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culture et histoire - Page 702

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (31)

    Aujourd'hui : 33. 1948 : Comment s'est faite la Restauration de 1814

    1948 : Comment s'est faite la Restauration de 1814

    Cette très courte plaquette (47 pages et 8 chapitres) fut publiée en 1948, plus de douze ans après la mort de Bainville. 
    Apprendre et savoir, en vérité, "Comment s'est faite la restauration de 1814" est l'occasion de rendre justice à des personnes méconnues, à la masse des royalistes de base, à Paris surtout, mais aussi dans toute la France : Bainville explique, par exemple, comment la proclamation spontanée de la royauté à Bordeaux impressionna fortement les quatre souverains étrangers qui venaient d'entrer dans Paris.
    Or, ces souverains, on l'a oublié aujourd'hui, ne se souciaient absolument pas de restaurer une monarchie française bourbonienne qu'ils détestaient. 
    Leurs préférences allaient du démembrement de la France (pour ceux qui nous haïssaient le plus : Anglais et Prussiens) à un vague désir de République (pour les Russes, le Tsar étant assez hésitant sur le sujet...) voire à une entente avec... Napoléon (pour les Autrichiens) ! Napoléon avait en effet épousé une princesse autrichienne, comme Louis XVI, lui, l'héritier de la Révolution !...
    Si la Restauration a donc pu avoir lieu - malgré l'intermède criminel des Cent Jours - c'est parce que la masse obscure des royalistes, dans toute la France, aussi bien qu'à Paris, a agi pour qu'il en soit ainsi. 
    C'est bien ce que démontre Jacques Bainville dans ce petit opuscule - qu'il appelle "étude" - et dont on va lire deux courts extraits, "Comment s'est faite la Restauration de 1814."1. "Ces royalistes, il importe de bien s'entendre, n'étaient pas du tout des "agents des princes". C'étaient de simples citoyens français, convaincus de la nécessité de rétablir la royauté pour sauver la France du désastre complet, du partage à la polonaise qui la menaçaient. 
    C'étaient même des femmes à l'esprit cultivé, au lucide patriotisme comme cette Aimée de Coigny, la "Mademoiselle Monk" dont Maurras a conté l'aventure dans son livre "L'Avenir de l'Intelligence". 
    Vitrolles (voir le document suivant, ndlr) fut le type de ces patriotes français qui se mirent en campagne pour faire prévaloir l'unique solution nationale, l'unique solution raisonnable qui était la solution royale. 
    Sans lui et sans les hommes de sa trempe, la France de 1814 aurait eu un de ces gouvernements que l'étranger amenait, et pour de bon, dans ses fourgons : cette régence de Marie-Louise sous la tutelle autrichienne qu'acceptait Napoléon dans sa conversation avec Wessenberg, le règne de Bernadotte ou d'Eugène de Beauharnais, candidats qui souriaient à plusieurs des Alliés, la République même, à laquelle pensait le Tsar, alléché par les souvenirs de la Pologne, - exactement comme Bismarck devait y penser soixante ans plus tard...."
    Bainville explique ensuite comment Vitrolles dut procéder pour arriver à ses fins. 
    Il lui fallut d'abord convaincre Talleyrand, et l'amener à admettre la solution royale. 
    Et aussi - malgré ses répugnances bien compréhensibles... - Fouché.
    Ainsi appuyé par ces deux dignitaires qui rendaient crédibles sa proposition aux yeux des Alliés, et s'appuyant sur l'intense travail des royalistes sur le terrain, dans toute la France, Vitrolles n'eut plus qu'à recueillir les fruits de la brochure de Chateaubriand, "De Buonaparte et des Bourbons", dont on sait que Louis XVIII devait déclarer qu'elle lui avait été plus utile qu'une armée de cent mille hommes...
    A partir de là, la Restauration était assurée.
    2. "Il manquait, après cela, quelque chose encore pour que la Monarchie fut faite. D'abord que Napoléon, abandonné de tous, se décidât à abdiquer : il fallut cela pour que les souverains alliés renonçassent complètement à leurs projets sur la France. 
    Il manquait encore que Chateaubriand lançât sa fameuse brochure "De Buonaparte et des Bourbons", "inspirée par la divination de l'inquiétude générale", et qui traduisit à l'usage du peuple français, avec magnificence, les raisons positives pour lesquelles Talleyrand s'était rallié à la cause royale. 
    Alors l'acclamation populaire grandit, emporta tout... 
    Avec Vitrolles et les royalistes obstinés qui n'avaient jamais ni désespéré ni cédé, Talleyrand et Chateaubriand - les hommes le moins faits pour s'entendre - avaient été les vrais, les seuls artisans de la Restauration. 
    Ils l'avaient imposée aux Alliés. 
    En sorte que le Sénat put voter, le 6 avril, ce texte que le Corps législatif devait approuver le 9 : 
    "Le peuple français appelle librement au trône Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier roi."
    Ce "librement" est un des mots historiques les plus vrais qui aient jamais été prononcés. 
    Au terme de cette étude, c'est celui qu'il faut retenir."

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/08/22/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6170452.html

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (30)

    Aujourd'hui : 32. Le Mémorial, "évangile" malfaisant... (III/III)

    (en guise de complément, et de réponse, au très contestable Napoléon de Secrets d'Histoire, ce jeudi 15 Août...)

    Illustration : caricature d'Honoré Daumier, contre le militarisme prussien, " La Prusse annexant le Hanovre". Mais ce "militarisme prussien", cette immense puissance allemande, qui nous a fait tant de mal en 1870, 1914, 1939... c'est "nous" qui l'avons rendue possible, et qui l'avons même voulue et créée !
    Nos rois l'avaient rendue impossible avec les Traités de Westphalie, organisant l'émiettement des Allemagnes en une poussière d'Etats, dans les affaires intérieures desquels nous avions même le droit d'intervenir, avec quelques autres puissances ('Allemagne était alors la fameuse "croix des géographes"...) : notre prépondérance en Europe, et nos agrandissements territoriaux vers le Rhin viennent de là....
    Ce sont les "nuées" révolutionnaires et républicaines, reprises et imposées par les deux Bonaparte - sous le nom de "principe des nationalités" - qui ont délibérément rompu avec cette sage politique et qui ont, au contraire, créée cette énorme puissance, qui devait nous écraser : "nuées" criminelles...

    Le Mémorial, "évangile" malfaisant... (III/III)

    (De "Histoire de Trois générations, avec un épilogue pour la quatrième", Chapitre I, L'évangile de Sainte-Hélène, pages 22 à 27) :

    "...Que disait Napoléon dans ces entretiens que les compagnons de sa captivité se chargeaient de répandre ? Il se faisait l'apôtre d'une politique nouvelle, et cette politique avait les caractères et les attraits d'une religion. C'était un vaste programme idéaliste, une déclaration des droits et des devoirs du peuple français, une audacieuse refonte de l'Europe d'après les principes de liberté, d'égalité, de fraternité et de justice... Que voulaient ces gouvernements timorés, ces diplomates professionnels asservis aux vieilles recettes de l'équilibre et que l'empereur déchu, à qui ils avaient succédé, traitait avec un suprême dédain ? Ce qu'ils avaient restauré, c'était la routine. Leur prudence diminuait, déshonorait la nation française, l'empêchait de se relever. Sans eux, contre eux, la politique dont Napoléon traçait les grandes lignes promettait de rénover le monde, et de le rénover d'un seul coup, sans attendre le travail du temps, dédaignant les précautions égoïstes et lâches. La cause de la France est celle de l'affranchissement universel. Alors la liberté sera la devise magique de notre grandeur. La France se doit à elle-même de briser les chaînes des nationalités. A la Sainte-Alliance des rois, elle substituera la Sainte-Alliance des peuples. Des maximes de 89, naîtront les Etats Unis d'Europe. Ainsi tous les problèmes seront résolus. Les conflits n'auront plus de causes. Sur les races apaisées, devenues semblables par les institutions et par les moeurs, il régnera, dans un monde fraternel, une paix et une joie sans mélange, sous l'égide de la nation française, mère aimée de tous ces bienfaits....
    Ce rêve, la Révolution l'avait entrevu. Il mêlait, à des chimères ignorantes, des souvenirs confus, mal compris, de la politique généreuse, raisonné et féconde que la France avait suivie comme protectrice des faibles, dans son dessein constant d'empêcher une hégémonie en Europe. La guerre, l'action, les victoires sous des généraux heureux, avaient dissipé cette rêverie qui, très vite, avait fait place au goût de la domination et à l'appétit des conquêtes. Mais loin de ramener les esprits à la réalité, la chute de l'empire napoléonien fit renaître le vieux songe obscurci. Ce songe grandit, il prit des formes précises, lorsque, de Sainte-Hélène, monta la voix de celui qui, déjà, avait manié et partagé le vieux monde. 
    Napoléon disait ce qu'il eût voulu faire, ce que la méchanceté des rois, les retours offensifs du passé ne lui avaient pas permis de finir. Waterloo avait été la tombe des peuples libres. Napoléon convoquait le peuple français à reprendre, avec lui ou avec les siens, l'oeuvre interrompue. "Il y a des désirs de nationalité qu'il faut satisfaire tôt ou tard" disait la voix du captif. Allemagne, Italie, Pologne sont nos soeurs. Il faut qu'elles soient affranchies et unifiées comme nous. Nul peuple ne doit plus souffrir. Aucun ne doit rester sous la tyrannie d'un autre. Qu'à l'avenir les hommes de même race qui veulent se rassembler, avoir une vie commune, ne soient plus séparés. "On compte, en Europe, bien qu'épars, plus de trente millions de Français, quinze millions d'Espagnols, quinze millions d'Italiens, trente millions d'Allemands, disait le Mémorial. J'eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de nation." Voilà donc pourquoi, pendant quinze ans, Napoléon avait fait la guerre. Il s'en persuadait lui-même. A distance, il reconstruisait sa propre histoire, il lui donnait une couleur libérale et humanitaire, il mettait l'accent sur l'idéologie. 
    C'est ainsi qu'il se vantait d'avoir été le bienfaiteur de l'Allemagne. Pourquoi les Allemands, comme nous-mêmes, n'auraient-ils pas leur unité ? Pourquoi ne formeraient-ils pas un Etat ? La France et l'Europe avaient été injustes envers eux, depuis les traités de Westphalie jusqu'aux traités de Vienne. Erreur de les tenir en suspicion, de les diviser comme un peuple dangereux, de les mettre en surveillance ! Napoléon se félicitait d'avoir "simplifié leur monstrueuse complication". Son voeu eût été de "réaliser la nationalité germanique", d'en faire "une vaste et puissante monarchie fédérative, une grande union nationale ayant le même drapeau, les mêmes impôts et les mêmes intérêts". Cette grand monarchie fédérative, la voici justement. C'était celle de Guillaume II. Elle a été le fléau du monde et, contre elle, le monde a dû se liguer...

    "Les nations, reines par nos conquêtes,
    Ceignaient de fleurs le front de nos soldats..."

    Béranger, qui a été le poète populaire de la propagande napoléonienne, adoptait et répandait, par ces vers du Vieux Sergent, la légende et l'évangile de Sainte-Hélène. Napoléon avait porté dans les imaginations le coup qui lui livrait la France du XIXème siècle. Sa cause se confondait désormais avec celle de la liberté et de la Sainte-Alliance des peuples. Sa dictature elle-même, il l'avait représentée comme la dictature d'un libéral, d'un "Washington couronné", despote malgré lui et pour le bien du monde. 
    Ses ennemis seuls ne lui avaient pas permis d'achever son dessein, de compléter l'affranchissement de l'Europe par des institutions libres à l'intérieur. J'ai été "le Messie" de la Révolution, disait-il, et mon nom sera pour les peuples "le cri de guerre de leurs efforts, la devise de leurs espérances".
    Par là, Sainte-Hélène est devenu pour le XIXème siècle le Sinaï de la religion démocratique. "Les visions de Sainte-Hélène conservaient le vague des prophéties, c'était l'éclair dans la nue" a dit Emile Ollivier, qui a eu la charge funèbre de conduire à son terme en 1870 la politique des nationalités..."

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/08/21/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6170451.html#more

  • Vous n'avez pas libéré la France arrêter de remixé l'histoire bande de petits Mythos

     
    Patrice Quarteron remet les pendules à l'heure

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (28)

    Aujourd'hui : 31. Le Mémorial, "évangile" malfaisant... (II/III)

    (en guise de complément, et de réponse, au très contestable Napoléon de Secrets d'Histoire, ce jeudi 15 Août...)

    Illustration : "...apparu dans une île du Levant pour s'éteindre dans une île du Couchant...
    ...De son île perdue, à deux mille lieues de la France, presque sans livres et sans journaux, il sonda mieux que personne l'esprit et le coeur des Français...."

    Le Mémorial, "évangile" malfaisant... (II/III)

    (De "Histoire de Trois générations, avec un épilogue pour la quatrième", Chapitre I, L'évangile de Sainte-Hélène, pages 14 à 20) :

    "...De ces choses, grandes et petites, nul témoin, nul acteur n'avait mieux compris la portée, mieux dégagé le sens général que Napoléon lui-même. Sur son rocher de Sainte-Hélène, il conçut une idée qui valait ses plans de bataille et le Code civil. Pour lui ou pour quelqu'un de sa race il prépara plus qu'un retour de l'île d'Elbe, plus qu'un coup de Brumaire. Devinant le siècle, il allait en façonner, en diriger la pensée à distance. Législateur et capitaine, il se révéla profond psychologue et psychologue d'action.
    De son île perdue, à deux mille lieues de la France, presque sans livres et sans journaux, il sonda mieux que personne l'esprit et le coeur des Français. Par une intuition géniale, il pressentit le mélange de sentiments qui était appelé à se former chez eux et il vit la semence à faire fructifier. En s'écoutant lui-même, en racontant son histoire prodigieuse à Las Cases et à Montholon, il entendait distinctement ce que la France se disait mal encore. Austerlitz et Waterloo, le drapeau tricolore tour à tour triomphant et humilié, la Révolution vaincue par le retour des Bourbons, c'est le principe des nostalgies, celle de la liberté, celle de la gloire, qui vont tourmenter le peuple français. Des désirs un moment étouffés renaîtront. Ils s'aviveront par le regret et par la magie des souvenirs. Dans une sorte de captivité morale, équivalant à celle que subissait l'empereur vaincu, il se formera un état d'esprit nouveau. Sed non satiata. La France n'était pas rassasiée de gloire, même de gloire vaine, coûteuse, payée par des invasions. Les principes de sa Révolution ne cessaient pas de lui être chers. Le désastre final, les traités de 1815, en laissant un sentiment d'humiliation et d'impuissance, inspiraient aussi la passion d'une revanche à prendre par les idées et par les armes. L'empereur voulut que son nom fût le symbole de cette revanche. 
    Ce n'était pas seulement à l'intérieur que la Révolution, continuée par Bonaparte, avait fait faillite. Elle avait échoué au dehors; pour elle, vingt ans de guerre n'avaient pas assez transformé le monde. Le cycle révolutionnaire se fermait chez nous par la restauration de la monarchie, par le gouvernement des prudents et des sages. En Europe, les traités de Vienne et la Sainte-Alliance des rois fondaient la tranquillité du continent sur les anciennes méthodes de l'équilibre , sur une combinaison de droits et d'intérêts propre à garantir chacun et tous contre les exigences des peuples, contre les mouvements nationaux et contre les appétits de domination des Etats. Ainsi d'immenses calamités étaient épargnées à la communauté européenne, où personne ne peut bouger que tous ne se heurtent. Ainsi apparaissaient des horizons sûrs. Mais c'étaient des horizons limités. Le repos, le travail pacifique succédaient à une ère de bouleversements. Etait-ce assez pour contenter les hommes ? Napoléon ne le crut pas. Toujours il avait su parler à la nation française. A Sainte-Hélène, il eut la divination des paroles qu'elle voulait entendre encore.
    Par le système européen qui était sorti du Congrès de Vienne, les ambitions et les passions des peuples - non seulement du peuple français, mais celles des autres, bien plus dangereuses, - se trouvaient comprimées. Napoléon savait que les foules ne se gouvernent pas par la raison, encore moins par le bon sens. Les rois calmaient l'Europe. Il paria pour le réveil et pour l'explosion. Dans sa solitude, il élabora la doctrine qui devait rallier à sa cause les sentiments confus qu'il sentait destinés à grandir. Déjà, pendant les Cent Jours, il avait fait alliance avec les républicains et avec les libéraux. Il avait vu, après la seconde abdication, le grand Carnot pleurer sur son épaule. A ce moment une politique nouvelle lui était apparue, la seule qu'il eût encore à tenter. Les année qui lui restaient à vivre en exil, il les employa à rajeunir l'idée napoléonienne, à changer le plumage de l'aigle. 
    Parfois il eut l'illusion qu'il travaillait pour lui-même et que, chassant les rois, les peuples viendraient le délivrer, enflammés par ses promesses. En tout cas, il travaillait pour son fils, il travaillait pour l'avenir. Il donnait à la cause napoléonienne un fondement plus vaste et plus solide que sa personne et son génie. Il l'associait à une force universelle. Tôt ou tard, quelqu'un des siens devait profiter de cette alliance entre les souvenirs d'Austerlitz, les aspirations des peuples et les regrets de la Révolution. 
    C'est peut-être de Sainte-Hélène que Napoléon aura eu le plus d'action sur les destinées de la France. Là-bas il a préparé la démocratie impériale, le règne 
    de Napoléon III, les malheurs qui ont suivi. Le premier Empire, terminé par deux invasions, avait été liquidé par Louis XVIII dans les conditions les meilleures que pût espérer la France, alors que de folles entreprises avaient amenées quatre armées ennemies sur notre territoire. La France telle qu'elle était en 1789, avant ses aventures, ne se retrouvait plus tout à fait intacte. Du moins, l'essentiel était sauf. Nos anciennes frontières étaient à peu près respectées. Le vieux péril germanique, conjuré au XVIIème siècle, après tant de luttes, par les traités de Westphalie, ne reparaissait pas à nos portes. Nous gardions le contact et la protection du Rhin. Il n'y avait pas de puissante Allemagne unie pour menacer à toute heure la paix et notre existence. L'élément positif laissé par vingt ans de guerre nous restait aussi. C'était un capital de gloire accru, une réputation de valeur militaire qui enseignait de quoi les Français étaient capables, qui conseillait aux convoitises étrangères de ne pas s'y risquer. La France, à l'abri du danger allemand, son grand danger de toujours, pouvait vivre, prospérer, se développer conformément à son génie. Avec un peu de prudence, cette situation était facile à maintenir. Avec du temps, de la patience, elle fût devenue encore meilleure. Les dernières conséquences de Waterloo eussent été réparées. Sur tous les points, sans irriter ou blesser aucune nation, nos limites naturelles pouvaient être atteintes. Il suffisait de laisser faire ceux qui savaient, ceux qui prévoyaient, ceux qui possédaient les saines méthodes et les traditions éprouvées. 
    Le vade mecum diplomatique rédigé par La Besnadière, sous l'inspiration de Louis XVIII et de Talleyrand, pour nos représentants au Congrès de Vienne, traçait très exactement la ligne de conduite qu'il y avait à suivre pour épargner à la France l'invasion de 1870 et celle de 1914. Il n'était pas possible d'être plus pénétrant. Cette instruction mémorable, dont la clairvoyance a été admirée trop tard, disait en quelques mots le suffisant et le nécessaire :
    "En Italie, c'est l'Autriche qu'il faut empêcher de dominer; en Allemagne, c'est la Prusse. La constitution de sa monarchie lui fait de l'ambition une sorte de nécessité. Tout prétexte lui est bon. Nul scrupule ne l'arrête. La convenance est son droit. Les Alliés ont, dit-on, pris l'engagement de la replacer dans le même état de puissance où elle était avant sa chute, c'est-à-dire avec dix millions de sujets. Qu'on la laissât faire, bientôt elle en aurait vingt, et l'Allemagne entière lui serait soumise. Il est donc nécessaire de mettre un frein à son ambition, en restreignant d'abord, autant qu'il est possible, son état de possession en Allemagne, et ensuite en restreignant son influence par l'organisation fédérale..."

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/08/20/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6170450.html

  • La fièvre monte ? Cassons le thermomètre !

    6a00d8341c715453ef0240a4c5ea9a200b-320wi.jpgLa publication ce 15 août du fameux classement de Shanghai, comparatif peut-être discutable des universités du monde entier, n'a pas laissé le journal officiel de Boboland indifférent. Le quotidien Le Monde en effet s'empresse de réfuter cette information puisqu'elle lui déplaît.

    Horrible révélation pour le peuple qui, non seulement se croyait, mais osait se dire naguère, le plus intelligent de la terre : sur les 100 premières structures d'enseignement supérieur du monde, ce palmarès ne recense que 3 institutions françaises. Exit, incidemment bien sûr, celles qui ont si bien formé, depuis un siècle, l'oligarchie parisienne : l'école polytechnique et l'école nationale d'administration, excellentes maisons fondées respectivement en 1794 et 1945, l’une pour donner des artilleurs à une république guerrière, l’autre pour servir l’État, non pour le régenter.

    Mais la rédaction du Monde ne capitule jamais quand il s'agit pour elle de maquiller les faits, tout en se donnant l'apparence de les mentionner.

    On en jugera par les titres des 3 articles publiés par le journal sur le sujet.

    1° Classement de Shanghai : "pourquoi les universités françaises sont à la traîne"[1].

    2° Qu'on se rassure... car "le classement de Shanghai n’est pas fait pour mesurer la qualité des universités françaises"[2]

    3° Et pourtant, le 18 juillet 2018, annonce triomphale : "Classement thématique de Shanghai 2018 : la France monte sur le podium."[3]

    Avec une machine à décrypter, ces trois papiers donnent, reconnaissons-le d'emblée, des éléments d'information suffisants pour une réflexion civique.

    Hélas, ceux-ci sont rendus inutilisables pour le lecteur moyen. Car il est suggéré que le vrai critère ne se mesure pas à la valeur de la formation dispensée par nos écoles, nos universités et par l'éducation nationale monopoliste d'État, évaluée à l'international ni même sur le marché de l'emploi, mais au niveau de mixité sociale. Ainsi le classement de Shanghai ne servirait qu'à répercuter, depuis la Chine, de pervers mots d'ordre au service du monde anglo-américain détesté.

    L'expérience désastreuse de feu "Richie" Descoings a-t-elle positivement détruit l'Institut d'études politiques de Paris en rabaissant, notamment, la connaissance de l'histoire sous prétexte de ne pas humilier les enfants de la banlieue ? On étendra le processus à la France entière.

    La fièvre progresse-t-elle dans le corps de l'organisme social ? La république jacobine ne dissimule même plus sa solution : casser joyeusement le thermomètre.

    Évoquons à cet égard, deux absurdes cocoricos venant ainsi en illustration de cette méthode.

    On n'en finirait plus, hélas, de tenir la rubrique du nombrilisme dans lequel les médias et le pouvoir parisiens entretiennent les ressortissants de l'Hexagone. On croit ainsi rêver en les entendant répéter que ce qu'ils appellent la "lèpre nationaliste" porterait la responsabilité des guerres, tandis que, bien sûr, leur délicat mondialisme assurerait l'œuvre de paix.

    Cette contre-vérité remonte à Mitterrand. Intellectuellement, on peut sans rougir soutenir exactement la thèse opposée. En 1914, ce n'était pas les nationalistes qui exerçaient le pouvoir mais les radicaux-socialistes. Les inspirateurs des actuelles institutions internationales n'ont su résoudre aucun conflit : seul l'équilibre de la terreur nucléaire a maintenu, depuis 1947, la rivalité des grandes puissances à la gestion d'affrontements limités. À l’inverse le peu que j'ai pu retenir d'une lecture, peut-être superficielle, des maîtres du nationalisme français, illustrerait plutôt le contraire. La pensée de Barrès, apologie de l'enracinement, amène à considérer que chaque peuple possède son génie propre et que le mieux consiste à vivre chacun chez soi. La doctrine de Maurras se préoccupe de guérir les maux dont la république a infesté la France : le chauvinisme[4], l'impérialisme, le jacobinisme n'appartiennent guère à son registre. On gagnerait donc à méditer cette forte pensée de Otto Klemperer : "Quand on se cogne la tête avec un livre et que ça sonne creux, cela ne veut pas dire que le livre est vide".

    Mais au-delà de telles considérations philosophiques, on se doit de constater qu'en ce milieu de l'été deux nouveaux cocoricos franchement ridicules et pervers ont été chantés, hélas impunément, par les professionnels médiatiques de la brosse à reluire.

    Premier délire : le recul du taux de chômage, acclamé comme si nos technocrates avaient su créer un seul emploi. Les statistiques l'ont ramené de 8,7 % à 8,5 %. "Fascinant de pavoiser, ironisait de toute façon Marc Fiorentino dans un tweet[5], avec 8.5 % de chômage quand l’Allemagne et les États-Unis sont à 3.8 % et le Japon à 2.3 %". Reste surtout, doit-on ajouter, à s'interroger sur ce taux, sur le niveau de l'emploi et surtout sur la zone grise de tous ceux qui ont renoncé à chercher du travail.

    Deuxième manipulation : l'Hexagone et l'Outremer réunis détiendraient le maillot jaune de la natalité en Europe. On mobilise pour cela des démographes officiels. Ils parlent au nom des trois organismes officiels en la matière. Or, ils ratiocinent autour de l'indicateur conjoncturel de fécondité qu'ils appellent bien sûr taux de fécondité[6]. C'est plus parlant sans doute, bien que cela soit faux. Reste quand même à s'interroger sur ce qu'induit la natalité en France confondue avec la démographie du peuple français qui, toutes origines confondues, se révèle inférieure, à un niveau de 1,8 au taux de remplacement qui se situe à 2,1 enfants par femme. On ne parlera pas d'ailleurs d'un autre "remplacement". Le débat est interdit ; le mot lui-même est devenu tabou ; la question ne se pose même pas. La connotation du terme impose qu’on renonce à y réfléchir.

    L'important, pour nos soi-disant démographes reste, en effet, non pas d'évaluer la démographie de flatter l'excellence de notre système d'allocations familiales, et bien sûr, comme pour l'éducation, de maintenir coûte que coûte notre intouchable modèle social français.

    JG Malliarakis 

    Apostilles

    [1] Texte cosigné par Eric Nunès et Jessica Gourdon qui résument ainsi la situation :"Comme chaque année, les universités anglo-saxonnes dominent. Et comme en 2018, seuls trois établissements français sont dans les 100 premiers."
    [2] Propos pieusement recueillis par Eric Nunès auprès de Hugo Harari-Kermadec, maître de conférences en économie à l’École normale supérieure (ENS) Paris-Saclay et spécialiste, nous assure-t-on, de l’enseignement supérieur.
    [3] Cet article écrit par Adrien de Tricornot se félicite car "L’université de Montpellier obtient la première place pour sa recherche sur l’écologie, au détriment d’Oxford. Les Etats-Unis continuent de dominer le palmarès, devant la Chine etc."
    [4] Une exception juvénile : il admirait le chauvinisme des supporteurs grecs lors des premiers Jeux Olympiques modernes qu'il "couvre" en 1896 à Athènes pour le quotidien conservateur Le Soleil.
    [5] cf. Son tweet du 16 août en réponse à celui de @murielpenicaud du 14 août, laquelle annonçait : "Au 2e trimestre, la baisse du chômage se poursuit. Il s'établit à 8,5 %, soit le plus bas niveau depuis 10 ans. Depuis le début du quinquennat de @EmmanuelMacron, il y a 300 000 chômeurs de moins en France" [sans se référer ni au niveau de l'emploi lui-même ni à la démographie]
    [6] Lire sur le site de Causeur l'article de Michèle Tribalat du 11 juillet 2019 : "Fécondité en France, immigrées…" ... et les approximations répétées de l'Ined sur la question.

    https://www.insolent.fr/2019/08/la-fievre-monte-cassons-le-thermom%C3%A8tre-.html

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (27)

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    Aujourd'hui : 30. Le Mémorial, "évangile" malfaisant... (I/III)

    (en guise de complément, et de réponse, au très contestable Napoléon de Secrets d'Histoire, ce jeudi 15 Août...)

    Le Mémorial, "évangile" malfaisant... (I/III)

    (De "Histoire de Trois générations, avec un épilogue pour la quatrième", Chapitre I, L'évangile de Sainte-Hélène, pages 12 et 13) :

    "...Les aventures prodigieuses de la nation pendant ces vingt années de guerre s'étaient traduites en millions d'aventures individuelles, quelquefois profitables, toujours romanesques. 
    Les courses de la Révolution et de l'Empire avaient laissé la France épuisée, finalement battue et dépouillée, mais couverte de gloire militaire et ivre de cette gloire. 
    Ce roman épique avait renouvelé les destinées. 
    Les Français s'étaient divertis comme des dieux. 
    Voilà pourquoi, loin d'en vouloir à Napoléon, ils lui ont si longtemps voué un culte. 
    A défaut d'un autre empire, il leur avait légué celui de l'imagination, et ce n'est pas en vain qu'il les avait promenés à travers les cités conquises, à travers les pays du soleil et d'Orient. 
    Qui oserait jurer que, plus tard, les Allemands ne sentiront rien de pareil pour leur Empereur ?...

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/08/19/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6170449.html

  • Rome : impressionnant mur d’Aurélien

    Nul doute que les Parisiens qui vivaient dans la capitale au début du 13e siècle se sont enorgueillis en observant la construction de la puissante enceinte édifiée par leur monarque Philippe-Auguste. Long de 5,1 km, ce mur épais, flanqué de 77 tours, avait, il est vrai, fière allure. Ce rempart faisait pourtant bien pâle figure, comparé à l’ouvrage défensif construit près de mille ans plus tôt par l’empereur Aurélien et son successeur Probus pour protéger la Rome antique des assauts barbares. Avec ses 19 km, ses 381 tours et ses 18 portes, cette muraille était en effet le plus imposant dispositif militaire urbain de l’Antiquité…

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    Le mur d’Aurélien près de la porte Metronio

    Lorsqu’il est question de Rome dans les conversations de nature culturelle ou historique, l’on se réfère le plus souvent aux lieux et aux monuments les plus emblématiques de celle que l’on nomme fréquemment « la ville éternelle ». Sont tout naturellement évoqués la cité du Vatican, si chère aux catholiques, la très belle basilique Saint-Jean-de-Latran, le sévère château Saint-Ange, ancienne résidence papale, l’antique et émouvant Forum romain et ses spectaculaires voisins le Palatin et le Colisée, les grandioses thermes de Caracalla, l’élégant Capitole et le monumental Vittoriano, la piazza del Popolo, ou bien encore la somptueuse villa Borghese et son parc, si apprécié des Romains en période de canicule. Sans oublier l’incontournable fontaine de Trevi, immortalisée par Federico Fellini dans La Dolce Vita, la piazza Di Spagna, dominée par sa célèbre « scalinata  », et bien sûr la bellissima piazza Navona, si prisée des visiteurs étrangers…

    Mais jamais ou presque l’on ne parle du mur d’Aurélien. Une omission d’autant plus étonnante que, malgré les multiples transformations de la ville au cours des siècles, cette formidable enceinte a été préservée par les urbanistes italiens sur une grande partie de son tracé. En l’occurrence, 12,5 km, majoritairement en bon état de conservation, et dont la plupart des sections sont d’autant plus facilement visibles de nos jours qu’elles sont longées par des rues et par quelques cheminements pédestres. Un prodige de conservation dont il y a lieu de se féliciter car il offre, tant aux chercheurs qu’aux passionnés d’histoire ou aux simples promeneurs, un prodigieux témoignage de ce que fut la ville de Rome aux premiers siècles de notre ère.

    Il n’est évidemment pas question d’entrer ici dans le détail de l’histoire de la Rome antiqueet moins encore d’étudier les caractéristiques architecturales du mur d’Aurélien (il y a pour cela d’excellent sites spécialisés sur le web). Il n’est toutefois pas inutile d’apporter quelques précisions sur le contexte de construction de cette enceinte monumentale. Auparavant, la ville était protégée par le mur Servien. Bâti par les édiles de la République de Rome au IVe siècle avant JC sur le tracé préexistant d’une levée de terre défensive (un agger) datant de deux siècles plus tôt, ce rempart de 11 km de longueur enserrait cinq des sept collines de Rome (l’Aventin, le Capitole, le Palatin, le Quirinal, le Viminal). Or, à l’arrivée au pouvoir d’Aurélien, la ville s’était considérablement développée à l’extérieur du vieux mur Servien dont la construction datait déjà de… sept siècles*.

    En ces temps marqués par les invasions germaniques dans le nord de la péninsule, Aurélien estima qu’il était devenu urgent de mettre à l’abri d’une possible attaque des « barbares » le million d’habitants que comptait désormais la ville de Rome. D’où la décision de construire une puissante enceinte destinée à protéger non seulement la Rome originelle et ses lieux de pouvoir, mais également les nouveaux quartiers situés hors du mur Servien. Ainsi fut fait, et de belle et rapide manière : il ne fallut en effet que cinq années pour construire, sur une longueur de 19 km, les nouvelles murailles de Rome, larges de 3,3 m, hautes de 8 m sur 2 m de fondations et flanquées de 381 tours. Il est vrai que, pour accélérer la construction, plusieurs monuments préexistants ont été intégrés dans le rempart, notamment des tronçons d’aqueducs. Cet ouvrage monumental fut presqu’entièrement réalisé durant le bref règne d’Aurélien, son successeur Probus n’ayant eu en charge que des travaux de finition ou de décoration des portes de la ville.

    S’il subsiste environ 12,5 des 19 km d’origine du mur d’Aurélien, ce sont en revanche 14 des 18 portes du tracé initial qui ont traversé les siècles. Toutes ne sont pas identiques, loin s’en faut, entre les plus monumentales d’entre elles – au débouché des principales voies romaines – et les autres, plus modestes en termes d’appareillage. Qui plus est, plusieurs d’entre elles ont fait l’objet de transformations et d’embellissements au fil du temps, ce qui rend encore plus attractive la découverte de ces ouvrages. Parmi les plus imposantes de ces portes figure celle de San Sebastiano. Anciennement dénommé Appia car elle était située au débouché de la plus célèbre des voies romaines, cette porte abrite un intéressant (et gratuit) Musée des Murs de Rome (Museo delle Mura). La visite de ce musée peu connu complète utilement les balades le long des parties les mieux conservées du mur d’Aurélien, notamment entre la porta Metronia et la porta Latina, entre la porta San Sebastiano (ex-porta Appia) et la porta Ardeatina, ou bien encore entre la porta San Paolo (ex-porta Ostiensis) et le Tibre.

    Pour terminer, notons que les plus beaux remparts romains ne sont pas visibles à Rome, malgré l’extraordinaire richesse de la capitale italienne en matière de patrimoine antique, ni même ailleurs dans la péninsule. C’est en effet au cœur de notre pays, et plus précisément dans la Sarthe, que l’on peut admirer ces joyaux ! Si vous en doutez, cliquez-donc sur ce lien : Le Mans, ville fortifiée romaine (janvier 2014).

    Il ne subsiste plus que de rares vestiges du mur Servien à Rome. L’un des plus importants est visible à proximité de la gare Termini.

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    Le tracé du mur d’Aurélien dans la Rome antique
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    Porte Asinaria