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Europe et Union européenne - Page 1056

  • Et si Cameron avait raison ?

    Les qualificatifs fusent depuis 48 heures pour stigmatiser le déroulement du dernier Conseil européen de Bruxelles : "lamentable", "scandaleux", "marqué par les égoïsmes nationaux", etc. Bien entendu les méchants du film sont tout désignés : les Britanniques. Depuis le XIVe siècle, la recette fonctionne très bien. Et même pour les Français qui commencent à douter de Monsieur Normal, de Madame Twitter et de leur majordome, Hollande n'a peut-être pas tout à fait raison mais David Cameron, lui, a nécessairement tort.

    Les 22 et 23 novembre 2012 en effet les 27 chefs d'États et de gouvernements ne sont pas parvenus à s'accorder sur les perspectives budgétaires pour la période 2014-2020. Et pourtant, comme le lecteur peut le constater, par la simple considération des dates, si la Suisse appartenait à cet honorable assemblage on pourrait remarquer qu'il "n'y a pas le feu au lac".

    La machine eurocratique ne pourrait-elle donc pas s'interroger quelque temps ? sortir de ses certitudes collectives entre bureaucrates ? chercher à évaluer vraiment son fonctionnement institutionnel ? confronter ses résultats aux finalités dont elle se réclame ? L'échec de décembre 2012 renvoie actuellement à une réunion de janvier 2013 pour des décisions qui concernent l'année 2014 et les années suivantes. À titre de comparaison rappelons que les dépenses publiques françaises de l'année N, sont décidées, présentées aux commissions et aux assemblées entre septembre et décembre de l'année N-1. Elles portent pourtant sur une masse financière 7 fois plus élevée.

    Serons-nous donc éternellement contraints à l'alternative "ou bien vous adhérez à toutes les décisions prises, vous obéissez perinde ac cadaver à toutes les instances de la Synarchie" (1)⇓/ "ou bien vous êtes de mauvais Européens" ?

    Je crois au contraire, que la deuxième catégorie, celle des ennemis de l'Europe a pour principal pourvoyeur la cohue de ceux qui veulent nous enfermer dans ce dilemme.

    Sur quoi en l'occurrence portait ce débat, heureusement ajourné à une meilleure réflexion collective, et probablement à un compromis.

    Ce qu'on appelle improprement (2)⇓ le "budget" de l'Union européenne s'élève actuellement à une addition de dépenses de 140 milliards d'euros. La première affectation s'appelle politique agricole commune suivie des fonds de cohésion, et politique dite régionale. Autant de subventions.

    Quatre pays passent pour les bénéficiaires de ces crédits : la France en premier lieu, reçoit 10 milliards d'aides agricoles, mais elle contribue par ailleurs considérablement aux ressources de l'Union ; puis, si on prend en compte les différences nettes entre leurs contributions d'États et la somme des reversements encaissés, on trouve la Pologne, la Grèce et la Hongrie. Quatre pays pour lesquels, pour des raisons différentes, je ne puis personnellement éprouver que de la sympathie. Je considère par exemple que nous avons une dette particulière envers Varsovie, première victime de cette "Alliance Staline Hitler" qui fonctionna si bien entre 1939 et 1941. Quant à la Hongrie comment un garçon de ma génération pourrait-il oublier les événements de 1956 ? Comment pourrais-je effacer de ma mémoire la découverte de Budapest dix ans plus tard ?

    Aucun rapport ! direz-vous. Eh bien justement. On veut nous faire confondre les peuples et les États, les nations et les classes politiques.

    Première question : qu'ont donc apporté à la paysannerie française depuis 1962 et 1992 les si coûteuses politiques agricoles, auxquelles s'accroche Monsieur Hollande, comme ses prédecesseurs ?

    Ne disons pas "rien" : elles ont développé la misère rurale du pays dont l'agriculture et la terre étaient autrefois considérées comme les plus riches du continent. N'accusez pas "l"Europe" sans avoir au départ inculpé l'établissement corporatif hexagonal, sans avoir examiné les pertes et profits du Crédit Agricole, du Groupama-MSA et des représentants de la FNSEA, etc. C'est là qu'on retrouvera les inspirateurs d'une politique tendant à accroître la taille des exploitations sur la ruine des petits paysans, etc.

    Dès lors on nous apprend que le Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté David Cameron, appuyé par quelques gouvernements gros contributeurs nets, comme celui des Pays-Bas, prétendent rogner ces folies – à noter que ces pays se sont tous engagés, pour eux-mêmes dans des programmes d'assainissement financier donc de rigueur pas toujours faciles à faire accepter aux opinions publiques elles-mêmes formatées par les "partis dépensiers" locaux.

    Excellente nouvelle que celle de leur démarche : à une époque où tout le monde se serre la ceinture, commençons par les subventionnaires et les subventionneurs. Envoyons une troïka de contribuables à la troïka des budgétivores.

    Ne craignons qu'une chose dans ce débat : que Londres et le gouvernement hollandais n'aillent pas assez loin et se contentent de coupes horizontales en pourcentage, qu'ils acceptent un compromis "réaliste", avec "un peu moins de subventions". Dans une de ses récentes chroniques, Éric Zemmour a montré que lui, et quelques autres, croient, redoutent ou espèrent que "l'Angleterre s'apprête à quitter l'Europe". (3)⇓ C'est mal connaître nos amis d'outre-Manche. Ils négocieront en vue d'un maintien à moindre coût, comme l'avait fait Margaret Thatcher avec bonheur en 1984. Il faudrait une catastrophe pour aller au-delà : qui peut le souhaiter ?

    Le redéploiement de ces sommes, carottes et navets, addition faussement appelée "budget", voilà la véritable urgence. Largement diminuées, elles pourraient, elles doivent être réinvesties dans les tâches régaliennes qui justifient l'intervention continentale, là où les États-Membres se savent chacun en position de faiblesse.

    Nous n'avons pas besoin des autres pays pour produire nos pommes de terre.

    Nous manquons en revanche cruellement de coopération militaire, diplomatique, culturelle, judiciaire, policière, etc.

    Voilà les tâches prioritaires de l'Europe.

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

    notes

    1. cf. à ce sujet le verbiage malheureusement prophétique du "Pacte synarchique" publié in extenso dans "Mondialisme Maçonnique" 
    2. cf. Libre entretien de Georges Lane du 23 novembre sur le site de Lumière 101
    3. sur RTL le 23 novembre il développe l'idée que "l'Angleterre veut quitter l'Europe".
  • Xerfi Canal Hervé Juvin Le protectionnisme, c'est aussi l'autonomie et la liberté

  • Protectionnisme pourquoi pas nous ?


    Protectionnisme pourquoi pas nous ? par casuspenardus

  • Petit éloge du long terme

    A long terme, nous serons tous morts. Même les civilisations sont mortelles. Le Reich de mille ans a duré douze ans. Le long terme serait-il une illusion ? Non : le long terme, les longues perspectives, ces notions perdues de vue depuis longtemps en démocratie de marché, sont nécessaires aux sociétés comme aux individus pour être bien dans leur peau, voilà le propos de ce petit article sur un grand sujet. JG.

    La Chine, le sens du temps long

    Prenons la Chine. Voilà un pays qui depuis 30 ans n’arrête pas de commencer par le commencement : construire pierre à pierre les conditions du développement (maîtrise démographique, priorité aux infrastructures de base et à l’éducation scolaire, technique et civique des citoyens, conception et mise en place d’un système bancaire et financier tourné vers le soutien à la production et l’entreprise, protectionnisme intelligent, maîtrise des parités de change, ordre dans la rue et dans les têtes), pour produire modestement et à bas coûts des articles essentiellement exportés, puis monter progressivement en gamme et en technologie, pour se retrouver, un beau matin, premier producteur industriel et deuxième PIB de la planète. Le tout en ne distribuant en bienfaits salariaux et sociaux, voire en investissements « de confort » de type logement, que ce qui est possible, voire seulement nécessaire. Avec toujours en ligne de mire l’épargne, la compétitivité, le long terme, la réserve sous le pied, et, plus que tout, la préservation de son identité, de sa force, de sa fierté nationale. Une vraie Prusse orientale. Pardon pour ce jeu de mots, qui d’ailleurs va très loin.

    L’Europe ? L’idiot du village global

    Prenons maintenant l’Occident en général, l’Europe en particulier. Un socialiste intelligent a dit qu’elle était l’idiot du village global, ce qui résume bien les choses. Son plus beau fleuron, la Grèce, ne fait que magnifier les exemples espagnol, portugais, italien, français, et, il faut bien le dire, en grande partie aussi bruxellois : optimisme marchand, mondialisation heureuse, ouverture à tout va, liberté de circulation des marchandises, des services et des hommes, substitution de population et libanisation joyeuses, rationalisation marchande extrême de la fonction agricole, abandon implicite de l’industrie au profit d’un tas appelé « services », joie du baccalauréat pour tous, protection du consommateur, développement de la publicité et du crédit à la consommation, distributions massives de pains et de jeux, relances keynésiennes perpétuelles, endettement privé et public poussé à l’absurde, promesses électorales qui n’engagent que ceux qui les prennent au sérieux, yeux perpétuellement rivés sur les sondages. Le résultat, totalement prévisible, est là, sous nos yeux. Au bout du compte, la chère France, pour prendre son glorieux exemple, en est, à fin octobre 2012, à se poser avec angoisse la question existentielle de savoir si le taux de croissance du PIB en 2012 sera de 0,8 ou de 0,3, ce qui change tout.

    La misère intellectuelle et morale de l’Europe

    On nous dira : et l’Allemagne, la Finlande, l’Autriche, et quelques autres ? Certes, ils sont un peu chinois de comportement ! Leur comportement garde un zeste de sérieux, de sens du long terme et de séquence logique des priorités qui font chaud au cœur à quelques-uns, dont, on l’a deviné, le rédacteur de ce petit billet. Que dit Angela ? Que rien ne sert de consommer, il faut produire à point ; que quelqu’un doit bien finir par payer les dettes ; que la malfaisance du capitalisme, ou du marché, ou des banques, ou de tous les boucs émissaires du monde, n’explique pas tout ; que le vernis sur les ongles vient après une bonne douche, et autres commandements dictatoriaux du même acabit. Intolérable, clament en chœur les cigales indignées : les Allemands doivent coopérer en lâchant les vannes, en consommant davantage, en faisant un minimum d’inflation, bref, en s’alignant enfin sur les cancres majoritaires ! A défaut, l’Allemagne paiera, ce qui n’est que justice ! Sur ce point, extrêmes droites européennes, qui depuis peu méritent effectivement ce nom, et extrêmes gauches, toujours égales à elles-mêmes, sont d’accord. La misère intellectuelle et morale de l’Europe, en ce début de siècle, est immense.

    Soyons un instant sérieux, car le sujet l’est extrêmement. Le sens du long terme a quelque chose à voir avec l’état, disons la santé, des peuples. C’est une affaire ancienne, délicate, complexe. Sparte contre Athènes, la Prusse contre l’Autriche, la cigale contre la fourmi, le modèle rhénan versus le modèle anglo-saxon, la primauté de l’économique sur le social, c’était déjà un peu ça. La gauche s’identifie assez naturellement avec ce qu’il y a de pire à cet égard, quoique avec des nuances, voire des exceptions (on cite à tort ou à raison Mendès-France, Delors ou Schröder comme contre-exemples). La droite, par nature portée aux horizons longs, mais ayant besoin d’être élue, et n’étant souvent pas de droite, a rivalisé souvent avec succès en démagogie avec les meilleurs démagogues de l’équipe adverse. Le ludion Sarkozy, sympathique et actif par ailleurs, comme son excellent et populaire prédécesseur, illustrent bien cette dérive. Sans parler des collègues grec ou italien.

    Pour une trithérapie des nations européennes

    Comment commencer à s’en sortir ? A notre avis, par une trithérapie mêlant : 1/ acheminement ordonné vers un protectionnisme continental identitaire intelligent de type Paris-Berlin-Moscou-Vladivostok, 2/ inversion vigoureuse mais juste et astucieuse des flux migratoires, et, last but not least, 3/ réforme intellectuelle et morale : réhabilitation de l’identité des Européens, du sens collectif, du long terme et de l’effort, réexamen profond et/ou remisage de l’idéologie des droidloms aux orties, réexamen honnête de l’histoire du XXe siècle défigurée dans les années 1960 sur les fondements datés de Nuremberg et Bandoeng. Joli programme ! Avec un peu de chance, en 100 ou 200 ans à peine, c’est plié !

    Jacques Georges http://www.polemia.com
    27/10/2012

  • Quelle « extrême droite » et quelle Europe ?

    Les mots sont confus, piégés, générateurs d’erreurs, que mettent à profit les manipulateurs. Tout ce qui relève de l’ « extrême droite » appartient souvent à la légende ou au fantasme. C’est une expression générique dont l’extension est si vaste et floue qu’elle ne signifie plus rien. Elle recouvre des appartenances, des choix si dissemblables qu’elle aboutit à dire tout, et son contraire. Du national révolutionnaire à l’ultra libéral néoconservateur, elle serait l’étiquette commode permettant l’incapacité de ne pas penser des différences essentielles marquant de vraies fractures.

    L’exemple récent du tueur d’Oslo, Anders Behring Breivik, suffit à illustrer cette aporie journalistique qu’est la définition impossible de l’extrême droite. Ce terroriste passe pour l’un des produits du mouvement populiste européen, qui a pu, ces dernières années, progresser électoralement dans plusieurs pays. Les références culturelles de Breivik sont toutefois difficilement assimilables à la tradition noire de l’extrémisme de droite. Il se dit admirateur de Churchill et du résistant anti-nazi Max Manu, il est chrétien, homosexuel et pro-Israël. Voilà qui cadre mal avec le profil du militant antisémite et nostalgique du Troisième Reich. La figure qui vient toute de suite à l’esprit serait celle de Pim Fortuyn, assassiné en 2002. On a tenté aussi d’identifier le parcours du tueur en soulignant qu’il avait adhéré en 2006 aux jeunesses du Le Parti du progrès (en norvégien Fremskrittspartiet, abrégé en FrP), lequel a démenti tout lien avec lui. Ce mouvement « populiste » est devenu, depuis les législatives de 2010, le second parti de Norvège, après les Travaillistes, avec 23% des voix.

    Bien qu’il soit peu correct d’établir une logique entre une adhésion ancienne de cinq ans et un comportement présent, il semble intéressant de s’arrêter sur le programme d’une organisation que des commentateurs paresseux situent à « l’extrême droite », et qui, appartiendrait plutôt à un courant thatchérien, où l’on placerait volontiers Reagan et Bush.

    Le Parti du progrès est en effet libéral. Il prône les baisses d’impôts, moins d’Etat et la dérégulation économique et sociale. Il est farouchement partisan du marché « libre », de la mondialisation marchande, et, bien qu’il se présente comme adversaire d’une immigration incontrôlée, il est partisan de l’utilisation sélective de la main d’œuvre étrangère. Il souhaite des liens forts avec l’Otan, les Etats-Unis, Israël. Il veut limiter l’aide aux pays sous développés. Ces caractéristiques appartiennent encore, remarquons-le, aux propos de Anders Behring Breivik.

    Son programme s’apparente par ailleurs à d’autres organisations « populistes » considérées comme « d’extrême droite », comme le Parti du peuple danois », l'UDC de Christoph Blöcher en Suisse, le parti de la Liberté de Geert Wilders aux Pays Bas, ou la Ligue du Nord en Italie. En revanche, il faudrait le distinguer du « Parti des Vrais Finlandais » et du Front National français, dont les revendications sociales et la défiance par rapport à la mondialisation marchande, ainsi qu’une volonté de prendre des distances par rapport à l’Otan et l’emprise américaine, marquent des différences considérables.

    Les autres cas européens que sont le mouvement Jobbik en Hongrie, le FPÖ et le BZÖ en Autriche sont très liés à des causes spécifiques qu’il est difficiles de faire entrer dans un moule.

    Néanmoins, le point commun entre ces organisation est la revendication nationaliste (ou patriotique), le rétablissement des contrôles aux frontières, et un rejet de l’immigration, voire du danger islamiste (avéré ou non) et une extrême défiance vis-à-vis de l’Union européenne.

    L’existence de ces mouvements identitaires et populistes sont l’expression du crise, dont on a maintes fois identifié les causes : crise économique, sociale, mais aussi et surtout, crise de confiance par rapport aux « élites » européennes et nationales, hostilité face au monde qu’ils ont proposé aux peuples européens, un univers « nomade », multiculturel, déraciné, ouvert au monde dans le même temps où toutes les garanties de protection tombent les unes après les autres. Le projet d’une société harmonieuse, progressiste, unissant tous ses membres dans un élan optimiste vers un bien-être économique et social, a été violemment mis à l’épreuve par le réquisit mondialiste considéré comme nécessité. Les discours hautains, cyniques et machiavéliques des technocrates et des professionnels de la politique ont aggravé le malaise. On a l’impression d’être en présence de deux peuples : l’un, très minoritaire, profitant du Nouvel Ordre du Monde, et l’autre, majoritaire, étant abandonné à son sort, comme des indigènes laissés à leur médiocrité d’existence. D’une certaine manière, et cet état des choses perdurant depuis maintenant une ou deux décennies, il est étrange que la violence ne se soit pas manifestée plus tôt. Il a fallu que la classe moyenne soit touchée particulièrement par la crise de 2008, et que les discours lénifiants s’érodent d’autant plus. Maintenant, il semblerait que nous soyons à un carrefour.

    Quelle orientation prendre ?

    Carl Schmitt disait que la politique, c’est d’abord identifier ses ennemis. Il est clair que l’ennemi, pour les peuples européens, c’est celui qui cherche, par tous les moyens, à lui faire perdre toute maîtrise de son destin. A ce titre, tous ceux qui sont favorables au libéralisme, à la mondialisation, à la dérégulation, à la marchandisation sans limites (et l’immigration de masse fait partie de ce processus) sont leurs ennemis. Les partis « populistes », qui utilisent, pour se faire une santé électorale, le malaise réel, la souffrance éprouvée par les gens, les ouvriers, les employés livrés à leur sort malheureux, qui stigmatisent un islam fantasmatique ou s’en prennent aux immigrés, qui sont aussi victimes que le sont les masses populaires autochtones, sont les ennemis des peuples européens.

    A vrai dire, quand on est obligé de démystifier les discours démagogiques, on se heurte à l’irrationnel, au pathos, à l’hyperbole, lesquels ne sont pas appropriés pour mener une réflexion de fond. Il est évident par exemple que la présence de populations allogènes dans certains quartiers engendre de sérieux problèmes pour la société et l’ordre public, et que des difficultés économiques, sociales, éducatives en sont aussi le résultat, à vrai dire, de plus en plus intolérable. Cependant, outre que certaines réactions avilissent l’être humain, la haine ethnique, le racisme, par exemple, ou que certaines solutions simplistes ne résoudraient rien, il se peut que nous soyons à un tournant de la civilisation européenne où tout peut être possible, le pire, comme le meilleur. A condition d’identifier les causes véritables de notre malheur, à savoir l’adoption d’un mode d’existence qui nous mine. Dès lors que l’Europe, dans son ensemble, a opté pour l’american way of life, l’hédonisme de supermarché, le productivisme déréglé, le culte de l’argent et l’avachissement décadent, nous avons forgé nos chaînes, et nous nous sommes livrés au plus fort. Désormais, nous ne sommes plus que des esclaves. Le salut, n’en doutons pas, passe par une révolution d’abord spirituelle. Elle doit être européenne. Le problème des immigrés, musulmans ou non, n’en sera plus un, si nous avons assez d’imagination, de souffle, d’énergie, pour reconstruire une Europe, de Lisbonne à Vladivostok, tolérante, puissante et entreprenante, plurielle et unie autour de vraies valeurs. Ne nous laissons pas enivrés par des gestes stupides et criminels. Le pire serait que l’acte d’un imbécile fasse partie d’une légende romantique qui susciterait des actes aussi fous.

    Juillet 2011 Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • Réponses de Robert Steuckers à la Table Ronde, “Quel avenir pour les peuples d’Europe?” au colloque du Château Coloma, 3 mars 2012

    Q.: Quelles réactions positives voyez-vous aujourd’hui parmi les peuples européens?

    RS: Des réactions positives? Je n’en vois pas beaucoup. J’en retiens deux, marginales sur le plan géographique mais significatives, et, mutatis mutandis, dignes d’être imitées: la mobilisation populaire en Islande et la colère de la foule en Grèce. Il y a d’abord la réaction islandaise, celle de ce petit peuple insulaire de 350.000 habitants, qui a inventé une véritable représentation démocratique dès l’aube de son histoire et forgé la première littérature moderne et profane de notre continent. Dans ce pays, les responsables de la crise de 2008, les infects banksters qui ont commis l’acte abject et méprisable de spéculer, sont traduits en justice, de même que Haarde, le Premier Ministre qui a couvert leurs vilénies, tandis que notre “Commission Dexia” patine et qu’on ne verra pas de sitôt l’incarcération, pourtant dûment méritée, de Dehaene à Lantin ou à Jamioulx. En Islande, ses homologues ès-abjection sont derrière les barreaux ou devant les juges. Parallèlement à cette saine réaction, les Islandais ont refusé de rembourser les banques étrangères qui ont participé à la ruine de leur pays et se sont donné une constitution nouvelle où la spéculation est expressément décrite comme un délit et où tous les transferts de souveraineté sont d’emblée condamnés ou, éventuellement, soumis à référendum. Les Islandais ont fait montre de volonté politique: ils ont prouvé qu’un retour au politique était possible dans un monde occidental où règne la dictature subtile du “tout-économique”. Résultat: l’Islande connaît un redéploiement économique assez spectaculaire.

    Dans le reste de l’Europe, c’est l’apathie.

    En Grèce, nous avons vu, ces jours-ci, des émeutes plus violentes encore que celles qui ont secoué Athènes l’an passé. Le peuple refuse le diktat des banques, du FMI et de l’eurocratie. La RTBF comme la VRT ont interrogé des quidams dans la rue; trois de ceux-ci ont lancé: “C’est bientôt votre tour!”. C’est prophétique et réaliste tout à la fois. En effet, la faiblesse, la lâcheté et la veulerie du monde politique, qui n’ose faire cueillir les escrocs et les banquiers par la police dès potron-minet, en filmant la scène à titre de petite mise au pilori, ne peuvent avoir qu’une seule conséquence à moyen terme: la faillite totale de l’Etat et l’hellénisation/paupérisation de notre société. Malgré cette colère de la rue à Athènes, les Grecs, contrairement aux Islandais, ont dû accepter, tout comme les Italiens d’ailleurs, un gouvernement d’économistes, de banquiers, de technocrates qui n’ont aucun atome crochu avec la population et, forcément, aucune légitimité démocratique. La dictature a donc fait sa réapparition en Europe, non plus une dictature acclamative ou issue des urnes comme il y en a eu dans l’histoire récente de notre continent, mais une dictature sans acclamations populaires, sans légitimité électorale, qui s’apprête à ruiner toutes les familles grecques et italiennes. Mais où sont les protestataires anti-dictateurs, comme ceux qui s’agitaient contre Franco ou contre les Colonels grecs dans les années 60 et 70 ?
    En France, les grandes leçons du gaullisme des années 60 sont bien oubliées. Aucune réaction saine n’est à attendre du sarközisme néo-libéral. En Espagne, le mouvement des indignés est certes fort sympathique, mais quelles seront ses suites? L’Espagne, vient de nous dire Jean David, compte aujourd’hui quatre millions de chômeurs, avec un nouveau gouvernement libéral, qui fera la politique du FMI, et préconisera des mesures anti-populaires comme le font déjà anticipativement, chez nous, un Decroo (le fils de son papa) ou un Reynders (qui, dit-on, brigue un haut poste à la BNP à Paris).
    Le mouvement des indignés espagnols montre que toute contestation juvénile est désormais noyée dans ce que le regretté Philippe Muray nommait le “festivisme”. On transforme une protestation, dont les enjeux sont pourtant vitaux pour l’ensemble de la population, en un happening de style Woodstock, ce qui n’inquiète ni les banksters ni leurs serviteurs néo-libéraux. Le danger du “gauchisme”, comme on disait naguère, ne vient nullement de sa nature “contestataire”, antagoniste à l’égard des pouvoirs en place, mais de ses propensions au “festivisme”, tel qu’il a été défini par Muray. La culture festiviste, envahissante, tablant sur les émotions ou sur les désirs, tue de fait les réflexes politiques, basés sur le sérieux de l’existence, sur l’agonalité (Ernst Jünger, Armin Mohler) et sur la prise en compte, pessimiste et prévoyante, des risques et du pire (Clément Rosset). Les exemples abondent pour signaler le glissement des idées en apparence révolutionnaires de mai 68 dans la farce festiviste: l’itinéraire d’un Daniel Cohn-Bendit le prouve amplement, ce pseudo-révolutionnaire du Nanterre de 1968, qui avait mêlé verbiage pseudo-marxiste et obsessions sexuelles, est aujourd’hui un allié du néo-libéral thatchérien Guy Verhofstadt quand il s’agit, dans l’enceinte du Parlement européen, de vitupérer tout réflexe politique naturel, émanant du peuple réel; ou toute tentative de l’un ou l’autre ponte en place, comme Sarközy, d’utiliser un réflexe populaire naturel pour mener une politique quelconque, par pur calcul politicien et qui, si elle était réellement traduite dans la réalité, serait efficace ou écornerait les intérêts du banksterisme.
    Le philosophe néerlandais Luk van Middelaar parlait, pour la France, d’une culture philosophique du “politicide”, qui s’est développée parallèlement à l’idéologie étatique rigide que la république a toujours tenté de faire triompher dans son propre pré carré. De Sartre aux contestataires de Mai 68, en passant par Michel Foucault ou par le néo-nietzschéanisme exigeant la libération joyeuse et immédiate des “machines à désirer”, par le nouveau néokantisme post-marxisant qui découvrait subitement l’horreur du goulag chez ses anciens alliés soviétiques dans les années 70 ou par l’hypermoralisme hystérique des médias dominants ou par la promotion médiatique d’une “république compassionnelle”, les intellectuels français ont perpétré en permanence un “assassinat du politique” qui ne peut mener qu’à une impasse. Celle dans laquelle nous nous trouvons (Luk van Middelaar, Politicide – De moord op de politiek in de Franse filosofie, van Gennep, Amsterdam, 1999).
    Il faut par conséquent une bataille métapolitique pour éradiquer les affres du festivisme et contrer les effets délétères de l’apathie en laquelle somnolent la plupart de nos concitoyens.

    Q.: A quels dangers serait soumise une Europe redevenue “populiste” au sens positif du terme?

    RS: Dresser la liste des dangers qui nous menacent risque d’être un exercice fort long. Si nous prenons la spéculation en cours contre l’euro, phénomène emblématique de l’absence de souveraineté et de vigueur politiques au sein de l’Europe eurocratique, nous constatons que toutes les spéculations hostiles à la monnaie commune européenne ont une origine outre-Atlantique, proviennent du secteur bancaire spéculatif américain. J’en conclus que la spéculation contre les Etats et les monnaies, dont l’Asie avait connu un précédent en 1997, est un mode (relativement) nouveau de guerre indirecte. Saddam Hussein voulait facturer son pétrole en euro. Ahmadinedjad a envisagé de le faire à son tour pour le pétrole et le gaz iraniens. Les puissances du BRIC (Russie, Chine, Inde, Brésil) emboîtent le pas. L’euro constituait donc le danger le plus grave pour les Etats-Unis à court et à moyen termes, car il était sur le point de détrôner le roi-dollar. L’Europe, puissance civile et pacifique (Zaki Laïdi), aurait, sans coup férir, damé le pion à l’hegemon Il fallait dès lors frapper cet instrument de souveraineté européenne à son “ventre mou” méditerranéen. Les pays méditerranéens, ceux du groupe PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne), sont effectivement les plus fragiles, les plus aisés à faire basculer pour entraîner un effet domino et affaiblir simultanément les pays économiquement plus forts de l’ancienne zone mark (oui, la Belgique est menacée, on le sait; l’Autriche a perdu un “A” et les Pays-Bas sont inquiets car ils connaissent leurs points faibles, leurs éventuels talons d’Achille). L’Allemagne est encore en mesure de résister vu ses accords gaziers avec la Russie et les marchés qu’elle développe à grande échelle en Chine. L’Allemagne demeure forte parce qu’elle est davantage liée aux puissances du groupe BRIC, parce qu’elle a misé subrepticement sur une carte eurasienne sans renier avec fracas son option atlantiste officielle. Les anciens chanceliers Schmidt et Schröder se sont hissés à la position “catéchonique” de garants de cet axe énergétique Berlin/Moscou, avatar actuel des accords Rathenau/Tchitchérine, signés à Rapallo en 1922.
    Pour revenir à la Grèce, aujourd’hui ruinée, on évoque fort souvent l’insouciance du personnel politique grec, qui a pratiqué une politique démagogique où l’Etat-Providence était particulièrement généreux et peu regardant (plusieurs centaines d’aveugles disposent de leur permis de conduire...) ou le gouffre financier qu’a constitué l’organisation des jeux olympiques de 2004 mais on omet curieusement de mentionner le coût exorbitant qu’ont entraîné les incendies de forêts et de garrigues que le pays a subi deux années de suite. Le feu a ravagé les campagnes et s’est avancé jusque dans les banlieues des villes dans des proportions hors du commun. De même, la Russie de Poutine, récalcitrante face aux diktats du “nouvel ordre mondial”, a subi sur son territoire des incendies de grande envergure, inédits dans l’histoire.
    Ces incendies sont-ils dû à des hasards naturels, un peu vite mis sur le compte de l’hypothétique “réchauffement climatique”? Ou bien sont-ils les effets d’une nouvelle forme de “guerre indirecte”? La question peut être posée.
    De même, on parle, avec le projet HAARP, de l’éventualité de provoquer artificiellement des catastrophes sismiques ou autres. Le tsunami qui a réduit à néant le nucléaire japonais l’an passé (et conduira à court terme au démantèlement total du secteur nucléaire de l’Empire du Soleil Levant) ou les tempêtes extrêmement violentes que la France a subies il y a quelques années, immédiatement après l’enthousiasme soulevé par la possibilité d’un Axe Paris/Berlin/Moscou, sont-ils des hasards ou non? Telles sont des questions à étudier avec toute l’attention voulue, comme le fait “Kopp-Verlag” en Allemagne.
    L’arme de la grève sauvage a été utilisée contre Chirac en 1995, après des essais nucléaires à Mururoa. On sait que certains syndicats français, noyautés par des éléments trotskistes ou lambertistes, pendants économico-sociaux des “nouveaux philosophes” agissant dans l’espace médiatique, sont soutenus par la CIA (ou l’ont été par l’ex-OSS quand il a fallu mettre les anciens alliés communistes échec et mat). La France vit en permanence sous l’épée de Damoclès d’une paralysie totale, qui pourrait être due, par exemple, à une grève des routiers, qui bloquerait toutes les routes de l’Hexagone et toutes les voies d’accès à celui-ci. Dans de telles conditions, pas besoin de révolution orange en France...
    Reste effectivement le danger des “révolutions colorées”, à l’instar de celle qui a réussi en Géorgie en 2003 et a porté Sakashvili au pouvoir. L’instrument des révolutions colorées est désormais connu et ne fonctionne plus de manière optimale, en dépit d’un personnel très bien écolé, recruté au départ du mouvement serbe OTPOR. En Ukraine, les conséquences de la “révolution orange” de 2004, soit un rapprochement du pays avec les structures atlantistes et eurocratiques, sont annulées sous la pression du réel géographique. L’Ukraine est liée aux espaces déterminés par les grands fleuves (Dniestr, Dniepr, Don) et par la Mer Noire. Elle est aussi liée territorialement à l’espace russe du Nord. La dernière tentative de “révolution orange” en Russie cet hiver, pour faire tomber Poutine, s’est soldée par un échec: les sondages créditent le Premier Ministre russe de 66% des intentions de vote! Pire pour les “occidentistes”, la majorité absolue des voix va non seulement vers le mouvement de Poutine mais aussi, au-delà des deux tiers de votes que les sondages lui attribuent, à des formations politiques d’inspiration communiste ou nationale (Ziouganov et Jirinovski) et non pas vers les tenants d’une ré-occidentalisation de la Russie, avec son cortège de “Gay-Prides” festivistes, d’oligarques et de politiciens véreux et falots.
    Les “printemps arabes”, autre manière de mobiliser les foules pour libérer les marchés potentiels —que constituent les Etats arabo-musulmans—  des structures étatiques traditionnelles et des corruptions claniques, ont fonctionné en Tunisie et, partiellement seulement, en Egypte. En Syrie, cela n’a pas marché et on prépare au pays d’El-Assad un avenir libyen...
    Les pays européens sont finalement à ranger parmi les Etats de faible personnalité politique. Outre la spéculation contre l’euro, quel instrument garde-t-on au placard pour la faire fléchir si jamais il lui prenait de branler dans le manche? L’ambassadeur américain Jeremy Rivkin a été trop bavard: il a révélé la nature de l’instrument dont on ferait usage pour déstabiliser les sociétés des Européens de l’Ouest, si ceux-ci devenaient trop récalcitrants. On leur balancerait les déclassés des banlieues dans les pattes. Jeremy Rivkin évoque, sans circonlocutions inutiles, la possibilité de mobiliser les masses immigrées des banlieues pour faire tomber ou pour désarçonner un gouvernement rebelle, surtout en France. Sarkozy doit savoir mieux que personne qu’il a été porté au pouvoir suite aux émeutes des banlieues françaises de novembre 2005. Elles avaient servi à éliminer Chirac, adepte de l’Axe Paris/Berlin/Moscou. Elles pourraient tout aussi bien servir à le faire tomber, lui aussi, s’il ne reste pas sagement dans le sillage de l’hegemon américain et fidèle à son alliance privilégiée avec la Grande-Bretagne de Cameron. Faye avait prédit, à la grande fureur du président français actuel, que la France ne pourrait pas se payer indéfiniment des émeutes de banlieues, surtout si elles éclataient simultanément dans plusieurs grandes agglomérations de l’Hexagone, non plus seulement dans le fameux département n°93, près de Paris, mais aussi à Lyon, Marseille et Lille. Les réseaux salafistes, comme les réseaux lambertistes, sont prêts à faire le jeu de l’hegemon, au détriment des Etats-hôtes, a fortiori si l’Arabie Saoudite, matrice financière wahhabite des mouvements salafistes, est une alliée inconditionnelle de Washington.
    La méfiance à l’égard de certains réseaux salafistes ne relève donc pas du “racisme” ou de l’“islamophobie”, comme le vocifèrent les médias aux ordres ou le pensent certains magistrats croupions, dont la corporation est dénoncée comme inculte, à l’instar de tous les juristes modernes sans culture générale, par François Ost, ancien recteur des Facultés universitaires Saint-Louis de Bruxelles. Cette méfiance à l’égard des salafistes relève d’une simple analyse du terrain politique, où il faut établir l’inventaire des éléments en place: quelles sont les forces dangereuses qui pourraient, dans un avenir prévisible, disloquer la machine étatique, dont je suis citoyen, et plonger la société, en laquelle je vis, dans le chaos? Quelles sont les forces en présence dans ma société qui pourraient servir de levier, à toutes mauvaises fins utiles, à l’hegemon pour la déstabiliser ou l’affaiblir ?

    Q.: Quels sont les ennemis intérieurs et extérieurs des peuples européens dans le contexte actuel ?

    RS: Commençons par les ennemis extérieurs, les ennemis intérieurs n’étant que des instruments à leur service. L’ennemi extérieur est bien entendu l’hegemon qui refuse de nous élever à son rang, comme on le ferait en toute bonne logique avec des alliés fidèles à la façon romaine, et nous plonge en permanence dans l’assujetissement, brisant chaque fois, à l’aide d’instruments subtils propres aux nouvelles formes de guerre indirecte, tout nouvel élan économique ou politique de notre Europe. Cet hegemon est une thalassocratie, une puissance essentiellement maritime, une puissance qui domine les “res nullius” que sont les océans et l’espace circumterrestre, tout en imposant des règles internationales fluctuantes, chaque fois interprétées en sa faveur. Je veux bien évidemment parler des Etats-Unis d’Amérique, tels que les a décrits une figure comme Carl Schmitt. Ce n’est pas la place ici de rappeler les réflexions profondes et pertinentes que Carl Schmitt a émises sur la fabrication arbitraire et perfide de règles juridiques internationales floues et boiteuses car tributaires de l’esprit “wilsonien”, destinées à faire avancer les pions de l’impérialisme américain dans le monde ou sur le processus délétère de fluidification et de liquéfaction des certitudes et des traditions diplomatiques que ces règles perfides ont fait éclore. Plus accessibles me semblent les directives émises par un stratégiste américain, Nicholas J. Spykman, dans un bref vademecum en annexe de son ouvrage de 1942, America’s Strategy in World Politics.
    Pour lui, l’Europe de son temps possède dix atouts qui la rendent supérieure aux Etats-Unis. Ces dix atouts, que j’énonce par ailleurs (cf. “Panorama théorique de la géopolitique”, in Orientations n°12, été 1990/hiver 1990-91), lui avaient été inspirés par un géopolitologue allemand de l’école de Haushofer, une certain Robert Strauss-Hupé, émigré aux Etats-Unis après la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes parce qu’il avait quelque ascendance juive. Les atouts que doit avoir une superpuissance de l’acabit des Etats-Unis pour Spykman ou les atouts que possédait l’Europe sous hegemon germanique selon Strauss-Hupé sont notamment, je n’en cite ici que trois, l’excellence d’un système scolaire et universitaire, la cohésion ethnique et une économie plus ou moins autarcique (ou semi-autarcique auto-centrée comme le préciseront plus tard les Français François Perroux et André Grjébine) qui permet l’émergence et la consolidation d’un bloc économique concurrent des Etats-Unis et capable de conquérir et de conserver longtemps des marchés en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
    Pour démolir l’enseignement, il y a eu mai 68, avec son cortège de nouvelles pédagogies abracadabrantes et son laxisme implicite, suivi d’une offensive, classée à “droite”, du néo-libéralisme qui a imposé des schémas pédagogiques visant l’acquisition facile de savoirs purement utilitaires au détriment des humanités traditionnelles, totalement battues en brèche. Une fois de plus, ici, le festivisme gauchiste à la sauce 68 n’a jamais cessé de marcher de concert avec le néo-libéralisme utilitariste pour ruiner les acquis de notre civilisation et que leur antagonisme fictif, souvent médiatisé pour faire croire à des alternances démocratiques, ne servait qu’à leurrer les masses. Pour briser la cohésion ethnique, on a d’abord coupé l’Europe occidentale de ses réservoirs habituels de main-d’oeuvre supplétive en Europe orientale, on a ensuite freiné tous les processus d’intégration et d’assimilation avec l’aide des réseaux wahhabite/salafiste inféodés à l’allié saoudien (qui promettait aussi un pétrole bon marché à condition que l’Europe s’ouvre à toutes les immigrations musulmanes); on s’apprête, avec l’ambassadeur Rivkin, à inciter les nouveaux banlieusards déboussolés, toutes couleurs et toutes confessions confondues, à bloquer le fonctionnement total de l’Etat et de la société en générant des troubles civils dans les grandes agglomérations; en Allemagne, Erdogan et Davutoglu menacent de faire jouer, au détriment de l’Etat allemand, les “sociétés parallèles” turques, étant bien entendu que le néo-libéralisme a eu pour effet de favoriser, de “booster”, toutes les ‘économies diasporiques”, dont les réseaux turcs, axés, dans un premier temps, sur le trafic de l’héroïne; enfin, la pratique permanente du “politicide”, surtout en France, ne permet aucune restauration du “politique”, au sens où l’entendait le regretté Julien Freund. Sans restauration du politique, nous risquons le déclin total et définitif.
    On s’aperçoit clairement que l’hegemon, qui entend freiner tous nos élans, aligne tout un éventail d’alliés circonstantiels, qui ne sont en aucun cas l’ennemi principal mais bien plutôt les instruments de celui-ci. La rébellion turque, mise en exergue par les médias depuis le “clash” entre Erdogan et son homologue israélien à Davos et depuis l’affaire de la flotille humanitaire turque amenant des médicaments aux Palestiniens de Gaza, est un “show”, destiné à gruger les masses arabo-musulmanes. Outre cette mise en scène, la politique turque n’a guère changé à l’égard de son environnement, en dépit du discours néo-ottoman de Davutoglu qui évoque les notions de “zéro problème avec les voisins” et de solidarité musulmane. En Syrie, depuis août 2011, la Turquie est bel et bien alignée sur l’hegemon américain: Erdogan, Gül et Davutoglu ont tenté de faire fléchir El-Assad, en lui suggérant de prendre dans son gouvernement des ministres appartenant aux “Frères Musulmans” et de ne plus favoriser les Alaouites, adeptes d’un islam à fortes connotations chiites, et de renoncer à la laïcité de l’Etat, préconisée par l’idéologie baathiste qui refuse toute discrimination entre musulmans (sunnites, chiites, alaouites, druzes, etc.) ou à l’égard des chrétiens arabes/araméens. Le pari baathiste sur la laïcité de l’Etat syrien, sans violence institutionnelle aucune à l’égard des communautés réelles composant la population syrienne, est plus souple que ne le fut le kémalisme turc, avant son éviction par l’AKP d’Erdogan. Aujourd’hui, c’est par la Turquie (par l’Irak et la Jordanie) que transitent les armes pour les opposants syriens et pour les mercenaires “afghans” ou “libyens” qui affrontent l’armée loyaliste syrienne. Par railleurs, la géopolitique implicite de la Turquie n’est pas assimilable à une géopolitique européenne cohérente: les “directions” qu’entend prendre la géopolitique turque sous-jacente ne vont pas dans le même sens qu’une bonne géopolitique européenne qui serait enfin devenue générale et cohérente: la Turquie, par exemple, entend reprendre indirectement pied dans les Balkans, alors que ceux-ci devraient constituer exclusivement un tremplin européen vers la Méditerranée orientale et le Canal de Suez. Enfin, l’actuel territoire turc constitue une zone de transit pour une immigration proche-orientale, moyen-orientale et asiatique tentant de s’introduire dans l’espace Schengen. La Turquie, en dépit des subsides considérables qu’elle reçoit de l’Europe eurocratique, ne garde pas ses frontières et laisse passer vers l’Europe des centaines de milliers de futurs clandestins. La police et la flotte grecques sont débordées. Les finances de l’Etat grec ont été déstabilisées par ce combat à la Sisyphe, tout comme par les incendies de grande ampleur que la Grèce a subi ces derniers étés, et non pas tant, comme veulent le faire accroire les médias véhiculant le discours néo-libéral dominant, par la mauvaise gestion des budgets olympiques de 2004 et par quelques milliers de pauvres grecs véreux et madrés qui escroquaient leur système national de sécurité sociale. Pour endiguer ce gigantesque flot de réfugiés, pire que ceux de Lampedusa aux portes de la Sicile et de Fuerteventura dans les Canaries, l’eurocratie ne débloque qu’un très petit budget pour l’envoi de 200 malheureux gendarmes qui doivent surveiller une frontière qui va des rives pontiques de la Thrace à toutes les îles de l’Egée jusqu’à Rhodes et à toutes les parties de l’archipel du Dodécannèse. L’agence Frontex, chargée en théorie de verrouiller les frontières extérieures de l’espace Schengen pour éviter tous les déséquilibres qu’apporterait une immigration débridée, ne reçoit en réalité aucun appui sérieux et se révèle une “coquille vide”.
    On sait que toutes les menées salafistes ou wahhabites sont en dernière instance téléguidées par le tandem américano-saoudien et s’avèrent idéales pour perpétrer des opérations de guerre indirecte, dites de “low intensity warfare”, ou des actions “fausse-bannière” (false flag operations). On tue un Pim Fortuyn non pas tant parce qu’il serait “islamophobe” mais parce qu’il souhaitait supprimer la participation néerlandaise aux opérations en Afghanistan. On recrute un tueur dans la diaspora marocaine de Molenbeek pour éliminer le Commandant Massoud afin que ce combattant efficace ne prenne pas le pouvoir suite à la chute des talibans, programmée par le Pentagone. On envoie un Jordanien fondamentaliste pour prendre la direction de la rébellion tchétchène sur le tracé d’un oléoduc qui pourrait amener le brut russe et kazakh en Mer Noire, etc. La Russie, fournisseur principal d’hydrocarbures à l’Europe, est fragilisée dans la Caucase du Nord par les fondamentalistes tchétchènes et daghestanais mais aussi et surtout, comme le signale l’observateur allemand Peter Scholl-Latour, par une intervention wahhabite potentielle (et donc indirectement américaine) dans deux républiques musulmanes de la Fédération de Russie, le Tatarstan et le Baschkirtostan. Si ces deux républiques basculent dans le désordre civil ou si des fondamentalistes y arrivent au pouvoir, le territoire de la Fédération de Russie serait littéralement coupé en deux à hauteur de l’Oural, extrême nord excepté, soit au-delà de la limite méridionale de la zone des toundras. L’Europe serait réduite à ce qu’elle était au début du 16ième siècle, avant le déferlement des troupes d’Ivan le Terrible et de Fiodor I au 16ème siècle qui, parties de la région de Moscou, conquièrent tout le cours de la Volga et déboulent à Astrakhan en 1556. Kazan, la capitale tatar, était tombée en 1552. Peter Scholl-Latour rappelle que les Tatars ne sont que fort rarement séduits par le “wahhabisme” saoudien ou par l’idéologie égyptienne des Frères Musulmans d’Hassan al-Banna et de Sayyid Qutb et leur préfèrent une sorte d’islam modernisé, compatible avec la modernité européenne et russe, que l’on appelle le “yadidisme” ou la “voie tatar”, dont le penseur est actuellement Rafael Chakimov. Ce dernier s’insurge contre les volontés wahhabites de vouloir à tout prix imiter les moeurs et coutumes de l’Arabie des 7ème et 8ème siécles. Les adeptes de Chakimov sont peut-être majoritaires aujourd’hui au Tatarstan mais ils avaient dû prendre en compte les menées de la mosquée “Yoldiz Madrassa”, dans la ville industrielle de Naberechnié Khelny, animée par des enseignants tous issus du monde arabe. Ils ont été expulsés parce que certains de leurs étudiants avaient rejoint les rebelles tchétchènes. L’avenir est ouvert sur les rives de la Kama, affluent de la Volga qui prend ses sources loin au nord, à la limite de la toundra circumarctique. L’hegemon mondial et ses alliés saoudiens pourraient y semer le trouble en luttant contre le “yadidisme” tatar ou en réactivant une forme ou une autre de pantouranisme (pour connaître la question dans tous ses détails et en dehors de toute polémique politique, cf. L’islam de Russie – Conscience communautaire et autonomie politique chez les Tatars de la Volga et de l’Oural depuis le XVIIIe siècle, sous la direction de Stéphane A. Dudoignon, Dämir Is’haqov et Räfyq Möhämmätshin, éd. Maisonneuve & Larose, Paris, 1997; Peter Scholl-Latour, Russland im Zangengriff – Putins Imperium zwischen Nato, China und Islam, Propyläen Verlag, Berlin, 2006).
    Passons maintenant aux ennemis intérieurs: j’en citerai trois. D’abord le système bancaire, totalement parasitaire et instaurateur d’une véritable ploutocratie (mot que réhabilitent à Paris Pierre-André Taguieff et Jean-François Kahn), qui n’a plus rien, mais alors plus rien de démocratique. A ce système bancaire s’ajoute d’autres instances parasitaires comme les chaînes de supermarchés, qui spéculent sur les denrées alimentaires et sont responsables de leur cherté, plus élevée que dans les pays voisins; pour bon nombre de produits de première nécessité, les prix varient du simple au double entre notre pays et l’Allemagne, par exemple. Le secteur énergétique, entièrement aux mains de la France, nous oblige à payer un gaz et une électricité à des prix incroyablement exagérés: chaque ménage hexagonale ne paie que 62% de notre facture énergétique, ou, autres chiffres, si le ménage hexagonal paie 100%, nous payons 160,97%!! Les déséquilibres provoqués par le gigantisme de ces structures privées, semi-privées ou para-étatiques doivent être impérativement corrigés par des moyens adéquats, si nous ne voulons pas voir s’effondrer définitivement les structures les plus intimes de nos sociétés. Le second ennemi est l’idéologie néo-libérale et ses relais, dont le premier animateur fut, rappellons-le, l’ancien premier ministre Guy Verhofstadt, qui dirigea le gouvernement “arc-en-ciel”, mélange de néo-libéralisme et de gauchisme festiviste. Cette idéologie est un ennemi intérieur dangereux dans la mesure où elle étouffe, en se parant d’un masque “boniste”, toutes les possibilités d’une révolte constructive. Ensuite, pour épauler la ploutocratie et le néo-libéralisme, nous avons, troisième ennemi, les diasporas manipulables. Elles sont telles parce qu’on les déclare telles, par la bouche de l’ambassadeur Rivkin ou par la voix du tandem Erdogan/Davutoglu.
    L’objectif est donc de juguler le développement exponentiel du secteur parasitaire /ploutocratique en lui imposant des limites et des contrôles, en le soumettant à une fiscalité juste (le “mulcto” ou “multo” de la  République romaine) et à des directives à soubassement éthique, qu’il ne pourrait transgresser sans commettre automatiquement un délit punissable. Le néo-libéralisme et tout le cortège de  ses dérivés doit être perçu comme une idéologie “politicide”  et dès  lors dangereuse pour la sûreté de l’Etat et de l’Europe tout entière. Quant aux diasporas manipulables, elles sont, surtout depuis les menaces d’Erdogan et de Davutoglu, des “cinquièmes colonnes” passibles des juridictions d’exception. On ne sauvera pas notre civilisation sans des mesures drastiques.

    http://euro-synergies.hautetfort.com

  • La Russie, l’Occident et l’Allemagne

    Extrait d’un entretien accordé par Alexandre Douguine au magazine allemand “Zuerst”

     

    Q.: Monsieur Douguine, l’Occident ne se trouve-t-il pas dans une mauvaise situation?

     

    AD: Absolument. Mais la situation dans laquelle se débat l’Occident est différente de celle en laquelle se débat la Russie. Regardez l’Europe: l’UE se trouve dans un état de crise profonde; la rue en Grèce se rebelle ouvertement, l’Europe centrale et septentrionale croupit sous les charges sociales, politiques et économiques apportée par l’immigration de masse depuis ces dernières décennies. Même les Etats-Unis sont plongés dans une crise profonde. Mais, pourtant, c’est cette crise qui va faire se corser la situation. Car dans de telles situations d’instabilité et de précarité, ce sont toujours les partisans de lignes dures qui finissent par avoir le dessus. Aux Etats-Unis, actuellement, on évoque ouvertement une guerre contre l’Iran, même si à New York un bon paquet de citoyens américains manifestent contre Wall Street. On ne discute plus que du moment idéal pour commencer la prochaine guerre. Lénine disait en son temps: hier, c’était trop tôt, demain ce sera trop tard.

     

    Q.: Vous defendez l’idée d’une alliance eurasiatique. Cette idée n’implique-t-elle pas que les Etats européens se détachent progressivement de l’UE bruxelloise, un processus à prévoir pour le moyen voire le long terme, et se donnent de nouvelles orientations. Est-ce là une hypothèse réaliste?

     

    AD: La Russie est l’allié naturel d’une Europe libre et indépendante. Il n’y a donc pas d’autres options. Bien sûr, l’Europe actuelle n’envisage pas cette option, car elle est systématiquement refoulée par le fan-club transatlantique des égéries des “Pussy riots”. Mais cela pourrait bien vite changer. Qui imaginait, au début de l’été 1989, que le Mur de Berlin allait tomber en automne? Une poignée d’esprits lucides que l’établissement considérait comme fous ou dangereux.

     

    Q.: Comment voyez-vous l’avenir des relations germano-russes, tout en sachant que celles-ci ont été jadis bien meilleures?

     

    AD: Il y a beaucoup de liens entre l’Allemagne et la Russie. Nous avons une longue histoire commune. On aime à l’oublier aujourd’hui, surtout dans le vaste Occident. Lors de la signature de la convention de Tauroggen en 1812, le Lieutenant-Général prussien Johann David von Yorck a négocié de son propre chef un armistice entre le corps prussien, contraint par Napoléon de participer à la campagne de Russie, et l’armée du Tsar Alexandre. La Russie a soutenu la révolte prussienne contre les Français, ce qui a permis de lancer la guerre de libération des peuples contre Napoléon. La diplomatie russe a permis aussi en 1871 que le Reich allemand de Bismarck puisse devenir réalité  sur l’échiquier européen. La Russie a toujours soutenu le principe d’une Allemagne forte sur le continent européen. Otto von Bismarck recevait souvent l’appui de Saint-Pétersbourg. Ce ne sont là que deux exemples: la liste des coopérations germano-russes est longue et, à chaque fois, les deux protagonistes en ont bénéficié. Sur le plan culturel, les relations sont tout aussi étroites: philosophes russes et allemands s’appréciaient, se sentaient sur la même longueur d’onde. Mais nous nous sommes également opposés dans des guerres sanglantes mais, Dieu merci, cette époque est désormais révolue.

     

    Q.: Et aujourd’hui?

     

    L’Allemagne est le pilier porteur de l’économie européenne. L’économie européenne, c’est en réalité l’économie allemande. L’idée sous-jacente de l’économie allemande diffère considérablement de l’idée qui sous-tend la praxis économique du capitalisme occidental et britannique. En Allemagne, on mise sur l’industrie, de même que sur une création de valeurs réelles par le biais de la production de biens et non pas sur le capitalisme financier et bancaire qui, lui, ne repose sur rien de matériel. Aujourd’hui l’Allemagne est contrôlée par une élite exclusivement imprégnée d’idéologie “transatlantique”, qui empêche tout rapprochement avec la Russie. En Russie, on a aujourd’hui des sentiments pro-allemands. Poutine, on le sait, passe pour un grand ami de l’Allemagne. Mais malgré cela, le gouvernement de Berlin, et aussi l’opposition à ce gouvernement, essaie d’intégrer encore davantage l’Allemagne dans une UE en mauvaise posture, tout en renonçant à de larges pans de la souveraineté allemande. Pour l’Allemagne, une telle situation est dramatique!

     

    Q.: Dans quelle mesure ?

     

    AD: L’Allemagne est aujourd’hui un pays occupé, déterminé par l’étranger. Les Américains contrôlent tout. L’élite politique allemande n’est pas libre. Conséquence? Berlin ne peut pas agir pour le bien du pays comme il le faudrait, vu la situation. Pour le moment, l’Allemagne est gouvernée par une élite qui travaille contre ses propres intérêts. Nous, les Russes, pouvons aider l’Allemagne parce que nous comprenons mieux la situation de votre pays, en état de servilité, et parce que nous travaillons à créer des réseaux germano-russes en divers domaines. Nous pourrions travailler avec divers groupes au sein de la République Fédérale, nous pourrions améliorer nos relations culturelles. Je crois fermement qu’un jour se recomposera une Allemagne libre, forte et autonome en Europe, qui lui permettra de jouer un rôle d’intermédiaire entre l’Est et l’Ouest du sous-continent. Le rôle que jouent actuellement les vassaux de l’eurocratie bruxelloise et de Washington ne permet pas de forger un vrai destin pour l’Allemagne.

     

    Q.: Monsieur Douguine, nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.

     

    Entretien paru dans le magazine “Zuerst!”, Oktober 2012, http://www.zuerst.de/ ).

  • «Propaganda : Comment manipuler l’opinion en démocratie», par Edward Bernays

    Ex: http://fortune.fdesouche.com/

     

    Qui a dit : « L’ingénierie du consentement est l’essence même de la démocratie, la liberté de persuader et de suggérer » ?

    Non, la propagande politique au XXème siècle n’est pas née dans les régimes totalitaires, mais au cœur même de la démocratie libérale américaine ; elle est née d’Edward Bernays, l’auteur de cette phrase.

    Le père de la propagande

    edward-bernays.jpgEdward Bernays (1891-1995), neveu de Sigmund Freud émigré aux Etats-Unis, est considéré comme le père de la propagande politique institutionnelle et de l’industrie des relations publiques, dont il met au point les méthodes pour des firmes comme Lucky Strike. Son œuvre aborde des thèmes communs à celle de Walter Lippmann, notamment celui de la manipulation de l’opinion publique. Il fit à ce titre partie du Committee on Public Information créé par Woodrow Wilson [président des Etats-Unis - NDLR] pour gagner l’opinion publique américaine à l’entrée en guerre des États-Unis en 1917.

    Conseiller pour de grandes compagnies américaines, Bernays a mis au point les techniques publicitaires modernes. Au début des années 1950, il orchestra des campagnes de déstabilisation politique en Amérique latine, qui accompagnèrent notamment le renversement du gouvernement du Guatemala, main dans la main avec la CIA.

    Il a inventé cette technique moderne qui consiste à plier nos esprits aux projets de certains, technique que l’on nomme communément « propagande ».

    Pour Bernays, la démocratie doit être pilotée par la minorité intelligente, c’est-à-dire, par l’élite…

    Les méthodes de Bernays : de la théorie à la pratique.

    En combinant les idées de Gustave Le Bon et Wilfred Trotter sur la psychologie des foules avec les idées sur la psychanalyse de son oncle maternel, Sigmund Freud, Eddy Bernays a été un des premiers à vendre des méthodes pour utiliser la psychologie du subconscient dans le but de manipuler l’opinion publique.

    Pour lui, une foule ne peut pas être considérée comme pensante, seul le ça s’y exprime, les pulsions inconscientes. Il s’y adresse pour vendre de l’image dans des publicités, pour le tabac par exemple, où il utilise le symbole phallique. À la demande de l’industrie cigarettière, qui cherchait à faire tomber le tabou de la consommation du tabac par les femmes, il a notamment organisé des défilés très médiatisés de « fumeuses » jeunes et jolies qui affirmaient leur indépendance et leur modernité par l’acte de fumer en public (« Les torches de la liberté »…).

    En politique, il « vend » l’image des personnalités publiques, en créant par exemple le petit-déjeuner du président, où celui-ci rencontre des personnalités du show-biz. Il considère qu’une minorité intelligente doit avoir le pouvoir « démocratique » et que la masse populaire doit être modelée pour l’accepter.

    L’exemple de la première guerre mondiale

    Des techniques de propagande ont été codifiées et appliquées la première fois d’une façon scientifique par le journaliste Walter Lippmann et le psychologue Edward Bernays au début du XXème siècle.

    Pendant la Première Guerre mondiale, Lippman et Bernays furent engagés par le président des États-Unis Woodrow Wilson pour faire basculer une opinion américaine traditionnellement isolationniste vers l’interventionnisme. Pour cela, il fit appel aux Comités pour l’information du public (Commitee on Public Information) dirigés par le journaliste George Creel, « privatisant » ainsi la propagande de guerre.

    La campagne de propagande de Creel, Lippman et Bernays effectuée pendant six mois fut si intense que l’hystérie anti-allemande générée a impressionné l’industrie américaine, qui découvrait tout à coup les immenses ressources que l’on pouvait déployer pour influencer l’opinion publique d’un pays entier. Bernays a inventé les termes d’esprit de groupe et d’ingénierie du consentement, des concepts importants en propagande appliquée.

    Lord Ponsonby, un aristocrate anglais, socialiste et pacifiste, résuma ainsi les méthodes utilisées pendant le conflit (y compris par son propre pays) : il faut faire croire :

    1. que notre camp ne veut pas la guerre
    2. que l’adversaire en est responsable
    3. qu’il est moralement condamnable
    4. que la guerre a de nobles buts
    5. que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous)
    6. qu’il subit bien plus de pertes que nous
    7. que Dieu est avec nous
    8. que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat
    9. que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous)
    10. que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traitres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).

    L’historienne Anne Morelli a montré que cette grille pouvait s’appliquer encore aux conflits de la fin du XXème siècle. Certains soulignent aussi leur adéquation avec des conflits très actuels.

    Les relations publiques, dont usent les États et les entreprises, s’inspirent directement des travaux de Lippman et Bernays.

    En 1928, Bernays publie Propaganda

    L’analyse de Chomsky :

    « Le manuel classique de l’industrie des relations publiques », selon Noam Chomsky. Véritable petite guide pratique écrit en 1928 par le neveu américain de Sigmund Freud. Ce livre expose cyniquement et sans détour les grands principes de la manipulation mentale de masse ou de ce que Bernays appelait la « fabrique du consentement ».

    Comment imposer une nouvelle marque de lessive ? Comment faire élire un président ? Dans la logique des « démocraties de marché », ces questions se confondent.

    Bernays assume pleinement ce constat : les choix des masses étant déterminants, ceux qui viendront à les influencer détiendront réellement le pouvoir. La démocratie moderne implique une nouvelle forme de gouvernement, invisible : la propagande. Loin d’en faire la critique, l’auteur se propose d’en perfectionner et d’en systématiser les techniques à partir des acquis de la psychanalyse.

    L’analyse de Blandine Josselin :

    edw bern.jpgCar l’homme fait partie de ce « gouvernement de l’ombre », aujourd’hui « spin doctors » et autres conseillers en relation publique, qui régit toutes les activités humaines, du choix de nos lessives aux décisions de nos chefs d’Etat. A travers ses multiples exemples aux allures de complot, son oeuvre,Propaganda, est tout à la fois une théorie des relations publiques et le guide pratique de cette « ingénierie du consentement ».

    Explicitant avec une clarté étonnante les multiples techniques et ressorts psychologiques de la propagande (le cher oncle n’est jamais bien loin !), cette oeuvre écrite en 1928 apparaît aujourd’hui comme un témoignage édifiant et profondément actuel, qui aurait toute sa place dans un cours de self-défense civique.

    Précieux, ce «manuel» l’est par son absence totale de langue de bois. A la manière d’un Patrick Le Lay des grands jours, Bernays revendique sans même rosir son mépris pour le «troupeau» et son goût pour l’autorité. Si l’auteur choque aujourd’hui, il désarçonne aussi par tant de candeur et de ferveur pour ce qu’il chérit comme un progrès pour l’humanité.

    Il pousse surtout à réfléchir sur la réalisation de l’idéal démocratique, tant la transparence et la consternante «bonne foi» de son argumentaire en trois temps paraît infaillible. Selon lui, la propagande n’est pas un vilain mot, car l’action de dominer et manipuler les foules est inévitable, nécessaire pour «organiser le chaos» et même profitable pour «guider» la masse «égarée», ainsi soulagée de l’éreintante tâche de penser par soi-même. Bernays fonde tout son argument sur l’évacuation de l’individu et la fatalité du consentement populaire.

    ————————

    Edward Bernays, Propaganda : Comment manipuler l’opinion en démocratie, Editeur Zones, octobre 2007, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Oristelle Bonis et préfacé par Normand Baillargeon, philosophe, professeur à l’université du Québec à Montréal, et auteur d’un Petit cours d’autodéfense intellectuelle paru chez Lux en 2007.

    Sources : evene.fr et agoravox.fr

  • La Commission européenne contre la langue française !

    Communiqué de presse de Jacques Myard : La Commission européenne contre la langue française !

    Question écrite de Jacques Myard au Premier ministre sur la situation catastrophique de la langue française dans les institutions européennes , et qui se dégrade constamment !

    M. Jacques Myard appelle l’attention de M. le Premier ministre sur la situation de la langue française dans les institutions de l’Union européenne.

    A l’évidence, cette situation se dégrade rapidement : lors d’une simple visite des immeubles de la Commission, chacun peut constater que l’ensemble des affiches ou visuels vantant l’action de la Commission est exclusivement en langue anglaise. Les documents de travail, les publications des directions de la Commission ainsi que de ses agences, ne sont disponibles qu’en langue anglaise. Cette situation est particulièrement préoccupante et est directement contraire aux règles linguistiques de l’Union européenne, fondée sur l’égalité linguistique et le respect du statut des langues de travail au rang desquels figure le français. Elle est aussi directement contraire à nos intérêts dont l’emploi de notre langue est un élément essentiel. La Commission européenne est devenue une machine à angliciser.

    Il lui demande, en conséquence, quelles actions vigoureuses il entend mener pour mettre fin à cette situation scandaleuse, totalement préjudiciable à nos intérêts et dont la poursuite va inévitablement provoquer de violentes querelles linguistiques et mettre en péril l’existence même de la coopération européenne.

    http://www.actionfrancaise.net Via Les 4 Vérités

  • Préface de Nicolas Bonnal à “Indignations politiques” (Chroniques barbares IX) de Philippe Randa

    Philippe Randa contre l’erreur médiatique

    Je préfère une chronique à un éditorial. Un éditorial sent sa gazette, son directeur de la rédaction, son obligation professionnelle. Même si l’on est son propre patron, on se sent obligé de tenir compte d’un certain nombre d’impératifs plus ou moins catégoriques. Le lecteur, abonné ou pas, a le droit, puisqu’il a payé, d’écouter la voix de son contremaître de la pensée…
    La chronique est plus libre. On peut ne pas tenir compte de son lecteur, on peut aussi ne pas tenir compte de l’actualité. La chronique se fait alors considération inactuelle, la chronique évoque le temps de l’Histoire, pas celui précipité de l’actualité chaotique. Le style du chroniqueur en outre ne vieillit pas, alors que celui de l’édi­torialiste…
    On peut relire n’importe quelle chronique d’un bon auteur à toutes époques ; le ton, s’il est bon, nous semble familier. Je lis bien sûr très régulièrement les chroniques de Philippe Randa, qu’il me demande ici de préfacer, exercice que je pratique avec curiosité pour la première fois. Internet nous permet finalement de mieux nous connaître et nous suivre alors que nous ne voyons jamais ; voilà pourquoi j’ai jadis parlé de nouvelle voie initiatique.
    Je pensais donc connaître ces chroniques d’autant qu’elles datent de l’année écoulée où je me suis comme jamais passionné pour l’actualité qui me semblait un rien apocalyptique : la fin de la monnaie, le printemps en rab, l’affamé du FMI sous les barreaux malgré tous ses appuis, les sacrifices estivaux en Norvège…
    Mais une chose est de les lire chaque semaine, une autre de les absorber en moins d’une journée, précipitamment, comme un tord-boyaux ou une liqueur bien forte ! D’autant que Philippe vit et réagit en France, ce qui n’est pas mon cas depuis plus de dix ans maintenant. J’avais donc perdu l’habitude de cette abjection française si fatigante et répétitive, et je me retrouve face à un pavé dans la mare de l’horreur médiatique à la française : ma meilleure défense, c’est la fuite, d’ailleurs facilitée par l’explosion parisienne et azuréenne de l’immobilier… Mais tel est le talent de Randa et les avantages d’un livre de chroniques qu’on le peut goûter à petits gorgées, le savourer avec modération avant de se coucher ou d’aller affronter le métro.
    Mieux vaut le plaisir répété que la consommation à outrance d’une denrée aussi excitante et nécessaire ; car il est quand même bon de savoir ou de se rappeler que le mal, cette universelle médiocrité, existe. Nous ne sommes plus en Eden, ni même en France, depuis Maastricht.
    Dans les pays où j’ai vécu depuis onze ans, essentiellement en Espagne et en Amérique latine, la presse impressionne par la quantité de ses pages (mais oui !), mais surtout par sa qualité, sa profondeur, ses édifiants éditoriaux surtout de droite d’ailleurs. En France, elle est vraiment lamentable, et la malédiction française veut que nos journaux dits politiquement incorrects (et non plus « nationalistes » ou « d’extrême droite ») ne se vendent pas, ou ne soient pas connus ou simplement n’intéressent pas le con­sommateur de nouveautés providentielles. Il est vrai que le Thé­nardier de la Fin des Temps préfère bouquiner sa revue de motos, de piscines ou de ragots. Quelle race prosaïque que ces Français, disait déjà Lawrence d’Arabie ! Mais n’injurions pas le lecteur potentiel de Philippe Randa, qui tentera, lui, de remonter le niveau du bobo…
    Philippe a le goût des formules bien commerciales, qui sont souvent les meilleures : il a imposé dans le paysage éditorial l’expression « politiquement incorrect ». Le politiquement incorrect est tout ce qui doit être tu. Le système repose sur la peur et le mensonge, il repose aussi sur le silence entendu : par exemple la francisque de Mitterrand dont les médias niaient l’existence avant de lui ruer dans les brancards, au père François. Mais tout le monde à droite savait que cette francisque existait et qu’elle tintait. C’est cela être politiquement incorrect et cela dépasse de beaucoup l’extrême droite.
    Si Marine Le Pen s’est illustrée et a une chance de s’imposer cette année, c’est bien parce qu’elle a rompu avec l’extrême droite et qu’elle a imposé sa vue politiquement incorrecte : sortir de l’euro qui nous ruinera avant de ne plus rien valoir. Elle applique le même principe que Philippe : souligner ce qui ne va pas entre le fait et sa traduction, dénoncer le mensonge plutôt que de s’en prendre au menteur.
    On retrouve donc dans ces chroniques beaucoup de richesse informative (que je n’ai jamais la patience d’acquérir), aucune rage – Philippe est toujours cool et on ne lui connaît guère d’ennemis… –, un ton à la fois serein et philosophe, avec parfois, pourquoi pas ! Un soupçon de révolte, comme celle de nos indignés qui ont défrayé la chronique l’an dernier… et qui inspirent peut-être le titre de cet ouvrage.
    J’ai vécu en Espagne cette affaire des indignés venus de France comme toutes les erreurs qui ont frappé ce pauvre pays depuis qu’il est sorti de la « dictature ». Ni instruits, ni motivés, ni guidés, ni courageux (au premier frimas, au début des vacances, pendant les fêtes, ils disparaissent tous), les indignés ont reçu le soutien de Hessel, vague porte-étendard du Parti socialiste français qui est ici venu soutenir Zapatero, l’homme aux cinq millions de chômeurs et honorer la mémoire et la fortune du PSOE, ce Parti socialiste qui n’est ni ouvrier ni espagnol, comme tous les partis sociaux-démocrates européens qui se respectent. Autant dire que le mot d’indigné aura souffert des avanies avec Hessel comme celui – pour Bernanos – d’antisémitisme avec Hitler !
    Et pourtant, Philippe Randa s’indigne ! Lui qui fait montre de modération (on l’a dit), de pondération, de considération distinguée, aura choisi l’indignation ! Avec l’âge et la tempe grise, je pensais que l’on s’adoucissait ! Mais comment a-t-il pu ?
    Il faut dire que l’année écoulée aura été celle de tous les scandales, de toutes les dépravations, même si 2012, entre le Concordia et les dégradations des notes souveraines, s’annonce aussi bonne… Cette année 2011, dis-je, est un scandale et elle mérite un chroniqueur patenté et de sang-froid pour tout recenser, dénoncer et au besoin expliquer.
    Au-delà des faits, il y a les causes (qui a fait l’euro, et pourquoi ? Qui est donc DSK ? Qui est donc Ben Laden ?) ; et au-delà des faits, il y a la bêtise petite-bourgeoise increvable de notre presse, et l’abjection commentatrice.
    Philippe garde tout son calme et arrive à user de l’arc ou de la massue pour jauger les carrefours développés et viser les bisons pas très futés qui passent dans la grande prairie de notre monde vide. De ce point de vue, si un auteur et éditeur aussi « force tranquille » que lui a décidé de « s’indigner », c’est qu’il va se passer quelque chose pour le sixième centenaire de notre sainte patronne !
    Scandales ? Dénoncer les scandales, et sur un ton un rien paisible, un rien ironique ? Randa a-t-il raison de le faire ? La question est de savoir si comme le disait un cynique italien dans les années 80 – déjà… – « il y avait des scandales, mais il n’y en a plus… », une opinion saturée de la mondaine porcherie en devient-elle blasée ? Je ne le crois pas, Philippe non plus, et c’est pourquoi même il dénonce, par-delà les scandales, les absences de scandales. Malheur à celui par qui l’absence de scandale arrive. Le public se croit informé, il ne l’est pas ; ou il se croit renseigné, comme dans le village du « Prisonnier », et il n’est qu’informé. Il n’a que des bribes. Et c’est pourquoi il lui faut des auteurs et même des éditeurs.
    L’opinion n’est pas blasée, elle est impuissante. Elle a le droit de voter pour être déçue dans le pire des régimes à l’exclusion de tous les autres, et elle doit choisir en général entre Laurel et Hardy, sauf en France où, tout de même, nous avons la chance de humer la fragrance politiquement incorrecte d’une famille bretonne fidèle à son destin… Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas à cette presse désastreuse qualitativement et moralement que je dénonçais plus haut que nous devons le lepénisme politique que le monde entier nous envie.
    À cet égard, Philippe a choisi non pas son camp, mais sa région politique et métapolitique, celle des exclus des plateaux télé, où l’on trouve de tout, idéologiquement et même éthologiquement ! même des modérés comme lui dont le ton familier ne cache rien des fermes convictions et du désir de voir mieux faire… Comme dirait mon Alter Ego Horbiger, derrière le ton nonchalant de l’Alter Ego de Philippe – « Jacques Bonhom­me »(1) –, on sent comme un besoin de surhomme…
    Il faut qu’il y ait des éditeurs. C’est une chance pour l’auteur et pour le lecteur. La grande originalité de Philippe, depuis que je le connais, c’est qu’il est un excellent auteur et un non moins bon éditeur, passionné par tous les sujets. C’est cet éclectisme et cet encyclopédisme éditorial qui justifient sa largeur de vues qui contraste avec l’excitation permanente des usuriers du système entropique où nous agonisons, largeur de vues qui s’accompagne de fermes convictions et d’une vision du monde qui n’est pas celle de Juppé ou d’Obama.
    Le problème de l’édition aujourd’hui, je le sais bien moi qui suis auteur, c’est que l’on télécharge gratuitement et que l’on vit des temps où la culture est gratuite et où l’on trouve plus de rédacteurs – ou de scripteurs – que de lecteurs. Je suis moi-même grâce à cela redevenu un bon lecteur de classiques, mais je n’en constate pas moins le péril de mort que court le petit monde de l’édition et même le journalisme.
    Mais ne nous adonnons pas au spleen ; et comme dirait Horbiger, faites l’humour, pas la guerre. Nous laissons aux héritiers de Roosevelt, ce diable si bien décrit par le Dr Plouvier (un des meilleurs auteurs de Philippe) le soin de déclarer la guerre à tout le monde dans le Globalistan. Nous, nous préférons rire et sourire au moment où tremble notre carcasse.
    Et je lui laisse le dernier mot, que je trouve dans ses chroniques (à propos de l’affaire Joly) et qui est irrésistible, célinien quoi : « Tout arrive… enfin ! Même la condamnation du racisme anti-blanc ! Qui plus est, anti-nordique ! »
    Si tout arrive enfin, peut-être qu’en 2012 après tout, aux élections…
    Bonne lecture de Philippe, cher lecteur… en attendant… http://francephi.com

    Note

    (1) Jacques Bonhomme est le nom attribué par Jean Froissart à Guillaume Caillet ou Callet qu’en mai 1358, les paysans révoltés, les Jacques, prirent pour chef et nommèrent « roi » ou « capitaine souverain du plat pays ». Derrière l’expression « Jacques Bonhomme », les sources de l’époque désignent l’ensemble des révoltés de la Grande Jacquerie. Elle vient de l’ancien français « jacques », qui désigne les paysans, par synecdoque, du fait du port d’une veste courte du même nom, la « jacque ».
    Auteur de plusieurs ouvrages sur des sujets sociétaux, po­litiques et artistiques, Nicolas Bonnal a écrit notam­ment sur Tolkien, François Mitterrand, Jean-Jacques An­naud et Nostradamus. Ancien collaborateur du Li­bre Journal de la France courtoise, il collabore désor­mais à l’hebdomadaire Les 4 Vérités hebdo et  à Con­tre­littérature. Ses chroniques sont publiées en « tribune libre » sur www.francephi.com. Son dernier livre paru est Mal à droite, Lettre ouverte à la vieille race blan­che et à la droite (Michel de Maule, 2011).