Communication au XXIVe Colloque du GRECE, Paris, le 24 mars 1991.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers amis et camarades,
Le thème de notre colloque d'aujourd'hui est à la fois intemporel et actuel.
Actuel parce que le monde est toujours, envers et contre les espoirs des utopistes cosmopolites, un pluriversum de nations, et parce que nous replongerons tout à l'heure à pieds joints dans l'actualité internationale, marquée par le conflit, donc par la pluralité antagonistes des valeurs et des faits nationaux.
Intemporel parce que nous abordons des questions que toutes les générations, les unes après les autres, remettent inlassablement sur le tapis. En traitant de la nation et du nationalisme, de l'Empire et de l'impérialisme, nous touchons aux questions essentielles du politique, donc aux questions essentielles de l'être-homme, puisque Aristote déjà définissait l'homme comme un zoon politikon, comme un être ancré dans une polis, dans une cité, dans une nation. Ancrage nécessaire, ancrage incontournable mais ancrage risqué car précisément il accorde tout à la fois profondeur, sens de la durée et équilibre mais provoque aussi l'enfermement, l'auto-satisfaction, l'installation, la stérilité.
Devant le retour en Europe de l'Est et de l'Ouest d'un discours se proclamant nationaliste, il est impératif de comprendre ce double visage que peut prendre le nationalisme, de voir en lui cet avantage et ce risque, cette assurance que procure l'enracinement et ce dérapage qui le fait chavirer dans l'enfermement. Quant à la notion d'empire, elle a désigné au Moyen Âge le Reich centre-européen, sorte d'agence qui apaisait les conflits entre les diverses ethnies et les multiples corps qui le composait ; puis elle a désigné, sous Bonaparte, le militarisme qui tentait d'imposer partout en Europe des modèles constitutionnels marqués par l'individualisme bourgeois, qui méconnaissaient les logiques agrégatrices et communautaires des corps de métier, des « républiques villageoises » et des pays charnels ; ensuite, elle a désigné l'impérialisme marchand et thalassocratique de l'Angleterre, qui visait l'exploitation de colonies par des groupes d'actionnaires, refusant le travail parce que, lecteurs de la Bible, ils voyaient en lui une malédiction divine ; leur aisance, leur oisivité, ils la tiraient des spéculations boursières.
Cette confusion sémantique, qui vaut pour le terme « nation » comme pour le terme «empire», il importe que nous la dissipions. Que nous clarifions le débat. C'est notre tâche car, volontairement, nous parions pour le long terme et nous refusons de descendre directement dans l'arène politicienne qui nous force toujours aux pires compromis. Si nous ne redéfinissons pas nous-mêmes les concepts, si nous ne diffusons pas nos redéfinitions par le biais de nos stratégies éditoriales, personne ne le fera à notre place. Et la confusion qui règne aujourd'hui persistera. Elle persistera dans le chaos et de ce chaos rien de cohérent ne sortira.
Commençons par définir la nation, en nous rappelant ce qu'Aristote nous enseignait à propos du zoon politikon ancré dans sa cité. Le politique, qui est l'activité théorique surplombant toutes les autres activités de l'homme en leur conférant un sens, prend toujours et partout son envol au départ d'un lieu qui est destin. À partir de ce lieu se crée une socialité particulière, étayée par des institutions bien adaptées à ce paysage précis, forcément différentes des institutions en vigueur dans d'autres lieux. Nous avons donc affaire à une socialité institutionnalisée qui procure à sa communauté porteuse autonomie et équilibre, lui assure un fonctionnement optimal et un rayonnement maximal dans son environnement. Le rayonnement élargit l'assise de la socialité, crée le peuple, puis la nation. Mais cette nation, produit d'une évolution partie de l'ethnos originel, se diversifie à outrance au cours de l'évolution historique. En bout de course, nous avons toujours affaire à des nations à dimensions multiples, qui se déploient sur un fond historique soumis à tous les aléas du temps. Toute conception valide de la nation passe par une prise en compte de cette multidimensionalité et de ce devenir. Le peuple est donc une diversité sociologique qu'il faut organiser, notamment par le truchement de l'État.
L'État organise un peuple et le hisse au rang de nation. L'État est projet, plan : il est, vis-à-vis de la concrétude nation, comme l'ébauche de l'architecte par rapport au bâtiment construit, comme la forme par rapport à la matière travaillée. Ce qui implique que l'État n'a pas d'objet s'il n'y a pas, au préalable, la concrétude nation. Toutes les idéologies statolâtriques qui prétendent exclure, amoindrir, juguler, réduire la concrétude, la matière qu'est la nation, sont des sottises théoriques. Le peuple précède l'État mais sans la forme État, il ne devient pas nation, il n'est pas organisé et sombre rapidement dans l'inexistence historique, avant de disparaître de la scène de l'histoire. L'État au service de la concrétude peuple, de la populité génératrice d'institutions spécifiques, n'est pas un concept abstrait mais un concept nécessaire, un concept qui est projet et plan, un projet grâce auquel les élites du peuple affrontent les nécessités vitales. L'État — avec majuscule — organise la totalité du peuple comme l'état — sans majuscule — organise telle ou telle strate de la société et lui confère du sens.
Mais il est des États qui ne sont pas a priori au service du peuple : Dans son célèbre ouvrage sur la définition du peuple (Das eigentliche Volk, 1932), Max Hildebert Boehm nous a parlé des approches monistes du concept État, des approches monistes qui refusent de tenir compte de l'autonomie nécessaires des sphères sociales. Ces États capotent rapidement dans l'abstraction et la coercition stérile parce qu'ils refusent de se ressourcer en permanence dans la socialité populaire, dans la « populité » (Volkheit), de se moduler sur les nécessités rencontrées par les corps sociaux. Cette forme d'État coupée du peuple apparaît vers la fin du Moyen Âge. Elle provoque une rupture catastrophique. L'État se renforce et la socialité se recroqueville. L'État veut se hisser au-dessus du temps et de l'espace. Le projet d'État absolu s'accompagne d'une contestation qui ébauche des utopies, situées généralement sur des îles, elles aussi en dehors du temps et de l'espace. Dès que l'État s'isole de la socialité, il ne l'organise plus, il ne la met plus en forme. Il réprime des autonomies et s'appauvrit du même coup. Quand éclate la révolution, comme en France en 1789, nous n'assistons pas à un retour aux autonomies sociales dynamisantes mais à un simple changement de personnel à la direction de la machine État. Les parvenus remplacent les faisandés au gouvernail du bateau.
C'est à ce moment historique-là, quand la nation concrète a périclité, que nous voyons émerger le nationalisme pervers que nous dénonçons. Le discours des parvenus est nationaliste mais leur but n'est pas la sauvegarde ou la restauration de la nation et de ses autonomies nécessaires, de ses autonomies qui lui permettent de rayonner et de briller de mille feux, de ses autonomies qui ont une dynamique propre qu'aucun décret ne peut régenter sans la meurtrir dangereusement. L'objectif du pouvoir est désormais de faire triompher une idéologie qui refuse de reconnaître les limites spatio-temporelles inhérentes à tout fait de monde, donc à toute nation. Une nation est par définition limitée à un cadre précis. Vouloir agir en dehors de ce cadre est une prétention vouée à l'échec ou génératrice de chaos et d'horreurs, de guerres interminables, de guerre civile universelle.
Les révolutionnaires français se sont servis de la nation française pour faire triompher les préceptes de l'idéologie des Lumières. Ce fut l'échec. Les nationaux-socialistes allemands se sont servis de la nation allemande pour faire triompher l'idéal racial nordiciste, alors que les individus de race nordique sont éparpillés sur l'ensemble de la planète et ne constituent donc pas une concrétude pratique car toute concrétude pratique, organisable, est concentrée sur un espace restreint. Les ultramontains espagnols se sont servis des peuples ibériques pour faire triompher les actions du Vatican sur la planète. Les banquiers britanniques se sont servis des énergies des peuples anglais, écossais, gallois et irlandais pour faire triompher le libre-échangisme et permettre aux boursicotiers de vivre sans travailler et sans agir concrètement en s'abstrayant de toutes les limites propres aux choses de ce monde. Les jésuites polonais ont utilisé les énergies de leur peuple pour faire triompher un messianisme qui servait les desseins de l'Eglise.
Ce dérapage de l'étatisme, puis du nationalisme qui est un étatisme au service d'une abstraction philosophique, d'une philosophade désincarnée, a conduit aux affrontements et aux horreurs de la guerre de Crimée, de la guerre de 1870, de la guerre des Boers, des guerres balkaniques et de la guerre de 1914. Résultat qui condamne les nationalismes qui n'ont pas organisé leur peuple au plein sens du terme et n'ont fait que les mobiliser pour des chimères idéologiques ou des aventures colonialistes. Inversément, cet échec des nationalismes du discours et non de l'action concrète réhabilite les idéaux nationaux qui ont choisi l'auto-centrage, qui ont choisi de peaufiner une socialité adaptée à son cadre spatio-temporel, qui ont privilégié la rentabilisation de ce cadre en refusant le recours facile au lointain qu'était le colonialisme.
Pour sortir de l'impasse où nous ont conduit les folies nationalistes bellogènes, il faut opérer à la fois un retour aux socialités spatio-temporellement déterminées et il faut penser un englobant plus vaste, un conteneur plus spacieux de socialités diverses.
Le Saint-Empire du Moyen Âge a été un conteneur de ce type. En langage moderne, on peut dire qu'il a été, avant son déclin, fédératif et agrégateur, qu'il a empêché que des corps étatiques fermés ne s'installent au cœur de notre continent. La disparition de cette instance politique et sacrée à la suite de la fatale calamité des guerres de religion a provoqué le chaos en Europe, a éclaté l'œkoumène européen médiéval. Sa restauration est donc un postulat de la raison pratique.
À la suite des discours nationalistes fallacieux, il faut réorganiser le système des États européens en évitant justement que les peuples soient mobilisés pour des projets utopiques irréalisables, qu'ils soient isolés du contexte continental pour être mieux préparés par leurs fausses élites aux affrontements avec leurs voisins. Il faut donc réorganiser le continent en ramenant les peuples à leurs justes mesures. Ce retour des limites incontournables doit s'accompagner d'une déconstruction des enfermements stato-nationaux, où les peuples ont été précisément enfermés pour y être éduqués selon les principes de telle ou telle chimère universaliste.
Le retour d'une instance comparable au Saint-Empire mais répondant aux impératifs de notre siècle est un vieux souhait. Constantin Frantz, le célèbre philosophe et politologue allemand du XIXe siècle, parlait d'une «communauté des peuples du couchant», organisée selon un fédéralisme agrégateur, reposant sur des principes diamétralement différent de ceux de la révolution française, destructrice des tissus sociaux concrets par excès de libéralisme économique et de militarisme bonapartiste.
Guillaume de Molinari, économiste français, réclamait à la fin du XIXe siècle la construction d'un « marché commun » incluant l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la France, la Hollande, la Belgique, le Danemark et la Suisse. Il a soumis ses projets aux autorités françaises et à Bismarck. Lujo Brentano envisage à la même époque une union économique entre l'Autriche-Hongrie et les nouveaux États balkaniques. L'industriel autrichien Alexander von Peez, par un projet d'unification organique de l'Europe, entend répondre aux projets américains de construire l'Union panaméricaine, qui évincera l'Europe d'Amérique latine et amorcera un processus d'« américanisation universelle ».
Gustav Schmoller affirme que toute politique économique européenne sainement comprise ne peut en aucun cas s'enliser dans les aventures coloniales, qui dispersent les énergies, mais doit se replier sur sa base continentale et procéder à grande échelle à une « colonisation intérieure ». Jäckh et Rohrbach théorisent enfin un projet de grande envergure : l'organisation économique de l'Europe selon un axe diagonal Mer du Nord/Golfe Persique. L'objectif de la théorie et de la pratique économiques devait être, pour ces deux économistes des vingt premières années de notre siècle, d'organiser cette ligne, partant de l'embouchure du Rhin à Rotterdam pour s'élancer, via le Main et le Danube, vers la Mer Noire et le Bosphore, puis, par chemin de fer, à travers l'Anatolie et la Syrie, la Mésopotamie et le villayat de Bassorah, aboutir au Golfe Persique. Vous le constatez, on retombe à pieds joints dans l'actualité. Mais, ce projet de Jäckh et de Rohrbach, qu'a-t-il à voir avec le thème de notre colloque ? Que nous enseigne-t-il quant au nationalisme ou à l'impérialisme ?
Beaucoup de choses. En élaborant leurs projets d'organisation continentale en zones germanique, balkanique et turque, les puissances centrales de 1914 réévaluaient le rôle de l'État agrégateur et annonçaient, par la voix du philosophe Meinecke, que l'ère des spéculations politiques racisantes était terminée et qu'il convenait désormais de faire la synthèse entre le cosmopolitisme du XVIIIe siècle et le nationalisme du XIXe siècle dans une nouvelle forme d'État qui serait simultanément supranationale et attentive aux ethnies qu'elle englobe. L'Entente, porteuse des idéaux progressistes de l'ère des Lumières, veut, elle, refaire la carte de l'Europe sur base des nationalités, ce qui a fait surgir, après Versailles, une « zone critique » entre les frontières linguistiques allemande et russe.
Nous découvrons là la clef du problème qui nous préoccupe aujourd'hui : les puissances porteuses des idéaux des Lumières sont précisément celles qui ont encouragé l'apparition de petits États nationaux fermés sur eux-mêmes, agressifs et jaloux de leurs prérogatives. Universalisme et petit-nationalisme marchent la main dans la main. Pourquoi ? Parce que l'entité politique impérialiste par excellence, l'Angleterre, a intérêt à fragmenter la diagonale qui s'élance de Rotterdam aux plages du Koweit. En fragmentant cette diagonale, l'Angleterre et les États-Unis de Wilson brisent la synergie grande-continentale européenne et ottomane de Vienne au Bosphore et de la frontière turque aux rives du Golfe Persique.
Or depuis la chute de Ceaucescu en décembre 1989, tout le cours du Danube est libre, déverrouillé. En 1992, les autorités allemandes inaugureront enfin le canal Main-Danube, permettant aux pousseurs d'emmener leurs cargaisons lourdes de Constantza, port roumain de la Mer Noire, à Rotterdam. Un oléoduc suivant le même tracé va permettre d'acheminer du pétrole irakien jusqu'au cœur industriel de la vieille Europe. Voilà les raisons géopolitiques réelles de la guerre déclenchée par Bush en janvier dernier. Car voici ce que se sont très probablement dit les stratèges des hautes sphères de Washington :
« Si l'Europe est reconstituée dans son axe central Rhin-Main-Danube, elle aura très bientôt la possibilité de reprendre pied en Turquie, où la présence américaine s'avèrera de moins en moins nécessaire vu la déliquescence du bloc soviétique et les troubles qui secouent le Caucase ; si l'Europe reprend pied en Turquie, elle reprendra pied en Mésopotamie. Elle organisera l'Irak laïque et bénéficiera de son pétrole. Si l'Irak s'empare du Koweit et le garde, c'est l'Europe qui finira par en tirer profit. La diagonale sera reconstituée non plus seulement de Rotterdam à Constantza mais du Bosphore à Koweit-City. La Turquie, avec l'appui européen, redeviendra avec l'Irak, pôle arabe, la gardienne du bon ordre au Proche-Orient. Les États-Unis, en phase de récession, seront exclus de cette synergie, qui débordera rapidement en URSS, surtout en Ukraine, pays capable de redevenir, avec un petit coup de pouce, un grenier à blé européen auto-suffisant.
Alors, adieu les achats massifs de blé et de céréales aux États-Unis ! Cette synergie débordera jusqu'en Inde et en Indonésie, marchés de 800 millions et de 120 millions d'âmes, pour aboutir en Australie et en Nouvelle-Zélande. Un grand mouvement d'unification eurasienne verrait le jour, faisant du même coup déchoir les États-Unis, en mauvaise posture financière, au rang d'une puissance de second rang, condamnée au déclin. Les États-Unis ne seraient plus un pôle d'attraction pour les cerveaux du monde et on risquerait bien de voir s'effectuer une migration en sens inverse : les Asiatiques d'Amérique, qui sont les meilleurs étudiants d'Outre-Atlantique, retourneraient au Japon ou en Chine ; les Euro-Américains s'en iraient faire carrière en Allemagne ou en Italie du Nord ou en Suède. Comment éviter cela ? En reprenant à notre compte la vieille stratégie britannique de fragmentation de la diagonale ! Et où faut-il la fragmenter à moindres frais ? En Irak, pays affaibli par sa longue guerre contre l'Iran, pays détenteur de réserves pétrolières utiles à l'Europe ».
La stratégie anglo-américaine de 1919, visant la fragmentation des Balkans et du Proche-Orient arabe et projetant la partition de la Turquie en plusieurs lambeaux, et la stratégie de Bush qui entend diviser l'Irak en trois républiques distinctes et antagonistes, sont rigoureusement de même essence. L'universalisme libéral-capitaliste, avatar des Lumières, instrumentalise le petit-nationalisme de fermeture pour arriver à asseoir son hégémonie.
Au seuil du XXe siècle comme au seuil du XXIe, la necessité d'élargir les horizons politiques aux dimensions continentales ont été et demeurent nécessaires. Au début de notre siècle, l'impératif d'élargissement était dicté par l'économie. Il était quantitatif. Aujourd'hui, il est encore dicté par l'économie et par les techniques de communications mais il est dicté aussi par l'écologie, par la nécessité d'un mieux-vivre. Il est donc aussi qualitatif. L'irruption au cours de la dernière décennie des coopérations interrégionales non seulement dans le cadre de la CEE mais entre des États appartenant à des regroupements différents ou régis par des systèmes socio-économiques antagonistes, ont signifié l'obsolescence des frontières stato-nationales actuelles.
Les énergies irradiées à partir de diverses régions débordent le cadre désormais exigu des États-Nations. Les pays riverains de l'Adriatique et ceux qui forment, derrière la belle ville de Trieste, leur hinterland traditionnel, ont organisé de concert les synergies qu'ils suscitent. En effet, l'Italie, au nom de la structure stato-nationale née par la double action de Cavour et de Garibaldi, doit-elle renoncé aux possibles qu'avaient jadis concrétisé l'élan vénitien vers la Méditerranée orientale ? La Sarre, la Lorraine et le Luxembourg coopèrent à l'échelon régional. Demain, l'axe Barcelone-Marseille-Turin-Milan fédèrera les énergies des Catalans, des Languedociens, des Provençaux, des Piémontais et des Lombards, en dépit des derniers nostalgiques qui veulent tout régenter au départ de Madrid, Paris ou Rome. Ces coopérations interrégionales sont inéluctables.
Sur le plan de la politologie, Carl Schmitt nous a expliqué que le Grand Espace, la dimension continentale, allait devenir l'instance qui remplacera l'« ordre concret » établi par l'État depuis Philippe le Bel, Philippe II d'Espagne, François I, Richelieu ou Louis XIV. Ce remplacement est inévitable après les gigantesques mutations de l'ère techno-industrielle. Schmitt constate que l'économie a changé d'échelle et que dans le cadre de l'État, figure politique de la modernité, les explosions synergétiques vers la puissance ou la créativité ne sont plus possibles. Le maintien de l'État, de l'État-Nation replié sur lui-même, vidé de l'intérieur par tout un éventail de tiraillements de nature polycratique, ne permet plus une mobilisation holarchique du peuple qu'il n'administre plus que comme un appareil purement instrumental. Sa décadence et son exigüité appellent une autre dimension, non obsolète celle-là : celle du Grand Espace.
Si le Grand Espace est la seule figure viable de la post-modernité, c'est parce qu'on ne peut plus se contenter de l'horizon régional de la patrie charnelle ou de l'horizon supra-régional de l'État-Nation moderne. L'horizon de l'avenir est continental mais diversifié. Pour pouvoir survivre, le Grand Espace doit être innervé par plusieurs logiques de fonctionnement, pensées simultanément, et être animé par plusieurs stratégies vitales concomitantes. Cette pluralité, qui n'exclut nullement la conflictualité, l'agonalité, est précisément ce que veulent mettre en exergue les différentes écoles de la post-modernité.
Cette post-modernité du Grand Espace, animé par une pluralité de logiques de fonctionnement, condamne du même coup les monologiques du passé moderne, les monologiques de ce passatisme qu'est devenue la modernité. Mais elle condamne aussi la logique homogénéisante de l'impérialisme commercial et gangstériste des États-Unis et la monologique frileuse des gardiens du vieil ordre stato-national.
Pour organiser le Grand Espace, de Rotterdam à Constantza ou le long de toute la diagonale qui traverse l'Europe et le Proche-Orient de la Mer du Nord au Koweit, il faut au moins une double logique. D'abord une logique dont un volet réclame la dévolution, le recentrage des énergies populaires européennes sur des territoires plus réduits, parce que ces territoires ne seront alors plus contraints de ne dialoguer qu'avec une seule capitale mais auront la possibilité de multiplier leurs relations interrégionales. Ensuite une logique qui vise l'addition maximale d'énergies en Europe, sur le pourtour de la Méditerranée et au Proche-Orient.
L'adhésion à la nation, en tant qu'ethnie, demeure possible. Le dépassement de cet horizon restreint aussi, dans des limites élargies, celles du Grand Espace. L'ennemi est désigné : il a deux visages selon les circonstances ; il est tantôt universaliste/mondialiste, tantôt petit-nationaliste. Il est toujours l'ennemi de l'instance que Carl Schmitt appelait de ses vœux.
Que faire ? Eh bien, il faut :
Encourager les logiques de dévolution au sein des États-Nations
Accepter la pluralité des modes d'organisation sociale en Europe et refuser la mise au pas généralisée que veut nous imposer l'Europe de 1993
Recomposer la diagonale brisée par les Américains
Organiser nos sociétés de façons à ce que nos énergies et nos capitaux soient toujours auto-centrés, à quelqu'échelon du territoire que ce soit
Poursuivre la lutte sur le terrain métapolitique en s'attaquant aux logiques de la désincarnation, avatars de l'idéologie des Lumières.
Pour conclure, je lance mon appel traditionnel aux cerveaux hardis et audacieux, à ceux qui se sentent capables de s'arracher aux torpeurs de la soft-idéologie, aux séductions des pensées abstraites qui méconnaissent limites et enracinements. À tous ceux-là, notre mouvement de pensée ne demande qu'une chose : travailler à la diffusion de toutes les idées qui transgressent les enfermements intellectuels, le prêt-à-penser.
Je vous remercie.
► Robert Steuckers, Communication au XXIVe Colloque du GRECE, Paris, le 24 mars 1991.
http://robertsteuckers.blogspot.fr/2014/01/nation-et-nationalisme-empire-et.html
culture et histoire - Page 1654
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Nation et nationalisme, Empire et impérialisme, dévolution et grand espace
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Action Française [Orne] Réunion de rentrée
La nouvelle section de l’Orne organise sa réunion de rentrée, le mercredi 5 février à 20h00, dans les environs de Mamers.
Renseignements et inscriptions : orne@actionfrancaise.net
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Saint Louis, le roi doux et humble de cœur
Nous avons évoqué le mois dernier saint Louis, modèle du roi chrétien. Nous nous attardons sur cette radieuse figure en ce début d'année 2014 où nous aurions tant besoin de suivre son exemple, en espérant que le huitième centenaire de la naissance du saint roi ne passera pas totalement inaperçue dans notre France hystériquement laïque...
La paix dans l’ordre et la justice
Il nous plaît de faire partager notre admiration pour ce souverain rentré tout juste de la croisade en 1254, vaincu mais plus rayonnant que jamais de gloire intérieure et prêt à donner au monde une leçon de paix dans l'ordre et la justice. Ce beau royaume de France qu'il avait si heureusement confié à sa mère Blanche de Castille, tandis qu'il guerroyait et souffrait atrocement sur les terres mêmes où souffrit le Christ, il entendait maintenant l'ériger en un reflet du royaume de Dieu en se consacrant à maintenir la justice entre ses sujets et même avec les hommes des pays voisins. Déjà, de toutes parts, on recourait à lui comme au justicier suprême ; les humbles savaient qu'il les comprenait, les puissants n'osaient plus devant lui s'obstiner dans leurs querelles. Tous, fussent-ils évêques ou ducs opulents, étaient invités à rendre à leurs malentendus de justes proportions à l'aune de la miséricorde divine.
Il alla même jusqu'à donner le plus époustouflant exemple de pardon. Rien à voir avec la moderne repentance qui n'est qu'un moyen de renier sa foi ou sa patrie (souvent les deux ensemble), sous prétexte de se ranger derrière de grands principes désincarnés (Droits de l'Homme notamment)...
Quatre guerres franco-anglaise
Un petit retour en arrière est nécessaire pour comprendre l'audace du geste du saint roi. En fait les rois de France et d'Angleterre semblaient voués à se faire à tout jamais la guerre, depuis que le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, s'emparant de l'île d'outre Manche (1066), était devenu presque aussi puissant que le roi de France, dont il était le vassal, fort peu docile, pour la Normandie. Pour tout compliquer, Henri Plantagenêt, dernier héritier des comtes d'Anjou et du Maine et du duché de Normandie, épousa, en 1152, la trop belle Aliénor d'Aquitaine, à peine le mariage de celle-ci déclaré nul avec Louis VII le Jeune (1137-1180), roi de France. Elle était donc allée porter dans les larges bras du Plantagenêt tout son héritage aquitain (Poitou, Auvergne, Limousin, Périgord, Bordelais, Gascogne). Mais pire : ce prince insatiable, héritant des prétentions de son père Geoffroy, parvint à se faire désigner comme successeur par le vieux roi d'Angleterre, Etienne de Blois. Celui-ci mourut peu après et, le jour de Noël 1154, Henri Plantagenêt, âgé de vingt et un an, allait se faire sacrer roi d'Angleterre à Westminster, sous le nom de Henri II. Et voilà la moitié de la France devenue anglaise !
Situation alors épouvantable pour Louis VII, roi de France, lequel ne semblait au temporel guère capable de faire le poids face à Henri, prince athlétique et sans scrupule. Louis commença par s'appuyer sur le droit féodal : Aliénor, en tant que duchesse d'Aquitaine, et Henri II, en tant que duc de Normandie, étaient vassaux du roi de France. Ils auraient donc dû demander à celui-ci la permission de se marier. Louis VII était en droit de proclamer la confiscation de leurs biens et de soutenir activement les petits seigneurs normands, angevins et aquitains qui refuseraient d'obéir au Plantagenêt ! À un moment Louis fit même cause commune avec Geoffroy, un frère d'Henri II qui se rebellait pour réclamer un fief. Puis, quand Henri II prétendit reprendre à son compte les prétentions des ducs d'Aquitaine sur le comté de Toulouse, Louis VII se rendit en personne dans cette ville auprès de Raymond V qui venait d'épouser sa sœur Constance de France. Henri II renonça à entrer de force dans une ville où séjournait le roi de France ; il avait compris qu'il ne pouvait pas tout se permettre ...
À la cour de France, du pain, du vin, de la gaieté
Ce fut certainement à ce moment-là que Louis VII rencontrant par hasard l'Anglais Walter Map, de passage à Paris, lui dit : « À votre prince il ne manque de rien : chevaux de prix, or et argent, étoffes de soie, pierres précieuses, il a tout en abondance. À la Cour de France nous n'avons que du pain, du vin et de la gaieté ». Une simplicité et une bonne humeur qui annonçaient déjà son arrière-petit-fils saint Louis (Louis IX)...
Louis VII crut alors le moment venu de profiter des difficultés que rencontrait le roi anglais. Les populations d'outre-Manche, ne voyant plus en celui-ci qu'un despote, se plaignaient d'être surchargées d'impôts, tandis que les fils du roi, en grandissant, obéiraient de moins en moins à leur père qui promettait de partager son royaume en dépit du bon sens.
Vers 1158, intervint un essai de pacification. Henri II s'était réconcilié avec son frère Geoffroy en lui cédant le comté de Nantes. Mais Geoffroy mourut presque aussitôt dans un tournoi, ce qui eut pour effet d'agrandir encore le royaume anglo-angevin de la Bretagne !
Pendant ce temps Louis VII qui priait souvent pour Aliénor, son ancienne épouse - car il savait qu'elle n'était pas heureuse avec cette brute épaisse de Plantagenêt qui la trompait à tour de bras - avait dû se résigner à se remarier en 1154 avec Constance de Castille qui ne lui avait donné qu'un fille, Marguerite, née en 1158. Henri II et Aliénor lancèrent alors l’idée de fiancer leur fils, Henri (celui qui allait devenir Henri Court-Mantel), âgé de trois ans, avec la petite Marguerite qui venait de naître et qui apporterait en dot le Vexin et la forteresse de Gisors...
Puis à la mort de Constance de Castille, Louis VII se maria pour la troisième fois, cette fois-ci avec Adèle de Champagne, nièce d'Etienne de Blois qui avait été roi d'Angleterre... Henri II, très mécontent de cette alliance, en profita pour faire tout de suite célébrer le mariage promis des petits Henri (cinq ans) et Marguerite (deux ans), et annexa à l'Angleterre ainsi le Vexin et Gisors.
Thomas Beckett
Or au même instant, Henri II voulut imposer à l'Angleterre des Constitutions qui soumettaient toute la vie ecclésiastique au contrôle du pouvoir politique. L'archevêque de Cantorbery, Thomas Beckett, se rebiffa et dut venir se réfugier en France où Louis VII l'accueillit avec les plus grands honneurs, au moment où le pape Alexandre III, opposé à l'anti-pape Victor IV, se retrouvait sans domicile fixe et ne pouvait guère défendre un fugitif. Ce fut Louis VII et son ami Maurice de Sully, lequel était en train de commencer de bâtir Notre-Dame de Paris, qui aidèrent seuls Thomas dans le besoin. Celui-ci, prêt au martyre pour défendre l'intégrité de la foi, retourna en Angleterre. Et ce fut alors le tragique « meurtre dans la cathédrale » du 29 décembre 1170 à Cantorbery où Thomas tomba près de l'autel sous les coups d'épée de quatre chevaliers amis d'Henri II...
Les choses tournaient plutôt mal pour Henri II, qui possédait toujours l'équivalent de quarante-sept de nos départements : ses fils devenus grands, Henri Court-Mantel, gendre de Louis VII, et Richard Cœur de Lion, se rebellaient et même, un jour, Aliénor échappée en habit d'homme d'une prison où l'avait jetée son second mari, tenta de se mettre sous la protection de son premier ! On le voit : Louis VII, même s'il n'était pas parvenu à en finir par les armes avec Henri II, n'était pas perdant sur toute la ligne...
Naissance de Philippe-Auguste
Il ne baissa nullement les bras. Et sa persévérance fut récompensée puisque, le 21 août 1165, Adèle de Champagne lui donna, enfin !, un fils, Philippe, qu'il attendait depuis vingt-huit ans ! Tous les espoirs étaient permis et Louis pouvait préparer son âme à Dieu. Sûr que Thomas Beckett était un saint, il l'avait prié avec insistance. En 1179, plus ou moins réconcilié avec Henri II, Louis VII retourna sur la tombe de son saint ami : le jeune Philippe, son unique héritier, venait d'être victime d'un accident de chasse et sa vie était menacée ; on devine avec quelle ferveur Louis se recueillit sur cette tombe bénie ! Atteint de paralysie à son retour, il s'empressa de faire sacrer Philippe, alors âgé de quatorze ans et complètement rétabli. Henri II se fit représenter à la cérémonie du sacre le 1er novembre 1179 par son fils Henri Court-Mantel, manière involontaire de rendre hommage à la puissance morale de la France, d'autant plus que Philippe, roi associé, venait de signer avec Henri II le traité de Gisors, mettant fin - du moins l'espérait-on ! - à la série de guerres continuelles entre les deux royaumes.
Quand survint la mort de Louis VII, le 18 septembre 1180, la position de Philippe - lequel allait être appelé Auguste -, seul roi à quinze ans, était plutôt forte. Il entretenait des liens d'amitié avec les fils d'Henri II : Henri Court-Mantel - l'éternel révolté - , Richard Cœur de Lion, - l'héritier du trône anglais - , Jean sans Terre (premier, deuxième et cinquième des enfants d'Henri II) mais sans quitter des yeux les possessions acquises en France par le roi anglais, lequel devait trépasser le 6 juillet 1189, après avoir reconnu Richard comme son héritier. Puis voici Philippe (vingt-cinq ans) et Richard (trente-trois ans) entraînés par le pape Grégoire VIII à la troisième croisade, qui se proposait de reprendre Jérusalem à Saladin.
Richard Cœur de Lion
Dès le début de cette grande aventure la rivalité entre les deux jeunes rois allait s'accuser, et Philippe, en fort mauvaise santé, veuf d'Isabelle de Hainaut depuis mars 1190, dut rentrer précipitamment à Paris dès le 27 décembre 1191. Il lui fallait un nouvelle épouse, car Isabelle lui avait donné un seul garçon, Louis (quatre ans) ; il songea alors à Ingeburge de Danemark, à seule fin d'indisposer les rois anglais, car cette femme descendait des rois ayant régné sur l'Angleterre bien avant la conquête de l'île par Guillaume le Conquérant et il comptait sur les princes danois pour tenter avec eux une invasion de l'Angleterre. Mais, quand il comprit que les Danois ne bougeraient pas, il chercha à se débarrasser d’lngeburge et d'épouser Agnès de Méranie, ce qui lui valut de sévères sanctions de la part de Rome...
Empêtré par ses affaires de mariage, Philippe-Auguste avait tenté de profiter de l'absence d'Angleterre de Richard Cœur de Lion (1), pour négocier avec le frère de celui-ci, Jean Sans Terre, quelques arrangements territoriaux en Normandie. Dès son retour en 1194, Richard riposta vertement. Ces escarmouches aboutirent au traité de Gaillon le 15 janvier 1196 : Richard cédait à Philippe Gisors et le Vexin normand et Philippe lui abandonnait quelques-unes de ses conquêtes normandes ainsi que ses prétentions sur le Berry et l'Auvergne.
Jean Sans Terre
Puis la guerre se transporta en Berry, et jusqu'à la mort de Richard (26 mars 1199), l'on tenta de négocier. Jean sans Terre devenu alors roi d'Angleterre, Philippe eut l'habileté de soutenir les prétentions au trône anglais du jeune Arthur de Bretagne (fils d'un des frères de Jean, Geoffroy II de Bretagne) qui lui rendit hommage pour les possessions françaises des Plantagenêt. Jean Sans Terre fut alors bien obligé de signer le traité du Goulet, entre Vernon et Les Andelys, en mai 1200, qui scella le mariage du jeune Louis de France (futur Louis VIII le Lion) avec Blanche de Cas tille, nièce de Jean Sans Terre. Puis Philippe Auguste remporta d'autres victoires, qui lui rendirent toute la Normandie, ainsi que Poitiers, Loches et Chinon, avant que les deux rois convinssent d'une trêve à Thouars (octobre 1206).
De plus en plus la querelle franco-anglaise allait s'imbriquer dans la grande politique européenne, avec l'arrivée sur le trône impérial germanique d'Otton de Brunswick, neveu de Jean Sans Terre. Philippe Auguste, lui, comptait s'appuyer sur le rival de celui-ci, Frédéric II, fils d'Henri VI, « roi des Romains ». Les hostilités reprirent au début de 1214 entre Jean sans Terre et Philippe Auguste, mais Philippe envoya son fils Louis (futur Louis VIII le Lion) combattre les Anglais vers le sud, où Louis infligea à Jean Sans Terre à La Roche aux Moines le 2 juillet une cruelle déroute, tandis que Philippe Auguste remontait à la rencontre de ses ennemis germaniques qui faisaient cause commune avec les Anglais et fit éclater leur coalition par son triomphe de Bouvines le 27 juillet, dont nous reparlerons dans Écrits de Paris de juillet à l'occasion du huitième centenaire. Rappelons que le 25 avril précédent était né, chez Louis et Blanche de Castille, le futur Louis IX, saint Louis. Le royaume du « Christ qui aime les Francs » allait être comblé de grâces...
Envahir l’Angleterre ?
Après cela Jean Sans Terre mourut d'une indigestion le 19 octobre 1216, peu après que le prince Louis de France eut tenté, mais sans succès, de conquérir le royaume anglais avec l'aide de quelques barons d'outre-Manche hostiles à Jean. Il parvint à entrer solennellement dans Londres, mais les barons, dans leur unanimité, firent aussitôt couronner roi d'Angleterre le fils aîné de Jean Sans Terre et d'Isabelle d'Angoulème, Henri Plantagenêt, âgé de neuf ans, lequel devint Henri III, et Louis dut rebrousser chemin et rentrer en France, pour combattre les Albigeois. (2)
La santé de son père déclinait : Philippe II Auguste mourut le 14 juillet 1223 à Mantes, laissant la France en pleine prospérité et considérablement agrandie ! Louis VIII, sacré le 6 août 1223, n'abandonnait pas son souhait de voir les Anglais quitter intégralement la France. Profitant de la minorité du jeune Henri III, il s'empara des terres d'Aquitaine encore anglaises : les villes du Poitou, de la Saintonge, du Périgord et de l'Angoumois tombèrent comme châteaux de cartes entre 1224 et 1226, mais, au cours de sa campagne contre l'hérésie cathare, son armée couverte de gloire fut frappée de dysenterie et le roi tomba gravement malade. Il mourut à l'abbaye bénédictine de Montpensier en novembre 1226, après un règne de trois années. Le règne de saint Louis allait ainsi commencer plus tôt que prévu...
Déjà, Henri III cherchait à s'immiscer dans les affaires de France en soutenant quelques féodaux révoltés contre l'ordre capétien ; une guerre s'ensuivit mais le nouveau Louis eut bien vite fait, au Pont de Taillebourg sur la Charente en 1242, puis à Saintes la même année, d'infliger une bonne leçon au nouveau Plantagenêt et à ses comparses.
Une décision surprenante
Louis, doux et humble de cœur, ne pouvait supporter cette situation, vieille de plus d'un siècle, reposant sur la méfiance et la haine, où chacun ne songeait qu'à s'emparer si possible du royaume de l'autre. N'oubliant point qu'Henri III et lui-même étaient arrière-petits-fils d'Aliénor d'Aquitaine, il tendit la main à ce cousin belliqueux, en annonçant sa décision de lui rendre le Périgord, le Quercy, et une partie de l'Agenais et de la Saintonge ! Les barons français n'en crurent pas leurs oreilles. La controverse fut vive durant quelques mois. Mais le roi ne se plaçait pas sur le même plan que ses conseillers : en donnant au roi d'Angleterre ce qu'il n'était point tenu de lui donner, il voulait, disait-il, « mettre amour extrême entre mes enfants et les siens qui sont cousins germains » (son épouse Marguerite de Provence était la sœur d"Éléonore de Provence, épouse de Henri III). Mais ne croyons pas qu'agissant ainsi, il eût négligé les considérations politiques : « Il me semble, ajoutait-il, que ce que je lui donne, je l'emploie bien, puisqu'il n'était pas mon homme et qu'il entre en mon hommage. » Le roi d'outre Manche devenait en effet homme lige du roi de France, lequel, en roi chrétien, jouait la carte du pardon et se fondait sur le respect de la parole donnée. Et le "cadeau" était mesuré : Louis IX gardait pour lui la Normandie, l'Anjou, la Touraine, le Maine et le Poitou, et Henri devait consentir à rendre hommage à Louis pour ses anciens territoires récupérés. Il s'agissait donc plus d'une délégation que d'un abandon de souveraineté.
Le temps de la Chrétienté
Ainsi les deux rois signèrent le 28 mai 1258 un traité qui, pour une fois, n'avait pas pour justification l'intérêt mais seulement la charité. Il fut ratifié le 4 décembre 1259, le jour où, dans l'île de la Cité, Henri III « tête nue, sans manteau, ceinture, armes, ni éperons, s'agenouilla devant le roi de France et, mettant sa main dans la sienne, lui jura fidélité (3) » Par la suite Henri III, lui-même harcelé par ses barons, ferait appel à l'arbitrage du roi Louis, « véritable suzerain moral de tous les princes d'Occident (4) » Le cardinal Pie a résumé toute la politique du saint roi par ces mots : « Commander à tout l'univers par la force n'est pas possible, mais commander à tout l'univers par sa vertu, par sa probité ; tenir au milieu des tous les rois le sceptre de la conscience et de la loyauté : voilà la gloire véritable (5) ». Quant à Jacques Bainville, il a expliqué : « La pensée de saint Louis était politique et non mystique. Il portait seulement plus haut que les autres Capétiens la tendance de sa maison qui était de mettre le bon droit de son côté. (6) »
Pour bien comprendre l'attitude de saint Louis dans cette affaire, il faut se rappeler que l'Europe était alors la Chrétienté, que donc tous les hommes parlaient d'un même cœur un langage commun et respectaient les mêmes références. Depuis que Luther a fait éclater au XVIe siècle cette Europe unie, le devoir reste pour chaque nation de renforcer sans cesse ses défenses, ce qui n'est pas un progrès, comme disait Maurras. Aujourd'hui où l'Europe elle-même renie toute référence chrétienne, il serait même criminel de faire un cadeau à l'adversaire. On aura bien remarqué que cet abandon qui était plutôt une délégation de souveraineté consenti par saint Louis, n'a rien de commun avec l'ignoble abandon de l'Algérie à de sauvages terroristes en 1962...
Fils aîné de l’Église
Toujours dans cet esprit de « fils aîné de l'Église », saint Louis prit des mesures pour punir le blasphème et interdire les jeux d'argent. Il s'efforça aussi de luter contre l'usure (prêt à intérêt), c'est ce qui la conduisit à se montrer ferme à l'égard des juifs, allant même jusqu'à saisir leurs biens pour indemniser les victimes de prêts usuraires, leur laissant toutefois l'indispensable et leurs synagogues (7).
En fait, contrairement à ce qui se passait dans d'autres pays d'Europe, jamais il ne toléra de persécutions : dans le juif, il ne rejetait que l'hérétique obstiné à ne pas reconnaître Notre Seigneur Jésus-Christ, et ses duretés n'avaient d'autre visée que d'amener les juifs à la foi chrétienne, pour pouvoir les intégrer à la communauté française. C'est pourquoi il fit brûler vers 1240 des livres talmudiques. Le roi a longtemps refusé de contraindre les juifs au port de la rouelle, que Rome exigeait depuis longtemps, et ce furent les juifs convertis qui furent les plus empressés à lui demander de faire adopter cette mesure. Envers les convertis, il se montrait d'une grande générosité, acceptant parfois d'être lui-même parrain à leur baptême ; de même il faisait recueillir les orphelins juifs qui étaient alors instruits dans la foi chrétienne aux fais du roi.
La VIIIe croisade
Passé la quarantaine, saint Louis, dit Georges Bordonove (8), était « cet homme si doux, ce prince aux yeux de colombe, modestement vêtu mais peigné avec soin, et portant un chapeau en plumes de paon, ce roi au visage angélique très grand, un peu maigre » que les Parisiens vénéraient. Cette âme si parfaitement royale cachait pourtant un grand mystère : il brûlait d'offrir sa vie par amour de Jésus-Christ, dont il voulait défendre l'honneur jusqu'au bout. Depuis son retour, insatisfait, de Palestine en 1254, l'idée de repartir en croisade ne l'avait jamais quitté.
Dès le 25 mars 1267, jour de l'Annonciation, il avait fait part de sa volonté de reprendre la Croix pour soustraire Jérusalem aux mains du sultan mamelouk d’Égypte Baybars. En juin, il avait armé chevalier son fils Philippe, vingt-cinq ans, devenu l'héritier après la mort de son aîné Louis à l'âge de seize ans en 1260. En 1269, le roi avait visité plusieurs régions de son domaine, désireux de tout laisser en ordre. Pour le gouvernement, il eût pu nommer régente son épouse, Marguerite de Provence, mais il la savait trop avide du pouvoir et trop portée à se venger de Charles, duc d'Anjou, roi de Sicile (son double beau-frère), qui avait reçu la Provence par son mariage avec Béatrice de Provence. Il avait donc confié le royaume à Mathieu de Vendôme, abbé de Saint-Denis, et à Simon de Nesle. Toutefois le projet royal était loin de réaliser l'unanimité parmi les chevaliers. Le roi passa outre et annonça que l'on effectuerait un mouvement tournant par Tunis. De là, pensait le roi, on attaquerait l'Egypte par terre et par mer. Puis l'on pourrait aller reprendre Jérusalem. Les dominicains n'avaient-ils pas laissé entendre que le sultan (on disait le "roi") de Tunis était favorable au christianisme ? Tout devait donc bien se dérouler.
La mort d’un saint
Le 14 mars 1270, Louis leva l'oriflamme à saint Denis, puis alla prier pieds nus à la Sainte Chapelle et à Notre-Dame. Il embrassa ses plus jeunes enfants en pleurs : Blanche (dix-sept ans), Marguerite (seize ans), Robert (treize ans), futur fondateur de la maison capétienne des Bourbons, et Agnès (dix ans). En juin, après s'être arrêtée dans chaque basilique, voici, comme vingt-deux ans plus tôt, l'armée à Aiguës-Mortes où les nefs arrivaient lentement. Toutefois l'on appareilla le 2 juillet. Bien vite la tempête fit perdre beaucoup de temps, sans compter les désaccords entre les équipages... Il y eut des morts.
Le 15 juillet, on aperçut Tunis. Chose curieuse : aucun défenseur sur le rivage ! On accosta le 18. Pas un point d'eau sous une canicule effarante ! On s'empara facilement du château de Carthage sous le harcèlement de quelques Tunisiens, mais l'on ne tarda pas à comprendre que les braves dominicains avaient pris leurs saints désirs pour des réalités : le "roi" de Tunis voulait bel et bien la guerre !
Louis se trouvait dans la pire des situations pour l'affronter. Son armée fut vite décimée, gagnée par la peste. L'air devenait irrespirable. Les meilleurs chevaliers moururent. Le roi gisait quand on vint lui apprendre, avec mille précautions, que son fils bien-aimé Jean Tristan, né à Damiette pendant la précédente croisade, fiancé à Yolande de Bourgogne, était déjà mort, à juste vingt ans... Alors Louis, à bout de forces, dicta ses admirables instructions au prince hériter, Philippe.
Sur un lit de cendres
Le dimanche 24 août, se détachant de plus en plus du monde, bien qu'encore soucieux des moyens d'amener le "roi" de Tunis à la foi chrétienne, il se confessa et reçut le saint viatique puis il entra en prières étendu sur un lit de cendres en forme de croix. Il trépassa sereinement le 25 août à trois heures de l'après-midi, l'heure même où avait expiré Notre Seigneur au Golgotha.
Aussitôt Philippe, devenu Philippe III roi de France, reçut l'hommage des barons, tandis que Charles, duc d'Anjou, roi de Sicile, arrivant tardivement avec son armée se suppléait à son neveu trop abasourdi par l'événement. Il infligea une cuisante leçon au "roi" de Tunis qui fut contraint de négocier et de donner toute liberté aux missionnaires chrétiens. Tout n'avait pas été vain dans ce voyage, et Tunis ressentait comme un frisson la victoire morale de Louis dans sa mort.
L'épidémie n'ayant pas régressé, Philippe III ordonna le 11 novembre le rembarquement. Pendant le retour, son épouse Isabelle d'Aragon, mère du futur Philippe IV le Bel, devait mourir d'épuisement, le 28 janvier 1271 en Calabre, enceinte de son cinquième enfant, de même que son oncle, Alphonse, comte de Poitiers, et l'épouse de celui-ci, Jeanne de Toulouse, qui moururent près de Sienne en août 1271.
Louis IX allait être canonisé en 1297 par le pape Boniface VIII. Huit cents ans après sa naissance, nous ne pouvons que nous incliner devant ce monarque exceptionnel qui, à notre France engluée dans le matérialisme, cherchant en vain son unité et la paix civile, vient rappeler que les hommes ne se sont jamais unis dans la laïcité, mais qu'au contraire ils n'ont jamais été plus en harmonie que lorsqu'ils ont connu un point d'accord entre les lois de la cité temporelle et celles de la Cité de Dieu. Comme le dit le duc de Lévis-Mirepoix (9), nous ne le quitterons pas « sans le considérer dans son charme mystique, dans cette grâce aérienne de son âme, dans cette fraîcheur que son nom évoque, dans cette vision qu'il représente du printemps de la France... »
Michel FROMENTOUX. Écrits de Paris Janvier 2014
1) Régine Pernoud : Richard Cœur de Lion. Fayard, 1988
2) Voir notre article dans le dernier Écrits de Paris
3) Paul Guth : Saint Louis, un roi au pieds du pauvre. SOS, 1970
4) Guillain de Bénouville : Saint Louis ou le printemps de la France. Robert Laffont 1970
5) Cardinal Pie : Panégyrique de saint Louis. Publié par Lecture et Tradition, mars 1970
6) Jacques Bainville : Histoire de France. Fayard, 1959
7) Georges Bordonove : Saint Louis. Pygmalion, 1984.
8) Georges Bordonove : Saint Louis. Pygmalion, 1984
9) Duc de Lévis Mirepoix : Le roi n'est mort qu'une fois. Perrin, 1965 -
Le mensonge de Vincent Peillon sur l'enseignement de la théorie du genre
Inquiet de l'écho reçu par l'initiative de Farida Belghoul invitant les parents à retirer leurs enfants de l'école un jour par mois pour protester contre l'enseignement de la théorie du genre, Vincent Peillon a lancé aujourd'hui une contre-offensive médiatique, pour stopper ce qu'il appelle une "rumeur mensongère".
L'Observatoire de la théorie du genre réplique :
"On ne peut que constater que Najat Vallaud Belkacem, ministre déléguée aux droits des femmes, Christiane Taubira, ministre de la justice et Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale, ont commandé des études et des rapports à des « militants » qui s’inspirent des théoriciens les plus radicaux de la théorie du genre.
Dans la diffusion de cette « théorie », l’Education nationale joue un rôle moteur avec plusieurs dispositifs, comme :
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Le dispositif « ABCD égalité » qui de façon insidieuse s’inspire des théories de « l’éducation neutre » telle qu’elle se pratique en Suède.
- L’expérimentation, soutenue par Najat Vallaud Belkacem, de crèches neutres s’inspirant de la crèche Egalia à Stockolhm.
- La généralisation de l’éducation sexuelle à l’école pour tous les élèves à partir de 6 ans. Le ministère allant jusqu’à recommander la participation en classe d’intervenants issus d’associations clairement militantes.
- La promotion faite par Vincent Peillon, dans une circulaire adressée à l’ensemble des recteurs le 4 janvier dernier, de l’association « Ligne Azur » qui intervient auprès des enfants notamment sur la question de l’identité sexuelle et l’identité de genre en affirmant sur ses supports pédagogiques : « que l’identité de genre c’est le sentiment d’être un homme ou une femme. Pour certains, le sexe biologique coïncide avec ce ressenti ». Sic !
- La diffusion dans le cadre du programme « Ecole et cinéma » du film militant « TOMBOY », où l’on invite des enfants de CE2, CM1, CM2 à s’identifier à une petite fille qui se fait passer pour un petit garçons.
- Les recommandations du principal syndicat d’enseignants du primaire d’utiliser en classe des livres "non-genrés" comme "Papa porte une robe".
Voilà quelques uns des motifs pour lesquels, les parents ont des raisons de s’inquiéter.
Le ministère semble d’ailleurs loin d’être à l’aise sur cette question puisqu’il entretient le plus grand secret sur ces dispositifs. Il refuse, par exemple, de communiquer la liste des établissements expérimentant le programme « ABCD égalité » ; il exclut les parents des évaluations de ce dispositif et dans certaines académies, il interdit aux enseignants et aux directeurs d’établissement de répondre aux légitimes questions des parents, les renvoyant vers les inspecteurs académiques."
Deux moyens d'action :
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Continuer de signer la pétition de l'Observatoire de la théorie du genre demandant la fin du programme ABCD de l'égalité.
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Vous joindre à l'initiative de Farida Belghoul en retirant votre enfant de l'école un jour par mois Tous les renseignements sur ce site ou sur Facebook. En Ile de France, dans le département de l'Oise, à Vernon, ainsi qu'à Metz, à Nancy et à Nantes la journée de retrait est prévue le lundi 27 janvier.
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Des bombes contre la société industrielle
L’aventure révolutionnaire et criminelle du mathématicien Theodore (ou Ted) Kaczynski est un cas unique dans l’histoire récente, c’est-à-dire depuis les briseurs de machine d’avant le XXe siècle. Le sujet visé par la violence d’Unabomber n’est autre que la technologie contemporaine et ses zélateurs.
Référencé comme Unabom par le FBI, puis surnommé Unabomber, Ted Kaczynski a défrayé la chronique du terrorisme américain de 1978 à 1996. Ses thèses sont issues des réflexions d’auteurs tels Jacques Ellul ou Hanna Arendt, mais radicalisées à l’extrême. Très critique envers les mouvements politiques de la gauche traditionnelle (on pense au PS/EELV aujourd’hui), qu’il trouve totalement englués dans l’idéologie de la société industrielle, il veut en finir avec le soi-disant progrès technologique qui détruit la liberté humaine et conduit nécessairement à la catastrophe. Il faut donc, affirme-t-il, que la société moderne s’effondre avant le désastre ultime. Emporté par sa folle haine de la société industrielle, il choisit une lutte solitaire qu’il décrivait comme révolutionnaire. N’hésitant pas à utiliser des moyens brutaux, essentiellement les colis piégés qui firent trois morts et vingt-trois blessés. Toutefois il tentait toujours de légitimer ses actions dans des manifestes très violents en paroles. Ainsi écrit-il : « Si l’on considère la stratégie révolutionnaire... l’objectif unique et crucial demeure l’élimination de la technologie moderne et rien ne doit l’entraver. »
Dans l’ouvrage écrit en prison L’effondrement du système technologique, il insiste sur la fragilité des systèmes techniques compliqués et il nie le fait, sans cesse rabâché par les manuels scolaires et les médias, que le progrès technique doive être considéré comme irréversible. Unabomber rappelle que les Romains n’ont laissé que des traces de leurs technologies, aqueducs, routes, égouts, chauffage, et autres prodiges de leurs fascinants ingénieurs (je rappelle à titre d’illustration de son propos que les aqueducs pouvaient courir sur plus d’une centaine de kilomètres en gardant une pente de 1 mm par mètre et en arrivant au point visé au milieu de la ville). Leurs connaissances après l’effondrement, au Ve siècle avant J.C., n’ont plus servi à rien et ce n’est que 500 ou 600 ans plus tard que l’on est reparti sur d’autres bases techniques, par exemple les moulins à eau au Moyen Age, avant de quitter cette voie pour la machine à vapeur et la technologie du feu.
Cloisonner la technique
Unabomber défend aussi une hypothèse très intéressante en opposant ce qu’il nomme la technologie systémique et la technologie cloisonnée. Je préfère appeler la première « macro-système technique » car la notion « systémique » est un fourre-tout idéologique. L’important reste de comprendre ce que veut dire Kaczynski : les artefacts modernes sont dépendants d’un ensemble de conditions de production qui sont très éloignées de l’objet lui-même. Ce dernier est au centre d’un flux de produits qui viennent du monde entier, et d’usines qui détiennent chacune pour soi une partie du savoir et de la matière première. Unabomber donne l’exemple simple du réfrigérateur qui est branché pour fonctionner sur un ensemble industriel complexe et une source d’énergie éloignée, barrage ou centrale thermique et nucléaire. Si le système techno-industriel s’effondrait, il n’y aurait plus de réfrigération (on pourrait aussi se demander « que deviendrait l’ordinateur ? »...). Ted Kaczynski nous explique à propos du réfrigérateur qu’il était beaucoup plus simple de construire une chambre froide par l’isolation, ou de conserver les aliments autrement.
Il oppose donc à ce macro-système industriel « la technologie cloisonnée » selon ses termes, qui représente une manière simple et efficace de produire des objets utiles. Par exemple, après l’effondrement de l’Empire romain, le talent du forgeron ne fut pas perdu, il était facile de garder la compétence sur ce plan, de même pour la roue hydraulique à la base du renouveau médiéval. Et la liberté de chacun était ainsi préservée.
Unabomber souligne dans son ouvrage que la « big technology », comme la nomme les anglo-saxons, se voit incapable de se réformer d’elle-même car elle est entraînée par la soif de puissance. [...] les catastrophes industrielles ne sont pas l’occasion d’une remise en cause du système technique, au contraire car plus est dramatique l’événement, plus la récupération par la même technologie sera mise en valeur et les dégâts même gigantesques seront oubliés. Fukushima en est l’exemple récent le plus tragique : il accompagne le renouveau du nucléaire ! Mais va aussi dans ce sens la décision d’Obama d’autoriser les forages en eau profonde dans l’Alaska : BP a pu colmater son puits dans le Golfe du Mexique, donc la situation a finalement été maîtrisée et la technoscience a démontré son efficacité. Il en sera de même demain pour les boues rouges de Hongrie, les sables bitumeux, le gaz de schiste, et toutes les autres folies prédatrices et excavatrices qui nous attendent. Unabomber, bien avant d’autres critiques du progrès technique, nous avait avertis qu’il risquait d’en être ainsi pour toutes les autres calamités à venir, si nous ne prenions pas le problème à sa source : la question existentielle de la technique. Le mouvement de la décroissance ne peut pas se désintéresser de cet aspect technopolitique de l’avenir tel qu’il est conçu par les multinationales.La Décroissance N°105
http://www.oragesdacier.info/2014/01/des-bombes-contre-la-societe.html
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CIVITAS soutient Farida Belghoul et dénonce les mensonges de Vincent Peillon concernant la théorie du genre
Vincent Peillon est un fameux menteur !Ce mardi 28 janvier, les médias s’empressent de relayer les déclarations de Vincent Peillon selon lesquelles la théorie du genre ne serait pas enseignée à l’école. Il s’agirait simplement d’une « éducation à l’égalité fille-garçon » prétend le ministre de l’Education nationale.
Pourquoi cette agitation ? Parce que, grâce notamment à Farida Belghoul, de nombreux parents ont été alarmés à propos de l’idéologie contre-nature et perverse qui s’enseigne dès l’école maternelle sous couvert d’égalité et de « lutte contre l’homophobie ».
Ce n’est pas la première fois que Vincent Peillon cherche à tromper les parents à ce sujet.
Le 29 mai 2013, sous le feu des critiques au cours d’un Talk Orange – Le Figaro, Vincent Peillon finit par lâcher : « Nous sommes pour l’égalité fille – garçon, pas pour la théorie du genre ». Ensuite, le 3 septembre 2013, sur France Inter, le même Peillon déclare tout simplement « la théorie du genre n’existe pas ». Même son de cloche de la part de Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement et ministre de l’Egalité : « La théorie du genre n’existe pas ! » ose-t-elle marteler devant les caméras. Moment de déni filmé et assumé le 9 juin 2013 sur le site www.najat-vallaud-belkacem.com .
Or, ce sont précisément ces deux ministres qui sont en charge de mettre en place la théorie du genre dès l’école maternelle.
Depuis la rentrée scolaire de septembre 2013, dans le cadre des « ABCD de l’égalité », 500 écoles de dix académies servent déjà de lieux « d’expérimentation » d’une idéologie du genre qui s’adresse à plusieurs milliers d’élèves de la grande section de maternelle au CM2, ainsi qu’à leurs professeurs. Selon les mots du ministre Najat Vallaud-Belkacem, l’objectif est de déconstruire les « stéréotypes de genre » et de forcer la nouvelle génération à s’interroger sur son « orientation sexuelle » ainsi que sur son « identité sexuelle ».
De son côté, le SNUipp-FSU, principal syndicat enseignant, a publié un dossier intitulé « Eduquer contre l’homophobie dès l’école primaire » préfacé par Michel Teychenné, chargé de mission de Vincent Peillon, ministre de l’Education nationale. Ce dossier préconise aux enseignants en CE1 de consacrer chaque semaine un temps à un programme intitulé « Se construire comme fille ou garçon » tandis qu’en CM1 CM2 les enseignants organiseront une réflexion autour de : « tu te décides entre fille et garçon ».
Dans ce cadre, les lectures pédagogiques proposées s’intitulent notamment « J’ai deux papas qui s’aiment », « Papa porte une robe » ou encore « L’histoire du petit garçon qui était une petite fille ».
CIVITAS soutient Mme Farida Belghoul dans sa démarche courageuse de résistance.
CIVITAS a lancé hier, 27 janvier, une pétition http://ecole-libre.com au sujet du totalitarisme qui se met en place en matière d’éducation et d’instruction.
CIVITAS organise également des conférences à travers toute la France pour dénoncer la théorie du genre.
Parents, grands-parents, futurs parents, refusons que nos enfants soient pervertis par des idéologues voulant imposer la théorie du genre.
Alain Escada,
président de Civitas et auteur du livre Théorie du genre – L’idéologie qui voulait détruire la Création et libérer toutes les perversions humaines (publié aux éditions Civitas)
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Maintenons l’unité de la France : refusons la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires !
Entrée en vigueur le 1er mars 1998, la Charte européenne des langues régionales et minoritaires est une initiative du Conseil de l’Europe.
Aujourd’hui, mardi 28 janvier, l’Assemblée se prononce, par scrutin public, sur la proposition de loi constitutionnelle visant à ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.
Elaborée à partir d’un texte proposé par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe, la charte a été adoptée par le Comité des ministres du Conseil le 25 juin 1992.
L’objectif de la Charte est essentiellement d’ordre culturel : elle vise à protéger et à promouvoir les langues régionales ou minoritaires en tant "qu’aspect menacé du patrimoine culturel européen" et à favoriser leur "emploi dans la vie publique et privée". Par la ratification, les Parties s’engagent à respecter toutes les langues régionales ou minoritaires existant sur leur territoire.
Lionel Jospin, alors Premier ministre de la troisième cohabitation, a signé la Charte en 1999, mais le Conseil constitutionnel a rendu un avis défavorable, arguant que la Charte comporte des dispositions susceptibles de remettre en cause les principes d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français. De ce fait, la France n’a, à ce jour, toujours pas procédé à la ratification.
Nicolas Sarkozy, qui flattait les mêmes revendications, les avait lui aussi déçues en se gardant bien de ratifier la Charte, se contentant, lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, d’introduire dans la Constitution l’article 75-1 disposant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».
Car le principal objectif — très concret — de ces revendications minoritaires est de faire reconnaître constitutionnellement que les particuliers peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les institutions, les services et les administrations, d’un droit à l’usage d’une autre langue que le français. Ce que permettrait la ratification de la Charte qui oblige l’État signataire « à reconnaître un droit à pratiquer une langue autre que le français non seulement dans la vie privée, mais également dans la vie publique ». Procès, mariages, permis de conduire et de construire, déclaration d’impôts, dossier de chômage, etc. : tous les actes et démarches de la vie publique devraient alors pouvoir se faire dans la langue de son choix. Ce qui implique que l’administration soit en mesure d’y répondre en se « bilinguisant », des formulaires aux guichets.
L’enjeu véritable n’est en réalité pas tant de sauver ou de défendre la dignité de langues régionales qui, pour beaucoup, sont des dialectes locaux unifiés ou recréés artificiellement, et guère plus parlés, que de garantir nombre d’emplois publics à leurs rares locuteurs et ainsi de créer pour nombre d’enragés anti-français des rentes de fonctionnaires payés par l’État jacobin… Le gouvernement Ayrault avait estimé dans un premier temps, en enterrant la promesse n°56 du candidat François Hollande, que ceux-là ne seraient guère productifs et que leur coût financier n’était pas opportun en ces temps de rigueur… . Il a peut-être changé d’avis. S’agirait-il désormais de donner un os à ronger aux Bonnets rouges bretons ou de satisfaire les revendications communautaristes qui sont le fil rouge des rapports commandés par ce même gouvernement sur l’ « inclusion sociale » des immigrés ...dont l’adoption des préconisations conduirait à désintégrer la France ? Il convient en tout cas de s’opposer à cette mesure voulue par une Europe qui ne cherche qu’à dissoudre les nations historiques, à l’exception notable de cinq nations germaniques du nord de l’Europe continentale.
Les associations de promotion du français, pour leur part, favorables au respect et même à l’appui public dus au riche patrimoine linguistique de la France, se sont opposées à ce que les régionales et minoritaires aient, sur tout ou partie du territoire français, un quelconque statut de langues officielles et à ce qu’elles y deviennent principales langues d’enseignement au détriment de la langue du Royaume, de la République, de l’unité de la Nation.
Albert Salon, docteur d’Etat ès lettres, ancien ambassadeur - L’AF 2878
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Maintenons-l-unite-de-la-France
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Conférence à Paris avec Laurent Glauzy
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La philosophie anglo-saxonne
On distingue habituellement la philosophie continentale (essentiellement allemande ou française) et la philosophie anglo-saxonne. Cette dernière aborde quelques thèmes récurrents : la connaissance, thème certes traditionnel mais vue sous l'angle de l'empirisme et non celui du rationalisme ou de l'idéalisme. La philosophie morale et politique est essentiellement celle de l'utilitarisme (le bonheur du plus grand nombre).
Ces thèmes furent ceux des philosophes anglais du XVIIIème siècle mais la philosophie politique anglo-saxonne s'est prolongée avec des contemporains comme Charles Peirce, John Rawls, Nozick,...
La philosophie analytique qui est une étude du langage et de la logique, même si elle fut à ses débuts initiée dans le cadre de la culture allemande (Frege, Wittgenstein, ...), devint anglo-saxonne. Les autres thèmes de cette dernière furent le pragmatisme, la philosophie des sciences et la philosophie de l'esprit.
Si la « continentale » est plus métaphysique ou ontologique, avec une tendance totalitaire pour certains, ces deux courants ont établi des passerelles et l'opposition devient moins tranchée. Le langage est aussi un thème d'étude dans la philosophie continentale. Si au sens le plus large la philosophie consiste à penser, clarifier ses idées selon Wittgenstein, la philosophie anglo-saxonne est une bonne propédeutique.
L'empirisme anglais
L'empirisme consiste à fonder la connaissance sur l'expérience. Les trois philosophes anglais qui illustrent ce courant sont Locke, Berkeley et Hume. Hobbes est encore imprégné du cartésianisme, c'est-à-dire de rationalisme.
John Locke
Sa philosophie politique en fait un représentant des Lumières puisque ce courant fut européen, même si la France en fut le centre. Mais il fut aussi un philosophe de la connaissance. Les idées proviennent de l'expérience. Il n'y a donc pas d'innéisme comme chez Descartes. On a donc une « white paper» (tabula rasa). L'expérience a deux voies distinctes : la sensation et la réflexion. « D'où l'âme tire-t-elle tous ces matériaux qui sont comme le fond de tous ses raisonnements et de toutes ses connaissances ? A cela je réponds en un mot, de l'Expérience : c'est le fondement de toutes nos connaissances, et c'est de là qu'elles tirent leur première origine. »
La connaissance première se trouverait donc en dehors de toute métaphysique.
Berkeley
L'évêque irlandais, féru de philosophie, a fondé sa doctrine qui est à la fois un idéalisme, un immatérialisme et basée sur la certitude sensible, ce qui l'oppose frontalement à Platon. Le philosophe défend aussi le nominalisme.
La thèse fondamentale est quand même celle de relier l'être à la perception : « esse est percipi aut percipere » (Être, c'est être perçu). Le monde est la pensée de Dieu selon l'évêque.
« Tout ce que nous voyons, sentons, entendons ... demeure aussi assuré que jamais et aussi réel que jamais. Il y a une rerum natura. »
« Il y a folie des hommes à mépriser les sens. Sans eux, l'esprit ne pourrait ne connaître, ni penser. »
Berkeley démystifie l'utilisation des mathématiques prônée par Galilée. Elles ne sont qu'outil commode et n'expliquant pas le monde. En tout cas, nos sens nous permettent de retrouver le Livre de Dieu.
Hume
Le philosophe écossais est aussi un empiriste. La connaissance vient donc de l'expérience par les perceptions qui se divisent en deux catégories : les « impressions » et les « idées ».
« Les impressions sont toutes nos plus vives perceptions quand nous entendons, voyons, touchons, aimons, haïssons, désirons ou voulons ». Les idées sont des « copies » d'impression.
Hume contestera le fameux principe de causalité qui sous-tend la Science. Il n'y verra qu'une habitude de pensée.
« L'expérience est un principe qui m'instruit sur les diverses conjonctions des objets dans le passé. L'habitude est un autre principe qui me détermine à attendre le même dans l'avenir ; les deux s'unissent pour agir sur l'imagination et ils me font former certaines idées d'une manière plus intense et plus vive que d'autres ».
La philosophie politique
La philosophie politique anglo-saxonne se différencie de la continentale, surtout allemande, par la méfiance envers la métaphysique et la spéculation théorique. Mais il ne faut pas trop simplifier car il y a toujours des soubassements métaphysiques à toute pensée. De plus, si la philosophie politique anglo-saxonne est surtout empirique et utilitariste, il existe des penseurs comme Hobbes chez qui subsiste un certain rationalisme. Certains comme Hume et Burke valorisent la tradition et l'Histoire, ce qui rappelle bien sûr la philosophie de l'Histoire allemande.
Mais la philosophie politique de ce courant la plus influente est la philosophie contemporaine avec des auteurs comme John Rawls et Ronald Dworkin qui composeront en partie de ce qu'on appellera le politiquement correct et fonderont un néolibéralisme social.
Thomas Hobbes
Comme nous l'avons dit, Hobbes est proche du rationalisme sur le plan de la théorie de la connaissance.
« La philosophie est la connaissance acquise par un raisonnement correct (per rectam ratiocinationem) des effets ou phénomènes d'après les causes ou les générations que l'on conçoit et, inversement de leurs générations possibles d'après les effets connus ».
Sur le plan politique, Hobbes a une conception pessimiste de la nature humaine « Homo, homini lupus » (l'homme est un loup pour l'homme). L'état de nature est un état de guerre.
On est loin de Rousseau. En revanche, on retrouve chez le philosophe l'idée de contrat fondé sur la volonté de préservation. L'homme quittant la nature devient le citoyen d'un état. Le droit de nature est confié à un souverain. L'État est donc une construction. Hobbes s'oppose donc à Aristote. L'homme n'est pas un animal social par nature.
John Locke
Le philosophe anglais peut être considéré comme appartenant aux Lumières. À la différence de Hobbes, les hommes dans leur état naturel sont libres, égaux et indépendants. Les passions peuvent créer un état de conflit. Les hommes doivent donc quitter l'état de nature pour vivre en société.
Toutes les idées de Locke influenceront les régimes politiques anglais, américains, et français, entre autres la séparation du pouvoir législatif et l'exécutif.
« C'est pourquoi la plus grande et la principale fin que se proposent les hommes lorsqu'ils s'unissent en communauté et se soumettent à un gouvernement, c'est de conserver leurs propriétés, pour la conservation desquelles bien des choses manquent dans l'état de nature »
Les propriétés chez Locke sont la préservation des vies, libertés et biens.
Hume
Le philosophe écossais, pur empiriste, sera sur le plan politique opposé à Locke. Il récuse la notion de contrat primitif. Sa critique du principe de causalité est devenue célèbre. Il fut aussi très critique vis-à-vis de la religion. L'origine de la religion réside selon lui dans la crainte et l'espoir.
L'homme voit dans la nature des puissances supérieures et les divinise. C'est le fondement du polythéisme. On retrouve dans toutes ses critiques Feuerbach, certes postérieur. Le passage au monothéisme s'explique par la valorisation d'une divinité particulière. Le monothéisme s'accompagne d'intolérance.
Hume se démarque des Lumières puisqu'il refuse l'universalisme synonyme d'abstraction et d'irréalisme. Chaque peuple a sa physionomie. Cette vision le rattache à la philosophie allemande. Chaque nation a un caractère propre.
Burke
La philosophie anglaise a sa diversité puisque Edmond Burke peut se rattacher aux Anti-Lumières. Il critique l'idée du contrat social de Rousseau. Il défend de façon très allemande l'idée de communauté : « (le contrat) forme une association non seulement entre les vivants, mais entre les vivants et les morts et tous ceux qui vont naître ».
Le contrat social moderne n'est qu'une construction mécanique privée d'âme.
Burke s'attaquera au rationalisme de la révolution française en défendant la tradition, la hiérarchie, l'Histoire, l'idée du peuple... Il critiquera bien sûr les droits de l'homme qui ne sont que la construction d'un homme abstrait, sans historicité, sans lien charnel. Les droits de l'homme ne sont que la consécration de l'individu-atome. Burke verra dans la révolution française la pire catastrophe de son époque puisqu'elle détruit l'Ancien Régime établi par l'Histoire. De plus, la révolution s'attaquant à la hiérarchie et à la religion, cela ne pouvait que révulser ce grand conservateur.
L'utilitarisme
L'idée d'utilité est un concept économique que l'on retrouvera dans la théorie néoclassique de façon même très mathématisée. Mais cela a été avant tout un critère de la vie morale et sociale. Bentham définira la doctrine de l'utilitarisme comme celle qui permet « le plus grand bonheur au plus grand nombre ».
Le principe d'utilité consiste à calculer ce qui procure le plus grand plaisir.
« La nature a placé l'homme sous le gouvernement de deux souverains maîtres, le plaisir et la douleur. Le principe d'utilité reconnaît cette sujétion et la suppose comme fondement du système qui a pour objet d'ériger, avec le secours de la raison et de la loi, l'édifice de la félicité ».
Bentham critiquera donc sévèrement les doctrines ascétiques, qu'elles viennent des philosophies stoïciennes ou des religions.
La philosophie politique américaine contemporaine
Il y a eu un foisonnement de la philosophie politique anglo-saxonne mais certains penseurs ont eu une influence très importante comme John Rawls qui a introduit la notion de justice dans le libéralisme qui se souciait surtout de la liberté.
Le philosophe américain est pour un libéralisme redistributif, ce qui l'oppose par exemple à Nozick, défenseur d'un libéralisme « dur ».
Rawls se préoccupe des plus désavantagés. Il peut être considéré comme le fondateur d'un libéralisme de gauche qui veut concilier justice et liberté. Il est un des maîtres-penseurs de ce qu'on appellera parfois avec mépris le politiquement correct. Une de ses idées est le « voile d'ignorance ». Le législateur doit établir des règles les moins défavorables aux plus désavantagés en faisant fi lui-même de sa position sociale. Le philosophe défendra l'égalité des chances. L'égalité des chances est nécessaire à une société juste. De plus, les inégalités sont justifiées si elles permettent d'améliorer la situation des plus désavantagés. On peut dire de Rawls qu'il a voulu construire un libéralisme humaniste. Philosophiquement il se distingue de l'utilitarisme « brut » et de la main invisible d'Adam Smith. La mondialisation et son cynisme effroyable ne s'inspirent guère de ses idées.
Conclusion
Nous n'avons pas pu passer en revue tous les thèmes abordés par la philosophie anglo-saxonne comme le pragmatisme dont William James disait : « Un nouveau nom pour d'anciennes manières de penser », la philosophie de l'esprit ou l'intelligence artificielle. La philosophie anglo-saxonne aborde des thèmes plus précis à la différence de l'allemande plus grandiose avec son idée de système. Elle est donc plus modeste, ayant une méfiance pour la métaphysique et la théorisation, mais sa philosophie politique influe sur la conception de la démocratie actuelle. En France existent des spécialistes de cette philosophie qui dépasse largement le monde anglophone.
Patrice GROS-SUAUDEAU -
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