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culture et histoire - Page 1658

  • Heidegger, la tradition, la révolution, la résistance et l’“anarquisme”

    Expédier Heidegger en trois pages pour expliquer qu’il est un tenant de la tradition, ou d’une tradition, tient de la gageure. Je vais néanmoins m’y atteler, pour faire plaisir à Eugène Krampon et parce que, finalement, c’est une nécessité pédagogique dans un combat métapolitique comme le nôtre. Tout néophyte qui a abordé Heidegger sait qu’il parle de “Dasein”, terme allemand signifiant la vie ou l’existence mais que les philosophes exégètes de son oeuvre préfèrent traduire par “être-là”. Les exercices de haute voltige philosophique n’ont pas manqué pour cerner avec toute l’acuité voulue ce concept d’“être-là”. Ce “là”, pour Heidegger, tout au début de ses réflexions, c’est son enracinement dans le pays souabe, dans la petite ville de Messkirch où il a vu le jour. Au-delà de cet enracinement personnel, tout homme, pour être un homme complet et authentique, pour ne pas être une sorte de fétu de paille emporté par les vents des modes, doit avoir un ancrage solide, de préférence rural ou semi-rural, à coup sûr familial, dans une patrie, une “Heimat”, bien circonscrite. Plus tard, Heidegger, élargira son enracinement souabe à toute la région, du Lac de Constance à la Forêt Noire, aux sources du fleuve central de notre Europe, le Danube. En effet, c’est dans cette région-là, très précisément, que sont nés les grands penseurs et poètes allemands, dont Hölderlin et Hegel. C’est dans leur patrie charnelle baignée par le Danube naissant que le retour subreptice et encore voilé à l’essence grecque de l’Europe s’est ré-effectué, à partir du 18ème siècle. La germanité pour Heidegger, c’est donc cet espace de forêts et de collines douces, parfois plus échancrées au fur et à mesure que l’on s’approche de la frontière suisse, mais c’est aussi le lieu de l’émergence d’une langue philosophique inégalée depuis la Grèce antique, plongeant dans un humus tellurique particulier et dans une langue dialectale/vernaculaire très profonde: cette Souabe devrait donc être la source d’inspiration de tous les philosophes, tout comme une certaine Provence —ce qu’il admettra bien volontiers quand il ira y rendre visite au poète René Char.
    La tradition pour Heidegger n’est donc pas une sorte de panacée, ou d’empyrée, qui se trouverait, pour l’homme, hors du lieu qui l’a vu naître ni hors du temps qui l’a obligé à se mobiliser pour agir dans et sur le monde. Heidegger n’est pas le chantre d’une tradition figée, inamovible, extraite du flux temporel. L’homme est toujours “là” (ou “ici”) et “maintenant”, face à des forces pernicieuses qui l’assoupissent, lui font oublier le “là” qui l’a vu naître et les impératifs de l’heure, comme c’est le cas de nos contemporains, victimes de propagandes dissolvantes via les techniques médiatiques, fabricatrices d’opinions sans fondements. Par voie de conséquence, la “proximité” (“Nähe”) est une vertu, une force positive qu’il s’agit de conserver contre les envahissements venus de partout et de nulle part, du “lointain” (“Ferne”) qui troublent et désaxent l’équilibre qui m’est nécessaire pour faire face aux aléas du monde. Le meilleur exemple pour montrer ce que Heidegger entend par “Nähe” et par “Ferne”, nous le trouvons dans son discours de 1961, prononcé en dialecte souabe à l’intention de ses concitoyens de Messkirch, de ses amis d’enfance avec qui il jouait une sorte de formidable “guerre des boutons”, où il était le chef d’un clan de gamins armés d’épées de bois. Ces braves citoyens de Messkirch lui avaient demandé ce qu’il pensait du nouveau “machin” qui envahissait les foyers, surtout dans les villes, en plein “miracle économique” allemand: ils voulaient qu’il leur parle de la télévision. Heidegger y était hostile et a prouvé dans un langage simple que la télévision allait apporter continuellement des sollicitations mentales venues du “lointain”, des sollicitations hétéroclites et exotiques, qui empêcheraient dorénavant l’homme de se resourcer en permanence dans son “là” originel et aux gens de Messkirch de ressentir les fabuleuses forces cachées de leur propre pays souabe.
    Heidegger, malgré son plaidoyer permanent —par le biais d’une langue philosophique très complexe— pour cet enracinement dans le “là” originel de tout homme, n’est pas pour autant un philosophe de la banalité quotidienne, ne plaide pas pour une “installation” tranquille dans un quotidien sans relief. Tout homme authentique sort précisément de la banalité pour “ex-sister”, pour sortir (aller “ex”) de tout statisme incapacitant (aller “ex”, soit “hors”, du “stare”, verbe latin désignant la position immobile). Mais cette authencité de l’audacieux qui sort des lourdes banalités dans lesquelles se complaisent ses contemporains n’est “authentique” que s’il se souvient toujours et partout de son “là” originel. L’homme authentique qui sort hardiment hors des figements d’un “végétatisme” n’est pas un nomade mental, il garde quelque part au fond de lui-même un “centre”, une “centralité” localisable; il n’est donc pas davantage un vagabond sans racines, sans mémoire. Il peut voyager, revenir ou ne pas revenir, mais il gardera toujours en lui le souvenir de son “là” originel.
    L’homme de Heidegger n’est pas un “sujet”, un “moi” isolé, sans liens avec les autres (de sa communauté proche). L’homme est “là”, avec d’autres, qui sont également “là”, qui font partie intégrante de son “là” comme lui du leur. Les philosophes pointus parlent avec Heidegger de “Mit-da-sein”. L’homme est inextricablement avec autrui. Même si Heidegger a finalement peu pensé le politique en des termes conventionnels ou directement instrumentalisables, sa philosophie, et son explication du “Mit-da-sein”, impliquent de définir l’homme comme un “zoon politikon”, un “animal politique” qui sort des enlisements de la banalité pour affronter ceux qui veulent faire de la Cité (grecque ou allemande) une “machine qui se contente de fonctionner” où les hommes-rouages —réduits à la fonction médiocre de n’être plus que des “répéteurs” de gestes et de slogans— vivraient à l’intérieur d’une gigantesque “clôture”, sous le signe d’une “technique” qui instaure la pure “faisabilité” (“Machenschaft”) de toutes choses et, par voie de conséquence, impose leur “dévitalisation”. Contre les forces d’enlisement, contre les stratagèmes mis en oeuvre par les maniaques de la clôture, l’homme a le droit (vital) de résister. Il a aussi le droit de dissoudre, mentalement d’abord, les certitudes de ceux qui entendent généraliser la banalité et condamner les hommes à l’inauthenticité permanente. C’est là un principe quasi dadaïste d’anarchie, de refus des hiérarchies mises en place par les “clôturants”, c’est un refus des institutions installées par les fauteurs d’inauthenticité généralisée. Heidegger n’est donc pas un philosophe placide à l’instar des braves gens de Messkirch: il ne les méprise cependant pas, il connaît leurs vertus vitales mais il les sait menacés par des forces qui risquent de les dépasser. Il faut certes être placide comme ceux de Messkirch, vaquer à des tâches nobles et nécessaires, au rythme des champs et du bétail, mais, derrière cette placidité revendiquée comme modèle, il faut être éveillé, lucide, avoir le regard qui traque pour repérer le travail insidieux d’objectivisation des hommes et des Cités, auquel travaillent les forces “clôturantes”. Cet éveil et cette lucidité constituent un acte de résistance, une position an-archique (qui ne reconnaît aucun “pouvoir” parmi tous les pouvoirs “objectivants/clôturants” qu’on nous impose), position que l’on comparera très volontiers à celle de l’anarque d’Ernst Jünger ou de l’“homme différencié” de Julius Evola (dadaïste en sa jeunesse!).
    L’homme a le droit aussi de “penser la révolution”. Heidegger est, de fait, un philosophe révolutionnaire, non seulement dans le contexte agité de la République de Weimar et du national-socialisme en phase d’ascension mais de manière plus générale, plus pérenne, contre n’importe quelle stratégie de “clôturement” puisque toute stratégie de ce type vise à barrer la route à l’homme qui, à partir de son “là” originel, tente de sortir, avec les “autruis” qui lui sont voisins, avec ses proches, des “statismes” emprisonnants qu’une certaine “métaphysique occidentale” a générés au cours de l’histoire réelle et cruelle des peuples européens. Cette “métaphysique” a occulté l’Etre (lequel est de toutes les façons insaisissable), dont on ne peut plus aisément reconnaître les manifestations, si bien que l’homme risque d’y perdre son “essence” (“Wesen”), soit, pourrait-on dire, de perdre sa capacité à ex-sister, à sortir des banalités dans lesquelles on se complait et on se putréfie quand on oublie l’Etre.
    Deux solutions s’offrent alors à l’homme authentique: 1) amorcer un “nouveau commencement” (“neuer Anfang”) ou 2) accepter de faire pleinement connaissance de l’étranger (der “Fremde”), de ce qui lui est fondamentalement étranger, pour pouvoir mieux, en bout de course, s’ouvrir à son propre (das “Eigene”), quand il sera aperçu que ce fondamentalement étranger n’est pas assimilable à son propre. Dans le premier cas, il faut rompre “révolutionnairement” avec le processus métaphysique d’“enclôturement”, rejeter politiquement les régimes et les idéologies qui sont les produits finis et applicables de cette métaphysique de l’“enclôturement”. C’est ce que Heidegger a fait en prononçant son fameux “discours de rectorat” qui scellait son engagement national-socialiste en 1933-34. Le ré-alignement du nouveau régime sur des institutions imitées du wilhelminisme d’avant 1914 ou sur certaines normes de la République de Weimar, suite, notamment, à la “Nuit des longs couteaux” de juin 1934, plonge Heidegger dans le scepticisme: le régime semble n’être qu’un avatar supplémentaire de la “métaphysique enclôturante”, qui abandonne son “révolutionnisme” permanent, qui renonce à être l’agent moteur du “nouveau commencement”. C’est alors que Heidegger amorce sa nouvelle réflexion: il ne faut pas proposer, clef sur porte, un “nouveau commencement” car, ruse de l’histoire, celui-ci retombera dans les travers de la “métaphysique enclôturante”, à la façon d’une mauvaise habitude fatale, récurrente au cours de l’histoire occidentale. Au contraire: il faut attendre, faire oeuvre de patience (“Geduld”), car toute la trajectoire pluriséculaire de la métaphysique oeuvrant de manière “enclôturante” ne serait qu’un très long détour pour retrouver l’Etre, soit pour retrouver la possibilité d’être toujours authentique, de ne plus avoir face à soi des forces génératrices de barrières et de clôtures qui empêchent de retrouver le bon vieux soleil des Grecs. L’homme doit pourtant suivre ce trajet décevant pour se rendre compte que la trajectoire de la métaphysique “enclôturante” ne mène qu’à l’impasse et que répéter les formules diverses (et politiques) de cette métaphysique ne sert à rien. Ce sera alors le “tournant” (die “Wende”) de l’histoire, où il faudra se décider (“entscheiden”) à opter pour autre chose, pour un retour aux Grecs et à soi. Les éveillés doivent donc guetter le surgissement des “points de retournement” (des “Wendungspunkte”), où le pernicieux travail d’“enclôturement” patine, bafouille, se démasque (dans la mesure où il dévoile sa nature mutilante de l’hominité ontologique). C’est en de tels moments, souvent marqués par la nécessité ou la détresse (“die Not”), que l’homme peut décider (faire oeuvre d’“ex-sister”) et ainsi se sauver, échapper à tout “enclôturement” fatal et définitif. Cette décision salvatrice (“die Rettung”) est simultanément un retour vers l’intériorité de soi (“Einkehr”). L’homme rejette alors les régimes qui l’emprisonnent, par une décision audacieuse et, par là, existentielle, tout en retournant à lui-même, au “là” qui le détermine de toutes les façons dès le départ, mais qu’on a voulu lui faire oublier. Pour Heidegger, ce “là”, qu’il appelle après 1945, l’“Okzident”, n’est pas l’Occident synonyme d’américanosphère (qu’il rejette au même titre que le bolchevisme), mais, finalement, sa Souabe matrice de poésie et de philosophie profondes et authentiques, l’“Extrême-Ouest” du bassin danubien, l’amont —aux flancs de la Forêt Noire— d’un long fleuve qui, traversant toute l’Europe, coule vers les terres grecques des Argonautes, vers la Mer Noire, vers l’espace perse.
    La deuxième option, consécutive à un certain “enclôturement” du national-socialisme puis à la défaite de celui-ci (en tant que “nouveau commencement” avorté), implique une certaine dépolitisation, une diminution du tonus de l’engagement, si fort dans les années 30, toutes idéologies confondues. L’échec de la “métaphysique clôturante” ne sera dès lors pas dû à une action volontariste et existentielle, posée par des hommes auhentiques, ou des héros, mais par l’effet figeant, étouffant et destructeur que provoquent les agitations fébriles des tenants mêmes de ces pratiques d’enclôturement qui, dès maintenant, arriveront très vite au bout de leur rouleau, buteront contre le mur au fond de l’impasse qu’ils ont eux-mêmes bâtie. Cette fin de règne est notre époque: le néo-libéralisme et les résidus burlesques de sociale-démocratie nous ont d’abord amené cette ère de festivisme (post-mitterrandien), qui utilise la fête (qui pourrait pourtant être bel et bien révolutionnaire) pour camoufler ses échecs politiques et son impéritie, son incapacité à penser hors des sentiers battus de cette métaphysique de l’enclôturement, fustigée par Heidegger en termes philosophiques aussi ardus que pointus. Le sarközisme et l’hollandouillisme en France, comme le dehaenisme ou le diroupettisme en Belgique, et surtout comme la novlangue et les lois scélérates du “politiquement correct”, sont les expressions grotesques de cette fin de la métaphysique de l’enclôturement, qui ne veut pas encore céder le terrain, cesser d’enclôturer, qui s’accroche de manière de moins en moins convaincante: persister dans les recettes préconisées par ces faquins ne peut conduire qu’à des situations de détresse dangereuses et fatales si on n’opte pas, par un décisionnisme existentiel, pour un “autre commencement”. Mais, contrairement à nos rêves les plus fous, où nous aurions été de nouveaux Corps Francs, cet “autre commencement” ne sera pas provoqué par des révolutionnaires enthousiastes, qui, en voulant hâter le processus, mettraient leur authenticité existentielle en exergue et en jeu (comme dans les années 30 —de toute façon, ce serait immédiatement interdit et donnerait du bois de ralonge à l’adversaire “enclôturant”, qui pourrait hurler “au loup!” et faire appel à sa magistraille aux ordres). Le “nouveau commencement” adviendra, subrepticement, par les effets non escomptés de l’imbécillité foncière et de l’impéritie manifeste des tenants des idéologies appauvries, avatars boiteux de la “métaphysique occidentale”.
    Il nous reste à boire l’apéro et à commander un bon repas. Après la poire et le fromage, après un bon petit calva tonifiant, il faudra bien que nos congénères, sortis de l’inauthenticité où les “enclôtureurs” les avaient parqués, viennent nous chercher pour emprunter la voie du “nouveau commencement”, qui sera “là” sans nos efforts tragiques, de sang et de sueur, mais grâce à la connerie de l’ennemi, un “nouveau commencement” que nous avons toujours appelé de nos voeux et que nous avons pensé, à fond, avec obstination, avant tous les autres. Nous avons réfléchi. Nous allons agir.
    Robert STEUCKERS.
    (Voilà, j’ai commis le pensum de 15.000 signes commandé par Eugène, ce formidable commensal aux propos rabelaisiens et tonifiants; on va maintenant m’accuser d’avoir fait du simplisme mais tant pis, j’assume, et j’attends de boire avec lui une bonne bouteille de “Gewurtzraminer”, agrémentée d’une douzaine d’ huîtres... Forest-Flotzenberg, novembre 2013).
    Bibliographie:
    -          Jean-Pierre BLANCHARD, Martin Heidegger philosophe incorrect, L’Aencre, Paris, 1997.
    -          Edith BLANQUET, Apprendre à philosopher avec Heidegger, Ellipses, Paris, 2012.
    -          Mark BLITZ, Heidegger’s Being and Time and the Possibility of Political Philosophy, Cornell University Press, London, 1981.
    -          Renaud DENUIT, Heidegger et l’exacerbation du centre – Aux fondements de l’authenticité nazie?, L’Harmattan, Paris, 2004.
    -          Michael GELVEN, Etre et temps de Heidegger – Un commentaire littéral, Pierre Mardaga, Bruxelles, 1970.
    -          Florian GROSSER, Revolution Denken – Heidegger und das Politische – 1919-1969, C. H. Beck, Munich, 2011.
    -          Emil KETTERING, Nähe – Das Denken Martin Heideggers, Günther Neske, Pfullingen, 1987.
    -          Bernd MARTIN, Martin Heidegger und das “Dritte Reich” – Ein Kompendium, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1989.
    -          Michael ROTH, The Poetics of Resistance – Heidegger’s Line, Northwestern University Press, Evanston/Illinois, 1996.
    -          Rainer SCHÜRMANN, Le principe d’anarchie – Heidegger et la question de l’agir, Seuil, Paris, 1982.
    -          Hans SLUGA, Heidegger’s Crisis – Philosophy and Politics in Nazi Germany, Harvard University Press, 1993.
    http://robertsteuckers.blogspot.fr/2014/01/heidegger-la-tradition-la-revolution-la.html

  • En relisant nos maîtres : Charles Maurras

    C’est un monument de la pensée française, dans toutes les acceptions de qualité, allons, ne nous privons pas, de supériorité de celle-ci, supériorité non en ce qu’elle est « de chez nous », mais en ce qu’elle touche à l’universel, dans le temps et dans l’espace, et qu’elle proclame le Vrai, le Beau et le Bien. Il mériterait à lui seul une brève par semaine sur votre blog préféré.

    Il s’agit de Charles Maurras. Nous n’avons pas ici la place de convoquer toute l’expertise nécessaire pour faire justice des esprits chagrins ou à courte vue qui l’ont vilipendé, et tout particulièrement de ceux qui aujourd’hui comme hier essaient de glisser le venin d’une soi-disant incompatibilité essentielle entre la doctrine de Maurras et l’orthodoxie catholique (aussi bien chez Golias qu’à la FSSPX).

    Il est tout aussi évident qu’inévitable que dans les milliers et milliers de pages écrites par lui ou sous sa direction, dans un combat quotidien contre les forces de dilution de la France, comme de l’Eglise, dans une lutte sans merci, lui et ses disciples aient pu avoir des excès de plume, et dans le maelstrom des évènements, aient pu adopter des positions contestables (comme le ralliement temporaire à la dictature jacobine pendant la 1ère Guerre Mondiale, position éreintée par Jean de Viguerie dans « Les deux patries »).

    L’objet de notre rubrique « en relisant nos maîtres » n’étant pas d’être exhaustif, mais de donner le goût au lecteur de revenir aux sources, nous vous proposons quelques citations symboliques du Maître de Martigues, sur quelques sujets essentiels, et d’éminente actualité.

    Sur la question fondamentale de la laïcité, des rapports entre Dieu et César.

    « Il faut définir les lois de la conscience pour poser la question des rapports de l'homme et de la société ; pour la résoudre, il faut constituer des autorités vivantes chargées d'interpréter les cas conformément aux lois. Ces deux conditions ne se trouvent réunies que dans le catholicisme. Là et là seulement, l'homme obtient ses garanties, mais la société conserve les siennes : l'homme n'ignore pas à quel tribunal ouvrir son cœur sur un scrupule ou se plaindre d'un froissement, et la société trouve devant elle un grand corps, une société complète avec qui régler les litiges survenus entre deux juridictions semblablement quoique inégalement compétentes. L'Église incarne, représente l'homme intérieur tout entier ; l'unité des personnes est rassemblée magiquement dans son unité organique. L'État, un lui aussi, peut conférer, traiter, discuter et négocier avec elle. Que peut-il contre une poussière de consciences individuelles, que les asservir à ses lois ou flotter à la merci de leur tourbillon ? » (La démocratie religieuse, 1921)

    Sur la lutte de la culture de vie contre la culture de mort, et finalement du Bien contre l’absence de Bien qu’on appelle Mal.

    « Tout désormais s'explique par une différence, la plus claire du monde et la plus sensible : un oui, un non. Ceux-là ne veulent pas, ceux-ci veulent, désirent. Quoi donc ? Que quelque chose soit, avec les conditions nécessaires de l'Être. Les uns conspirent à la vie et à la durée : les autres souhaitent, plus ou moins nettement, que ce qui est ne soit bientôt plus, que ce qui se produit avorte, enfin que ce qui tend à être ne parvienne jamais au jour. Ces derniers constituent la vivante armée de la mort : ils sont l'inimitié jurée, directe, méthodique, de ce qui est, agit, recrute, peuple : on peut les définir une contradiction, une critique pure, formule humaine du néant. (…) Le positif est catholique et le négatif ne l'est pas. Le négatif tend à nier le genre humain comme la France et le toit domestique comme l'obscure enceinte de la conscience privée ; ne le croyez pas s'il soutient qu'il nie uniquement le frein, la chaîne, la délimitation, le lien : il s'attaque à ce que ces négations apparentes ont de positif. Comme il ne saurait exister de figure sans le trait qui la cerne et la ligne qui la contient, dès que l'Être commence à s'éloigner de son contraire, dès que l'Être est, il a sa forme, il a son ordre, et c'est cela même dont il est borné qui le constitue. Quelle existence est sans essence ? Qu'est-ce que l'Être sans la loi ? À tous les degrés de l'échelle, l'Être faiblit quand mollit l'ordre ; il se dissout pour peu que l'ordre ne le tienne plus. Les déclamateurs qui s'élèvent contre la règle ou la contrainte au nom de la liberté ou du droit, sont les avocats plus ou moins dissimulés du néant. Inconscients, ils veulent l'Être sans la condition de l'Être et, conscients, leur misanthropie naturelle, ou leur perversité d'imagination, ou quelque idéalisme héréditaire transformé en folie furieuse les a déterminés à rêver, à vouloir le rien. » (La démocratie religieuse, 1921)

    Sur le nationalisme, pour éviter précisément toute confusion du nationalisme intégral de Maurras, de l’Action Française et de toute l’école monarchiste française avec les expressions dévoyées du nationalisme venues de la Gauche et habilement cataloguées par le Système comme étant de droite : fascisme, nazisme, qui adhèrent, socialisme originaire oblige à un Etat tout puissant et centralisateur, en un mot JACOBIN et liberticide.

     « Caractère distinctif du nationalisme français : il est fort éloigné de présenter la nécessité pratique et moderne du cadre national rigide comme un progrès dans l’histoire du monde ou comme un postulat philosophique et juridique absolu : il voit au contraire dans la nation une très fâcheuse dégradation de l’unité médiévale, il ne cesse pas d’exprimer un regret profond de l’unité humaine représentée par la république chrétienne (…) ». (L’Action Française, 25 mars 1937)

    « Un nationalisme n’est pas un nationalisme exagéré ni mal compris quand il exclut naturellement l’étatisme (…). Quand l’autorité de l’Etat est substituée à celle du foyer, à l’autorité domestique, quand elle usurpe sur les autorités qui président naturellement à la vie locale, quand elle envahit les régulateurs autonomes de la vie des métiers et des professions, quand l’Etat tue ou blesse, ou paralyse les fonctions provinciales indispensables à la vie et au bon ordre des pays, quand il se mêle des affaires de la conscience religieuse et qu’il empiète sur l’Eglise, alors ce débordement d’un Etat centralisé et centralisateur nous inspire une horreur véritable : nous ne concevons pas de pire ennemi. » (L’Action Française, du 19 juillet 1938)

    Et au soir de sa vie, prisonnier de la République rétablie dans toutes ses prérogatives de destruction, il écrivait à Pierre Boutang cette exhortation testamentaire magnifique, lui, l’agnostique.

    "Nous bâtissons l'arche nouvelle, catholique, classique, hiérarchique, humaine, où les idées ne seront plus des mots en l'air, ni les institutions des leurres inconsistants, ni les lois des brigandages, les administrations des pilleries et des gabegies, où revivra ce qui mérite de revivre, en bas les républiques, en haut la royauté et, par-delà tous les espaces, la Papauté ! Même si cet optimisme était en défaut et si, comme je ne crois pas tout à fait absurde de le redouter, si la démocratie était devenue irrésistible, c'est le mal, c'est la mort qui devaient l'emporter, et qu'elle ait eu pour fonction historique de fermer l'histoire et de finir le monde, même en ce cas apocalyptique, il faut que cette arche franco-catholique soit construite et mise à l'eau face au triomphe du Pire et des pires. Elle attestera, dans la corruption universelle, une primauté invincible de l'Ordre et du Bien. Ce qu'il y a de bon et de beau dans l'homme ne se sera pas laissé faire. Cette âme du bien l'aura emporté, tout de même, à sa manière, et, persistant dans la perte générale, elle aura fait son salut moral et peut-être l'autre. Je dis peut-être, parce que je ne fais pas de métaphysique et m'arrête au bord du mythe tentateur, mais non sans foi dans la vraie colombe, comme au vrai brin d'olivier, en avant de tous les déluges."

    Sur le sujet de la condamnation par Pie XI, Jean Madiran en donne une présentation synthétique ici.

    Pour approfondir le sujet, quelques liens :

    http://bibliothequedecombat.wordpress.com/

    http://maurras.net/

    http://maurras.net/textes/

    http://maurrassianna.free.fr/maurrassianna/

    Si vous aviez un livre à lire en premier lieu, nous vous conseillerions « La démocratie religieuse » (téléchargeable gratuitement ici), dont toute la brillante démonstration résonne comme un écho laïque à la condamnation du Sillon par Saint Pie X, que nous évoquions ici.

    Enfin nous ne pouvons qu’inciter nos amis Veilleurs à s’approprier ce géant, qui nous parait mille fois préférable à Antonio Gramsci, par exemple.

    Paula Corbulon

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2014/01/en-relisant-nos-ma%C3%AEtres-charles-maurras.html

  • Manifs de droite : « Pas de grands mouvements sans les cathos » - Rue89

    Non, la rue n’est pas toujours de gauche ! Des défilés des années 20 à la Manif pour tous en 2013, Danielle Tartakowsky raconte comment les droites françaises prennent le pavé.


    Dans la manifestation du 13 janvier contre la loi Taubira à Paris (Remi Noyon)

    La Manif pour tous a surpris son monde. Dans l’imaginaire politique français, les braillards qui investissent la rue sont d’abord de gauche. Etudiants souvent, ouvriers encore, progressistes toujours. D’où venaient donc ces cathos, qui, même s’ils se défendaient d’être de droite, n’en incarnaient pas moins une France conservatrice ?

    Lire la suite .....

  • Manifestations parisiennes et visites le nez en l'air

    Trois dimanches à manifester dans les rues de Paris donneront l'occasion d'en arpenter bien d'autres pour se rendre au départ de la manif ou encore pour rentrer chez soi. Et chacun sait que les rues, les places et autres boulevards possèdent leurs propres secrets, leur propre histoire.

    Prenons l'exemple de la Place Denfert-Rochereau où nous nous retrouverons nombreux dimanche prochain pour manifester contre l'avortement et pour la liberté d'expression. Saviez que le colonel Denfer-Rochereau, lui non plus n'avait rien lâché ?

    "La place Denfert-Rochereau, vous le savez, abrite en son centre le Lion de Belfort. Mais connaissez-vous son secret ?
    En réalité, tout se passe après la désastreuse guerre franco-prussienne de 1870. Napoléon III, battu par les Allemands à Sedan, dut capituler, et le Second Empire disparaîtra avec lui. 
    Si l'armée française fut largement écrasée par l'adversaire, il y eut tout de même quelques hauts faits d'armes. En particulier, le colonel Denfert-Rochereau, que les Allemands ne purent, malgré leurs efforts, forcer à capituler. La ville de Belfort, dont il assurait la défense, ne put jamais être prise" (suite). 

    Alors, avant de sortir dans Paris ou de programmer votre dimanche de manif parisienne, parcourez ce site "Paris, le nez en l'air" et apprenez de l'histoire de la capitale! Il grenouille d'anecdotes et de propositions de ballades. Et si, pendant ces manifs, vous vous posez des questions sur tel ou tel nom de rue ou sur l'histoire de Paris, posez la question à voix haute, peut-être que son webmestre sera assez proche pour vous répondre !

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Maurras, inlassable avocat des langues régionales

    De ses tout premiers engagements de jeunesse, Maurras a-t-il conservé l’idée que décentralisation et défense des langues régionales vont de pair ? C’est une hypothèse naturelle, tant la chose allait de soi dans la Déclaration des jeunes félibres fédéralistes de 1892. Mais ce n’est qu’une hypothèse, qu’il faudrait étayer par des études sérieuses qui, à notre connaissance, n’existent pas.

    Lorsque Maurras construit son corpus doctrinal sur la République centralisatrice, les problématiques linguistiques n’y figurent pas en première ligne, ne serait-ce que parce tous les territoires ne sont pas concernés, ou pas également concernés. On pourrait dès lors formuler l’hypothèse inverse : le combat de Maurras pour la décentralisation, qui a donné lieu à un nombre considérable d’écrits, et son combat pour la langue et la culture provençales, accessoirement pour le breton ou l’alsacien, ont été menés quasi indépendamment l’un de l’autre, avec des rencontres qui ne sont que fortuites.

    Pourquoi se poser cette question ? Simplement parce que l’ouvrage de synthèse que Maurras consacre aux langues régionales et à leur enseignement, Jarres de Biot, date de 1951, soit un an avant sa mort, alors que son équivalent L’Idée de la décentralisation a été composé en 1898.

    Un élément de réponse se trouve peut-être dans l’observation du comportement du pays légal. Tout député, même le plus pénétré d’idéologie jacobine, sera un jour en butte au pouvoir d’un préfet et en tirera la conclusion que, s’il avait été libre de ses mouvements et de ses décisions, les choses seraient allé mieux et plus vite. Il y a donc chez chaque élu un décentralisateur qui sommeille et, lorsqu’il est dans l’opposition, il trouvera aisément matière à faire une proposition en ce sens. Dans L’Idée de la décentralisation, Maurras dresse l’impressionnante liste de ces joutes parlementaires, analysées avec minutie, et nul doute qu’il a continué à les suivre avec attention tout le restant à vivre de la IIIe République. Le scénario en a toujours été le même ; le parti au pouvoir enterre le projet, quelle que soit sa couleur, et c’est l’un des siens qui en représentera un autre semblable lorsque le gouvernement sera renversé, ce qui était fréquent à l’époque.

    Les propositions en faveur des langues régionales, également récurrentes et également toujours retoquées, n’obéissaient pas à la même logique. Elles n’étaient présentées que par des élus des régions concernées, Bretons, Basques, Catalans… qui pouvaient également être décentralisateurs, mais qui souvent ne l’étaient pas. Maurras eut d’ailleurs très tôt affaire à certains dirigeants du Félibrige qui étaient de farouches jacobins. Ceci l’a sans doute amené à faire la part des choses.

    Jarres de Biot, que nous publions aujourd’hui et qui n’a été tiré à l’époque qu’en édition de luxe à 500 exemplaires, est sans doute, avec Le Mont de Saturne qui est d’un tout autre genre, le plus achevé, le plus documenté, le mieux argumenté des textes écrits par le Maurras d’après guerre.

    Sa publication fait suite à des polémiques qui se sont déroulées en 1950 pendant la discussion de la première loi républicaine sur l’enseignement des langues régionales, dite « loi Deixonne ». L’un des principaux adversaires de cette mesure fut l’académicien Georges Duhamel qui sonna le tocsin dans plusieurs articles du Figaro. Jarres de Biot est en fait la réponse de Maurras aux articles de Georges Duhamel ; il n’évoque pas la loi Deixonne en tant que telle.

    Il n’est pas inutile de resituer ces événements dans leur contexte. Tout a commencé par l’initiative de deux députés communistes bretons, Pierre Hervé et l’aïeul Marcel Cachin. Ceux-ci exhument une proposition de loi déposée avant guerre par un député démocrate-chrétien nommé Trémintin, laquelle concernait l’enseignement de la langue bretonne à l’école primaire. Ils la rajeunissent quelque peu et la déposent, le 16 mai 1947. Mais juste avant, le 5 mai, le gouvernement Ramadier se sépare des ministres communistes ; c’est le début de la guerre froide en France. La bataille pour la langue bretonne commence donc dans un climat d’affrontement violent qui lui confère un enjeu inattendu ; rapidement, le MRP s’y associe, ce qui met les socialistes en minorité. Ceux-ci tiennent certes le gouvernement, mais sur ce point précis ils doivent composer et finissent par nommer un de leurs, Maurice Deixonne, rapporteur du projet de loi, avec mission occulte de le saboter autant que possible.

    Deixonne est un gros bosseur, qui de son propre aveu ne connaît rien au sujet, et qui de plus a sans doute quelques fréquentations ultra-pacifistes d’avant guerre à se faire pardonner, la plupart de ses amis d’alors ayant fini dans la collaboration. C’est un orphelin qui s’est fait lui-même à coup de brillantes études ; mais dès la fin des années 1920 il interrompt sa carrière universitaire pour s’engager au parti socialiste. Sa puissance de travail impressionne ; d’ailleurs sa la loi sur les langues régionales, qui porte son nom, ne figure même pas dans sa biographie de l’Assemblée, tant il y a fait d’autres choses depuis jugées plus importantes…

    Il s’attelle à la tâche et finalement, contre toute attente, réussit à finaliser un texte consensuel qui sera adopté par l’Assemblée le 30 décembre 1949.

    Entre temps il sera parvenu à faire la jonction avec les députés catalans, puis à intégrer le basque et l’occitan, terme préféré après de longues escarmouches à ceux de provençal ou de langue d’oc. Il aura ainsi pratiquement reconstitué le contenu de la circulaire Carcopino de décembre 1941, qui par la force des choses ne concernait ni le flamand, ni l’alsacien, ni le lorrain, et qui a été abolie à la Libération.

    Il reste alors, ainsi fonctionnait la quatrième République, à faire adopter le texte par le Conseil des ministres. Cela durera toute l’année 1950, jusqu’à promulgation de la loi le 11 janvier 1951. Cette année 1950 verra la polémique gagner la presse, l’Académie Française et tout le monde enseignant, avec d’un côté une alliance de fait entre communistes et MRP, auxquels on peut joindre l’Action française, et de l’autre les jacobins de tout bord, dénonçant les risques épouvantables qu’une heure facultative de langue bretonne à l’école fera immanquablement courir à l’unité française.

    Le texte final de la loi est plus que modeste. Les mots « facultatif », « dans la mesure du possible », reviennent sans cesse. Le ton à l’égard des langues concernées est volontiers condescendant : il est question de « richesse du folklore et des arts populaires » ; rien de bien subversif, et cependant cela a conduit Georges Duhamel à pousser des cris d’orfraie au long de cinq éditoriaux d’avril et de mai 1950. Avec au moins une conséquence heureuse,celle d’avoir incité Maurras à écrire ce qu’il avait sur le cœur, sans doute depuis cinquante ans et plus.

    Il y a eu deux éditions de Jarres de Biot, comportant en plus du texte lui-même des illustrations et des poèmes. Nous avons noté les variantes entre les deux éditions, et reproduit l’ensemble des illustrations. Nous publierons en revanche les poèmes à part, dans un autre cadre, car ils n’ont aucun rapport avec la loi Deixonne ni avec Georges Duhamel.

    http://maurras.net/2013/03/02/maurras-inlassable-avocat-des-langues-regionales/#more-1901

  • Pour les nostalgiques du gauchisme

     

    140111Les services de Mme Filippetti, ont donc annoncé pour 2014 la célébration nationale du cinquantenaire de la mort de Maurice Thorez, en octobre 1964. Merveilleuse occasion de revenir ici pendant plusieurs mois sur un passé que l’on cherche à enfouir. Quand on consulte, en effet, les vieilles collections de L'Humanité on y découvre pas mal de choses. La Mémoire sélective, médiatique et cybernétique tend à les effacer. Plus exactement, le processus ordinaire consiste à les enfoncer sous plusieurs couches de bulles journalistiques insignifiantes : ces derniers jours nous en ont encore donné un stupéfiant florilège.

    Dans L’Huma, comme partout, l'année commence par des vœux. Ils apparaissent en première page de l'organe central du parti communiste français. Leur caractère formel n'échappe pas à la règle…

    En ce début d’année 1964, Maurice Thorez porte encore le titre de secrétaire général. En réalité, il passe de longs mois sur la Côte d’Azur ou en Union Soviétique. C’est au cours de son dernier voyage vers le grand frère qu’il disparaîtra. Il ne sera nommé président du parti qu’en mai. Le XVIIe congrès qui avalisera cette décision votera de nouveaux statuts qui, pas plus que les précédents, ne prévoient même pas l’utilisation d’un tel titre, essentiellement "bourgeois".

    En première page de L’Huma datée du premier jour de l’année publie les vœux que le chef du PCF adresse au parti frère : c'est au parti est-allemand qu'il les adresse en la personne de Walter Ullbricht.

    Waldeck Rochet, secrétaire général adjoint, – en attente que ce titre soit confirmé par le XVIIe Congrès qu’il organise en compagnie de Georges Marchais – adresse les siens à Fidel Castro :

    Titre du journal : "La révolution cubaine a cinq ans."

    Un télégramme du Parti Communiste Français à Fidel Castro
    À l'occasion de l'anniversaire de la révolution cubaine, Waldeck Rochet secrétaire général adjoint du Parti Communiste Français a adressé à Fiel Castro le télégramme suivant…
    Au camarade Fidel Castro secrétaire général du Parti Uni de la Révolution Socialiste de Cuba
    (…) Très fraternellement

    En page 3 le même numéro de L’Humanité a inséré un article. Il est intitulé : "La première révolution authentique de l'Amérique Latine. Pas gentil pour les [nombreux] libertadores et autres caudillos du sous-continent, ce qualificatif, cependant, dit bien ce qu’il veut dire en termes marxistes. On y lit en effet que Castro aurait réalisé "une réforme agraire véritable". Par conséquent tous les hommes de gauche se sentent "solidaires de la révolution cubaine"(1)⇓

    L’année précédente, le dictateur cubain avait prononcé, le 23 mai 1963, un important discours au cours d’un meeting d'amitié soviéto-cubain. Les révolutionnaires latino-américains devaient à travers lui se sentir : "reconnaissants à l'Union soviétique d'avoir su défendre avec fermeté et sagesse la révolution cubaine au moment de la grave crise de l'automne 1962… L'histoire ne connaît pas d'exemple de solidarité semblable… C'est ce qu'on appelle l'internationalisme…"

    À l’époque, aucun détail n’étant jamais laissé au hasard dans la presse stalinienne, le PCF se réfère donc à deux pays communistes : l’Allemagne de l’Est et Cuba. Le premier ne s’effondrera qu’en 1989. Le second tient malheureusement toujours.

    La photo que nous avons mis, pour les nostalgiques, en illustration de cette chronique nous montre Fidel Castro en URSS, aux côtés de Nikita Serguéïevitch Khrouchtchev, quelques jours plus tard..

    Le 1er janvier 1965, on ne met plus en première page l’Allemagne de l’est, ni aucun autre pays, sauf Cuba. "Notre" Waldeck Rochet, devenu secrétaire général, adresse à nouveau les siens à Fidel Castro. Le journal les publie sous le titre : "La révolution cubaine a six ans." (2)⇓

    Mais dans L'Huma, à l'époque, il n’y a guère que la date qui change. Qu'écrit-on alors au Dealer Maximo ? Citons à nouveau :

    Un message du Parti Communiste Français au Parti Uni de la Révolution Socialiste
    Au camarade Fidel Castro
    Secrétaire général du Parti Uni de la Révolution Socialiste
                                       Cuba
    À l'occasion du VIe anniversaire de la victoire de la Révolution cubaine, le Parti Communiste Français vous adresse le témoignage de sa solidarité fraternelle et les vœux de la classe ouvrière et du peuple français pour que votre pays remporte de nouveaux succès dans la voie socialiste qu'il a choisie.
    Soyez assuré que les travailleurs français, qui luttent pour l’instauration d'une démocratie réelle dans leur pays comme étape vers le socialisme, entendent renforcer leur vigilance à l'égard des entreprises agressives de l'impérialisme américain et leur solidarité envers la Révolution cubaine. Ils saluent chacune de vos victoires, chacun de vos progrès économiques, sociaux et culturels.
    Notre Parti agit pour que soient développées les relations commerciales, culturelles et scientifiques entre nos deux pays et l'amitié et la solidarité entre nos deux peuples.
    Pour vous-même, camarade Fidel Castro, pour votre parti, pour le peuple cubain, recevez donc nos vœux fraternels et l'assurance de notre indéfectible solidarité.
                                      Waldeck Rochet
           Secrétaire général du Parti Communiste Français

    Fidel-Castro-looks-at-an--009Aujourd’hui certes "Fidel Castro", ne semble plus apparaître que "tel un vampire à la pleine lune". L’excellente chronique des événements courants à laquelle j’emprunte cette formule illustre cependant son article non pas du pathétique cliché du jour publié par The Guardian (3)⇓ le 9 janvier, mais, tourné vers l'avenir, de la photo des dirigeants futurs qu’a déjà désignés Raul Castro. (4)⇓

    Posons donc ici une simple question : si en 1964-1965, il y a donc 50 ans, la gauche française se disait prête à saluer les progrès de l’île communiste, quand a-t-elle seulement pris acte des désastres difficilement réparables que le tropical-socialisme a infligé à un pays qui, avant 1959, était un des plus brillants du Nouveau Monde ?

    JG Malliarakis
    http://www.insolent.fr/2014/01/pour-les-nostalgiques-du-gauchisme.html
    Apostilles
    1) cf. L'Humanité du 1er janvier 1964
    2) cf. L'Humanité du 1er janvier 1965
    3) cf. The Guardian du 9 janvier 
    4) cf. Blog Actu de l’Institut d’Histoire sociale le 10 janvier
  • Benoît RONDEAU, Afrikakorps. L'armée de Rommel, Paris, Tallandier, 2013, 510 p.

    Ce n'est pas sans un certain intérêt que j'ai reçu des éditions Tallandier le volume de Benoît Rondeau, camarade auteur dans le magazine 2ème Guerre Mondiale. D'abord parce qu'à titre personnel, je connais encore relativement mal la campagne nord-africaine du conflit, par rapport à d'autres fronts. Ensuite parce que les livres en français sur le sujet, de synthèse ou de détail, ne sont pas si nombreux. J'avais commenté récemment le livre de Cédric Mas sur la bataille d'El Alamein, paru chez Heimdal. Plus anciennement, j'avais également fiché l'ouvrage de B. Lemay sur Rommel, que j'avais apprécié. Cependant, il semblerait que l'historien canadien ait malheureusement repris tels quels de nombreux passages de travaux d'historiens autres -je mets le conditionnel car je n'ai pu encore vérifier de visu, mais a priori, l'assertion paraît authentique ; du coup on se demande s'il a fait pareil aussi pour son Manstein...
    Il est vrai que le thème a longtemps fait florès pour une historiographie datée. Les ouvrages consacrés à l'Afrikakorps sont infiniment plus nombreux, en français, que ceux dédiés à la 8th Army britannique, son adversaire (sans même parler des articles de presse...). Les Italiens sont aussi les grands oubliés du mythe de la "guerre sans haine" construit dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'ambition de Benoît Rondeau est donc de fournir une synthèse en français sur la guerre du désert qui, il faut bien le reconnaître, manquait jusqu'ici. Il s'agit de revenir sur des mythes, Rommel, Montgomery, ou des aspects méconnus, comme les conditions de vie quotidienne des combattants dans le désert. En outre, la campagne du désert est assez marginalisée, à l'image du front de l'est d'ailleurs, par rapport aux affrontements de l'ouest de l'Europe, qui occupent une place écrasante dans l'historiographie. On peut même descendre un degré en-dessus, comme le fait Benoît Rondeau, en affirmant que la campagne de Tunisie, pourtant très importante, est elle aussi négligée par rapport à d'autres phases comme El Alamein.
    Le livre se divise en cinq parties. Dans la première, Benoît Rondeau explique les raisons de l'intervention allemande en Afrique du Nord et son déroulement jusqu'au premier siège de Tobrouk. Hitler vient, semble-t-il, au secours des Italiens, qui ont eu la mauvaise idée d'attaquer l'Egypte britannique, ce qui leur a valu une contre-attaque foudroyante des Anglais qui s'avancent en Tripolitaine. En réalité, le Führer a envisagé de se lancer sur le théâtre d'opérations méditerranéen, notamment parce que cela peut fournir une diversion utile lors des préparatifs d'invasion de l'URSS. En outre, la zone est stratégique pour les Britanniques : l'Egypte, en particulier, constitue une cible tentante pour les Allemands. C'est parce que les Allemands réfléchissent à une intervention que Mussolini pousse Graziani à l'assaut de l'Egypte en septembre 1940, puis envahit la Grèce un mois plus tard, avec le résultat que l'on sait. La Kriegsmarine, de son côté, est beaucoup plus sensible à l'intervention en Méditerranée. Hitler, d'abord concentré sur la prise de Gibraltar et l'envoi de la Luftwaffe, finit par se rallier à une intervention au sol en Grèce puis à l'envoi, en janvier 1941, d'un Sperrverband (détachement d'arrêt), alors même que Wavell, le commandant en chef britannique, marque le pas en Tripolitaine. Dès la fin mars 1941, la Luftwaffe aligne déjà près de 500 appareils sur le théâtre et marque des points. Le 11 février, les premiers éléments allemands débarquent à Tripoli. La 5. Leichte-Division, renforcée par la 15. Panzer-Division, constitue l'entame du corps expéditionnaire allemand : le Deutsche Afrika Korps (DAK). Les soldats allemands n'ont pas été spécialement entraînés ou choisis pour la guerre dans le désert. Les uniformes ne sont pas forcément appropriés, les équipements nécessitent une acclimatation. Appuyé par les Italiens, Rommel lance ses troupes vers l'est dès le 14 février. Le désert lui-même, comme champ de bataille, présente bien des obstacles. La logistique est capitale pour les opérations des deux camps. Le ravitaillement de l'Axe bénéficie de lignes plus courtes par mer mais celles-ci sont plus longue par voie terrestre, victimes aussi du manque d'infrastructures terrestres ou ferroviaires. Les convois sont des cibles pour les unités spéciales alliées comme le LRDG ou les SAS. Malte, en position centrale dans la Méditerranée, permet aux Britanniques de frapper les convois sur mer et depuis les airs. Dans le désert, le sable est l'ennemi quotidien du combattant. Les tempêtes de sable, tout comme les mouches, sont un fléau. L'hygiène est des plus sommaires, la chaleur affecte la santé, tout comme la froideur la nuit venue. Conserver l'eau devient évidemment vital. Après une première escarmouche le 24 février 1941, les Britanniques se laissent surprendre, en Tripolitaine, par la rapidité d'action de Rommel. Le 24 mars, le DAK s'empare d'El-Agheila, puis de Mersa el-Brega une semaine plus tard. Malgré les injonctions de Gariboldi, son supérieur italien qui lui intime de s'arrêter, Rommel continue sur sa lancée et prend Benghazi le 4 avril. Une brigade motorisée indienne et la 2nd Armoured Division britannique sont encerclées et décimées à Mechili, mais leur résistance a permis à la 9th Australian Division de se replier sur Tobrouk. La propagande nazie, cependant, s'empare des exploits du DAK pour monter sa légende, alors même que Tobrouk, pas encore prise, va opposer une farouche résistance à Rommel.
    C'est au siège de Tobrouk, véritable porte de l'Egypte jusqu'à sa chute en 1942, que s'intéresse la deuxième partie. Romme lance ses troupes exsangues sur la place dès le 12 avril 1941. C'est l'échec, devant une résistance bien organisée. Le 8ème bataillon de mitrailleurs et le Panzer-Regiment 5 de la 5. Leichte-Division souffrent particulièrement. Le 16 avril, un bataillon italien complet capitule devant les Australiens. Morshead, qui commande la 9th Australian Division, dispose de 24 000 combattants, de 72 canons plus les pièces de prise, de 75 pièces de DCA, des canons antichars et de 26 blindés. Les Australiens ont remis en état les vieilles défenses italiennes et ont organisé trois lignes de défense, les deux premières avec mines et barbelés. Ils patrouillent de manière agressive pour contrôler le no-man's land. Rommel doit attendre la 15. Panzerdivision car son dispositif est trop distendu pour espérer emporter la place. Paulus, qui arrive en observateur le 27 avril, ne peut que constater l'inanité des efforts de Rommel, qui perd encore 50 Panzer et 1 500 hommes lors d'une attaque les 2 et 3 mai. Le DAK doit donc mettre le siège devant Tobrouk. La Luftwaffe et la Regia Aeronautica multiplient les frappes. Le talon d'achille de Rommel, c'est sa logistique, qui débarque à 1 000 km de la place, alors que la Royal Navy, malgré la menace aérienne et les opérations en Grèce, parvient à alimenter Tobrouk tout au long de la bataille. Parallèlement, Rommel a envoyé des éléments, dont les premiers de la 15. Panzerdivision, sur la frontière égyptienne. Le 15 mai, après avoir reçu des renforts en chars, Wavell lance l'opération Brevity à la frontière égyptienne, pour tenter de dégager Tobrouk. C'est un échec : les blindés britanniques sont pris à partie par les antichars puis par les blindés du Panzer-Regiment 8, 15. Panzerdivision, accourus de Tobrouk. Le 15 juin, l'opération Battleaxe se heurte aux 88 de la passe de Halfaya, puis à la contre-attaque habituelle des Panzer : les Britanniques perdent une centaine de chars. Wavell est remplacé par Auchinleck. A Tobrouk, les Australiens ne restent pas inactifs et mènent des incursions en dehors de leur périmètre. Les pertes montent, cependant, et les Australiens commencent à être relevés par d'autres contingents à l'automne. En face, Rommel, surnommé "le renard du désert" depuis Battleaxe, commande depuis le 15 août le Panzergruppe Afrika. Le DAK passe sous les ordres de Crüwell. Celui-ci comprend désormais la 15. Panzerdivision et la 5. Leichte rebaptisée 21. Panzerdivision, plus la division z. b. V. Afrika. Rommel peut aussi compter sur deux corps italiens, le 20ème avec la division blindée Ariete et la division motorisée Trieste, et le 21ème avec 5 divisions d'infanterie. Les défenses à la frontière égyptienne sont renforcées, les Panzer sont gardés en réserve entre Tobrouk et la frontière. La tactique d'emploi des chars est raffinée. Rommel devient, par consentement heureux, une icône de la propagande de Goebbels. Côté britannique, le changement de commandement s'accompagne en septembre de la modification du nom de l'armée, devenue 8th Army, commandée par Cunningham, chapeauté par Auchinleck. Celui-ci prévoit d'attaquer en direction de Tobrouk, sur la frontière égyptienne, pour attirer les Panzer et les détruire lors d'une bataille rangée. En prévision de l'offensive, baptisée opération Crusader, l'aviation intensifie son action, un commando tente d'éliminer Rommel, et le SAS intervient pour la première fois derrière les lignes ennemies. Crusader, lancée le 18 novembre 1941, surprend Rommel, même si les brigades blindées britanniques se font étriller. La garnison de Tobrouk procède à une sortie. Même si la 7th Armoured Division subit de lourdes pertes à Sidi Rezegh, Rommel est dans une situation difficile. La contre-attaque allemande sur la frontière se heurte à forte partie. Rommel manque d'être capturé. Le 26 novembre, Auchinleck fait la jonction avec Tobrouk. Les deux commandants de Panzerdivision de Rommel sont bientôt mis hors de combat. Rommel ordonne le repli, mené cependant de manière agressive. Benghazi est évacué le 17 décembre. Les pertes ont été plus lourdes côté britannique mais Auchinleck est maître du terrain. Cependant, les renforts allemands arrivent, des unités anglaises partent en Extrême-Orient, Kesselring prend la tête de l'effort logistique et les U-Boote interviennent en Méditerranée : la 8th Army se voit priver d'une victoire totale, comme en 1940 contre les Italiens. Dès le 21 janvier 1942, Rommel contre-attaque vers l'est, capture une quantité d'équipements et s'arrête sur la ligne de Gazala, faute de troupes suffisantes. Hitler le décore des glaives de la croix de chevalier de la croix de fer. Si Crusader a pu réussir, c'est parce que Malte permet aux Anglais de prélever un lourd tribut sur la logistique allemande. Or les Allemands ne s'intéressent réellement à Malte qu'au cours du premier semestre 1942. Kesselring coordonne l'effort aérien : l'île est neutralisée en avril, mais la victoire n'est pas complétée par une invasion, bien que les Italiens aient réfléchi à un assaut amphibie et aéroporté. Hitler privilégie finalement la chute de Tobrouk et l'offensive en Egypte. La nouvelle Panzerarmee Afrika est renforcée en matériel. Nehring prend la tête du DAK. La Luftwaffe est alors particulièrement puissante en soutien. Auchinleck, pressé par Churchill de contre-attaquer, n'en fait rien. Le 26 mai 1942, l'attaque de Rommel prend les Britanniques au dépourvu, bien que les Panzer aient à affronter un nouvel adversaire, le M3 Grant et son canon de 75 mm en caisse. L'attaque vise à contourner par le sud la ligne britannique pour foncer vers la côte. Encerclé, Rommel parvient à se dégager. Les Français Libres mènent une belle défense à Bir Hakeim, à l'extrémité gauche de la ligne britannique, un succès davantage psychologique, pour la France Libre, que réellement influent sur la bataille en cours. Les Britanniques perdent ensuite la bataille de chars sous les coups des Pak, puis des Panzer, et n'ont d'autre choix que de retraiter vers l'Egypte. Tobrouk, défendue par la 2ème division sud-africaine, est investie méthodiquement le 20 juin avec un puissant soutien aérien. La place tombe le lendemain. L'assaut, bien coordonnée, a cette fois bénéficié de la surprise : ce sont 33 000 prisonniers et un équipement considérable qui rejoignent l'inventaire de Rommel, nommé maréchal par Hitler. Le 25 juin, Auchinleck prend la tête de la 8th Army. Rommel entre en Egypte, alors même que Malte n'est pas neutralisée, et va redevenir menaçante dès le mois d'août après l'arrivée de deux grands convois.
    Le 24 juin, l'armée de Rommel est entrée en Egypte et remporte un nouveau succès à Mersa Matrouh. Des quantités d'approvisionnement sont perdues entre Tobrouk et el-Daba. Le 29 juin, les premiers éléments allemands arrivent à El Alamein, une gare construite dans les années 20 à une centaine de kilomètres d'Alexandrie. La première semaine de juillet 1942 devient ainsi l'une des plus cruciales de la guerre. Auchinleck met le delta du Nil en état de défense. La Panzerarmee a l'Egypte a sa portée, mais aucunement le Moyen-Orient, vu sa situation. La victoire allemande aurait surtout des répercussions sur les plans logistique et peut-être politique ; mais les Américains, Marshall en tête, envisagent déjà de débarquer en Afrique du Nord en cas d'effondrement britannique. L'évacuation de la flotte d'Alexandrie entraîne un début de panique dans la ville ; certains Egyptiens voient d'un bon oeil l'arrivée prochaine des Allemands. Auchinleck organise la défense autour d'El-Alamein avec des positions défensives -les fameuses boxes- placées notamment sur les hauteurs. Il ne pense pas pouvoir arrêter les Allemands car il surestime leurs effectifs. Norrie, le chef du 30th Corps britannique, pense au contraire qu'il faut tenir coûte que coûte. En réalité, Rommel n'a plus que 55 chars en ligne le 30 juin, et manque cruellement d'infanterie, alors que la 8th Army, dont les pertes ont été comblées en urgence, est hétérogène. Auchinleck bénéficie cependant de la supériorité aérienne vraiment acquise de la Desert Air Force et de l'arrivée massive du canon antichar de 6 livres, capable de mettre hors de combat certains blindés allemands. Le 1er juillet, l'attaque allemande de ce qui devient la première bataille d'El Alamein démarre dans la confusion. Le DAK se heurte à de violents tirs d'artillerie et d'aviation. La division italienne Ariete est balayée. Le 9 juillet, Rommel repart à l'assaut contre les Australiens de la 9th Division de Tobrouk, qui tiennent bon et détruisent son unité de renseignements si précieuse. Les contre-attaques d'Auchinleck les 14 et 15 juillet manquent d'efficacité en raison du problème lancinant de la coordination interarmes, en particulier entre les chars et l'infanterie. Le 22 juillet, une attaque anglaise sur la crête de Ruweisat tourne au carnage. Auchinleck cesse finalement ses attaques le 28 juillet. Il a réussi à stopper Rommel mais le succès a été coûteux : il manque de troupes aguerries. Les Néo-Zélandais, en particulier, ont payé un lourd tribut. Churchill, qui vient Egypte début août, remplace Auchinleck par Alexander, et nomme Gott à la tête de la 8th Army ; la mort inopinée de ce dernier laisse la place vacante pour Montgomery. Celui-ci va s'attacher à redonner confiance à son armée, à la préparer au mieux à un nouvel assaut. Côté allemand, le moral est bon, des renforts arrivent, mais Rommel est malade. En outre, les munitions et le carburant manquent en raison des attaques dévastatrices des Britanniques depuis Malte. Rommel est cependant contraint de repartir à l'assaut pour éviter que la 8th Army ne se renforce trop. Il compte attaquer au sud, là où se trouve le 13th Corps, le plus puissant des Britanniques. L'attaque, qui commence le 31 août, est marquée par des retards, un matraquage aérien allié sans précédent et la perte de nombreux officiers. Rommel donne dans le point fort du dispositif adverse et doit ordonner le repli dès le 2 septembre. La bataille d'Alam Halfa, qui se termine le 5 septembre, améliore un peu les positions allemandes, mais les pertes sont lourdes, et les Britanniques ont subi moins de pertes en chars que de coutume. Rommel, qui quitte son commandement le 22 septembre pour raisons de santé, a veillé à renforcer les défenses, en mixant Allemands et Italiens et en créant une certaine profondeur. Près d'un demi-million de mines sont disposées devant le périmètre défensif ; les Allemands doivent aussi apprendre à se camoufler pour échapper aux attaques aériennes. Montgomery, lui, dispose d'une supériorité écrasante : plus de 1 400 canons antichars et plus de 1 000 blindés, dont 252 nouveaux M4 Sherman américains. Mais en réalité, les concentrations sont moins denses dans les secteurs d'attaque et le constat est plus équilibré. Cependant, Mongtomery a l'avantage écrasant en termes logistiques et la supériorité aérienne sur le front. Il prend du temps pour apprendre aux unités à manoeuvrer en division entière, reprend l'idée des divisions mobiles d'Auchinleck, en mixant infanterie et chars, crée l'équivalent d'un corps d'armée blindé. Son plan, l'opération Lightfoot, est une bataille d'usure : attaquer au nord tout en menant des diversions au centre et au sud. Les raids lancés en septembre pour affaiblir le ravitaillement de l'Axe derrière les lignes échouent. L'opération Lighfoot démarre le 23 octobre et d'emblée se présente comme mitigée. Les progrès sont faibles le 24 octobre. Mongtomery réoriente alors l'effort sur son aile droite, où les Australiens mènent de très violents combats et subissent les contre-attaques des Panzer. Rommel a dégarni son centre. Le 2 novembre, dans la nuit, Mongtomery lance l'opération Supercharge, au sud. Dès le lendemain, le DAK atteint le point de rupture. Rommel commence à retraiter mais Hitler lui ordonne de tenir sur place. Mais le repli s'impose de lui-même les 4-5 novembre. La Panzerarmee Afrika a laissé dans la bataille la moitié de ses 100 000 homes et n'aligne plus que 38 chars. Montgomery a remporte une victoire nette, mais n'a pas détruit l'armée ennemie. Quelques jours plus tard, le 8 novembre, les Alliés débarquent en Algérie et au Maroc. Montgomery, devenu le vainqueur d'El-Alamein, devient un symbole pour les Britanniques, une mascotte : il saura faire fructifier son capital d'image et sa carrière suite à ce succès.
    La poursuite commence dès le 5 novembre, mais elle reste prudente. Il faut dire que la 8th Army est essoufflée après son succès. Il y avait pourtant de quoi faire pour être plus agressif, et certains officiers britanniques l'ont suggéré. En vain. Rommel, lui, dispose des unités en arrière-garde et se déplace aussi de nuit. La Panzerarmee Afrika sort d'Egypte et traverse la Cyrénaïque. Tobrouk est reprise le 13 novembre, Benghazi une semaine plus tard. Le 24 novembre, Rommel est à Mersa el-Brega, après un repli de 1 200 km. Quatre jours plus tard, il s'envole pour Rastenbourg afin de convaincre Hitler de se retirer encore plus à l'ouest. Le Führer, passablement hors de lui en raison de la crise à Stalingrad, éconduit Rommel. Les Britanniques lancent leur offensive contre Mersa dans le vide, même si l'Ariete réussit une belle performance, soulignée par Rommel pourtant peu prolixe de commentaires flatteurs pour les Italiens, le 15 décembre. Les Allemands ont également semé des mines et des pièges tout au long de leur retraite. Rommel s'installe à Bouerat, à 320 km à l'est de Tripoli. L'offensive britannique ne démarre que le 15 janvier, alors que Rommel a, à nouveau, commencé de décrocher. Le 22 janvier 1943, la Panzerarmee évacue Tripoli. La 8th Army entre en Tunisie début février 1943. Rommel, qui s'y trouve depuis le 26 janvier, est relevé de son commandement pour raisons de santé, mais on lui laisse choisir la date d'abandon de ses fonctions. L'opération Torch, de son côté, a réussi, malgré une vigoureuse résistance française, notamment au Maroc. Hitler et Kesselring prennent cependant les Alliés de court en créant une tête de pont en Tunisie où est rapidement bâtie la 5. Panzerarmee confiée à von Arnim. Hitler, jusqu'alors avare de ressources avec Rommel, ne veut pas céder un pouce de terrain ; en outre tenir en Tunisie retarde un débarquement sur le flanc sud de l'Europe. Dès la fin novembre, Kesselring occupe le sud de la Tunisie pour permettre à Rommel de faire la jonction. Le terrain est différent de celui de la guerre du désert : la densité de population est plus importante, le relief montagneux. Arnim attaque dans le sud-ouest tunisien fin janvier : si les Français ralliés aux Alliés, malgré un matériel obsolète, se défendent bien, les premiers engagements menés par les Américains ne sont guère concluants. Rommel, qui s'installe sur la ligne Mareth, souhaite une frappe coordonnée des deux armées. Mais le commandement bicéphale perdure et chaque armée opère, de fait, de son côté. Le 14 février, les Allemands frappent fort, enfoncent le IInd Corps américain de Fredendall, mais des problèmes de coordination et de commandement sur la suite à donner aux opérations empêchent d'obtenir un succès complet. Les Américains, renforcés par les Britanniques, se ressaisissent, l'artillerie et l'aviation entrent en action. L'effort allemand, trop dispersé, n'a pu faire sauter les quelques verrous tenus solidement par les alliés. Patton remplace finalement Fredendall. Rommel lance une dernière attaque contre la 8th Army, début mars, qui se solde par un échec ; puis il quitte définitivement l'Afrique du Nord. Le 16 mars, l'opération Pugilist Galop de Montgomery pour enfoncer la ligne Mareth échoue. Patton mène ses troupes dans des opérations qui, non sans mal, redonnent confiance à la troupe. Montgomery contourne la ligne Mareth puis pousse la 1ère armée italienne de Messe, les 5-6 avril, à se replier sur Enfidaville. Le 10 avril, Monty est à Sfax ; la jonction avec la 1st British Army est faite à Kairouan deux jours plus tard. Mi-avril, l'Axe ne tient plus qu'un front en demi-cercle de 130 km de long. Ce n'est que le 7 mai cependant que les Alliés pénètrent à Bizerte puis Tunis. Les derniers combattants se rendent le 13 mai 1943. La victoire est complète : l'armée française d'Afrique rejoint les FFL ; 170 000 hommes de l'Axe ont été capturés à la fin des combats, et les pertes en Tunisie se montent en tout à 300 000 hommes, contre 75 000 pertes côté allié. Paradoxalement, c'est l'insistance allemande à faire durer la bataille grâce à la tête de pont en Tunisie qui entraîne un revers très important pour le théâtre méditerranéen des opérations. Hitler n'a jamais considéré le théâtre nord-africain comme valant la peine d'un engagement massif, alors que des opportunités existaient une fois abandonné le projet d'invasion de l'Angleterre ; les pertes ont été disproportionnées pour un résultat finalement faible, l'Italie étant à la veille de l'effondrement après la fin de la Panzerarmee Afrika. A la conférence de Casablanca, les Alliés adoptent le principe d'une reddition sans conditions. L'armée d'Afrique, qui a servi Vichy, entre dans la France Libre, non sans tensions : l'amalgame sera des plus pénibles. Les Américains fournissent cependant le matériel moderne et l'instruction nécessaires pour que l'armée française retrouve réellement sa place sur les champs de bataille. Les Américains ont connu leur baptême du feu : ils en sortent avec 4 divisions expérimentées, des chefs qui se sont révélés, des adaptations nécessaires mais faites, et une place grandissante au sein du camp allié.
     
    La postérité de l'Afrikakorps est immense. Et pourtant, le DAK a compté, comme toutes les autres formations allemandes de la guerre, de nombreux soldats authentiquement nazis, aux côtés d'une poignée d'antinazis. Une grande partie des officiers supérieurs a aussi servi en URSS. Certains anciens officiers du DAK commettent plus tard des crimes de guerre, en Italie ou dans les Balkans. La guerre du désert a-t-elle été vraiment chevaleresque ? La reddition est rarement refusée, il est vrai, les prisonniers sont plutôt bien traités. Mais les exactions n'ont pas manqué. Les Allemands sont imprégnés de leur conception raciale, même à l'égard de leurs alliés italiens. La Croix Rouge ne protège pas des tirs, dans les deux camps. Les colons italiens ont à souffrir de la présence britannique en Libye. Les prisonniers sont bien traités, comme on l'a dit, mais ce n'est pas systématique. De Gaulle doit menacer les Allemands de représailles sur les prisonniers allemands si les combattants de Bir Hakeim sont considérés comme "franc-tireurs" en cas de capture. Rommel refuse pourtant d'appliquer le fameux "ordre des commandos" du 18 octobre 1942. Les prisonniers de l'Afrikakorps envoyés aux Etats-Unis partent dans les camps de prisonniers avec un moral d'acier, persuadés que l'Allemagne va gagner la guerre. Une justice expéditive règne dans les camps, où les défaitistes et ceux qui veulent collaborer avec les Américains sont exécutés. Les prisonniers allemands de Normandie sont effarés par l'attitude de leurs camarades qu'ils découvrent en arrivant dans les camps. La Gestapo a eu une antenne en Afrique dès septembre 1941. En juillet 1942, alors que Rommel menace de prendre l'Egypte, les premiers SS arrivent pour superviser l'application de la Solution Finale. Walter Rauff réapparaît en Tunisie en novembre. Des Juifs sont parqués dans un camp, même si la tâche des SS est rendue difficile par les Français et les Italiens. Les résistants français sont d'ailleurs déportés dans les camps de concentration du continent avant la chute de la Tunisie. La propagande nazie a fait de Rommel une icône, relayée par les Britanniques, qui avaient besoin de souligner le génie de l'ennemi défait. Cinq ans après la fin du conflit, le mythe est déjà en place, via l'ouvrage de Desmond Young, puis le film Le renard du désert de Hattaway (1951). L'épopée de la guerre du désert devient celle des Allemands, non des Italiens, oubliés alors que leur contribution a été énorme. Le mythe perdure via les chansons, les BD, les wargames, voire parfois les cours sur la guerre du désert dans les institutions militaires qui étudient les campagnes de Rommel. Depuis le film de Hattaway, les successeurs placent plutôt le point de vue du côté allié, sans que l'image de la guerre chevaleresque ne disparaisse. Pour preuve le film français Un taxi pour Tobrouk, en 1961, qui symbolise ce mythe de la guerre sans haine.
    Au final, après ce résumé des cinq parties du livre, que conclure sur le travail de Benoît Rondeau ? Le titre est à mon avis un peu trompeur : il ne s'agit pas à proprement parler d'une étude précise, fouillée, de l'Afrikakorps de Rommel, mais plutôt d'une excellente synthèse sur la guerre en Afrique du Nord, du début -à partir de l'intervention allemande- jusqu'à la fin, de la manière la plus équilibrée possible. Il est vrai que le propos se concentre plutôt du côté de l'Axe, dont les motivations, l'engagement et ses conséquences sont expliquées un peu plus en détails ; mais cela est fait presque autant pour les Britanniques et leurs alliés. Il faut souligner aussi que la description des opérations se concentre surtout sur la dimension terrestre de l'affrontement, avec évocation de la dimension navale et des lignes un peu plus nombreuses sur l'aspect aérien. Au niveau de l'équilibre, il faut noter qu'un bon quart du livre est consacré à la bataille d'El Alamein, ce qui peut se comprendre au vu de son importance, mais ce qui peut-être empêche d'être plus prolixe sur d'autres parties. Il y a me semble-t-il des points forts : la première partie qui décortique le pourquoi de l'intervention en Afrique du Nord, la grosse partie sur El Alamein, justement, et le bloc sur la campagne de Tunisie, souvent négligée, de même que la retraite de Rommel après El Alamein. Sur les points faibles, les cartes, bien placées au fil du texte et plutôt claires, sont peut-être trop peu nombreuses, problème classique des ouvrages d'histoire militaire malheureusement, que j'ai moi-même connu en tant qu'auteur. On peut peut-être regretter que la dernière partie sur la postérité de l'Afrikakorps soit réduite à la portion congrue : le mythe Rommel est seulement effleuré, et l'historiographie n'est peut-être pas assez développée (à l'étranger et en France) de même que les productions postérieures dans différents domaines, cinéma, BD, littérature, etc. Les annexes fournissent des ordres de bataille pour certaines des opérations traitées. La bibliographie est commentée dans une petite introduction : Benoît Rondeau souligne les ouvrages datés qui ont entretenu ou continuent d'entretenir le mythe. Il est dommage que le même traitement ne soit pas appliqué à l'ensemble de la bibliographie listée ensuite, car sur des hors-série de magazine comme ceux écrits par Yves Buffetaut, ou François de Lannoy, ou les livres écrits par Eric Lefèvre, et même ceux de Mitcham, il y aurait probablement à redire. De la même façon, peut-on aller jusqu'à intégrer en bibliographie des articles de magazines comme ceux de Caraktère, ou pire, ceux d'Yves Buffetaut dans Militaria Magazine ? Je me pose la question, personnellement je ne sais pas si je l'aurais fait. Ces articles ont leur utilité, tout comme les hors-série complets, pour autant, peut-on les citer dans une bibliographie d'ouvrage ? Je pense qu'il faut vraiment choisir au cas par cas, et en argumentant. Je ne m'étais pas posé vraiment la question pour l'ouvrage de Nicolas Bernard, par exemple, mais la bibliographie était dans ce cas pléthorique. L'auteur m'a précisé qu'il avait dû supprimer au moins 80 000 signes, notamment sur la dernière partie, mais aussi sur la nourriture dans le désert, les composantes de la 8th Army, l'armée italienne...  on aurait souhaité peut-être, aussi, une introduction, surtout, et une conclusion un peu plus étoffées. Finalement, des quelques questions posées en introduction, c'est à la première, le mythe de l'Afrikakorps, que Benoît Rondeau répond le moins, faute de place (malgré des pages intéressantes sur les prisonniers de l'Afrikakorps aux Etats-Unis, par exemple). Le mythe de Montgomery est presque plus traité que celui de Rommel dans le récit. Le quotidien est en revanche bien décrit. Plutôt qu'à une histoire militaire ou socio-politique de l'Afrikakorps, c'est à une histoire opérationnelle fouillée et globalement plutôt réussie de la guerre du désert que nous convie l'auteur. En français, il est certain qu'un trou est quand même comblé.

  • Dans la logique républicaine...

    Regardez le visage de ce ministre, il représente ce qu'un système où la liberté n'est plus que celle martelé sur les mairies. Il veut manipuler les plus faibles, les plus petits, bref nos enfants. Et pour en faire quoi, non pas ce qu'il dit, mais des esclaves soumis, des robots aux ordres de la finance, des muets devant la vie scandaleuse d'une ripoublique se vautrant dans les scandales et les tripatouillages de l'argent public. Regardez bien cet homme, c'est le même genre d'homme qui veut enlever les enfants de l'éducation parentale pour en faire demain des outils aux ordre d'un gouvernement antisocial. Durant la révolution, la misère régnait et sur simple dénonciation, le peuple défilait sous le couperet de la guillotine. On enlevait les enfants aux parents pour les former "à la spartiate" selon les vœux de conventionnels dégénérés, avant de les voir mourir par souffrance du froid et de faim. C'est cela les référence de cet homme une période durant laquelle ses héros circulaient devant la misère du peuple avec des pantalons en peau d'homme (les tanneries se trouvaient à Pithiviers, Meudon...), c'était le bon temps pour ce ministre...
    Ce genre d'homme représente en vérité ce qu'une dictature du "prêt à penser" est capable d'amener de pire, sous un regard bonhomme de bourgeois cossu, ce qu'en d'autres temps, on aurait expulsé d'une véritable cité autonome et démocratique...

    Frédéric

    Winkler http://www.actionroyaliste.com/articles/republique-et-democratie/1304-dans-la-logique-republicaine