Le sac des tombeaux de Saint-Denis, par ordre de la Convention, du 12 au 25 octobre 1793. Treize jours de honte.
Extrait du livre de Jean Raspail : Le Roi au-delà de la mer – Albin Michel, 01-2000
Au milieu d’une foule surexcitée qui encourageait de la voix et du geste les terrassiers, on commença à creuser aux abords immédiats de la basilique deux fosses carrées. La première était destinée à recevoir les ossements des Bourbons, la seconde ceux des Valois et des Capétiens directs, ainsi que les restes des rois des deux premières races, si l’on en retrouvait quelque chose. Puis l’on enfonça au bélier les portes de la crypte où s’alignaient les tombes royales sur plusieurs niveaux de profondeur. Le premier «tyran» forcé dans son repos éternel fut le bon roi Henri IV. Lorsqu’on eut fait sauter le couvercle de son cercueil, son corps apparut presque intact. Dans l’air raréfié de la crypte, il répandait une forte exhalaison d’aromates. Ce roi-là sentait bon. Ce ne fut pas le cas des autres. Son visage était admirablement conservé, la barbe presque blanche, les traits à peine altérés. Le cadavre fut ainsi dressé, comme un mannequin, et adossé à un pilier. La foule qui l’entourait, impressionnée, suspendit un instant sa haine. Allait-elle tomber à genoux, en témoignage d’ancien respect ? Mais la loi qui régit les masses humaines ne souffre pas d’exception : c’est toujours le plus vil qui l’emporte. Se poussant au premier rang, un courageux sectionnaire tira son sabre et coupa ras une mèche de barbe dont il se fit une moustache postiche sous les rires et les applaudissements. Puis ce fut le tour d’une mégère qui gifla le roi à toute volée, si fort que son corps tomba à terre. Après des heures d’outrages et d’insultes, réduit à l’état qu’on peut imaginer, il fut balancé sans ménagements, le premier, dans la fosse des Bourbons.