pour la disparition du hors-contrat…

    Vous souhaitez également remettre en cause l’accès à l’enseignement scolaire gratuit pour les enfants de ressortissants étrangers. Or, c’est une mesure qu’il sera très difficile à mettre en œuvre en raison des traités internationaux ratifiés par la France.

    Non, puisque dans la révision constitutionnelle que je proposerai aux Français, j’imposerai l’autorité de la loi nouvelle sur les traités européens et le droit dérivé antérieur. Donc, chaque loi nouvelle qui sera votée aura une autorité supérieure, ce que je trouve tout à fait légitime puisqu’il n’y a pas de démocratie sans souveraineté et il n’y a pas de souveraineté si nos lois, lorsque nous les votons, sont soumises à la censure de technocrates européens.

    Concernant l’enseignement scolaire gratuit, je dis simplement que lorsqu’on arrive dans un pays, on peut se voir appliquer un délai de carence – délai que je fixe à deux ans – avant de pouvoir accéder à l’ensemble des services publics gratuits qui coûtent si cher aux Français. L’école primaire, c’est 4 à 5.000 euros par an et par enfant, le lycée, c’est 6 à 7.000 euros par an et par enfant. Imposer ce délai de carence ne veut pas dire, d’ailleurs, ne pas scolariser les enfants ; cela signifie que l’école ne sera pas totalement gratuite pendant deux ans quand des étrangers viendront dans notre pays. Cela existe ailleurs et je rappelle que la gratuité reste exceptionnelle : très peu de pays mettent en place la gratuité totale, que ce soit pour les soins ou pour l’école. S’il y a des sacrifices, des économies à faire, il faut arrêter que ce soit toujours les Français qui les fassent… [...]

    Vous avez dit, durant votre meeting, « Je suis intensément française ». C’est cette culture française qui vous transporte ou est-ce que c’est bien plus vaste que ça ?

    Je suis intensément française parce que j’espère avoir toutes les qualités et tous les défauts des Français. Je pense que je suis aussi contradictoire que peuvent l’être les Français. Les Français ne sont pas du tout racistes mais ça ne les empêche pas de ne pas vouloir qu’on ouvre grand leurs frontières, n’importe comment, et ils souhaitent que l’on respecte leur culture. Les Français ne sont pas obligatoirement tous croyants mais ils constatent que les racines chrétiennes de la France appartiennent à leur culture et ils veulent qu’on respecte quand même la laïcité. C’est toute une somme de contradictions, la France : ce peuple « toujours léger, quelquefois cruel », selon le mot de Voltaire… Je suis moi-même toutes ces contradictions et, en même temps, cette joie de vivre que les Français sont en train — j’en ai le sentiment — de perdre un peu, alors que nous sommes un peuple joyeux. Il faut que nous retrouvions cette joie et, pour la retrouver, il faut changer une politique qui désespère les Français et ne leur fait plus croire en l’avenir. On ne cesse de leur expliquer qu’ils sont une petite nation faible. Il faut leur rappeler qu’ils sont une grande nation, portée par un grand peuple !

    Vous avez dit au journal La Croix que vous étiez chrétienne mais que l’Église devrait se mêler de ses affaires…

    L’Église n’a pas à se mêler de politique. On rend à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César. Je conçois tout à fait que le pape en appelle aux enseignements de l’Église sur la charité individuelle mais il n’a pas, sous prétexte de rappel de cette charité individuelle, à imposer aux États la politique d’immigration qu’ils devraient mener. Les États mènent les politiques d’immigration qui protègent leurs peuples. Et la religion doit s’occuper de religion. D’ailleurs, si elle l’avait fait depuis des années, peut-être que les églises seraient moins vides…

    On vous reproche aussi parfois de ne pas avoir envoyé de signaux suffisamment clairs à l’électorat « Manif pour tous ». C’est ce que vous avez essayé de faire en parlant des crèches durant le débat à onze sur BFM TV le mois dernier ?

    Je ne lance pas de signaux aux uns et aux autres. Je n’ai pas une vision communautariste de la vie politique. Je parle aux Français et à tous les Français. Qu’ils soient croyants ou non. Il n’en demeure pas moins que nous sommes tous attachés à notre culture, que nous travaillons tous ou que nous aimerions tous travailler, que nous avons eu ou avons tous des enfants à l’école, etc. Donc,, nous avons tous les mêmes préoccupations. Il ne s’agit pas de donner des signaux pour faire plaisir à tel ou tel. J’ai toujours été extrêmement claire sur les positions qui intéressent la Manif pour tous, j’ai dit ce qu’il en était et je n’ai pas changé d’avis, à la différence de certains qui se sont beaucoup agités, qu’on a beaucoup vus et, une fois les manifestations terminées, ont rompu les engagements qu’ils avaient pris. Moi, je ne romps pas mes engagements. Certes, je ne m’agite pas, je ne tape pas dans des cymbales, mais quand je dis quelque chose, en règle générale, je m’y tiens. [...]"

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • L’archéologie française à nouveau en pleine dérive idéologique

    Laurent Chalard, Géographe-consultant, membre du think tank European Centre for International Affairs

    La mise en avant médiatique fin février 2016 par l’Inrap de la découverte inédite de tombes musulmanes à Nîmes, datées du VIII° siècle de notre ère, serait révélatrice, selon un de ses promoteurs, d’une coexistence choisie entre musulmans et chrétiens.

    Elle témoigne d’une interprétation de l’histoire de plus en plus en vogue dans le milieu archéologique, qui insiste sur la cohabitation pacifique dans le passé entre différentes cultures ou peuples, les invasions étant perçues comme des événements rarissimes et, somme toute, presque sympathiques ! D’ailleurs, l’emploi du terme « antiquité tardive » pour désigner la fin de l’empire romain est un moyen de nier le caractère catastrophique de son effondrement, contrairement à la perception ressentie par les contemporains, probablement aveuglés par leur haine des « gentils » barbares qui venaient les massacrer…

    Il s’ensuit que la vision de l’histoire des archéologues (et de certains historiens) français ressemble de plus en plus au «monde des Bisounours», comme s’ils étaient atteints par une maladie, le «syndrome maya».

    En effet, l’archéologue britannique dominant des études mésoaméricaines de la première moitié du XX° siècle, John Eric Thompson, marqué par le conflit de la première guerre mondiale auquel il avait participé, voulait absolument voir dans la société maya une société de savants pacifistes. Or, ce présupposé s’est avéré totalement erroné une fois l’écriture maya déchiffrée, qui a démontré que, comme toutes les autres sociétés humaines, la guerre y régnait en permanence.

    Les archéologues français devraient grandement réfléchir à cet exemple car les conclusions de leurs travaux sont très fragiles. En l’absence de textes, les invasions sont difficilement identifiables dans le sol. Par exemple, si le texte de Jules César sur la guerre des Gaules ne nous était pas parvenu, il aurait été très compliqué de déterminer le caractère violent de l’arrivée des romains en Gaule Chevelue, étant donné l’adoption progressive de l’urbanisme et du mode de vie méditerranéen par les Gaulois. Les amphores romaines sont déjà largement présentes un siècle avant la conquête et un bâtiment construit à la romaine (avec tuiles et enduits peints), découvert en 1992 rue du Souvenir dans le quartier de Vaise à Lyon, a vu son début d’occupation daté de la première moitié du II° siècle avant notre ère. Puis, après la conquête, l’architecture à la romaine ne s’est imposée que quelques dizaines d’années plus tard, l’architecture gauloise étant encore largement dominante à l’époque augustéenne, et l’abandon des oppida s’est fait petit à petit. Les témoignages d’une conquête extrêmement brutale en un laps de temps limité, très difficilement mis au jour avec le texte césarien, n’auraient probablement jamais été retrouvés sans lui !

    De même, les invasions normandes, qui se sont déroulées quelques siècles plus tard, n’ont quasiment laissé aucune trace, en-dehors de la toponymie. Pourtant, ces incursions violentes furent un traumatisme certain pour les contemporains et les normands sont à l’origine de la formation d’une entité administrative spécifique de notre territoire, la Normandie. Plus globalement, l’archéologie des migrations a toujours constitué un maillon faible de la discipline en l’absence de sources écrites car il apparaît très difficile de savoir si les changements culturels liés à l’apparition de nouveaux artefacts sont le produit d’un changement de population ou de la diffusion d’une innovation au sein de peuples

    En conséquence, l’utilisation actuelle de l’archéologie à des fins idéologiques, qui repose sur un calque sur le passé d’une vision d’une société multiculturelle non conflictuelle, est grandement inspirée par la représentation, tout à fait défendable par ailleurs, que leurs promoteurs ont de la société française actuelle. Cette prise de position montre que cette discipline n’a toujours pas tiré les conséquences des errances de son passé, que furent son caractère nationaliste au XIX° siècle, la collaboration avec le nazisme pendant la seconde guerre mondiale ou le marxisme au moment de la guerre froide.

    Aujourd’hui, la discipline suit une dérive pacifiste, qui est profondément regrettable, dans un contexte d’avancées considérables, qu’il convient de saluer.

    En effet, grâce aux travaux de l’archéologie préventive, nous savons désormais que le paysage français que nous connaissons aujourd’hui s’est mis en place dès le néolithique, que le niveau de développement des gaulois n’étaient pas aussi bas que l’historiographie du XIX° siècle avait voulu nous le faire croire dans une perspective (elle aussi) idéologique, ou encore que le Moyen Age ne fut pas aussi obscur, voire parfois déjà très moderne, comme l’ont montré les travaux de Joëlle Burnouf et Isabelle Catteddu.

    Or, le maintien d’une posture idéologique pacifiste systématique dans l’interprétation de données très parcellaires risque de remettre en cause certaines conclusions incontestables, du fait de la méfiance inspirée pour l’ensemble de la discipline consécutive de cette dérive. Les archéologues français doivent donc faire très attention à leurs interprétations quand elles manquent de solidité, en gardant toujours en tête que les conflits laissent peu de traces dans le sol, ce qui sous-entend que leur discipline n’est pas la plus apte à aborder la question.

    Laurent Chalard 14/04/2017

    Source : Meta mag.fr

    https://www.polemia.com/larcheologie-francaise-a-nouveau-en-pleine-derive-ideologique/

  • Colloque "L'Occident contre l'Europe" : les interventions

    Guillaume de Thieulloy :

    Fabrice Sorlin :

    Xavier Moreau :

    Yannick Jaffré :

    John Laughland :

    Colonel Jacques Hogard :

    Nikola Mirkovic :

    Philippe Migault :

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Patrick Buisson et la fin des Lumières

    Nous avons reçu ce texte d’un jeune officier, éloquent interprète de sa génération. Il offre une contribution intéressante à notre dossier sur le populisme chrétien, qui correspond à un changement d’époque et l’accompagne.

    « Le cycle ouvert par les Lumières est en train de se refermer ». Dans des entretiens accordés à la suite de la sortie de son livre, La Cause du Peuple, Patrick Buisson évoque, à plusieurs reprises, cette idée de fin des Lumières, idée pourtant qu'il ne développe pas dans son livre. Nulle prédiction sur le temps qu'il faudra pour fermer ce cycle, mais la formule est osée. Est-ce à dire que les idées qui ont fondé la modernité, depuis trois siècles sont en passe d'être battues en brèche ? En quoi pourrions-nous dire que cet héritage se perd ? Affirmer tranquillement une telle « énormité », c'est se placer ici dans le courant « anti-lumière », né presque en même temps que celui des philosophes, qui traverse la droite française depuis Joseph de Maistre, Charles Maurras et tant d'autres, pour rejoindre, pourquoi pas, une école buissonnière.

    Je ne suis pas un exégète autorisé de la pensée de Buisson, mais est-ce ma faute s'il provoque la réflexion ? On pourrait dire d'abord que le corpus foisonnant des Lumières s'est beaucoup effrité depuis le XVIIIe siècle, et qu'il n'en reste que le principe moteur, le présupposé qu'on nomme « libéralisme », Les philosophes du XVIIIe siècle qui se sont revendiqués des « Lumières » ont en commun l'appel à la « raison », contre la « croyance » et la « superstition », la confiance dans le progrès illimité de l'homme, un goût pour la liberté et l'égalité, un esprit volontiers frondeur face aux autorités politiques allié à une volonté de lutte contre le catholicisme.

    Mais ce rationalisme optimiste du XVIIIe siècle est passé par bien des crises. Le siècle des Lumières a engendré celui des grandes idéologies, les penseurs de la modernité au XXe siècle ont été dépassés par ceux de la déconstruction, et ces derniers ont accouché de la société postmoderne. L'esprit révolutionnaire des philosophes a beaucoup vieilli, et si la devise républicaine est encore à tous les frontispices, son élan semble brisé. « Les deux grandes utopies sur lesquelles les Lumières ont fondé leur rayonnement, à savoir le mythe du progrès et celui de l’égalité, sont deux idées qui sont politiquement ruinées », affirme Patrick Buisson.

    Que nous reste-t-il donc des Lumières ?

    Le libéralisme individualiste, moins comme système que comme état d'esprit, imprègne les consciences depuis trois siècles et dans ses conséquences ultimes, atteint des développements qui surprendraient nos bons Philosophes. Au nom de la liberté imprescriptible de l'individu, on en arrive à instituer dans la loi la tyrannie du désir, en détruisant les structures sociales et en premier lieu la famille. Les lois sur le divorce, la contraception, l’avortement, le mariage homosexuel, la PMA, la GPA, l'euthanasie relève de cette logique.

    Nouveau paradoxe, la proclamation de la liberté de chacun signifie à terme le droit du plus fort, l'écrasement du faible, l'interruption volontaire de grossesse se fait toujours aux dépens de quelqu'un. C'est là une difficulté majeure de la pensée libérale si ma liberté s'arrête où commence celle des autres, qui fixera la frontière sinon le rapport de force ? Encore un paradoxe pour nos bons Philosophes ; ils se réclamaient de l'humanisme et recherchaient dans la nature une référence constante, ils ont accouché de l'homme inhumain qui s'efforce à tout prix de se moquer de sa nature.

    Que nous reste-t-il des Lumières ? « Le présupposé du libéralisme qui fait de la société une collection d'individus n'obéissant qu'aux lois mécaniques de la rationalité et de la poursuite de leur seul intérêt ». Voilà le monde où nous vivons, soumis à une insécurité culturelle permanente, un monde où rien ne protège le faible de la liberté du plus fort.

    C'est contre ses conséquences ultimes de l'idéologie des Lumières que se lèvent les peuples, et que l'on observe cette révolte des pays réels, qui fait de l’ « anti-modernisme » sans le savoir. C'est en cela que l'on peut parler de fin de cycle des Lumières : les aspirations des peuples remettent en cause, même ; explicitement, le présupposé idéologique dominant qui meut nos sociétés depuis trois siècles.

    Dans La Cause du peuple, Patrick Buisson raconte comment il défend ce qu'il conçoit comme la politique du bien, au nom de la politique des sondages ; constat étonnant, la politique « traditionaliste » est souvent la politique qui a le vent en poupe, la plus à même de faire avancer les ambitieux de la politique. Emerge une France des valeurs culturellement catholiques, une sorte de « catholicisme identitaire » qui préfère des valeurs transcendantales et des principes à la liberté individuelle absolue, identifiée désormais comme la tyrannie du désir. L'heure présente est au sursaut populaire de tous ceux qui sentent bien qu'on leur vole leurs âmes.

    Louis Saint-Julien monde&vie 6 avril 2017

  • Nationalistes-révolutionnaires, avant-garde et contre-culture

    Maître de conférence à l’IPAG (Institut de Préparation à l’Administration Générale) de l’Université de Valenciennes, Stéphane François est docteur en sciences politiques et historien des idées. Spécialiste des droites radicales françaises, ses travaux se concentrent sur les pratiques et aspects culturels de ces milieux politiques. Malgré de fortes divergences sur l’écologie politique radicale et la critique des Lumières, nous l’avons interrogé sur la contre-culture, les subcultures et leur rapport aux mouvements d’extrême-droite. En effet, il n’est pas rare que ces subcultures, qui vont de la musique à l’esthétique en passant par la littérature, soient ambivalentes du fait d’un certain politisme : ainsi en est-il des skins qui peuvent être d’extrême-gauche ou d’extrême-droite ; ou de certaines scènes musicales dont l’apolitisme a pu les ouvrir à l’extrême-droite. Par ailleurs, il est intéressant d’analyser les stratégies de la frange la plus radicale de l’extrême-droite dans sa tentative d’hégémonie culturelle, comme dans ses stratégies d’influence sur la droite radicale de manière générale.

    Le Comptoir : Pouvez-vous définir le concept de “subculture” que vous employez pour parler des cultures marginales ?

    Stéphane François : Le terme “subculture” renvoie chez moi (mais aussi chez beaucoup d’autres) à l’idée de sous-culture, à comprendre dans le sens de culture minoritaire/marginale, produites par les marges, la périphérie de la société. Comme l’expression “sous-culture” est connotée péjorativement en France (le préfixe “sous” renvoyant à l’idée de moindre qualité), je préfère utiliser le terme anglo-saxon, qui n’a pas cette connotation négative. Je renvoie par exemple aux études de Frédéric Martel (Mainstream. Enquête sur la guerre globale de la culture et des médias), de Ken Gelder (Subcultures) ou de Chris Jenks (Subculture. The fragmentation of the social).

    Au-delà de ce chipotage sémantique, j’entends par “subculture” des modes d’existence minoritaires (et leurs valeurs) qui participent explicitement à un désir de subversion des valeurs établies. En ce sens, ce terme est synonyme d’underground. Ce dernier peut être défini de la façon suivante : il s’agit d’un mode de vie en marge des valeurs dominantes de la société, le mainstream, qui se manifeste par l’élaboration de ses propres règles à la fois de vie et intellectuelle/culturelle. Il se manifeste également par une radicalité politique (engagement ou désengagement radical) et/ou artistique associé à un très bon niveau culturel (autodidacte ou non) et à une volonté de subvertir. Il comprend enfin l’idée d’interdit, de non autorisé. Il s’agit d’un système déviant, au sens donné à cette expression par Howard Becker. Ce dernier définissait la déviance par l’écart, l’isolement, l’exclusion (dans le cas présent l’auto-exclusion), l’anormalité, l’inadaptation, l’asociabilité, l’anomie, la différence, l’étrangeté, la dissidence, la désobéissance, l’infraction, l’illégalisme, la stigmatisation, l’étiquetage, etc. Bref, nous sommes face à des contre-modèles de civilisations ou de culture ayant leur grille d’interprétation et d’entendement du monde.

    Comment les subcultures, qu’on aurait plutôt tendance à associer à l’extrême-gauche ou à l’apolitisme, ont-elles pu devenir d’extrême-droite ? Comment le punk a-t-il pu devenir d’extrême-droite ?

    L’une des erreurs communes est de croire que les subcultures sont forcément de gauche ou d’extrême gauche. C’est une méconnaissance des avant-gardes et des premières alternatives : certains futuristes ont participé à la naissance et à la théorisation du fascisme ; Evola a été à un moment attiré par le dadaïsme… Lovecraft ou Howard n’étaient pas vraiment des personnes de gauche. Et je ne parle même pas de Tolkien qui était un catholique très conservateur. Parmi les premiers alternatifs allemands, certains avaient une tendance d’extrême droite (je renvoie à Hermann Hesse et son livre L’enfance d’un magicien dans lequel il raconte une assemblée alternative dans l’Allemagne du début du XXe siècle). Les hippies des années 1970 avaient pour maitres à penser des penseurs réactionnaires (Guénon) ou ayant flirté avec le fascisme (Eliade, Evola). Je pourrais multiplier les exemples. Les subcultures ne sont pas devenues d’extrême droite. Elles sont ce que ses animateurs en font.

    « Les hippies des années 1970 avaient pour maitres à penser des penseurs réactionnaires (Guénon) ou ayant flirté avec le fascisme (Eliade, Evola). »

    Le punk, mouvement de révolte nihiliste au départ (je pense aux Damned ou aux Sex Pistols), a rencontré assez rapidement les préoccupations d’une jeunesse certes souvent populaire, mais également aussi nationaliste. Cette rencontre a donné naissance au mouvement “naziskin” (j’utilise cette expression pour ne pas les confondre avec les skinheads “roots” ou “old school”). À côté de ce mouvement, on a vu également apparaître des groupes à la fois antifascistes et anticommunistes (au sens antistaliniens). Le plus connu d’entre eux est Crisis, le groupe qui donnera naissance plus tard au mythique Death In June, dont les membres évolueront par la suite à l’extrême droite païenne et nationaliste-européenne (Doug Pearce sera fasciné par la Nuit des Long Couteaux, se référera régulièrement au nazisme et deviendra païen, tendance nordiciste ; Patrick Leagas s’engagera dans les commandos de marine britannique avant de revenir sur la scène musicale en tant que païen ; Tony Wakeford sera membre durant un temps du British National Front et deviendra également un militant néopaïen nordiciste, avant de s’éloigner de la politique). Death In June, avec d’autres groupes contre-culturels d’extrême droite comme NON (du performer et ésotériste Boyd Rice, qui également s’éloignera de la politique à la fin des années 1990), donneront naissance à la scène neofolk, très marquée à droite et jouant avec les interdits, comme le firent les punks. Au sein de cette scène marginale qu’est la scène punk, ces évolutions sont également marginales, mais pas surprenantes.

    Ces subcultures d’extrême-droite sont-elles uniquement musicales ?

    Non. Elles peuvent être également littéraires, artistiques, ésotérisantes, pornographiques, cinématographiques… En fait, elles ressemblent aux autres subcultures, mais avec un aspect identitaire, raciste ou fascisant en plus. Pour s’en convaincre, il suffit de s’intéresser aux “abécédaires” publiés par des militants d’extrême droite, comme celui de Philippe Vardon (Eléments pour une contre-culture identitaire) dans les années 2000. Tous les aspects (look, films, livres, musiques, bédés, etc.) y sont abordés. Les bédés de Jack Marchal, reprenant les canons de la bédé underground, sont d’ailleurs devenues cultes dans ces milieux… Il suffit aussi de se pencher sur les activités de la CasaPound en Italie : c’est un lieu contre-culturel comme il y en a tant en Europe, avec ses concerts, ses performances, son street art, etc., mais d’extrême droite. La référence au poète Ezra Pound n’est pas anodine : il fut un artiste avant-gardiste ayant pris position pour le fascisme. Il fut célébré par les avant-gardistes pour ses Cantos et par les néofascistes pour son “martyr” : soutien de Mussolini lorsqu’il était installé en Italie, il fut interné pendant treize ans dans un hôpital psychiatrique par les Américains.

    « Ce sont surtout les militants nationalistes-révolutionnaires, rejetons intellectuels du fascisme et de la “révolution conservatrice” allemande, qui seront après-guerre les précurseurs d’une subculture d’extrême droite. »

    S’apparentant à des nationalismes, les analogies entre subcultures de pays différents sont frappantes : on voit par exemple émerger tant en Europe occidentale qu’en Russie (avec le national-bolchévisme qui s’enracine dans toute une “contre-culture” musicale rock) des courants musicaux directement affiliés à une mouvance d’extrême-droite. Est-ce une coïncidence ou est-ce qu’il y a des liens sur le plan international ?

    Non, elles ne s’apparentent pas à des nationalismes : elles se nourrissent des cultures et contre-cultures, des unes et des autres. Ce sont des milieux ouverts qui s’enrichissent d’apports extérieurs, y compris provenant de l’extrême gauche. Ainsi, Guevara est régulièrement récupéré… La pionnière fut l’extrême droite italienne qui rapidement se mit à citer des auteurs comme Mishima ou Jünger, à s’intéresser à Tolkien (avec les camps “Hobbit” à la fin des années 1970), au rock progressif, etc.

    Concernant le national-bolchevisme russe, il ne faut pas oublier qui est l’un de ses fondateurs. Édouard Limonov a vécu en Occident et a connu les contre-cultures. Il fréquentera différentes avant-gardes et bohèmes, en URSS, à New York, à Paris. Il y a un côté très “punk” chez lui, milieu qu’il fréquenta à New York. D’ailleurs, le Parti national-bolchevique a été cofondé avec le très réactionnaire Douguine et un punk russe, Egor Letov. Dès le départ, il y a un côté rock et provocateur dans ce parti, un aspect qui déplaira d’ailleurs à Douguine. En outre, il ne faut pas inverser la proposition : ce ne sont pas des musiciens contre-culturels qui ont évolué vers l’extrême droite, mais des militants d’extrême droite qui ont créé une scène musicale. Même si le premier cas de figure existe bel et bien. Ces milieux donneront naissance à ce que j’ai appelé la scène europaïenne (qui comprend un certain nombre de groupes américains) qui a beaucoup tourné ensemble et qui a participé à des projets communs comme des compilations en hommage à la Garde de fer roumaine, à Evola, etc. Enfin, il y a eu des tentatives dans les années 1980 et 1990 de création de milieux contre-culturels par des tendances de l’extrême droite européenne, en particulier nationalistes-révolutionnaires, qui ont connu plus ou moins le succès. Il y a donc eu dans certains cas une stratégie délibérée.

    Peut-on rapprocher les subcultures que vous analysez dans vos écrits avec les subcultures internet qui ont été récemment investies par l’extrême-droite (avec notamment l’utilisation massive du Pepe the frog par Trump ou les marinistes) ?

    Dans le cas des identitaires et de l’alt-right, oui on peut faire le rapprochement. Cela fait partie d’une stratégie. Dans le cas du marinisme, non pas vraiment. Ceci dit, concernant ce dernier, cela peut changer du fait de l’entrée d’identitaires au sein de la formation mariniste.

    Avant les années 1970, il y a un précédent liant explicitement esthétique et politique à l’extrême-droite : notamment le futurisme avec le fascisme. Peut-on lier ce rapport entre fascisme et certains mouvements artistiques, au rapport entre cette extrême-droite moderne et les subcultures ?

    Il n’y a pas eu que le fascisme qui entretint un rapport à l’art et à l’esthétique : les Nazis se passionnèrent également pour cette question, cherchant à créer un art racial, l’“art allemand”. Il y eut également des débats houleux sur la place des avant-gardes artistiques, je pense en particulier au débat sur l’expressionnisme promu comme “art allemand” par des proches de Goebbels et violemment critiqué par Rosenberg et Himmler. Cette polémique s’est concrétisée par la fameuse exposition sur l’“art dégénéré”…

    Pour répondre à votre question, il y a un lien effectivement. Ce sont surtout les militants nationalistes-révolutionnaires, rejetons intellectuels du fascisme et de la “révolution conservatrice” allemande, qui seront après-guerre les précurseurs d’une subculture d’extrême droite. Des cadres de cette mouvance furent des pionniers des musiques brutistes. Ce fut le cas de Jean-Marc Vivenza dans les années 1980 qui sortit plusieurs cassettes de sons d’usine mixés et filtrés. Ces albums sont devenus cultes dans le milieu des musiques électroniques expérimentales et ont été pour la plupart remasterisés et réédités en cd, certains l’étant avec des livrets rééditant des textes futuristes du même auteur. Je pense notamment à Fondements brutistes, réédité avec la brochure éponyme datant de 1984. Depuis cette époque, Vivenza s’est éloigné du futurisme.

    En outre, comme je l’ai dit plus haut, il y a eu des tentatives dans ces milieux de lier aspects contre-culturels et engagement politique : le milieu naziskin n’est pas connu pour sa théorisation, mais plutôt pour sa scène musicale violente et radicale : un concert de Skrewdriver est plus efficace qu’un long discours pour mobiliser les troupes. De ce point de vue, les nationalistes-révolutionnaires ont toujours été à la fois à l’avant-garde du militantisme et du contre-culturel.

    « Un concert de Skrewdriver est plus efficace qu’un long discours pour mobiliser les troupes. »

    La droitisation de certaines subcultures doit-elle inviter à faire une critique du phénomène de la subculture en tant que tel ? Portent-elles cette dérive en elles ou est-ce une simple instrumentalisation ?

    Les subcultures sont trop diverses pour pouvoir être accusées de quoi que ce soit. Agir ainsi serait terriblement stalinien. Les subcultures sont par essence des milieux ouverts s’enrichissant d’apports extérieurs. En faire une critique n’a pas de sens. Ceci dit, au-delà de ces oppositions, il faut reconnaître que les différentes tendances partagent un grand nombre de points communs : musique, avant-gardes artistiques, auteurs, etc. Le clivage se fait surtout sur les notions d’identité et d’affirmation ethnique. Il est vrai aussi qu’il y a eu des tentatives d’entrisme, voire d’orientation… Ainsi, il y a eu, dans les années 1990, des stratégies délibérées visant des scènes musicales extrêmes, comme le black metal, l’indus ou le neofolk. Des fanzines, bien faits il faut le reconnaître, sont apparus, distillant des thèmes à la fois contre-culturels et militants et faisant la promotion de publications ou de maison d’éditions gravitant dans les ères de la Nouvelle droite, du traditionalisme-révolutionnaire ou du nationalisme-révolutionnaire. Ceci était lié aux intérêts de ces scènes pour l’ésotérisme, le néopaganisme, les thématiques indo-européennes, les personnages sulfureux (Evola, Codreanu, Mishima, Jünger, etc.) et l’écologie.

    S’organise-t-on dans ces subcultures pour contrer cette dérive extrême-droitière ?

    La question est mal posée : il y a des oppositions qui s’expriment et qui se manifestent, mais elles viennent d’acteurs subculturels de gauche ou d’extrême gauche. Ainsi, ces personnes s’opposent régulièrement à des festivals de musiques d’extrême droite, à des concerts de groupes d’extrême droite ou supposés comme tels du fait de l’imagerie utilisée. Ceci dit, j’ai déjà fait plusieurs festivals où les différents milieux cohabitaient paisiblement : on était là pour la musique, point. Dans d’autres subcultures, il y a une réelle porosité entre les milieux et un attrait pour des thèses d’extrême droite, ou, plus largement, pour des thèses réactionnaires/antimodernes. C’est particulièrement frappant chez les écologistes radicaux et chez certains décroissants, mais l’ennemi est commun : la société libérale issue des Lumières et son progressisme.