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culture et histoire - Page 1395

  • De l'âme des princes

    «Ceux des particuliers qui deviennent princes seulement par les faveurs de la fortune ont peu de peine à réussir, mais infiniment à se maintenir» (Machiavel). 
    On pourrait en dire autant par les faveurs des Lois fondamentales. La prolifération des recherches sérieuses ou moins sérieuses, mystiques ou historiques qui cernent le roi caché, survivant, souterrain, d'au-delà des mers, n'est pas qu'une distraction romanesque. Elle signale une insatisfaction née de l'examen de l'élu désigné. Il ne satisfait pas les attentes de certains, attentes qui ne convergent pas toujours. Aussi cherche-t-on ci et là le chemin d'esquive qui permet d'échapper à cette "obligation" décevante. C'est le fil rouge de ce billet.
    Baudouin IV d'Anjou

    Nos âmes à l'image des dieux qu'elles ont contemplés dans leur vie antérieure* sont diverses et variées. Enfermés dans des corps qu'elles n'ont peut-être pas choisis, elle subissent la servitude de l'incarnation et s'abîment des passions qui les assiègent, sauf chez les princes. Des trois parties de l'âme platonicienne, c'est le νο̃υς qui domine chez eux et qu'on appelle raison, du même sang que celui des dieux. Les deux autres, l'appétit de la vie (ou les élans) et la colère (ou l'orgueil) y sont contenues par la première plus fortement que chez nous. Ceux d'entre eux qui ne le peuvent n'en sont pas.
    Nous avons coutume de révérer des personnes descendant de personnages illustres au seul motif de leur hérédité. C'est pure courtoisie. Nous ne devrions abaisser nos drapeaux que vers le mérite personnel, bien qu'il soit autrement possible de combler d'affection quelqu'un que nous jugerions imparfait mais sympathique. Encenser la fonction est autre chose dont nous parlerons une autre fois. Mais il ressortirait à l'erreur politique que de confier notre destin à quelqu'un "par courtoisie". 

    Sa spécialité : l'exception

    C'est la Morale qui prime dans ce que nous cherchons à reconnaître chez un prince et non pas les quartiers de noblesse, ni les diplômes s'il en a, ni son allure avantageuse ou la carnation de sa peau si c'est une princesse. Morale qu'il doit savoir appréhender à distance de lui-même s'il est capable du détachement critique par rapport à son propre emploi afin de voir clairement les améliorations exigées de lui pour emplir le contrat ; et tout à la fois, ce qui n'est pas mince, une résilience peu commune aux influences de tous ordres qui le détourneraient de son exceptionalité. 
    Car le prince est spécial, obligé de "monter" en permanence pour rester au-dessus du lot ; c'est la seule condamnation attachée à sa condition. L'en distraire serait criminel. Fusillons déjà les courtisans. 
    Se satisfaire comme beaucoup d'une position sociale décorative au milieu de ses adulateurs aboutit à laisser vieillir un caractère inconséquent qu'il serait bien imprudent d'appeler à notre secours un jour, plus tard, bientôt ? Jamais ! Nous n'imposerons jamais personne qui ne s'impose de lui-même. Que dans les salons royalistes on le dise aux casuistes épilés qui se crèvent les yeux sur les Lois !

    A partir de là, l'abonné à Royal-Artillerie attend que nous descendions la galerie de portraits accrochés dans le grand escalier capétien. Il n'en sera rien. Notre but n'est que de réfléchir à ce qu'ILS ont de différent qui les place en situation d'accueillir notre propre abandon en leurs mains.

    Revenons à l'âme. 
    En plus de sa vie terrestre et de son destin chevauché de père en fils depuis la nuit des mondes, l'âme du prince est responsable d'une tâche qui n'échoit pas au vulgum pecus. Elle n'habite plus chez un homme mais chez un demi-dieu de l'étage inférieur, subordonné au démiurge qui a conçu l'architecture de ce monde et qui lui demande de le continuer. Si elle le rend vigilant, habité par sa mission, ce monde sera "sauvé" et lui sera déclaré "parfait". C'était l'idée d'Epictète, la vertu totale. Peu sont élus pour affronter le risque d'écrasement de leur individualité par une vie authentiquement divine et les Lois qui les désignent, désignent autant nos problèmes que leurs solutions s'il y a un grand écart entre le proposé légal et le prototype car il ne s'agit que d'appeler à notre secours un rédempteur de la Nation. C'est pour nous, nation, que nous agissons ! "Demi-dieu", "parfait", on comprend déjà que nous nous sommes déjà bien éloignés du vulgaire. Quels sont donc ces caractères spécifiques au prince accédant ? Ou à l'inverse que se passe-t-il s'ils n'existent pas ?

    Ah, ces inconvénients !

    Le pire défaut est l'indécision qui chez un chef est grave en ce qu'il entame l'essence même de sa fonction. Nous avons sous les yeux l'exemple vivant d'une procrastination quasi-pathologique où les décisions ne sont prises que pour s'en débarrasser. Mais jadis des princes très savants mais pusillanimes en ont perdu la tête aussi.

    S'il n'en est pas d'imbécile, il en est parfois de moins instruit. Ce défaut allié à un fort tempérament est palliable par un rattrapage des connaissances utiles à sa charge. Si au contraire il accompagne une nonchalance intellectuelle voir un déplaisir à l'étude, le prince en défaut réunira autour de lui des compétences éprouvées pour assumer son gouvernement du pays, compétences qui le transformeront très rapidement en poupée de balcon. L'avantage de la monarchie disparaîtra au bénéfice de l'oligarchie et retour à la case départ. Aussi sympathique fut-il, le cancre est à bannir.

    On ne peut non plus laisser passer le désordre des mœurs en ce qu'il interdit ensuite l'invocation de l'exemple. Si un politicien en contrat à durée déterminée est un spécialiste reconnu de la gouvernance mais un dépravé pour ce qui concerne sa vie intime, la logique politique prendra le pas sur la morale pour le conforter dans sa position utile au pays, mais il ne pourra jamais lors d'événements graves se revendiquer comme l'exemple à suivre. En revanche, un prince en situation de pouvoir doit rester en capacité d'exemple. Ceux qui n'y parviennent pas - et on en voit souvent - abondent au tonneau de leur propre mépris, sauf à bénéficier de l'indulgence populaire qui s'attache au prestige de la fonction par l'affect naturel des peuples à l'endroit de leurs chefs. 
    Sans viser quiconque, celui des princes qui ne supporterait pas les contraintes et misères quotidiennes de la vie commune pourrait difficilement nous faire accroire qu'il résisterait mieux que d'autres au malheur d'être roi comme le disait Louis XVI dans le testament à son fils. 

    Quels sont donc maintenant ces caractères spécifiques au prince accédant ?

    Louis XVII

    Les qualités morales se perfectionnent au moment de l'éducation si le sujet est réceptif, plus difficilement s'il faut un peu de contrainte mais on y arrive. L'éducation appliquée à la formation du caractère se fonde sur l'instruction et l'exemple donnés par ses éducateurs - Choiseul eut été préférable à La Vauguyon . La destinée du prince oblige à monter le niveau le plus haut possible pendant la période de sa formation - on en jugera par les diplômes obtenus - et à forger un caractère résilient. Outre les nécessaires humanités et mathématiques, il tombe sous le sens que des études de droit public, de finances publiques et de commerce international, clôturées par un passage dans une académie militaire, soient le minimum syndical pour qui s'apprêterait à nous gouverner aujourd'hui. J'en vois au fond qui quittent la salle et je n'ai pas parlé des cinq langues européennes.

    Si l'on en vient au tempérament, à supposer qu'on me le demande, ce qui n'arrivera jamais, je préférerais un tempérament stoïcien qui gouverne les émotions et protège le jugement. J'ai retrouvé quelques définitions qui illustrent bien mon souci. Appliquer ses pensées à trier les choses entre celles qui dépendent de nous et toutes celles qui n'en dépendent pas. Les premières sont notre œuvre et de notre responsabilité ; les autres seront au mieux leurs ancillaires. Cette sérénité dans la connaissance de son pouvoir réel est un gage de sage gouvernance en ce qu'elle bride dès le départ l'intrusion étatique dans la sphère privée et dégoûte des lettres de cachet qu'on appelle aujourd'hui autrement. Parce que le premier rempart de la liberté individuelle ce doit être justement le roi, quand la marche du monde cherche tous les jours un peu plus à la fracasser.

    Séparation des pouvoirs

    En délimitant le royaume, l'Etat, et le domaine qu'il incarne dans ce royaume, le prince jugera des choses qui lui incombent selon la Raison, se protégeant d'une sensibilité trompeuse qui obscurcirait son jugement et le laisserait sur- ou sous-estimer les mouvements d'opinion qui sont l'expression moderne de la démocratie corrompue quand elle cherche à contrôler les émois populaires. Rester au-dessus de la mêlée et garder la tête froide est facile au début du match, s'y maintenir est plus difficile, surtout si le peuple appelle au secours. Aller plus loin que compatir est déjà choisir, trier dans les politiques publiques et enfreindre le principe du peuple souverain en ses Etats. Ce dilemme de non-pénétration des domaines régaliens et publics convoque beaucoup de pédagogie pour faire accepter les responsabilités réciproques quand "ça va mal". Une nation ne peut tout attendre d'en-haut, sauf celle des veaux ! La reine d'Angleterre, dans son minuscule domaine réservé, y arrive très bien, qui influence mais en sous-main quand elle le souhaite. Nous apprîmes avec stupeur qu'elle et le prince de Galles avait usé plusieurs fois d'une sorte de droit de veto sur des projets législatifs du 10-Downing Street ! Ouvaton si Windsor fait plus que régner ?

    On pourrait dire encore qu'une des qualités primordiales de l'état princier est le discernement de ses décisions par la hiérarchie des valeurs qu'ils activent au sein du domaine dédié. Tout ne se vaut pas, mais saisir les écarts d'importance demande une longue éducation dans la charge. La capacité à trancher par l'outil de la raison est primordiale et ô combien difficile qu'on puisse entendre la laisser entre des mains formées à ce défi quotidien. Ce n'est presque plus un acquis, peut-être faut-il ressentir ces choses d'instinct. Cela participe de l'inné des familles régnantes.

    Autre caractère spécifique, l'affect : un auteur maudit soutenait que "c'est un des avantages insignes de la monarchie que les meilleurs sentiments du peuple peuvent s'y fixer et s'y concentrer sur la personne royale, tandis qu'autrement ils resteraient épars, vains et nuls "(Abel Bonnard dans l'éloge du feu roi des Belges Albert Ier). Faut-il quand même que le prince en charge aimante assez puissamment l'affect populaire pour qu'il précipite sur sa personne jusqu'à produire cette coagulation du "meilleur" de la nation dont nous n'avons pas aujourd'hui de reste ! Mais en général "ça le fait", à voir les tirages de la presse royale et le succès de sites méritants comme Noblesse & Royautés.

    De par l'aura attachée à sa qualité de roi, surnaturelle s'il est un jour sacré, un prince vient de la fabrique des héros. Destin colossal à mille lieux du marquis parvenu, il doit le montrer continûment. C'est pour le coup un chevalier, un chevalier au premier coup d'œil. L'immense prestige de la vertu s'il choisit de s'y abandonner, pourra suggérer ensuite que son droit a quelque chose de "plus-qu'humain", divin peut-être... et le tour sera joué. Il n'est aucune place en France pour un roi bourgeois !


    Essai de conclusion - les Lois :

    le petit Lord Fauntleroy

    L'instauration d'une monarchie en France, pays où trois dynasties furent battues successivement, deux par la guerre civile et une par la guerre étrangère deux fois, appelle dans notre siècle d'infériorité un être charismatique de haut niveau, capable de rallier la masse des indécis en renfort de ses partisans. Une "restauration" marche à l'enthousiasme et les combinaisons de la Crypte seront la plupart des fois déjouées. Il est désolant de devoir se départir des lois fondamentales du royaume cent quatre-vingt cinq ans après la disparition du dit-royaume, mais ces lois ne sont en fait que de succession. Or le "trou" est grand entre jadis et maintenant, après une phase inédite d'accélération de l'histoire. Toutes les révolutions s'y concentrent, industrielle, énergétique, numérique, cosmique et j'en passe qui n'ont pas d'épithète comme celle des nano-technologies. Pascal disait déjà que Trois degrés d'élévation du pôle renversent toute la jurisprudence, un méridien décide de la vérité ; en peu d'années de possession, les lois fondamentales changent, le droit a ses époques, l'entrée de Saturne au Lion nous marque l'origine d'un tel crime. Plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà.Seraient-elles de quelque utilité pour le choix, ces lois, s'il y a choix, outre le pronostic qu'elles lèveront la dispute entre les Maisons aveuglées par la fumée des signaux indiens qui montera de la montagne, que nous serions bien inspirés de les garder pour plus tard, bien après, quand le travail difficile sera terminé. Ce qui n'empêche nullement de les préserver dans un coin de notre esprit. Mais s'y cramponner en l'absence de royaume comme aujourd'hui conduirait de nouveau à l'échec. Les Lois ont été construites pour pérenniser une monarchie vivante, pas pour en ressusciter une disparue corps et biens il y a sept générations !

    Une hypothèse utile au débat serait de convenir que les deux premiers titulaires successifs soient de haut niveau intellectuel et moral pour prendre à bras le corps l'exécutif de la fonction afin d'assumer rapidement leur autorité "en leurs conseils", d'écraser dans l'œuf et les tentatives souterraines de subversion, et la logique négative de leurs détracteurs. La propagande des pourrisseurs professionnels peut être redoutable surtout sur un peuple dérouté, influençable, pour partie abruti par de pseudo-valeurs simplistes, ressassées par la classe médiatico-politique, qui ne sont que celles de maintenir l'oligarchie régnante. Tous les régimes du XIX° siècle ont péri de leurs attaques. C'est dans ce but que l'ensemencement du champ de l'Opinion à l'idée du roi doit être élargi, augmenté, vaste, jusqu'à ce fameux "pourquoi pas" qui nous réjouirait tous, mais dont nous sommes apparemment loin. 

    Attendons des princes en vue ou cachés qu'ils élèvent pour y répondre leurs enfants dans ce programme d'exception. A défaut nous verrons ! 

    Tout ceci est spéculation gratuite, nous n'y avons aucun intérêt. Comme écrivait en haut du tableau noir mon vieux professeur de physique et chimie : « Nous sommes censés savoir que... »

    Merci de votre attention, vous pouvez fumer. 
    Oui ? Un Nom ? 
    Baudouin IV de Jérusalem pour son courage surhumain. 
    Baudouin de Belgique pour son impeccable dignité.
    Charlie-Martel 

    (*) in Platon quelque part

    PS : l'iconographie de cet article est délibérément "fraîche" car sa lecture est destinée d'abord à nos jeunes lecteurs, ceux qui vraisemblablement auront à "choisir" demain

    http://royalartillerie.blogspot.fr/

  • Mémoire et honneur plutôt que nostalgie et rance

    Extrait de la tribune du général (2S) Pierre Zammit de l'Association de Soutien à l'Armée française (ASAF) :

    4593748_3_3c92_la-nouvelle-rue-de-beziers-baptisee-par_b982cfd87b0f0bcf2cc8bc5eac3c2bf7"Commentant la décision du maire de Béziers de débaptiser une rue du 19 mars 1962 et de lui donner le nom de commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, le Premier ministre en campagne électorale a déclaré le 14 mars : "la nostalgie de l'Algérie française n'apporte rien de bon… Le FN n'aime pas la France, c'est rance, c'est triste"Pourtant, il ne s'agit pas plus de FN, que de nostalgie l'Algérie française. C'est autre chose dont il s'agit. Il s'agit de se souvenir de morts français et d'honorer un grand soldat (...)

    Quant au commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, une ville ne peut que s'honorer d'avoir une rue qui porte son nom. Résistant à vingt ans, déporté à Buchenwald, officier parachutiste de la Légion étrangère, prestigieux combattant d'Indochine et d'Algérie, le commandant de Saint Marc s'était rallié en avril 1961 au putsch des généraux contre la politique du général de Gaulle pour ne pas renier la parole donnée, disant avoir"préféré le crime de l'illégalité à celui de l'inhumanité". Jugé, emprisonné, libéré en 1966, réhabilité en 1978, il fut élevé à la dignité de Grand-croix de la Légion d'honneur dans la cour d'honneur des Invalides en 2011 par le président de la République :

    "nul ne saura si l’accolade du chef des armées représentait le pardon du pays à l’un de ses grands soldats ou bien la demande de pardon de la République pour avoir tant exigé de ses soldats à l’époque de l’Algérie. Le pardon, par sa puissance, par son exemple et surtout par son mystère, fera le reste de la cérémonie !….Aujourd’hui, vous nous laissez l’exemple d’un soldat qui eut le courage, à la fois fou et réfléchi, de tout sacrifier dans un acte de désespoir pour sauver son honneur !"

    dira en août 2013 le général d'armée Dary dans le poignant éloge funèbre de ce grand soldat, homme d'honneur s'il en est.

    Voilà pourquoi, aux mots nostalgie et rance, j'oppose mémoire et honneur."

    Philippe Carhon

  • [Les Grands Entretiens de Novopress] Christopher M. Gérard : “Jünger est un seigneur, qui n’a pas dérogé” 2/3

    Quelle plus belle présentation de Christophe Gérard que ces mots du grand critique Pol Vandromme : « Christopher Gérard pense à contre-courant du siècle et écrit à contre-mode de la platitude littéraire d’aujourd’hui. » ? A l’occasion de la réédition à L’Âge d’Homme de son roman Le Songe d’Empédocle (en librairie le 20 mars), nous sommes allés à la rencontre de cet Européen à la longue mémoire.

    Propos recueillis par Pierre Saint Servant

    Vous citez volontiers Ernst Jünger parmi vos maîtres, vos créanciers spirituels. Comment avez-vous rencontré son œuvre ?

    Par les Orages d’acier, magnifique journal des tranchées, que j’ai lu étudiant. Par Les Falaises de marbre – un livre talisman pour moi. Puis par les Journaux parisiens, lus à l’armée, et ensuite tout le reste.

    Si vous deviez retenir trois grandes idées ou visions dans la cohorte de ses essais, journaux et correspondances, quelles seraient-elles ?

    Les idées ne m’intéressent guère : j’imagine le jeune biologiste à Naples avec son nœud papillon, le capitaine de la Wehrmacht qui sauvegarde des archives pendant la Campagne de France, l’entomologiste aux cheveux blancs, le centenaire qui grille une cigarette dans son jardin… Il y a quelque chose de magique chez cet homme. Une lumière intérieure, une probité, une classe. Voyez le buste qu’en a fait Breker : impérial.

    Si Ernst Jünger est reconnu – peut-être plus en France qu’en Allemagne – comme un auteur majeur du XXème siècle, il est peut être d’autant plus extraordinaire par l’exemplarité de sa vie. Sa « tenue » comme dirait Dominique Venner. Qu’en pensez-vous ?

    Bien sûr ! Comment ne pas être séduit par la haute tenue de l’homme, sa noblesse si visible, qui font de lui un modèle d’altitude. Un seigneur, subtil et érudit, sensible et lucide. Rara avis !

    Ceux qui envisagent l’œuvre de Jünger de manière trop figée, comme l’Université y invite souvent, y découpent facilement des blocs (l’élan guerrier, l’exaltation nationaliste, l’admiration pour la technique puis sa critique, le retrait de l’anarque …). Jünger n’est-il pas tout simplement Européen, c’est-à-dire déterminé à faire naître de la confrontation des actes et des idées un dépassement par le haut. Ce qu’il semble avoir pleinement réussi en un siècle de vie…

    Jünger est un seigneur, qui n’a pas dérogé. Pour ma part, c’est davantage l’observateur des hommes et de la nature, le capitaine des troupes d’occupation qui salue l’étoile jaune, le conjuré de 44, le subtil diariste qui me séduisent. Le romancier de Sur les falaises de marbre, qui nargue un régime sombrant dans la folie furieuse – les massacres de Pologne et d’ailleurs. L’anarque, en un mot. Le théoricien de la technique, le nationaliste des années 1920 ne m’intéressent qu’à titre anecdotique.

     

    Ce qui est souvent passé au second plan lorsque l’on évoque Jünger est son rapport extrêmement profond, amoureux, mystique avec la nature. Sa passion entomologique n’est nullement anecdotique. Il semble nous enseigner qu’en toutes circonstances, la contemplation de la nature suffit à nous ramener aux vérités premières…

    C’est un trait de caractère éminemment germanique, cette tendresse pour la nature, cette vision panthéiste du monde, ô combien séduisantes – et actuelles (en fait : de toujours)
    .
    En faisant renaître la revue Antaios, vous avez été régulièrement en contact avec le sage de Wilflingen, quels souvenirs conservez-vous de ces échanges ?

    J’ai quelques cartes et lettres, un livre hors commerce dédicacé d’une splendide écriture, Prognosen. Une citation dans son Journal – ce qui ne me déplaît pas. Une carte postale à son image qu’il m’écrivit pour ses cent ans : l’écriture en est d’une absolue netteté. Ferme, comme celle de Dominique Venner sur sa lettre d’adieu, envoyée le jour de sa mort volontaire…

    Permettez-moi de soumettre à l’auteur du Songe d’Empédocle ces quelques mots : « On ne peut échapper à ce monde. Ici ne s’ouvre qu’un seul chemin, celui de la salamandre, qui mène à travers les flammes »

    Belle illustration de la tension tragique, que je fais mienne. Merci !

    http://fr.novopress.info/184165/les-grands-entretiens-novopress-christopher-m-gerard-junger-seigneur-na-pas-deroge-23/

  • Bas Empire, le retour

     

    Je viens de refermer La Fin de l'Empire d'Occident*d'Amédée Thierry (Paris, 1860) que m'avait recommandé sur son site Jean-Gilles Malliarakis. L'affaire fut pliée de manière irrévocable en trente ans. Les causes en étaient certes anciennes et déjà connues des auteurs de l'époque que les historiens modernes ont compilé - je pense à Edouard Gibbon (1737-1794), Gibbon le magnifique disait Churchill - mais si la mèche était longue, la tragédie détruisant le concept d'empire universel ne fut jouée pas plus longtemps qu'un tiers de siècle, une génération à l'aune du temps, de 461 (assassinat de Majorien) à 493 (assassinat d'Odoacre) ! S'ouvre alors le règne de Théodoric le Grand, roi d'Italie à Ravenne, et trente-trois années de paix gothique pour la Péninsule. Douze siècles d'empire étaient consumés. Il en resta des lois, des codes, le christianisme, et le mode d'emploi d'un Etat. S'ouvrira ensuite l'ère de la féodalité avec la fortification des cadastres et le pullulement des seigneurs jusqu'à l'aimantation carolingienne qui donnera un sens à toute cette limaille barbare pour achever la construction de la charpente féodale.
    Le nouveau roi d'Italie, éduqué à la cour de Constantinople, qui laissait combattre en lui-même le sang impétueux de l'Alaman sauvage et la raison romaine du gouvernement des hommes, reprit l'attirail césarien d'un empire étriqué pour en revêtir l'autorité rémanente. Il parviendra à la gloire par l'édification d'un communautarisme avant la lettre cloisonnant les deux peuples résidents, le goth et le romain. Au premier le législatif, la force et la guerre, au second l'administration du territoire. Mariage interdits, religions séparées, le roi comme son peuple était arien, les souchiens catholiques. 
    Faut-il faire un rapprochement avec la fiction houellebecquienne d'une France islamique, laissant cohabiter plusieurs communautés d'abord retranchées sur leurs principes, coutumes et loi spécifiques, puis normalisées à la loi du plus fort ? « Il fallait se rendre à l'évidence : parvenue à un degré de décomposition répugnant, l'Europe occidentale n'était plus en état de se sauver elle-même - pas davantage que ne l'avait été la Rome antique au Vè siècle de notre ère » (Soumission, p.206). Peut-on penser qu'à la fin de la période de déclin décrite par Eric Zemmour - et ce n'est pas une fiction pour le coup - la France retrouverait un jour le chemin de l'ordre moral en n'étant plus française comme l'Italie de jadis perdit sa romanité ? C'est une grave question qu'il faut bien comprendre pour en combattre les prémices mais en sachant aussi qu'il y a entre ces nouveaux Goths et nousdes convergences dangereuses qui peuvent attendrir des esprits désorientés par l'affaissement moral et psychique du pays :
    - interdiction de l'avortement, de l'euthanasie, valorisation de la famille traditionnelle, protection particulière des épouses, éducation contrôlée des enfants, primat du patriarcat, tempérance sexuelle contre le vagabondage, interdits religieux, prééminence de la foi et des lois divines sur les lois séculières, stigmates homosexuels et sidéens, répression de l'usure et bien d'autres détails transversaux de la vie en société que l'on découvrirait si on voulait bien creuser la grave question. 

    Michel Houellebecq

    Exorciser l'avènement en 2022 du président Mohammed Ben Abbes et de son premier ministre Bayrou (qu'est-ce qu'il prend en pleine poire dans le roman !) passe par la restauration d'un ordre moral, tant dans la sphère privée que publique, et les mesures, s'il en faut pour y parvenir, ne sont pas des plus faciles à décider dans un pays aujourd'hui à vau-l'eau. Je vous laisse les imaginer dans votre propre environnement, pour vous-même d'abord, mais j'en suggère une dans la sphère publique pour commencer : être intraitable avec la classe politique au plan judiciaire - cesser le sursis - et séquestrer les biens des élus le temps de leur mandat. Vous ne pouvez savoir tout ce qui alors changerait, à commencer par l'élimination des arrivistes au petit pied de bouc, pourrisseurs habiles de nos mœurs, gnomes insatiables de pouvoir qui vendraient leur mère pour une prébende juteuse. Rien que cela renforcerait comme par enchantement le camp du "Servir" en ouvrant la voie aux hommes intègres, instruits, responsables, d'Etat quoi ! S'il en fallait une seconde, je pense que pour l'exemple on devrait s'attaquer aux privilèges exorbitants du Sénat qui sont une insulte inexpiable au peuple français. Voir à ce sujet la vidéo que nous recommande Charles-Philippe d'Orléans :



    Le poisson pourrit par la tête, il faut s'occuper du régime politique d'abord et maintenant.

    Note (*): Reprint Editions du Trident, Paris 2008

    http://royalartillerie.blogspot.fr/2015/01/bas-empire-le-retour.html

  • L’Algérie, par Vincent Revel

    Lors du conflit algérien, qui a duré de 1945 à 1962, plus de 210 000 algériens ont combattu aux côtés des soldats français pour défendre une Algérie française. Pour nos accusateurs algériens ce ne sont que des renégats qui ne méritent ni considération ni compassion et ceci malgré les crimes violents qu’ils ont eu à subir du Front de Libération Nationale (FLN). Pour notre élite politique déracinée, ces harkis ont été jusqu’à nos jours des personnes fort encombrantes. La République, face à cette guerre appelée pendant longtemps simple maintien de l’ordre, ne sut jamais prendre ses responsabilités. Les jeunes soldats français, envoyés combattre le FLN dans son maquis, n’eurent que très peu de reconnaissance pour leur jeunesse perdue à faire une guerre inutile.

    Sur l’Algérie, nous devrions avoir un discours clair. Expliquer qu’avant la présence française, l’Algérie n’existait pas en tant que pays et nation. Avant l’arrivée de l’islam, au VIIème siècle, la partie nord de ce grand territoire appartenait à l’empire byzantin, héritier de l’empire romain. Les musulmans, lors de leur conquête, réprimèrent avec brutalité la résistance des tribus Berbères qui furent contraintes de subir une arabisation forcée de la part des vainqueurs. Sous la domination ottomane, du XVIème siècle jusqu’à l’arrivée des français en 1830, les barbaresques d’Alger vécurent de façon autonome face à la souveraineté turque. Ils s’enrichissaient grâce aux pillages et à la vente des esclaves qu’ils capturaient le plus souvent sur les côtes européennes. Malgré leur pouvoir de nuisance sur la méditerranée occidentale, les deys d’Alger ne contrôlèrent jamais plus qu’une petite bande côtière. Il fallut vraiment attendre l’intervention des forces armées françaises pour voir l’Algérie prendre forme et être découpée en trois départements français par la IIème République en 1849. De nombreux colons vinrent s’installer en Algérie, mirent en valeur ses terres par un savoir faire agricole et équiperont le pays par leurs ingénieurs (image en Une : le pont El-Kantara à Constantine construit en 1860, photochrome datant de 1899).

     

    A la fin de la seconde guerre mondiale, les Européens représentaient 10% de la population mais élisaient injustement le même nombre de députés à l’assemblée nationale que les citoyens français musulmans. Cette inégalité, renforcée par la faiblesse des dirigeants de la IIIème République, ainsi que le séparatisme attisé par la barrière culturelle et cultuelle de l’islam firent que les débats allèrent rapidement s’envenimer pour laisser la place à la guerre d’indépendance. Malgré la citoyenneté française donnée par Napoléon III en 1865 aux algériens musulmans, ceux-ci restaient « régis, en matière de statut personnel, par la loi coranique ou par les coutumes berbères. » Cette citoyenneté de seconde zone, établie à l’origine pour respecter la culture islamique, ne permit jamais d’unifier pleinement l’Algérie française.

    Très tôt, le cri de guerre du FLN fut, « nous sommes algériens, musulmans et arabes. » Ceci ressemblait beaucoup, sur fond d’indépendance, à un appel au djihad. 16 000 musulmans furent exécutés par les fanatiques du FLN uniquement pour leur appartenance à un autre parti que le leur. L’Armée de Libération Nationale (ALN), branche armée du FLN, sema la terreur aussi bien auprès des civils européens que musulmans. Tortures, viols, égorgements, éventrations, mutilations faciales, rien ne fut épargné à la population algérienne.

    Face à cette violence, l’armée française est accusée d’avoir mené une guerre sale. Des documentaires, des films nous expliquent comment les officiers de renseignement torturaient ces algériens « combattants héroïquement pour la liberté ! » Vu sous cette forme, cela parait émouvant et révoltant. Mais si nous avions le courage de nous pencher légèrement pour renifler l’odeur nauséabonde des fausses communes du FLN, remplies de cadavres anonymes algériens et de pieds noirs lâchement abandonnés, notre écœurement n’en deviendrait que plus tenace. A l’époque où notre président Hollande s’excuse de tout et pour tout, je vous avoue que cet esprit de repentance me devient insupportable et de ce fait je ne peux que féliciter Robert Ménard d’avoir honoré la mémoire d’Hélie de Saint Marc, officier exemplaire de la Légion étrangère.

    Vincent Rev

    http://fr.novopress.info/184115/lalgerie-vincent-revel/

  • [Cercle de Flore] Marion Sigault au Cercle de Flore

    Le 20 février 2015, le Cercle de Flore recevait Marion Sigaut pour son dernier ouvrage "Voltaire : une imposture au service des puissants".

     
  • Livre : Parution : La dictature

    dict818.jpgLes éditions du Seuil viennent de rééditer dans leur collection de poche Point un essai de Carl Schmitt intitulé La dictature et datant de 1921. De nationalité allemande, juriste et philosophe du politique, ami d'Ernst Jünger, Carl Schmitt est l'auteur de nombreux ouvrages comme La notion de politique (1928), Terre et Mer, un point de vue sur l'histoire du monde (1942), Le nomos de la terre (1950) ou Théorie du partisan (1963).
    " En 1930, Walter Benjamin écrivait à Carl Schmitt : «Grâce à vos méthodes de recherche en philosophie de l'Etat, j'ai trouvé dans La Dictature, une confirmation de mes méthodes de recherche en philosophie de l'art...»
    A l'origine, la dictature est une institution de la République romaine. Le dictateur reçoit une mission, il est commis par la République pour rétablir l'ordre républicain, dans un temps limité à six mois. La dictature «souveraine», spécifiquement moderne, telle la «Dictature du prolétariat», est quant à elle illimitée et vise à créer un nouvel ordre.
    Ainsi, quel qu'en soit le type, la dictature est par essence une institution destinée à faire face à l'état d'exception. Et si le libéralisme hésite devant cette «solution», si radicale, c'est justement parce qu'il ne veut pas entendre parler d'état d'exception, ni de souveraineté. Il postule en effet une constitution qui limite la puissance de l'Etat et est censée prévoir tous les cas. En cela, il est insuffisant - et c'est, entre autres, ce que permet de comprendre la synthèse historique magistrale proposée par Carl Schmitt. "

    Carl Schmitt

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    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EukyVkpEEyZdfHQWLE.shtml