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culture et histoire - Page 1564

  • Notre combat pour l’histoire (NRH)

    On se souvient des propositions délirantes présentées dans le « rapport sur l’intégration » mis en ligne sur le site de l’Hôtel Matignon en novembre dernier. La vigueur des réactions suscitées par la publication de ces projets a conduit nos actuels dirigeants à affirmer « qu’il ne s’agissait pas là de la position du gouvernement », pendant que le ministre de l’Intérieur jugeait « inacceptables » certaines des idées avancées. Trois mois plus tard – et alors que l’opinion se mobilise contre la diffusion dès l’école primaire, sous prétexte de « lutte contre les stéréotypes », de l’idéologie du genre – quarante-quatre propositions visant à « lutter contre les discriminations » témoignent de la volonté gouvernementale de relancer sous une forme différente les projets écartés en novembre.
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    Ancien membre du collège du Haut Conseil à l’intégration et spécialiste de la laïcité, Malika Sorel-Sutter a commenté ce nouvel avatar des tentatives de « construction d’un homme nouveau » dans un entretien donné au Figaro. Sa conclusion est sans appel puisqu’il s’agit, selon elle, « de rééduquer les Français en leur inculquant la bien-pensance identifiée comme la pensée juste […] Nous sommes confrontés à une volonté de changer le peuple au travers du changement en profondeur de tout son référentiel culturel ».La promotion des langues d’origine des étrangers venus s’installer sur le sol français, la prise en compte de leurs diverses spécificités, la valorisation de leur apport supposé à la société d’accueil, la mise en avant des figures issues de l’immigration doivent aboutir à une coexistence heureuse au sein de la société harmonieusement cosmopolite que la « nouvelle classe mondiale » appelle de ses vœux.La mise en œuvre de l’amnésie collective et le déracinement culturel des populations autochtones – ces fameux « Français de souche » dont la seule mention peut se transformer en délit, comme vient de l’expérimenter Alain Finkielkraut – apparaissent donc désormais indispensables à l’avènement du « citoyen du monde » rêvé par les utopistes, un « homme nouveau », certes différent de celui imaginé par les grands totalitarismes du siècle dernier, mais tout aussi étranger aux réalités du sang, du sol et de la mémoire.

    Dans le programme orwellien dont nous constatons la mise en œuvre progressive, l’histoire tient évidemment une place de choix car « qui contrôle le passé commande le présent ». La disparition des nations historiques et des identités spécifiques est programmée au nom de l’avènement d’une globalisation fondée sur la satisfaction élémentaire des aspirations de l’individu-consommateur. Le « sans-frontiérisme » généralisé qui en découle implique l’oubli d’un passé naturellement générateur d’identités collectives et porteur de représentations du monde particulières. Le triomphe incontrôlé de la technique et la réduction aux normes de la marchandise de toute l’activité humaine ne peuvent s’accommoder du maintien d’une mémoire susceptible de soutenir la résistance au grand désordre en cours d’instauration.
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    C’est dire l’importance du combat pour l’enseignement et la transmission de l’histoire, seule en mesure de fournir les points de repère nécessaires et d’alimenter un imaginaire collectif permettant aux jeunes générations de s’inscrire dans la durée pour y trouver modèles et références. Au moment où semblent s’annoncer les « années décisives » qui décideront sans doute de l’établissement d’un nouvel ordre du monde, c’est en renouant le fil du temps qui a vu l’ascension multiséculaire de nos nations européennes, puis l’immense tragédie qui a failli les emporter, que les jeunes gens d’aujourd’hui seront en mesure de relever les défis des temps difficiles qui s’annoncent. Plus que jamais le message que nous a laissé Nietzsche, selon lequel « l’avenir appartiendra à ceux qui auront la mémoire la plus longue » demeure d’une brûlante actualité.

    Éditorial de Philippe Conrad dans La Nouvelle Revue d’ Histoire

  • Arbres de la Liberté, cultes druidiques et révolution culturelle chez Nicolai Frederik Severin Grundtvig

    Hennig Eichberg

    Dans le contexte européen à la fin du XVIIIième et au début du XIXième, le renouveau païen allemand n'était pas isolé. En France, dans la seconde moitié du XVIIIième, la déchistianisation avait fait des progrès considérables, touchant même le petit paysannat, les artisans et les boutiquiers. Ce changement de mentalité est considéré comme un signe avant-coureur important de la Révolution de 1789. Dès les premières années de l'ère révolutionnaires, on assiste à la naissance d'un culte non chrétien de la liberté, qui s'exprime à travers le calendrier révolutionnaire, les fêtes populaires et les temples bâtis dans un style allégorique et abstrait, assez pédant et imitant sans grande originalité l'architecture de la Rome antique. Dans toutes ces innovations, la plus intéressante, à nos yeux, est le culte de l'arbre de la liberté, qui renoue avec le vieux culte européen de l'Arbre de Mai.

    Préparés par le romantisme celtisant d'Ossian et par certains courants du déisme qui se revendiquait une religion de la nature, les cultes néo-druidiques ressurgissent en Grande-Bretagne, renouant avec des traditions bardiques héritées du moyen-âge. A partir de 1781, apparaissent des ordres druidiques-maçonniques. A partir de 1792, on assiste en Angleterre à des cérémonies tenues par des druides vêtus de blanc et proférant d'antiques prières autour de cercles de pierres dressées et d'autels celtiques. En 1819, des cérémonies semblables animent le rassemblement des bardes gallois, lors de la fête celtique traditionnelles de l'Eisteddfod.

    En Suède, le romantisme d'inspiration germanique trouve son principal écho dans la Ligue Gothique, constituée en 1811. Etudiants et intellectuels affiliés à ce cercle, parmi lesquels se rangent les poètes E. J. Geijer et Esaias Tegner, ainsi que le fondateur de la gymnastique suédoise P. H. Ling, se donnent des noms tirés de l'ancienne mythologie germanique ou des sagas norroises, se rassemblent sur des places entourées d'un cercle de pierres et y tiennent le ³thing². Ils se réfèrent aux dieux anciens, ils se livrent à des recherches historiques et à l'actualisation littéraire du passé gothique, à partir duquel ils veulent refonder l'identité nationale suédoise.

    Mais, c'est au Danemark que renaissent des références plus durables à la mythologie nordique. Les bases jetées à l'époque ont permis de forger une conscience mythologique, identitaire et politique dont l'effet se fait encore sentir aujourd'hui, surtout dans les milieux dits de ³gauche². Cette tradition identitaire de la gauche révolutionnaire danoise débute avec Jens Baggesen qui effectue en 1789, année de la Révolution à Paris, un voyage en Allemagne. Il se rend en lisière de la forêt de Teutoburg, où, sur une hauteur, on célèbre le souvenir de Hermann/Arminius, vainqueur des Romains et des légions de Varus. Dans ses souvenirs, Baggesen nous a laissé ce texte: "Nulle part je ne me suis senti plus libre, plus citoyen du Nord, plus frère dans la grande famille des peuples de notre côté des Alpes qu'ici, au sommet de la forêt chérusque où, pour la première fois, la puissance du Sud a plié devant celle du Nord. J'ai vu la naissance de la liberté en Europe dans le ravivement du souvenir d'Arminius; et j'ai suivi d'un regard ivre de joie sa course vers l'Ouest. Avec les Anglo-Saxons, elle est passée en Albion, avec les Francs, en Gaule. Et maintenant elle brille d'un double éclat dans l'assemblée française".

    Au début de son itinéraire, la gauche identitaire et romantique danoise a donc tourné son regard vers la révolution française, puis, quelques années plus tard, elle a approfondi son corpus doctrinal en explorant à fond l'antiquité scandinave. En 1819, on trouve très nettement la trace de cet engouement dans le livre Nordens guder (= Dieux nordiques) d'Adam Gottlob Oehlenschläger. En 1808, la première édition de Nordens Mythologi  (= Mythologie nordique) de N. F. S. Grundtvig est encore toute imprégnée de l'esprit romantique. Son édition augmentée de 1832 révèle une démarche nouvelle, très intéressante, qui annonce déjà l'anthropologie contemporaine et une sorte de pré-structuralisme. A l'époque, ces premières manifestations de notre philosophie contemporaine était qualifié de ³fantaisiste² et de ³subjective².

    Au lieu de fuir dans une empyrée poétique, à la façon de beaucoup de romantiques, Grundtvig, dans son interprétation de la mythologie nordique, dévoile un projet proprement politique. Le conflit entre les géants et les Ases n'apparaît plus comme un conflit entre forces imprévisibles de la nature et quiétude culturelle, mais comme les combats successifs entre deux types de culture: Rome contre le Nord, les érudits et les élites contre le peuples, le savoir livresque contre la parole vivante, la vieillesse contre la jeunesse.

    Cette approche correspondait avec les fronts politiques qui se dessinaient au Danemark de l'époque. Le nationalisme et le socialisme s'opposaient de concert à l'ancien régime qui vivait ses derniers moments. Les paysans se révoltaient contre les grands propriétaires terriens et contre une élite culturelle, politique et académique imprégnée de latin et d'allemand. Le mouvement national danois, issu du mouvement paysan et se définissant comme de ³gauche², comprend tout de suite l'enjeu de cette nouvelle interprétation de la mythologie nordique. Les bases mythologiques données par Grundtvig donne à la conscience révolutionnaire danoise et au mouvement social une épine dorsale culturelle. De cette fusion émerge une contre-culture aux formes multiples: des organisations de masses, des ¦uvres personnelles originales, un mouvement didactique créateur d'un réseau de ³hautes écoles populaires² accessibles à tous, des paroisses chrétiennes non orthodoxes en rupture de ban avec le luthérianisme officiel de l'Etat danois, des sociétés de gymnastique, des clubs de tir visant à armer le peuple, des coopératives en tous domaines.

    Dans les années de 1870 à 1880, les références directes à la mythologie scandinave perdent de leur influence dans les milieux populaires, socialistes et prolétariens. Elles ne reviendront que dans les années 1920, cette fois dans des milieux plus conservateurs. En dépit de la variante de la mythologie nordique véhiculée par l'Allemagne nationale-socialiste, les références nordiques joueront un rôle dans la résistance à l'occupation nazie de 1940 à 1945. Après la dernière guerre, elles sont tombées en désuétude.

    Mais, à la fin des années 60, le mouvement contestataire étudiant danois reprend à son compte la mythologie nordique telle qu'elle avait été présentée par Grundtvig. Certaines modulations de la culture alternative soixante-huitarde sont marquées par ces références scandinavisantes. Des auteurs comme Ejvind Larsen et Ebbe Klovedahl Reich, ainsi que, plus récemment, Paul Engberg, ont joué un rôle important dans ce processus. Citons notamment cette chanson burlesque contre la technocratie, où le loup Fenris de la mythologie scandinave apparaît comme un bourgeois dévorateur. Agit-prop par la mythologie nordique! Chez l'éditeur d'un journal de gauche, Information,  paraissait pour les communes rurales un supplément intitulé Freya, imprégné de romantisme paysan. Dans un tel contexte, les ³hautes écoles populaires² acquièrent une popularité nouvelle, et se placent souvent sous le signe de l'écologie: elles remettent en marche des moulins à vent, pour substituer une énergie éolienne douce aux énergies habituelles de la civilisation industrielle capitaliste contemporaine. Elles étudient la création d'énergie à partir de la biomasse. Elles enseignent le yoga et le méditation indiennes. On s'y réfère à nouveau directement à Grundtvig et à sa mythologie nordique. A Arrhus, le magasin de la contre-culture s'appelle ³Yggdrasill².

    Rappelons toutefois que Grundtvig et ses prédécesseurs romantiques ne voyaient pas de contradiction entre le christianisme et la mythologie nordique, tout comme les Allemands Arndt et Jahn. En revanche, la version alternative contemporaine de ce filon nordicisant développe une critique fondamentale du christianisme. Reich et Larsen voient en lui, surtout dans sa forme protestante, le prélude structurel au capitalisme, à l'écrasement de la nature par l'industrie, à la crise de l'environnement. La Réforme apparait donc comme ³un mélange d'absolutisme et de rapacité² (Reich). Quant à Larsen, il a écrit: "Ce n'est pas seulement avec Luther que nous devons engager le débat critique, mais avec le christianisme dans son ensemble. Peut-on imaginer pouvoir changer quelque chose aux maux sociaux de notre époque avant d'avoir éliminé le christianisme".

    Se référant à Herder et à Goethe, le mouvement pacifiste danois du début des années 80, se pose comme une résistance populaire contre l'advenance problable d'un terrible Ragnarök nucléaire. Derrière l'hyper-conscience des enjeux qu'a développé le mouvement pacifiste danois, c'est l'Europe toute entière qui s'est brièvement dressée contre son asservissement séculaire par les confessions chrétiennes, puis par le système de pensée scientiste et enfin par les programmes politiques conventionnels. Nous pouvons dès lors constater que le filon mythologisant danois, et son pendant allemand, permettent de structurer une véritable alternative culturelle, pour une nouvelle gauche contestatrice capable de remettre en question le système industriel.

    Les diverses formes nationales de néo-paganisme, le mouvement mythologiste, etc. font certes apparaître des profils nationaux très différents les uns des autres. Il n'empêche qu'ils sont toujours une révolte du réel-charnel contre les artifices du pouvoir, contre les manipulations des puissants qui étouffent pour mieux s'imposer. L'arbre de la liberté dans la France révolutionnaire, le mouvement druidique gallois et les fêtes de l'Eisteddfod celtisant, le gothisme suédois du début du XIXième, la contre-culture théorisée et chantée par Grundtvig apparaissent entre les révolutions de 1789 à Paris et de 1848 à Berlin, Francfort et Vienne: ce n'est pas un hasard!

    [Synergies Européennes, Vouloir, Avril, 1998 - trad. franç. : Robert Steuckers]

    http://vouloir.hautetfort.com/index-4.html

  • Les conditions de l'autonomie des citoyens dans les communautés d'autodéfense

    La nébuleuse citoyenne apparaît largement désarmée. Par conséquent, comment faire face aux autres archétypes qui représentent des formes de pouvoir oligarchique ? C’est ici qu’il faut traiter de cet élément clef de la liberté d’action qu’est la capacité de décision. La référence faite précédemment à la notion d’autonomie ainsi qu’à la démocratie comme société secrète nous ouvrent la voie et fournissent un début de réponse : compte tenu du besoin d’échapper au diktat des contre-pouvoirs, on retrouve en effet l’idée première « prendre son destin en main », en l’espèce la capacité de garantir soi-même ses propres conditions d’existence et de décisions. De tout temps, les groupes humains confrontés à des situations semblables ont eu recours à des formes de solidarités de base : nous parlons ici de coopérative (sans nécessairement faire référence au concept juridique) et à son idée directrice, c’est-à-dire la mise en commun de certaines ressources indispensables à la survie desdits groupes. 

         Le cas des Acadiens au Canada, est un exemple particulièrement éclairant à ce propos. Il s’agit d’une population qui, d’abord, est chassée de ses terres et victime d’une déportation au 18ème siècle, suite à la perte par la France de ses possessions canadiennes. Au prix d’énormes sacrifices, cette population parvient à se reconstituer au cours du 19ème siècle, à s’établir sur de nouvelles terres où elle tente de reprendre une vie normale. Ayant alors comme activité principale la pêche, elle tombe cependant rapidement sous la coupe des entreprises anglaises à qui les pêcheurs acadiens sont tenus de remettre le fruit de leur pêche, en échange de bons d’achat dans les magasins desdites entreprises. Evidemment, les bons s’avèrent insuffisants pour couvrir les besoins vitaux de la population et celle-ci s’endette rapidement. C’est dans ces circonstances particulièrement difficiles que le mouvement coopératif va jouer pour les Acadiens le rôle d’un véritable projet de société à la fois fédérateur et identitaire. La population acadienne parvient en effet non seulement à se maintenir, mais à reconquérir son autonomie grâce au système des coopératives. A travers le mouvement coopératif – développé sous la houlette de l’Eglise catholique et de son clergé – les Acadiens réussissent à secouer cette tutelle économique et à reprendre leur destin en main, la création de petites entreprises autogérées et autofinancées (alimentation, machines, outils, épargne) permettant d’assurer les besoins de base de la population et de ne plus dépendre du monopole des grandes entreprises anglaises. 

          Plus récemment au Mexique, dans un pays ravagé par la corruption et la guerre que se livrent les gangs de narco-trafiquants, certaines communautés redécouvrent les vertus d’une solidarité de « type acadien ». Dans certaines bourgades en effet, les citoyens se sont réunis en groupe d’autodéfense afin de garantir la sécurité locale. Equipés de radios et de jumelles, ils observent les allers et venues et signalent immédiatement tout événement suspect, contraignant de ce fait la police (souvent corrompue) à faire son travail : « En cas de mouvement suspect, ses 200 membres se disent capables de bloquer les quatre issues [du bourg] en moins de cinq minutes ; à la moindre alerte, reliés en permanence par talkie-walkie, les voici qui interrompent leur travail ou sautent du lit dans l’instant, puis se ruent en direction du supposé criminel, un voleur de poule, un cambrioleur, un bandit de grand chemin, un ravisseur... » En surveillant ainsi leurs localités, ces citoyens évitent que les gangs ne viennent s’y installer, rétablissant de la sorte la paix et la tranquillité dans les rues. Il est évidemment encore trop tôt pour pouvoir juger de la validité et de la durabilité de ces expériences mexicaines. Mais, d’ores et déjà, certains aspects sont frappants et renvoient aux considérations précédentes sur l’autonomie et la démocratie comme société secrète en réponse à la voyoucratie. Les groupes d’autodéfense pratiquent en effet la culture du secret, ne communiquant par exemple entre eux qu’à travers des noms de code : « Nous fonctionnons comme une société secrète, la moindre indiscrétion peut nous être fatale. » Et leur motivation est précisément celle d’une réponse à l’Etat-voyou : « On s’est mobilisés car nos institutions, pourries de l’intérieur, ne peuvent nous protéger... » 

    « Prendre en main sa propre sécurité » représente un levier intéressant pour « prendre son destin en main » et retrouver, de ce fait, une première forme de res publica (au sens développé dans le livre de Bernard Wicht, en particulier au moment où le déclin de l’Etat-nation met fin à la citoyenneté). Or, on constate précisément que les exemples susmentionnés présentent le modèle d’une sécurité re-pensée à l’échelon local, à savoir au niveau communal, au niveau du quartier urbain ou de la petite communauté politique. Avec une telle conception de la sécurité, le groupe d’individus concernés – le sujet collectif – peut à cette échelle reprendre influence sur la réalité, sur les facteurs qui déterminent son environnement – autrement dit, l’autonomie telle qu’envisagée plus haut. On peut considérer ainsi la renaissance d’une forme de démocratie de base par laquelle une communauté commence à prendre en charge la gestion de ses propres affaires, cette communauté retrouvant par là même l’esprit d’entreprise, voire l’esprit des pionniers. C’est pourquoi on parle ici de levier au sens où l’entendait Max Weber à propos des groupes en armes à l’origine du capitalisme en Europe. En ce sens, l’exemple acadien tend à montrer que la dimension économique est une composante déterminante de l’autonomie et que couplée à un système d’arme adapté, elle débouche sur une réelle liberté d’action. L’articulation des nouvelles formes d’organisation militaire (outil militaire + puissance financière) vient confirmer cette analyse. En conséquence, la formule définissant la liberté d’action de nos jours pourrait bel et bien être : 

    CAPACITE ECONOMIQUE + SYSTEME D’ARME = LIBERTE D’ACTION 

    La capacité économique se comprenant soit du point de vue financier comme l’indique la révolution militaire en sous-sol, soit sous forme d’une coopérative garantissant une indépendance économique minimale. Constatons au passage combien on s’éloigne ainsi du modèle occidental de la guerre et du paradigme étatique moderne considérant les armées comme de simples instruments que l’on entretient et utilise au gré des circonstances. Au contraire, dans la perspective présentée ici, l’outil militaire n’est pas une simple forme d’organisation ; il tend vers un projet de société associant les individus et leur mode de vie. 

    Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ? Retour à la defense citoyenne

     http://www.oragesdacier.info/2014/05/les-conditions-de-lautonomie-des.html

  • C’était un 8 mai : le maréchal Leclerc, criminel de guerre ?

    La mort de douze hommes peut paraître anecdotique à côté des millions de victimes de la Deuxième guerre mondiale. Mais l’épisode de « Bad Reichenhall » dérange, car il porte une ombre sérieuse sur l’image du maréchal Leclerc, voire à sa légende dorée.

    Début mai 1945, une douzaine de Waffen SS français ayant combattu contre le bolchevisme, rescapés de la Division Charlemagne,  se rendent à l’armée américaine et sont internés dans une caserne de Bad Reichenhall (Haute Bavière).
    Le 6 mai 1945, la 2ème DB de Leclerc occupe cette ville ; les SS français décident de s’évader par peur de représailles.
    Ils sont finalement capturés dans un petit bois. Ils sont ensuite questionnés par le futur maréchal Leclerc. C’est le 8 mai, jour de la capitulation allemande.

    Au cours d’une brève discussion, il reproche à l’un des Français de combattre sous uniforme allemand. Il se voit répondre que lui-même est sous uniforme étranger, américain en l’occurrence.
    Leclerc, jugeant cette attitude par trop insolente, décide de les faire fusiller. Sans aucun jugement.

     

    Après avoir chacun refusé d’avoir les yeux bandés, les jeunes Français s’écroulent par groupe de quatre, l’un après l’autre, sous des balles fratricides, en criant « vive la France ! »

    Les corps sont laissés sur place conformément aux ordres.
    Ils seront finalement enterrés à cet endroit quelques jours plus tard, grâce aux pressions d’un aumônier français. Le 2 juin 1949, les corps sont transférés dans le cimetière communal de Sankt Zeno, à Bad reichenhall.

    Cet épisode tragique est parfois controversé, mais une solide enquête établit les faits : c’est le livre d’Eric Lefèvre et Olivier Pigoreau (disponible ici).

    http://www.contre-info.com/cetait-un-8-mai-le-marechal-leclerc-criminel-de-guerre#more-32584

  • Pierre Sidos : "Le salut romain"

    La civilisation c’est d’abord la politesse. Tout le monde s’accorde pour dire qu’être poli est la marque d’un civilisé. Être civilisé correspond donc, en premier lieu, à observer les usages du savoir-vivre, d’éducation et de courtoisie. Le salut et les salutations, soit par la parole, l’écrit ou le geste, constituent ainsi les premiers indices de la bienséance, du respect, de la déférence.

    Saluer quelqu’un ou quelque chose, c’est rendre hommage à un être, une œuvre, un principe. Parmi les saluts ceux de la tête ou de la main sont les plus courants. Depuis des millénaires, chaque fois qu’un homme s’engage à servir, jure de dire la vérité, promet de tenir parole, affirme son honnêteté, rencontre un ami ou exprime sa gratitude, il lève naturellement le bras droit plus ou moins haut avec la main bien ouverte. Ce signe d’engagement, de bienvenue, d’amitié, est incontestablement le symbole le plus répandu de l’humanité civilisée.

    Du légionnaire de Rome au barde celtique, de l’athlète olympique au chevalier médiéval, du fédéré du Champ de Mars au soldat vers le drapeau, du témoin devant le tribunal au sportif sur le stade, le bras droit levé paume de la main visible fut et demeure le geste rituel de l’humanité authentique, de celle qui croit, travaille, lutte et joue franc-jeu.

    Quant à l’emploi systématisé de ce geste dans le monde politique contemporain, du début de l’Italie mussolinienne à l’achèvement de l’Espagne franquiste, en France même, il faut savoir que la main ouverte brandie répondait à la main fermée, au poing haineusement tendu, des marxistes de toutes obédiences ; et aussi s’opposait à l’image de la main cachée, qui désigne l’alliance des forces occultes dirigeantes et des puissances du gros argent corrupteur.

    La main droite ouverte dressée vers le ciel, reflétant spirituellement l’image du soleil vers la terre, n’est pas un monopole national ou partisan, mais une part du patrimoine indivis de la civilisation. Vouloir réduire son usage à un pays en particulier ou à une seule catégorie idéologique, en prétendant mettre dans le même sac indistinctement tous ceux qui l’on utilisé ou qui le font encore, c’est le but commun intéressé des tenants de la main fermée et de la main cachée, alors que présentée ou tendue la main ouverte a toujours été un signe universel de paix et d’amitié. Pour les Français, le fait est que sous des formes variées, le salut à la romaine ou olympique a été utilisé de la monarchie du roi Saint-Louis à l’État national du maréchal Pétain, y compris dans l’entre-deux grandes guerres du siècle dernier lors de la 8ème olympiade, en 1924 à Paris, et de la 11ème en 1936 à Berlin où toute l’équipe nationale française participante salua unanimement de la sorte la tribune officielle.

    Le salut militaire français, par sa présentation de l’intérieur de la main droite, est le témoin persistant de ce geste de sincérité et de droiture.

    Pierre Sidos, (29 Mars 2011)

    Source : Lorraine Nationaliste

    http://la-dissidence.org/2014/04/30/pierre-sidos-le-salut-romain/

  • A Orléans, la Jeanne a mécontenté le lobby homosexuel

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    Christophe Desportes-Guilloux, délégué aux questions de parentalité au sein du lobby Homosexualité et Socialisme, a tenté d’agiter le petit monde LGBT pour nuire à la Jeanne choisie pour les fêtes johanniques de la ville d’Orléans, au motif que celle-ci affiche sur Facebook ses liens avec la «Manif pour tous», les Hommen, «Hollande Démission» ou encore l’Observatoire de la christianophobie.

    La jeune femme a depuis épuré son profil Facebook. Quant à l’organisatrice du défilé, Marie-Christine Bordat-Chantegrelet, elle estime qu’il s’agit d’une «maladresse».

    Une fois de plus, ceci illustre la chasse à ce que le lobby LGBT appelle l’hétéronormativité. Des militants connus pour leur engagement au sein du lobby homosexuel ou en faveur de la théorie du genre occupent de hautes fonctions dans les ministères, dans les médias, dans les universités, dans les écoles mais, dans ce cas, cela ne poserait pas problème puisque c’est au service de la révolution sexuelle…

    http://medias-presse.info/a-orleans-la-jeanne-a-mecontente-le-lobby-homosexuel/9607

  • Etranges conservatismes américains

    En dépit des impulsions culturelles venues des Etats-Unis via Hollywood et la Pop culture, le paysage idéologique et politique de la seule puissance globale (dixit Zbigniew Brzezinski) demeure « terra incognita » pour la plupart des Européens. Les césures spécifiquement américaines, qui séparent les « liberals » des « conservatives » ne se perçoivent jamais clairement, tant et si bien qu’on les classe en Europe de manière binaire : entre une gauche et une droite. Les problèmes s’accumulent lorsque l’on cherche à établir une bonne taxinomie des écoles politiques et idéologiques américaines : les slogans et mots d’ordre sont si nombreux, reçoivent tant de définitions particulières qu’on ne s’y retrouve plus, surtout si l’on évoque une ancienne droite et une nouvelle droite, soit des paléo-conservateurs et des néo-conservateurs.

    Pour définir les camps politico-idéologiques américains, les définitions habituelles ne sont guère de mise (sauf quand il s’agit, par exemple, du conservatisme tel que l’a défini jadis un Russell Kirk). Européens et Américains ont une expérience différente de l’histoire, nomment donc les choses politiques différemment, ce qui conduit aux confusions et quiproquos actuels. « Cum grano salis », on peut distinguer quelques différences majeures entre conservatismes européens et américains : d’abord, les conservatismes européens sont devenus sceptiques quant à l’histoire à venir ; les conservatismes américains sont nettement orientés vers le futur, sont, dans le fond, anti-historiques, dans la mesure où ils entendent maintenir l’idée fondamentalement américaine d’une société contractuelle (ils n’envisagent pas d’autres modèles). Ensuite, les conservatismes américains sont fiers de leur tradition historique continue, non brisée, que les Européens jugent « courte » ; les conservatismes européens, eux, sont contraints de tenir compte d’une longue histoire, marquée par des ruptures successives. Enfin, les conservateurs américains perçoivent de façon positive le rôle de puissance mondiale que joue leur pays, alors que les Européens se souviennent constamment du « suicide de l’Europe » (dixit Paul Ricoeur) en 1914. Et, last but not least, les conservateurs américains acceptent sans hésitation l’idée libérale d’un libre marché sans entraves, alors que les conservatismes européens critiquent tous le libéralisme.

    Adhésion sans entraves au libre marché

    La genèse des notions de « liberal » et de « conservative » nous ramène à l’ère Roosevelt (1933-1945). Les partisans de la politique social-réformiste et interventionniste / étatique du New Deal rooseveltien se dénommaient « liberals ». Les adversaires de Franklin D. Roosevelt venaient d’horizons divers : parmi eux, on trouvait des libéraux au sens économique le plus strict, qui se posaient comme les seuls véritables libéraux ; il y avait ensuite des critiques de la bureaucratie (du « big government »), en train de devenir pléthorique à leurs yeux. Enfin, du moins jusqu’à l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, il y avait les défenseurs de l’isolationnisme. Murray Rothbard, un « libertarien », soit un extrémiste du marché, désigne cette coalition hostile à Roosevelt sous le nom de « Vieille Droite » (« Old Right »). D’après Rothbard, le terme « conservateur » n’était guère usité aux Etats-Unis avant la parution en 1953 de « Conservative Mind », le grand livre de Russell Kirk.

    Les « conservateurs », qui suivaient la forte personnalité de Robert A. Taft, sénateur de l’Ohio (de 1939 à 1953) et rival républicain de Dwight D. Eisenhower en 1952, renonçaient à toute élévation du débat intellectuel en politique. Attitude qui n’a guère changé en dépit de l’émergence de courants de pensée conservateurs mieux profilés. Libéral et théoricien peu original, Peter Viereck, dans « Conservatism Revisited » (1949) s’est posé comme critique des idéologies totalitaires, le « communazisme ». Russell Kirk (1918-1994) fut donc le premier à se positionner comme explicitement conservateur et à être reconnu comme tel par l’établissement « libéral ». En se référant à Edmund Burke, le critique de la révolution française de 1789, perçue comme rupture de la Tradition, Kirk mettait l’accent sur l’origine « conservatrice » de la révolution américaine. Dans ses écrits, Kirk citait, en les comparant à Thomas Jefferson, les pères fondateurs « conservateurs », tels John Adams et les auteurs des « Federalist Papers », se référait également aux critiques européens de la révolution comme Burke ou Tocqueville. Kirk se posait également comme un conservateur écologiste, pratiquant la critique de la culture dominante, ce qui fit de lui une exception parmi les conservateurs américains, optimistes et orientés vers le futur.

    « On pourrait, pour simplifier, résumer comme suit l’histoire du conservatisme américain : Russell Kirk l’a rendu respectable ; William Buckley l’a rendu populaire et Ronald Reagan l’a rendu éligible » (citation de J. v. Houten). En effet, les conservateurs doivent à William F. Buckley, né en 1925, d’avoir pu accroître leurs influences au sein du parti républicain et d’avoir percé pendant l’ère Reagan. Ils doivent ces succès au réseau de revues et de « think tanks » que Buckley a tissé dès les années cinquante, dont l’ « American Heritage Foundation », créé en 1973.

    Buckley, comme le rappelle son livre « God and Man at Yale » (1951), était un catholique fervent. Il débarque un beau jour à Yale dans le bastion du « liberalism » à l’américaine, dominé par les agnostiques, les athées et les unitariens post-chrétiens, variante du protestantisme aligné sur l’idéologie des Lumières. En 1955, ce fils d’un millionnaire du pétrole fonde la « National Review », autour de laquelle se rassembleront des personnalités très diverses, toutes étiquetées, à tort ou à raison, comme « conservatrices » : des libertariens à Kirk lui-même. Dans ces années-là, où la « New Left » connaissait son apogée, le groupe « Young Americans for Freedom », lancé par Buckley, constituaient déjà un contrepoids politique. Et puisque Buckley, récemment, a critiqué les stratégies de Bush, quoique de manière très modérée, on peut le considérer aujourd’hui comme un représentant des « paléo-conservateurs ».

    Le conservatisme américain, nous l’avons constaté, est un champ fort vaste dont les idéologèmes et les stratégies ne se sont cristallisés que depuis quelques décennies, contrairement à ce que l’on observe chez les conservateurs européens. Aujourd’hui, c’est évidemment George W. Bush qui domine l’univers conservateur américain. Bush se déclare « conservateur », plus exactement le continuateur de l’œuvre politique de Reagan que tous vénèrent en oubliant qu’il était au départ un « liberal ». Les Républicains doivent leurs succès électoraux depuis Reagan à un courant profond, agitant toute la base aux Etats-Unis, courant qui englobe le patriotisme (la fierté de s’inscrire dans une tradition de liberté) et les « valeurs » conservatrices (la famille, la religion, la morale, l’assiduité au travail, etc.).

    Les hommes politiques qui veulent réussir en tant que « conservateurs » sont dès lors contraints de chercher le soutien de la « droite chrétienne ». Par ce vocable, il faut entendre cette immense masse d’électeurs liés aux mouvements religieux du renouveau protestant, animé par les « évangélisateurs ». Ce conservatisme théologien, partiellement fondamentaliste, rassemble des groupements où l’on retrouve les « Southern Baptists », le plus grand groupe protestant organisé, les pentecôtistes (notamment les « Assemblies of God ») et, bien sûr, les « méga-églises » des télé-évangélistes. Tous ensemble, ces mouvements évangéliques alignent quelque 80 millions de croyants, ce qui les place tout juste derrière les catholiques, qui restent le groupe religieux chrétien le plus nombreux aux Etats-Unis.

    Certains évangélistes toutefois, et pas seulement les Afro-Américains, estiment que leur foi peut s’exprimer chez les démocrates. Religion et race se mêlent souvent : ainsi, Pat Robertson, étiqueté de « droite », et Jesse Jackson, étiqueté de « gauche », appartiennent tous deux au mouvement qui soutient les Baptistes et le sanglant « seigneur de le guerre » Charles Taylor au Libéria.

    Malgré la très forte pression que la « droite religieuse » exerce aux niveaux locaux, voire dans certains Etats, elle n’a presque aucune influence au niveau fédéral. Ainsi, le candidat à la Présidence, Mitt Romney, appartient à la secte des Mormons, considérée comme éminemment conservatrice, ce qui ne l’a pas empêché d’être élu gouverneur du Massachusetts, Etat à majorité « libérale ». Le pentecôtiste John D. Ashcroft, représentant notoire de la « droite religieuse », fut ministre de la justice dans le premier cabinet de George W. Bush. Il serait faux, toutefois, de dire qu’après le choc du 11 septembre 2001, le bellicisme de l’actuel président américain, qui prétend être un « chrétien re-né » tout comme son adversaire Jimmy Carter, découle en droite ligne de sentiments religieux qui lui seraient propres.

    La politique extérieure américaine est marquée depuis longtemps par les néo-conservateurs, comme on le constate sous le républicain Reagan avec Jean C. Kirkpatrick ou sous le démocrate Bill Clinton avec Madeleine Albright. Sous Bush Junior, les « neocons » tirent toutes les ficelles seulement depuis le retrait de Colin Powell. L’exécutif qui a programmé la politique moyen-orientale et déclenché la seconde guerre d’Irak alignait des hommes comme Dick Cheney, Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz et Richard Perle.

    Tous ceux qui ont forgé le vocable « neocons » viennent à l’origine, comme d’ailleurs aussi bon nombre de paléo-conservateurs, du camp de la gauche (des « liberals ») ; on trouve dans leurs rangs des intellectuels de la gauche progressiste, issu des milieux juifs, qui se sont détachés du Parti démocrate au cours des années 70. Les meilleurs plumes de ce groupe furent Irving Kristol, avec sa revue « The Public Interest », Norman Podhoretz, avec « Commentary », et le sociologue Daniel Bell (« La fin des idéologies », 1970).

    La définition usuelle du néo-conservatisme nous vient de Kristol : « Un conservateur est un homme de gauche, qui a été frappé de plein fouet par le réel ». Ce bon mot ne nous révèle que la moitié de la « réalité » : il pose le néo-conservateur, ex-homme de gauche, simplement comme celui qui n’accepte plus et critique les programmes sociaux pléthoriques lancés par les Démocrates. En fait, le néo-conservateur veut surtout une politique étrangère musclée : ainsi, le fils d’Irving Kristol, William Kristol (revue : « The Weekly Standard ») veut que cette politique étrangère américaine instaurent partout une « démocratisation », selon des critères déterminés depuis longtemps déjà par la vieille gauche interventionniste.

    Pat Buchanan : vox clamans in deserto

    Les « anciens conservateurs », ou paléo-conservateurs, qui avaient jadis forcé la mutation sous Reagan, entre 1981 et 1989, ont perdu depuis bien longtemps toute influence. Ainsi, Pat Buchanan n’est plus qu’une voix isolée dans le désert depuis des années, alors qu’il fut l’un des rédacteurs des discours de Nixon, puis conseiller de Reagan. Il tenta, rappelons-le, de lancer un parti réformiste et échoua dans sa candidature à la présidence en 2000. Il est redevenu républicain par la suite. En politique intérieure, Buchanan, catholique traditionnel, dont on se moque en le traitant de « conservateur paléolithique », lutte contre les « libertés » nouvelles que veulent imposer les « liberals » et les libertariens (avortement, mariage homosexuel, euthanasie).

    Buchanan est protectionniste, s’oppose à la société multiculturelle et à l’immigration qui modifie de fond en comble le visage de l’Amérique. Sur le plan de la politique extérieure, il défend un isolationnisme modéré et s’inquiète des pièges que recèle l’interventionnisme global voulu par les « neocons ».

    Il me reste à mentionner –et à saluer-  un combattant isolé, qui pourfend le « culte de la faute » choyé par de nombreux « liberals » (et par leurs homologues allemands), culte qui sert à promouvoir l’idéologie de la « correction politique » (les « Gender studies », les codes anti-discriminatoires de tous acabits, le multiculturel, etc.) : ce combattant n’est autre que l’historien des idées Paul Gottfried. Mais, malgré Buchanan et Gottfried, les paléo-conservateurs n’ont plus aucun influence notable, ni dans les universités ni dans les médias, a fortiori dans l’établissement politique.

    Quelles conclusions peut-on tirer de la topographie que je viens d’esquisser ici ? Après la disparition graduelle des paléo-conservateurs, les nationaux-conservateurs allemands auront bien des difficultés à trouver des alliés Outre-Atlantique. Sans doute, seuls les chrétiens à la foi très stricte trouveront des frères en esprit pour toutes les questions morales chez les évangélisateurs ou les conservateurs catholiques.

    Personnellement, je ne trouve, dans ce camp conservateur américain (toutes tendances confondues), aucune position qui me sied. Si je suis éclectique, je trouverai peut-être quelques points d’accord avec Russell Kirk, mais seulement quand il appelait en 1976 à voter pour le « démocrate de gauche » Eugene McCarthy. Quand je pense à l’idéologie qui domine la RFA aujourd’hui, je suis souvent d’accord avec Paul Gottfried, qui avait dû quitter, enfant, le IIIième Reich national-socialiste. Enfin, je lis toujours avec beaucoup d’intérêt les textes des intellectuels américains qui s’opposent à l’interventionnisme.

    Vu que nous assistons à une orientalisation, soit une islamisation croissante de l’Europe occidentale les analyses clairvoyantes de nos temps présents par Samuel P. Huntington méritent que nous y consacrions toute notre attention ; Huntington nous annonce le déclin de l’Occident en général et la perte d’identité européenne des Etats-Unis. Aujourd’hui âgé de 80 ans, ce professeur de Harvard n’est toutefois pas étiqueté « conservative » mais considéré comme un représentant du « liberal establishment ».

    S’intéresser aux relations intellectuelles transatlantiques est une bonne chose et permet de se comprendre réciproquement. Jusqu’ici, le monde universitaire s’est limité à importer en Allemagne et en Europe le prêchi-prêcha du « politiquement correct » des « liberals », y compris les expressions du mépris que vouent les gauches à Bush qui, quand elles sont satiriques, satisfont leur orgueil blessé. Une poignée de conservateurs allemands critiquent aujourd’hui l’idéologie importée des « liberals » (qui s’expriment en Allemagne sous des oripeaux «écologistes ») mais cette démarche est insuffisante. Face à l’immigration de masse qui menace directement l’existence du peuple allemand, en tant que peuple porteur d’histoire et en tant que nation historique et politique, et l’avenir même de l’Europe toute entière, nous devons, en première instance, procéder à une analyse factuelle et objective de la situation et ne pas ergoter et pinailler sur nos préférences intellectuelles ou rêver à d’hypothétiques coalitions qui ne viendront jamais.

    La politique extérieure américaine se caractérise depuis l’immixtion des Etats-Unis dans la politique mondiale (au moins depuis 1917) par la double nature de la puissance et de la morale qu’elle révèle. La conscience qu’ont les Américains de mener à bien une « mission » inspire cette politique globale ou planétaire, et vice-versa, dans la mesure où les démarches concrètes de cette politique étayent la vision messianique que distille la religiosité américaine.

    Henry Kissinger était une exception : il se posait comme « réaliste » et les notions de « mission » ne l’intéressaient pas vraiment. Depuis la montée en puissance des « neocons », qu’ils soient adhérents des démocrates ou des républicains, l’aspect idéologique et para-religieux de la politique extérieure des Etats-Unis est passé à l’avant-plan. Force est de constater que les assises fondamentales de la politique extérieure des Etats-Unis réconcilient, in fine, les « liberals » et les « conservatives » : il nous suffit d’énumérer les grands événements de ces quinze ou vingt dernières années, avec l’élargissement de l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale, avec la politique balkanique (de Madeleine Albright), avec l’appui qu’apporte Washington à la candidature turque à l’UE, aux conflits qui ensanglantent le Proche- et le Moyen-Orient, etc.

    Par ailleurs, la politique extérieure américaine se montre souvent fort dépendante des fluctuations de l’opinion publique intérieure. Hillary Clinton et d’autres candidats à la Présidence commencent à caresser cette opinion dans le sens du poil, en songeant à l’investiture de 2008, car, en effet, si les troupes américaines doivent se retirer d’Irak aussi peu glorieusement qu’elles se sont retirées du Vietnam, la politique extérieure américaine se trouvera confrontée à ses propres misères, aux monceaux de ruines qu’elle aura provoquées.

    Quel rôle jouera la Turquie dans ce scénario ? Rien n’est certain. Quoi qu’il en soit, la paix entre Israël et la Palestine sera, une fois de plus, remise aux calendes grecques.

    Herbert AMMON.

    (article extrait de « Junge Freiheit », n°29/2007). 

    http://vouloir.hautetfort.com/index-2.html