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culture et histoire - Page 701

  • JEUDI 12 SEPTEMBRE : REPRISE DES ÉMISSIONS "SYNTHÈSE" SUR RADIO LIBERTÉS

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  • GRANDS TEXTES XX : Qu'est-ce que la Civilisation ?, de Charles Maurras. ( suite )

    Mais les capitaux particuliers à l'état sauvage ont encore cette misère d'être fragiles et bien rarement sujets à durer. C'est la hutte qu'il faut reconstruire sans cesse. C'est la ceinture ou le pagne d'écorce sèche. C'est la provision à rassembler quotidiennement. Aucun moyen d'éterniser les acquisitions. Je ne parlerai même pas de l'écriture ! Mais les langues parlées ne supportent qu'un très petit nombre d'associations de pensée. Il y a des secrets utiles, précieux, découverts par fortune ou selon d'ingénieuses observations personnelles, sujettes à se perdre irrémédiablement dans la nuit. Point de mémoire collective, point de monument, nulle continuité. Ou l'on se fixe, et le mouvement naturel des choses de la terre qui se renouvellent sans cesse ne s'arrête pas d'effacer méthodiquement toute trace de chaque effort. Ou l'on erre de lieu en lieu, et la course de l'homme vient ajouter sa turbulence aux autres causes de déperdition et d'oubli. Chaque tentative de constituer en commun des capitaux solides est exposée à des risque indéfinis. La tradition n'est pas absente, parce qu'il n'y a point de société sans tradition, ni d'hommes sans société:  mais elle est au plus bas. L'individu ne pourrait subsister sans elle: parce qu'elle est misérable et faible, la faiblesse et la misère des individus sont évidentes.; cependant, en présence d'un si maigre héritage, le nouveau-né peut se considérer, sans qu'il ait à rougir du peu qu'il apporte en regard de ce qu'il reçoit. S'il doit beaucoup à la société, il lui serait possible de la rendre sa débitrice.

                                                                                                            *

                Mais, tout au contraire, le civilisé, parce qu'il est civilisé, a beaucoup plus d'obligations envers la société que celle-ci ne saurait en avoir envers lui. Il a, en d'autres termes, bien plus de devoirs que de droits.

                Et quand je parle, en ceci, des civilisés, je ne veux point parler d'un de ces favoris de la nature ou de l'histoire qui, nés Français, ou Italiens, ou Espagnols, ou même Anglo-Saxons, bénéficient des plus brillants, des plus heureux et de plus merveilleux processus du genre humain. Je ne désigne même pas le membre d'une de ces petites nationalités secondaires qui participent, par leur position dans l'espace ou dans le temps, à nos vastes développements généraux. Au-delà même de diverses clientèles de notre civilisation occidentale, l'étendue et l'immensité du capital accumulé, l'influence du nôtre crée des réserves trop nombreuses, trop puissantes, trop bien transmises et trop éclatantes pour qu'il ne soit pas trop ridicule d'y opposer ou d'y comparer la frêle image d'un nouveau-né à peine distinct de sa mère. En des cas pareils, il est certain que l'individu est accablé par la somme des biens qui ne sont pas de lui et dont cependant il profite dans une mesure plus ou moins étendue. Riche ou pauvre, noble ou manant, il baigne dans une atmosphère qui n'est point de nature brute, mais de nature humaine, qu'il n'a point faite, et qui est la grande oeuvre de ses prédécesseurs directs et latéraux, ou plutôt de leur association féconde et de leur utile et juste communauté.

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                Non, ne comparons pas des incomparables. Prenons plutôt des civilisations moins avancées, encore inachevées et barbares, où le choeur des idées, des sentiments et des travaux ne fait que bégayer ses antiques paroles: les âges héroïques, les tribus aux premiers temps de leur migration, ou les cités au premiers jours de leur édifice, ou la mer au jour de ses premiers matelots, les champs aux premiers jours de leur défrichement. Quel capital démesuré représente le simple soc, incurvé,  d'une charrue, la toile d'une voile, la taille d'un quartier de roc, le joug d'un chariot, l'obéissance d'un animal de course ou de trait ! Quelles observations, quels tâtonnements signifient les moindres données précises sur les saisons, sur la course des astres, le rythme et la chute des vents, les rapports et les équilibres ! Non seulement aucun homme isolé ne peut comparer son savoir au savoir général qu'exprime ceci, mais jamais une génération unique, en additionnant ses efforts, ne réaliserait rien de tel. Du point de vue individuel, si ce point de vue était admissible pour une intelligence et pour une raison humaine, on ne saurait voir une bêche ni une rame sans vénération: ces deux pauvres outils passent infiniment ce que peut concevoir une imagination solitaire, à plus forte raison ce que peut accomplir un art personnel.

                Comme les bêches et les rames se sont multipliées et diversifiées, comme les instruments de l'industrie et cette industrie elle-même n'ont cessé, par une activité séculaire, de s'accroître et de s'affiner, ainsi les civilisations accroissent, perfectionnent leurs ressources et nos trésors. Le petit sauvage était nourri par sa mère et dressé par son père à certains exercices indispensables. Rien de durable autour de lui, rien d'organisé. Ce qu'il avait de vêtements, on le lui cueillait ou il l'empruntait de ses mains aux arbres et aux herbes. Ainsi du reste. Mais, autour de l'homme civilisé, tout abonde. Il trouve des bâtiments plus anciens que lui et qui lui survivront. Un ordre est préparé d'avance pour le recevoir, et répondre aux besoins inscrits soit dans sa chair, soit dans son âme. Comme les instruments physiques sont appropriés à la délicatesse des choses, il est des disciplines, des sciences et des méthodes qui lui permettent d'accélérer sa vue du monde et de se conduire lui-même. Je n'examine pas s'il a plus d'heur ou de malheur, car c'est une question tout à fait distincte de celle qui se pose ici; je suis simplement forcé de constater qu'il a, beaucoup plus qu'un sauvage, l'attitude et la figure d'un débiteur.

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    VIIIème millénaire avant J.C, Invention de l'agriculture....

                Sa dette envers la société est à peu près proportionnée à l'intensité de sa vie: s'il vit peu, il doit relativement peu; mais s'il profite des nombreuses commodités que ses contemporains, les ancêtres de ces derniers et les siens propres ont accumulées à nos services, eh bien ! sa dette augmente dans la même large proportion. Mais, dans un cas comme dans l'autre, il n'y a point à espérer de la solder: quelque service que rende un individu à la communauté, il peut être vénéré par ses successeurs, c'est-à-dire rangé au nombre des communs bienfaiteurs de la race, mais, au point du temps où nous sommes, il ne s'acquittera jamais envers les devanciers. Inventez le calcul différentiel ou le vaccin de la rage, soyez Claude Bernard, Copernic ou Marco Polo, jamais vous ne paierez ce que vous leur devez au premier laboureur ni à celui qui affréta la première nef. A plus forte raison le premier individu venu et, comme on dit, l'Individu, doit-il être nommé le plus insolvable des êtres.

                Mais, de tous ces individus, le plus insolvable est sans doute celui qui appartient à la civilisation la plus riche et la plus précieuse. S'il y a donc une civilisation de ce genre, ses membres, débiteurs par excellence, pourront tous se définir par ce caractère.

                Nous devrions, je crois, protester contre une erreur assez commune du langage. On dit très indifféremment la civilisation et les civilisations. Non, cela n'est point la même chose du tout. Il y a en Chine une civilisation: c'est-à-dire un capital matériel et moral que l'on se transmet. Il y a des industries, des arts, des Sciences, des moeurs. Il y a des richesses, des monuments, des doctrines, des opinions, des qualités acquises favorables à la vie de l'être humain. Même phénomène aux Indes, au Pérou, si on le veut; à certains égards, au fond de l'Afrique, où se fondèrent des royautés puissantes, et jusque dans les îles de l'Océanie. Ce qui est exceptionnel, sur la planète, ce n'est peut-être pas un certain degré de civilisation, mais plutôt une certaine sauvagerie. L'homme est conservateur, accumulateur, capitalisateur et traditionaliste d'instinct. Quelque développées que soient pourtant ces différentes civilisations, elles ne sont pas, à proprement dire, la Civilisation.

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    Pyramide maya du Kukulkan (Mexique)

                La Civilisation ne sera définissable que par l'histoire. Il y eut un moment, dans les fastes du monde, où, plus inventif et plus industrieux qu'il ne l'avait jamais été, l'homme s'aperçut néanmoins que tant d'art s'épuisait en vain. A quoi bon, en effet, majorer le nombre des biens et la quantité des richesses ? Toute quantité est susceptible d'accroissements nouveaux, tout nombre d'une augmentation indéfinie. Le merveilleux, le sublime, le grandiose ou l'énorme, tout ce qui dépend de la quantité ou du nombre des éléments utilisés, ne peut promettre à l'avidité de l'homme que déception. Une tour ou une colonne de cent pieds peut être haussée de cent autres pieds qui, eux-mêmes, peuvent être multipliés de même manière.  Qu'est-ce donc que ces progrès tout matériels ? Ni en science, ni en art, ni même pour les simples commodités de la vie, cet amas de choses n'est rien. Plus il s'enfle, plus il excite en nous, désespérant, nos désirs.

    À suivre 

  • GRANDS TEXTES XX : Qu'est-ce que la Civilisation ?, de Charles Maurras.

    (Texte paru pour la première fois le 9 septembre 1901 dans la Gazette de France, repris en 1931 dans la revue Principes; en 1937 dans Mes idées politiques; enfin dans les Oeuvres capitales).

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              Peu de mots sont plus employés, peu de mots sont moins définis que celui-là. On entend quelquefois par civilisation un état de moeurs adoucies. On entend d'autres fois la facilité, la fréquence des relations entre les hommes. On imagine encore qu'être civilisé, c'est avoir des chemins de fer et causer par le téléphone. En d'autres cas, au minimum, cela consiste à ne pas manger ses semblables. Il ne faut pas mépriser absolument ces manières un peu diverses d'entendre le même mot, car chacune est précieuse; chacune représente une acception en cours, une des faces de l'usage, qui est le maître du sens des mots. Trouver la vraie définition d'un mot n'est pas contredire l'usage, c'est au contraire, l'ordonner; c'est l'expliquer, le mettre d'accord avec lui-même. On éprouve une sorte de plaisir sensuel à survenir dans ce milieu troublé et vague pour y introduire la lumière avec l'unité.

                Les faiseurs de dictionnaires ont trop à écrire pour s'encombrer sérieusement de ce souci. Le seul petit lexique que j'ai sous les yeux au moment où j'écris, s'en tire à bon compte, et je ne crois pas que ses confrères fassent de beaucoup plus grands frais. Je le copie: "Civiliser, rendre civil, polir les moeurs, donner la civilisation. -Civilisation, action de civiliser, état de ce qui est civilisé. -Civilisateur, qui civilise. -Civilisable, qui peut être civilisé." Et voilà tout. Pas un mot de plus. Le seul menu lumignon qui soit fourni par cet ingénieux lexicographe est dans "polir les moeurs", qui n'éclaire que médiocrement le sujet. Nous pourrions dépouiller quantité de doctes volumes sans être plus avancés. Mieux vaut peut-être concentrer avec force son attention, songer aux sociétés que nous appelons civilisées, à celles que nous appelons barbares et sauvages, les comparer entre elles, voir leurs ressemblances, leurs différences, et tâcher d'en tirer des indications.

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    Caverne de Lokietek, dans les Monts Tatras

                Je vous épargnerai cette besogne d'analyse, qui risquerait de vous paraître fatigante, et ne vous en soumettrai que le résultat. Celui-ci me paraît se défendre assez bien par la seule évidence qui lui est propre.

                Ne vous semble-t-il pas que le vrai caractère commun de toute civilisation consiste dans un fait et dans un seul fait, très frappant et très général ? L'individu qui vient au monde dans une "civilisation" trouve incomparablement plus qu'il n'apporte. Une disproportion qu'il faut appeler infinie s'est établie entre la propre valeur de chaque individu et l'accumulation des valeurs au milieu desquelles il surgit. Plus une civilisation prospère et se complique, plus ces dernières valeurs s'accroissent et, quand même (ce qu'il est difficile de savoir) la valeur de chaque humain nouveau-né augmenterait de génération en génération, le progrès des valeurs sociales environnantes serait encore assez rapide pour étendre sans cesse la différence entre leur énorme total et l'apport individuel quel qu'il soit.

                Il suit de là qu'une civilisation a deux supports. Elle est d'abord un capital, elle est ensuite un capital transmis. Capitalisation et tradition, voilà deux termes inséparables de l'idée de civilisation. Un capital.... -Mais il va sans dire que nous ne parlons pas de finances pures. Ce qui compose ce capital peut être matériel, mais peut être aussi moral.

                L'industrie, au grand sens du mot, c'est-à-dire la transformation de la nature, c'est-à-dire le travail de l'homme, c'est-à-dire sa vie, n'a pas pour résultat unique de changer la face du monde; elle change l'homme lui-même, elle le perfectionne, comme l'oeuvre et l'outil perfectionnent l'ouvrier, comme l'ouvrier et l'oeuvre perfectionnent l'outil. Le capital dont nous parlons désigne évidemment le triple résultat de cette métamorphose simultanée.

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    Peintures murales, Lascaux

                Le sauvage qui ne fait rien ou qui ne fait que le strict nécéssaire aux besoins pressants de la vie, laisse à la forêt, à la prairie, à la brousse leur aspect premier. Il n'ajoute rien aux données de la nature. Il ne crée point, en s'ajoutant à elles, un fort capital de richesses matérielles. S'il a des instruments ou des armes, c'est en très petit nombre et d'un art aussi sommaire que primitif..... Mais cet art étant très sommaire n'exige pas non plus, comme le fait tout industrie un peu développée, des relations multiples et variées entre voisins, congénères, compatriotes. Il contracte, sans doute, comme dans toute société humaine, des moeurs, mais elles sont rudimentaires, sans richesse ni complexité. La coopération est faible, la division du travail médiocrement avancée: les arts et les sciences sont ce que sont l'industrie et les moeurs. Tout le capital social en est réduit à son expression la plus simple: ni pour le vêtement, ni pour l'habitation, ni pour la nourriture, l'individu n'obtient des sociétés qui le forment autre chose que les fournitures essentielles ou les soins indispensables. Le fer fut longtemps ignoré; on assure même qu'il y a des sauvages qui n'ont aucune idée du feu.

    À suivre

  • La commune au regard de l’Histoire ou quelques vérités cachées dévoilées par Marion Sigaut

    Lors de la deuxième université d’été du Pays Réel organisée par Civitas durant ce mois d’août, l’historienne Marion Sigaut a dévoilé l’histoire méconnue de l’institution communale. Une histoire d’autant plus méconnue qu’elle nous montre ici encore les ravages causés par la Révolution française de 1789.

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (33)

    Aujourd'hui : 35. Hitler, un "admirateur paradoxal"...

    Hitler, un "admirateur paradoxal"...

    Les ouvrages de Bainville connurent un très grand succès dans l'Allemagne nazie, de par la volonté expresse d'Hitler.
    "Par opposition" comme le fait remarquer finement Jean-Pierre Dickès, Hitler fit acheter - et lire - par des dizaines de milliers de membres de ses organisations les livres de ce français hostile à ses visées...
    L'Action française en général, et Bainville en particulier, ne cessant d'alerter sur les dangers du militarisme germanique, Hitler voulait savoir - et comprendre - qui étaient ces nationalistes français qui s'opposaient de toutes leurs forces aux visées du pangermanisme qu'il incarnait, à la suite de Bismarck.
    Il voulait les connaître pour mieux les combattre, et il voulait que ses troupes fussent aussi informées sur ces adversaires du pangermanisme : des dizaines de milliers de civils allemands, et un très grand nombre de membres du parti nazi, furent ainsi obligés de "lire du Bainville", qui connut ainsi, outre-Rhin et dans un public bien particulier, un succès aussi massif qu'inattendu, et paradoxal !...
    Ambassadeur d'Allemagne à Paris durant l'Occupation, Otto Abetz a probablement donné l'une des meilleures expressions de ce mélange d'incompréhension et de fureur des pangermanistes devant cette opposition raisonnée et résolue des royalistes français à leurs desseins :
    « L’Action Française est l’élément moteur, derrière les coulisses, d’une politique anti-collaborationniste, qui a pour objet, de rendre la France mûre le plus rapidement possible, pour une résistance militaire contre l’Allemagne ».

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/08/24/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6170455.html

  • De la différence à la « diversité »

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    Le philosophe et essayiste Alain de Benoist analyse dans ce texte lumineux, comment la notion de différence a évolué jusqu’à faire apparaître une incohérence fondamentale. « La morale enseignait naguère à bien se comporter pour atteindre l’excellence de soi. Aujourd’hui, elle consiste à approuver ce que l’idéologie dominante définit comme une « société plus juste … Il en va de même de la différence. Jusqu’à une époque relativement récente, c’était une notion qui ne posait pas de problème. »

    A lire ICI

    http://synthesenationale.hautetfort.com/archive/2019/08/23/de-la-difference-a-la-diversite-6171477.html

  • NOTRE FEUILLETON ESTIVAL : UN ETE AVEC JACQUES BAINVILLE... (32)

    Aujourd'hui : 34. Prévision de la guerre civile espagnole...

    Prévision de la guerre civile espagnole...

    Bainville écrit les lignes suivantes dans L'Action française du 16 janvier 1936, juste avant les élections espagnoles.
    Il lui reste 24 jours à vivre; la Guerre civile qu'il "annonce" commencera 6 mois et 2 jours plus tard, avec le "Soulèvement national" du 18 juillet.
    Jusqu'au bout, jusqu'aux derniers instants, il aura gardé ses facultés et sa lucidité, ainsi que son engagement à "servir", par sa plume..."...Un bloc de droite d'un côté, un bloc de gauche de l'autre, les partis du centre écrasés entre ces deux blocs, Gil Robles en face de Largo Caballero, les radicaux de Lerroux réduits à l'état de fossiles, le canapé républicain conservateur de Miguel Maura encore rétréci; tel est l'aspect sous lequel se présentent les prochaines élections d'Espagne.

    Le journal La République s'en alarme à Paris. Tout cela, dit-il, ne peut finir que de deux manières. Ou bien un dictateur de la réaction, ou bien un dictateur de la révolution, et aucun des termes de l'alternative ne vaut mieux que l'autre pour la France qui n'a pas besoin de ces exemples à ses portes.

    Etant donné ce qu'on sait de leur caractère et de leur tempérament, il est peu probable que les espagnols subissent sans révoltes une dictature bolchéviste qui appliquerait les procédés de l'insurrection socialiste et communiste dans les Asturies (en 1934, ndlr). Il y aurait pour la guerre civile de grandes probabilités...
    ...Supposons maintenant qu'il existe à Paris un gouvernement de Front populaire, un vrai. Il serait conduit à prendre parti dans les affaire d'Espagne en faveur de ses frères de Révolution..."

    Tiré de notre Album "Maîtres et témoins"... (II) : Jacques Bainville" (186 photos)

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2019/08/23/notre-feuilleton-estival-un-ete-avec-jacques-bainville-6170453.html

  • L’âge du culturel ou la décivilisation du monde. Lecture estivale d’A. Finkielkraut

    L’âge du culturel ou la décivilisation du monde. Lecture estivale d’A. Finkielkraut

    L’un des charmes du temps estival est de redonner au hasard sa part dans la découverte de livres, au gré des trouvailles lors de brocantes villageoises.

    C’est le cas avec le volume d’A.Finkielkraut L’imparfait du présent, paru en 2002 et rassemblant ce qu’il appelle en sous-titre Pièces brèves, ou l’art d’effectuer des prélèvements tout au long de ce qui aura été la première année de ce nouveau siècle. L’inévitable (et appétissante) diversité des sujets laisse quand même affleurer des préoccupations transverses. L’une concerne la culture et ce que l’auteur appelle l’avènement de l’âge du culturel.

    Comprenons-bien d’abord ce mot culture : en effet, l’auteur s’en sert pour désigner à la fois un état et son contraire.

    L’état de culture, c’était, pour reprendre au mieux les mots d’A.Finkielkraut, un monde de la distinction, de la hiérarchie des rôles, de pratiques symboliques, de frontières : des partages séculaires entre le public et le privé, l’enfant et le parent, l’élève et le professeur, le dedans et le dehors, le monastère éducatif (NDLR : comprendre « l’école ») et le tissu social ; un monde de la modération et du scrupule ; un monde où ce qui était important, c’était la personnalité : qui on était.

    Dans ce nouveau monde de l’âge de la culture,  constaté par l’auteur et brossé par touches, tout devient culturel. Chacun peut déterminer à sa guise le contenu de la culture. Et ce contenu peut-être changeant. Toute réalité est donc réformable. L’homme ne se définit ainsi plus par sa capacité à faire des promesses mais par son droit discrétionnaire de reprendre, à tout moment, sa liberté (Illustrons par cette affirmation de Mme Schiappa, le 7 août, à propos des femmes tuées par leurs conjoints : « Je crois que le problème est d’ordre global, systémique et qu’il faut un changement d’ordre culturel… Il y a un changement culturel à opérer »).

    Tout étant culturel, tout devient égal : nous sommes tous égaux et les frontières ont été remplacées par la proximité, l’ascendant des anciens maîtres par la sollicitude de l’adulte fraternel ou copain. L’identité devient l’élément-clé de ce nouveau monde constitué d’échantillons représentatifs. Ce n’est plus qui on est qui inspire, c’est ce qu’on est : le nouvel arrimage à l’appartenance, et de chacun à sa classe, sa minorité, sa communauté d’origine (nouvelle illustration par le tweet récent du ministre du Travail Muriel Pénicaud à l’occasion de la mort de l’écrivain Toni Morrison : « Grâce à elle, les noirs ont enfin pu entrer par la grande porte dans la littérature »).

    Les capacités sont dorénavant placées sous la tutelle des identitésLe baume du « en tant que » étend maintenant ses bienfaits sur l’humanité entière et on sera respecté et représenté en tant que jeune, en tant que femme, en tant que musulman… Chacun sera fier de son identité : la nouvelle culture est celle des fiertés. Son identité n’a plus de compte à rendre (ah, l’inoubliable Arnaud Gauthier-Fawas, administrateur de l’inter-LGBT et invité de l’émission Arrêt sur images le 29 juin 2018,  expliquant avec sérieux qu’il n’est pas un homme). Et c’est une identité au fil de l’eau, une identité libérée de l’ipséité (NDLR : ce qui fait qu’une personne est unique et absolument distincte d’une autre), déliée de la lourde charge de maintien de soi dans la fidélité à la parole donnée.

    A l’âge du culturel, la culture (ancienne) a sombré dans l’indifférenciation culturelle. La culture (nouvelle) est une forme sans matière ou une matière sans forme. C’est la décivilisation du monde. Et nous habiterons à l’avenir un espace d’un seul tenant.

    C’était il y a dix-huit ans. Où l’on constate avec le recul que cet état de décivilisation, auquel il faudra bien donner un nom un jour et qui s’est particulièrement déployé depuis dans les domaines de la différenciation sexuelle et de la bioéthique, se conforme finalement à la globalisation du monde.