Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

géopolitique - Page 690

  • Plus fort que Juppé contre Sarkozy : chiites contre sunnites

    Tout chroniqueur hexagonal qui se respecte doit bien sûr situer le centre du monde à Paris. Il doit aussi considérer, jusqu'en 2017, encore 3 ans, que la seule question qui comptera dans l'univers intergalactique sera de savoir qui aura le privilège de battre Mme Le Pen au second tour d'une élection présidentielle à couper le souffle.

    Et pourtant, n'hésitant pas à désobéir aux consignes, essayons de faire diversion en remarquant qu'il se passe des choses dont nos gazettes ne se préoccupent guère.

    En ce moment, Vladimir Poutine est à Ankara en train de négocier un contournement des sanctions occidentales. Il vient de renoncer au pipeline "South Stream"

    En ce moment, le cours du pétrole est en chute libre, beaucoup plus rapide que la diminution du prix du carburant à la pompe.

    En ce moment l'Arabie saoudite, alliée des États-Unis depuis la fondation du royaume en 1932 et celle de l'Aramco en 1933 accélère ce mouvement en augmentant sa production et en bloquant les pressions du cartel constitué de l'Opep et de la Russie. Le gouvernement le plus menacé dans ce scénario semble le Venezuela, foyer du désordre en Amérique latine. Mais d'autres suivront, si la baisse se confirme.

    En ce moment aussi, la guerre millénaire entre chiites et sunnites déchire plus que jamais le proche orient. Aujourd'hui par exemple les chiites iraniens considèrent qu'ils satellisent au moins quatre centres de pouvoirs alliés de Téhéran, du Yémen à la Syrie, en passant par Bahreïn et le sud de l'Irak. Il faudra compter avec les ramifications de cette force. Elle peut, plus que d'autres, résister à la poussée du Califat terroriste d'Abou-Bakr al-Baghdadi, alors même que les États-Unis et Israël perçoivent encore la menace persistante des ambitions nucléaires de l'Iran et le poids de l'héritage de la révolution islamique de 1979.

    Dans la mouvance chiite on ne doit pas oublier non plus les dispersions, les évolutions séculaires et les multiples versions de cette interprétation légitimiste de la foi mahométane.

    Ainsi au Liban, communauté de moindre importance au moment du pacte national de 1943, elle a par sa démographie pris une importance considérable. Avec le Hezbollah, depuis 1982-1985, il s'agit à la fois d'un parti politique et d'une réalité militaire, placé sur la liste des organisations terroristes.

    En Turquie, il en va tout autrement. Sous le nom de câ'feri (en turc) on désigne les adeptes de l'islam chiite iranien, dit "duodécimain". (1)⇓ Ils comptent peut-être 3 ou 4 millions de croyants, plus ou moins assimilés à une petite minorité nationale. Car la principale version du chiisme en Anatolie est constituée par les "alevis-bektachis" qui tiennent Ali pour l'une des trois personnes d'une trinité sacrée, (2)⇓ dont la représentation trône dans toutes leurs cérémonies. Communauté essentiellement pacifique, reconnaissant l'égalité des sexes, ils sont exécrés par les intégristes du sunnisme. dans les années 1970 à 1990 ils furent à plusieurs reprises la cible de persécutions fanatiques. On a pu y voir la main du fameux "État profond" supposé quadriller le pays.

    Pratiquant leur religion dans des lieux de culte distincts, les "cemevi" ils se trouvent aujourd'hui encore pratiquement niés par les autorités instituées du culte, les dizaines de milliers de fonctionnaires de la Direction des affaires religieuses turques, et ses budgets publics étant voués par la constitution de 1982 à l'entretien de l'islam sunnite et de ses mosquées. Or, il est bien possible que cette "minorité" représente 25 ou 30 % de la population. Persécutés par le kémalisme des années 1930, leurs pratiques de l'achoura étant même explicitement interdites par une loi de 1928, objet de pogroms un demi-siècle plus tard, supposés "de gauche", les alévis ont depuis 30 ans essaimé dans tout le territoire à la faveur de l'urbanisation, à Istanbul comme dans l'ensemble de l'Anatolie.

    Certes donc on doit se préoccuper de la survie des chrétiens du proche orient, mais la question de la liberté religieuse englobe aussi, ou plutôt elle englobera de plus en plus, dans les pays à majorité, ou plutôt à islam d'État, sunnite, la question des droits des communautés chiites, des alévis, des confréries, dissoutes par Kémal et ouvertement menacées par Erdogan dans ses discours de la campagne présidentielle de 2014. En fait, contrairement à l'idée reçue selon laquelle la république turque aurait introduit les principes occidentaux de "la laïcité", laquelle suppose au moins la liberté de conscience et de culte – c'est le point essentiel affirmé aussi bien par le "Bill of Rights" américain du XVIIIe siècle que par la loi de séparation française de 1905 – la constitution turque est obsédée par la question de l'unité nationale.

    Sa prétendue "laïcité" pourrait ainsi faire sienne, horresco referens, la fière devise qui aboutira à la révocation de l'édit de Nantes "une foi, une loi, un roi".

    Il se trouve qu'un épisode récent, autour des tentatives de "repentance" de l'État à propos des massacres de 1937-1938 dans la région appelée alors Dersim, et aujourd'hui Tunceli, dont la particularité est d'être à la fois kurde et alévie, montre que le rapport de forces politique a évolué et évoluera encore. Mis, par le premier ministre Davutoglu, au défi de s'y rendre, le chef du parti nationaliste MHP Devlet Bahceli a voulu crânement y organiser un meeting. Il a dû rebrousser chemin ce 28 novembre.

    Oui, cet antagonisme entre sunnites et chiites, qui remonte à l'an 61 de l'Hégire, 680 de l'ère chrétienne, à la bataille de Kerbala, où les omeyyades l'emportèrent sur les descendants d'Ali, peut sembler à certains plus durable et plus significatif, que les débats internes de la droite que notre gauche française, la plus intelligente du monde pour sûr, persiste à appeler "guerre des chefs" en référence à cette grande création culturelle hexagonale du XXe siècle, "Astérix le Gaulois".

    JG Malliarakis  http://www.insolent.fr/

    Apostilles

    1) C'est à dire reconnaissant la chaîne des Douze imâms descendants du Prophète, le 12e étant "occulté" depuis le IXe siècle cf. Lammens "L'Islam coyances et institutions" pp.144-145. ⇑

    2) cf. Lammens "L'Islam coyances et institutions" pp. 168 et suivantes. ⇑

  • Sanctions contre la Russie : rien ne se déroule comme prévu

    Vladimir Fédorovski répond au FigaroVox suite à la décision du président russe de suspendre le projet russo-italien de gazoduc South Stream :

    S"Cette décision révèleVladimir Poutine est en train de procéder à un changement géostratégique assez significatif. La rupture de la Russie avec l'Occident aujourd'hui est comparable avec ce qui s'est passé dans un autre sens il y a plus de 300 ans sous Pierre le Grand. A l'époque, le tsar avait fait de la Russie une puissance européenne. Désormais, Vladimir Poutine est en train d'en faire une puissance asiatique. Il se rapproche notamment de Chine, avec laquelle il est en train de nouer une vraie alliance militaire, mais aussi de la Turquie. Le président russe a d'ailleurs annoncé que Gazprom allait augmenter de 3 milliards de m3 ses livraisons à la Turquie «afin de satisfaire ses besoins» et lui consentir un rabais de 6% sur ses prix à compter du 1er janvier prochain. Il a même menacé les approvisionnements de l'Europe, suggérant qu'une partie de la production russe pourrait être détournée vers l'Asie.

    Cette rupture géopolitique est aussi le résultat d'un bouleversement politique intérieur. Le but des sanctions économiques américaines était d'influencer l'échiquier politique intérieur. Celles-ci devaient précipiter la chute du rouble et des capitaux et par ricochet la chute de la croissance et l'impopularité de Vladimir Poutine. En réalité, rien ne se déroule comme prévu: la multiplication des sanctions a finalement provoqué la naissance d'une aile nationaliste beaucoup plus radicale que Poutine. Celle-ci exerce une forte pression sur le gouvernement et a entrainé la marginalisation de l'opposition libérale et pro-occidentale. Poutine est donc contraint à une forme de surenchère, ce qui explique le durcissement de son discours. [...]

    Les conséquences économiques sont désastreuses pour l'Europe. Je rentre d'Allemagne où les milieux d'affaires sont affolés. 40 % du gaz allemand venant de la Russie, ces derniers craignent un effet domino: augmentation des tarifs de l'énergie en Allemagne, puis décrochage de la croissance allemande et enfin décrochage de l'Europe toute entière. En réalité, les intérêts vitaux de l'Allemagne sont en jeu et par ricochet les intérêts vitaux de la France. [...]"

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Ukraine : une américaine au gouvernement

    La rédaction de Contre Info s’est toujours montrée sceptique face à l’admiration sans limite que porte un certain nombre de patriotes français vis à vis de la Russie de Poutine. Le conflit en Ukraine divise beaucoup de nationalistes en France mais également dans d’autres pays d’Europe. Si Contre Info parle de ce conflit essentiellement pour faire prendre conscience aux lecteurs que tout n’est pas blanc d’un côté et noir de l’autre, on ne peut passer à côté de cette information fracassante… Une ukrainienne-américaine ayant travaillé à la solde de l’Oncle Sam et de la finance internationale fait son entrée au gouvernement de Kiev.

    Lu sur Le Figaro : « L’Ukraine s’est dotée aujourd’hui d’un nouveau gouvernement pro-occidental incluant une Américaine, un Géorgien et un Lituanien à des postes clé, censés aider le pays à sortir d’une grave crise économique et faire face au sanglant conflit armé dans l’Est.

    « Nous devons intégrer dans notre gouvernement les meilleures compétences internationales », a déclaré le président Petro Porochenko. Natalie Jaresko, une Américaine d’origine ukrainienne ayant travaillé pour le Département d’Etat américain et pour un fonds d’investissement ukrainien financé par le Congrès américain, se retrouve ainsi ministre des Finances.  »

    http://www.contre-info.com/

  • C’est Bernard-Henri Lévy qui prétend n’avoir pas vu de néo-nazis en Ukraine ? Petit témoignage (Vidéo)

    Spéciale dédicace à Bernard-Henri Levy qui prétend que Poutine fait de la propagande en parlant des nazillons de Kiev.

    Ils portent les insignes qu’ils veulent, ça les regarde. Mais qu’on ne vienne pas prétendre que le néo-nazisme n’est pas présent en Ukraine, jusque dans le gouvernement. Et ça ne serait rien, si ce bataillon (et les autres bataillons semi-privés), ne s’illustrait pas par sa grande cruauté: viols, assassinats, terrorisme des populations, etc.  Les charniers ont été découverts en Novorossiya sur les emplacements qu’ occupaient ces bataillons financés par des oligarques.    E. D.

    ____________________

    VriM6w-Ohes

    Photo et vidéo postées sur le réseau social Vkontakte par un membre du bataillon de volontaires « Azov » nommé Artem Bonov.

    VOIR LA VIDEO (magnifique quenelle inversée d’Artem à la fin agrémentée d’un guilleret « Sieg heil!) [il s’agit d’une autre vidéo]

    Rappelons que le chef de la police pour la région de Kiev qui vient d’être récemment nommé au poste par le ministre de l’intérieur Avakov est le commandant adjoint du bataillon « Azov », le lieutenant-colonel Vadim Troyan.

    Lire la suite

  • Huntington

    Quand Samuel Huntington, professeur à Harvard, a publié son célè­bre livre, The Clash of Civilizations (1), aujourd’hui cité jusqu’à la nau­sée, il augurait l’avènement d’une nouvelle dimension conflictuelle dans le monde, suscitée cette fois par les origines culturelles, ras­sem­blées dans des espaces organiques autocentrés de dimensions continentales, espaces opposés les uns aux autres ; dans cet affron­te­ment planétaire à acteurs multiples, il réservait à l’Europe un rôle pour le moins ambigu. Il désignait notre continent comme la matrice de la “civilisation occidentale”, admettait qu’il allait devenir une su­per­puissance économique et militaire. Mais au fil de son exposé, il fi­nissait par répéter l’hypothèse que, dans le futur, l’Europe conti­nue­rait son petit bonhomme de chemin comme dans les années 50, au sein de ce que l’on appelle depuis lors le “monde occidental”. Il n’y au­ra pas, selon Huntington, deux agrégats indépendants et auto­no­mes respectivement sur le continent nord-américain et en Europe. Cette thèse n’a guère préoccupé les esprits, elle est passée quasi inaperçue, la plupart des observateurs ont considéré que ce vice d’analyse dérive d’un effet d’inertie, propre de la culture américaine, qui s’est répercuté sur le cerveau de l’honorable professeur, par ail­leurs excellent pour tous les brillants raisonnements qu’il produit.

    Huntington mérite aussi nos éloges pour avoir eu tant d’intuitions, pour avoir prospecté l’histoire européenne, en feignant un à-peu-près qui découvre par “accident” les rythmes réels du monde, qui lui permettait de prédire que le destin de notre Europe n’était pas prévisible comme l’était celui des autres parties du monde. Certes, l’Europe pourra soit se muer en un bloc autocentré soit garder le corps de ce côté de l’Atlantique et le cerveau de l’autre. La question reste sans solution. Et si le livre de Huntington — comme le sou­li­gnent quelques esprits plus fins — n’était pas un simple essai aca­démique mais plutôt un scénario à l’usage de l’établissement amé­ricain… Quoi qu’il en soit, l’établissement a très bien retenu la leçon de Huntington et a vite mis tout en œuvre pour agencer le monde selon ses intérêts économiques et géopolitiques.

    Les deux concurrents les plus sérieux des États-Unis à l’échelle de la planète, selon la logique d’affrontement décrite par Huntington, devraient être l’Empire européen et un Califat islamique rené de ses cendres. L’Empire européen (potentiel), fort d’une culture spécifique et pluri-millénaire, humus indestructible d’une formidable mentalité, ca­pable de disposer d’une technologie militaire de pointe, bénéficiant d’un marché intérieur supérieur à celui des États-Unis, aurait fa­cile­ment marginalisé le colosse américain grâce à un partenariat quasi­ment obligatoire avec les pays limitrophes de l’Europe de l’Est et à un développement harmonieux des pays de la rive sud de la Méditer­ranée. De son côté, le monde islamique, qui peut plus difficilement en­gager un dialogue avec la civilisation américaine, décrite par quel­ques scolastiques musulmans comme le pire mal qui ait jamais frap­pé la planète et le contraire absolu de tout ce qui est “halal” (pur) ou “muslim” (obéissant à la loi de Dieu). Ce monde musulman con­naît une formidable expansion démographique et détient la majorité des gisements de pétrole. Si l’Empire européen voit le jour, se con­so­lide et s’affirme, il est fort probable que ce mon­de musulman chan­ge de partenaires commerciaux et abandonne les sociétés américai­nes. Le monde orthodoxe-slave-byzantin, handica­pé par la totale dé­pendance de la Russie vis-à-vis de la Banque mon­diale, connaît ac­tuellement une terrible phase de recul.

    Actuellement, les mages de la stratégie globale américaine semblent avoir trouvé une solution à tous les maux. D’un côté, ils favorisent la constitution d’un front islamique hétérogène, avec la Turquie pour fer de lance et l’Arabie Saoudite pour banque. Ce front en forme de “croissant” ( !) aura l’une de ses pointes au Kosovo, c’est-à-dire au cœur de l’Europe byzantine, et l’autre dans la république la plus orientale de l’Asie Centrale ex-soviétique : ainsi, toute éventuelle re­nais­­sance du pôle orthodoxe ou panslave sera prise dans un étau et le monde islamique sera coupé en deux. Pire, en ayant impliqué l’U­nion Européenne dans l’attaque contre la Serbie, les stratèges amé­ricains ont empoisonné tout dialogue futur en vue de créer une zone d’é­change préférentiel entre cette Union Européenne et le grand marché oriental slave et orthodoxe. Or, ce marché est l’unique espoir de voir advenir un développement européen et de sortir l’Eu­rope ex-soviétique du marasme actuel ; le passage de l’aide amé­ricaine à l’aide européenne aurait permis un saut qualitatif ex­ceptionnel.

    L’Europe se trouve donc dans l’impasse. Comment faire pour en sor­tir ? Mystère ! Une Europe forte économiquement, même bien ar­mée, s’avère inutile si elle n’est pas libre et indépendante ; tout au plus peut-elle être le complément subsidiaire préféré d’une autre puis­sance. Toute Europe autonome et puissante est obligatoirement le principal concurrent des États-Unis tant sur le plan économique et com­mercial que sur le plan politique et diplomatique. Notre continent de­vra donc opérer ce choix crucial et historique : ou bien il restera ce volet oriental du Gros-Occident, niant de ce fait sa propre spécificité, diluant progressivement sa propre identité dans une sur-modernité qui la condamnera à demeurer terre de conflits et zone frontalière, li­mes [zone-frontière] face à l’Est et face à l’Islam pour protéger les intérêts et la sur­vie d’une puissance impériale d’au-delà de l’océan ; ou, alors, l’Eu­ro­pe se réveillera et retrouvera une nouvelle dimension, qui est tout à la fois sa dimension la plus ancienne ; elle ramènera son cerveau en son centre et en son cœur, elle rompra les liens de subordination qui l’en­travent et partira de l’avant, redevenant ainsi maîtresse de son destin.

    Ce réveil est le juste choix. Mais est-il possible ? On ne peut malheu­reu­sement rien prédire aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, il reste en Eu­ro­pe une certaine volonté d’agir dans la liberté et l’indépendance.

    ► Marcello De Angelis, Nouvelles de Synergies européennes nº41, 1999.

    (article paru dans Area, juin 1999)

    Note en sus :

    1. Le Choc des civilisations est issu d'un article, The Clash of Civilizations publié à l'été 1993 par la revue Foreign Affairs et inspiré de l'ouvrage de l'historien français Fernand Braudel Grammaire des civilisations (1987). Cet article a permis à Samuel Huntington [1927-2008] d'accéder à la notoriété. Il l'a ensuite développé pour en faire un livre paru en 1996 et traduit en 39 langues (la version française est publiée en 1997 aux éditions Odile Jacob). Le politologue considérait que dans le monde de l'après-Guerre froide, les conflits viendraient moins des frictions idéologiques entre les nations que des différences culturelles et religieuses entre civilisations. La fin des conflits idéologiques n'a pas sonné le glas de l'Histoire. La faillite des grands récits ne produirait nullement une pacification, mais le remplacement des anciens conflits idéologiques entre l'Est et l'Ouest par des affrontements de cultures, comme entre l'islam et le monde occidental. C'est pourquoi il a construit une vision cohérente des nouvelles relations internationales, qui permet de réfléchir aux moyens de réduire les conflits de civilisation. La diplomatie culturelle permettra d'éviter ce choc entre blocs civilisationnels comme auparavant entre chocs des idéologies : en favorisant une solidarité politique et géopolitique entre les différents pays du camp occidental, en incitant le "bloc islamique" à se stabiliser autour d'un pays dominant (il voit volontiers la Turquie jouer ce rôle), de même que le "bloc asiatique" est ou sera dominé à terme par la Chine. Néanmoins, la vision de Huntington est réductrice car d'abord, elle n'explique pas que le Japon, la Chine et l'Inde concilient tradition religieuse et modernité. Ensuite, elle ne tient pas compte de la bipolarité croissante de “l'Occident”, partagé entre l'Europe et les États-Unis. Enfin elle identifie organisation sociale et politique économique au sein d'une entité abstraite définie comme “civilisation”. La liste des huit civilisations établie par Huntington est contestable : elle est marquée par une vision "américaine" du monde. La problématique d'Huntington, même s'il serait injuste de la ramener à l'instrumentalisation qui en est faite, est posée dans un cadre qui n'est pas nôtre. Le véritable enjeu demeure : le travail sur soi de l'Europe. Comment penser les relations internationales aujourd’hui quand on est européen ? Avons-nous des intérêts stratégiques qui peuvent être exprimés différemment de ceux des États-Unis ?     

    http://www.archiveseroe.eu/huntington-a113477142

  • Israël et la bombe nucléaire

    Israël est le seul pays doté de l’arme atomique au Moyen-Orient et il entend bien le rester. D’où la vigueur de la campagne menée par l’Etat juif contre tout accord entre la communauté internationale et l’Iran, qui n’aboutirait pas à un démantèlement total du programme nucléaire militaire de la République islamique. «Les trois principales menaces contre Israël ? L’Iran, l’Iran et l’Iran» confiait, il y a peu, un diplomate israélien à l’Opinion. Faute d’accord, lundi à Vienne, les négociations vont se poursuivre jusqu’en juin 2015, période durant laquelle la pression d’Israël ne se relâchera vraisemblablement pas, en particulier à Washington.

    Sur la question nucléaire, Israël se trouve dans une situation très particulière : le pays ne reconnaît pas officiellement être une puissance nucléaire, ce qu’il est pourtant depuis 1967, et maintient un silence total sur ces affaires, la presse locale étant soumise à une censure militaire. En la matière, la doctrine israélienne se résume au mot «ambiguïté», «amimout» en hébreu. Cela consiste à ne jamais commenter ce que d’autres sources pourraient dire ou écrire sur le sujet. Cette attitude est partagée par les responsables américains, depuis un accord de 1969 entre les deux pays. La France observe également une grande discrétion sur cette question.

     

    Cette doctrine de l’ambiguïté volontaire fait toutefois l’objet de débats discrets au sein de l’establishment israélien, où certains plaident pour une stratégie de dissuasion nucléaire pleinement assumée, en particulier face à l’Iran. Au mois de mai, un texte recommandant qu’Israël lève le voile sur son arsenal a fait l’effet d’une petite bombe dans le silence scrupuleusement entretenu sur le sujet. Publié par un think tank proche du pouvoir, le Begin Sadat Center for Strategic Studies (Besa) de l’Université Bar-Ilan de Tel-Aviv, il n’a pu être rendu public qu’avec l’accord tacite d’une partie des dirigeants israéliens, d’autant que ses deux auteurs ne sont pas des seconds couteaux. L’un est le professeur israélo-américain Louis René Beres, qui a présidé le «Projet Daniel», un groupe d’experts chargé de conseiller le Premier ministre sur le nucléaire. L’autre est le général John Chain, ancien patron du Strategic Air Command américain.

    En droit international, Israël se trouve dans une situation paradoxale. Le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) de 1968 opère une discrimination légale entre les Etats «dotés» de l’arme nucléaire (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France) et les Etats «non-dotés», qui s’engagent à ne pas acquérir l’arme atomique, en échange d’une aide des premiers au développement du nucléaire civil. Or, Israël n’a jamais signé le TNP, tout comme l’Inde et le Pakistan. Ces trois pays ne sont donc pas tenus de respecter des textes qu’ils ne reconnaissent pas. Tous les trois ont pu développer leur arsenal nucléaire, mais seul Israël n’en reconnaît pas officiellement l’existence. Leur situation est juridiquement différente de celle de l’Iran ou de la Corée du Nord, qui ayant signé le TNP, sont mis en accusation pour avoir violé leurs propres engagements.

    Selon les estimations du Bulletin of Atomic Scientists, un groupe indépendant américain, l’arsenal israélien serait d’environ 80 têtes nucléaires, pas forcément toutes opérationnelles. A titre de comparaison, l’arsenal français est d’environ 250. Les premières armes nucléaires israéliennes ont été développées en coopération avec la France et l’ancien président Shimon Peres a joué un grand rôle dans cette affaire. Les premières bombes ont été assemblées au printemps 1967, juste avant la guerre des Six Jours. Pour délivrer son armement, Israël s’appuie sur des avions de fabrication américaine (F-16 et F-15) ainsi que sur des missiles sol-sol Jéricho. Des doutes sérieux persistent sur la capacité d’Israël de tirer des missiles de croisière Popeye dotés d’une arme nucléaire depuis des sous-marins. La livraison par l’Allemagne, en septembre, d’un quatrième sous-marin Dolphin modifié (baptisé Tanin dans la marine israélienne) pourrait toutefois permettre à l’Etat juif d’acquérir cette capacité dite de deuxième frappe, l’apanage des grandes puissances nucléaires capables de répondre à une première attaque nucléaire.

    D’autres signaux, comme l’établissement d’un téléphone rouge – une ligne de communication directe et cryptée – entre Israël et le Kremlin, annoncé en juin, montrent que des choses bougent. «C’est un vieux débat», assure le chercheur Pierre Razoux, auteur d’une note sur le sujet et de l’ouvrage «Tsahal. Nouvelle histoire de l’armée israélienne» (Perrin, 2008). «En plusieurs occasions (1967, 1973, 1991, 2006), le pouvoir israélien s’est interrogé sur le bénéfice, en termes de sanctuarisation de son territoire, qu’il retirerait à clarifier sa stratégie nucléaire en renonçant à sa posture d’ambiguïté, explique-t-il. A chaque fois, ce sont les pressions de l’administration américaine qui l’ont fait renoncer, Washington craignant qu’une telle annonce ne mette en difficulté sa politique à l’égard du monde arabe». Aujourd’hui, ajoute Pierre Razoux, «compte tenu du climat tendu avec Washington, les dirigeants israéliens pourraient considérer l’affirmation de leur statut nucléaire comme un pis-aller, des frappes contre les installations nucléaires iraniennes semblant chaque jour plus improbables». De son côté, Stéphane Delory, de l’Observatoire de la dissuasion à la Fondation pour la recherche stratégique, estime au contraire que «la doctrine d’ambiguïté demeure solidement ancrée». Il faudra donc se contenter de la fiction officielle selon laquelle Israël ne sera pas le premier Etat du Moyen-Orient à y introduire l’arme nucléaire.

    Source : Secret Défense

    http://www.contre-info.com/israel-et-la-bombe-nucleaire#more-35686

  • Ces Français renégats qui partent faire le Djihad

    Disons- le clairement d’entrée de jeu. Ce sont des Français renégats qui ont renoncé à leur patrie et à leurs origines religieuses. Mais il faut au préalable rappeler une évidence que l’on aurait tendance à perdre de vue. Ce triste phénomène, qui fait la Une des médias, est, en fait, parfaitement banal et marginal.

     

    Marginal, car il ne concerne qu’une poignée de jeunes crétins désœuvrés et désorientés, dépourvus de cœur et de cervelle. On en aurait identifié formellement deux ou trois et on parle allègrement de plusieurs centaines. Mais qu’en sait-on exactement ? De toute façon, sur une population de 63 millions de personnes, c’est quand même fort peu. L’effet grossissant de la télévision et des médias qui adorent gonfler les chiffres à plaisir pour frapper les esprits est évidemment ici à l’œuvre.

    Banal, car on sait que la nature humaine est, dans certaines circonstances, capable des pires atrocités. Cela s’est vu en tout temps et en tous lieux. Notre époque n’y fait nullement exception.

    En troisième lieu, ces manifestations sordides qui exercent sur nous une sorte de fascination perverse, sont largement le fruit de l’action d’internet et des médias. Il est tellement plaisant de frissonner d’horreur devant son écran de télévision. Sans cela, ces épisodes sinistres cesseraient d’attirer l’attention et seraient promptement ramenés à leur place, celle d’un petit tas d’ordures sans intérêt. Il y a clairement une mise en scène médiatique. C’est exactement ce que cherchent ces malheureux.

    Ceci étant, cela n’empêche nullement les pouvoirs publics, leurs représentants, et les médias, de s’interroger gravement sur les motivations de jeunes Français, lesquels s’en vont faire le djihad en Syrie, et ailleurs, comme on va passer ses vacances au Maroc ou faire le tour de l’Annapurna au Népal.

    Remarquons au passage que la démarche de ces jeunes n’a vraiment rien d’une croisade héroïque. Voir des jeunes gens, le regard fixe, vitreux, sans doute sous l’effet du haschich ou de toute autre drogue, le chef enturbanné d’un turban crasseux et dotés d’une barbe malpropre, égorger paisiblement des prisonniers étrangers et désarmés devant les caméras, relève plutôt de la boucherie chevaline que de l’affrontement au combat.

    A vrai dire, ce spectacle hideux n’engendre nullement la crainte ou l’effroi, comme le souhaiteraient ces apprentis terroristes , mais plutôt le mépris et la honte pour des hommes qui font preuve d’une inconcevable lâcheté. Ils vont en Syrie non pas combattre en soldats mais pour égorger des innocents. Ce ne sont pas des héros mais des renégats et des assassins. Ils devraient être considérés et traités comme tels.

     

    Cela dit, les médias s’entêtent à rechercher frénétiquement le pourquoi des choses. Comme si des comportements aussi manifestement absurdes relevaient d’une quelconque rationalité. S’agissant de jeunes parfaitement ordinaires, voire quelconques dans leur vie antérieure, on veut à tout prix comprendre pourquoi ces derniers ont été amenés à abandonner une vie paisible et sans histoire pour se lancer dans la violence absurde dans des pays exotiques ravagés par guerre.

    En fait, il y a plusieurs explications plausibles sur ces agissements aberrants. La violence et la cruauté sont des phénomènes naturels parfaitement ordinaires et tout à fait banals pour l’espèce humaine. L’homme a reçu ce cadeau à la naissance dans ses gènes, plus ou moins dissimulé sous une couche culturelle plus ou moins étanche. Rien de bien nouveau ici- bas.

    En effet, combien de fois avons-nous vu, dans les enquêtes criminelles, un homme d’apparence parfaitement normale, sans le moindre écart de conduite ni d’inscription au casier judiciaire, se livrer sans gêne apparente à des actes horribles, souvent à l’encontre de sa propre famille.

    Il est d’ailleurs curieux de voir les journalistes avides de sensationnel se précipiter chez les voisins, médusés, du criminel pour n’en obtenir, en fin de compte, que des réponses insignifiantes. La plupart du temps, le criminel en question se révélera, à travers ces témoignages, parfaitement doux et gentil, poli et bien élevé, bon père, bon fils, bon époux, même s’il a soigneusement découpé sa femme dans sa salle de bains quelques jours plus tôt. Les archives de la police criminelle regorgent d’histoires de ce genre. On en a même fait maints romans et films. Le procès d’Eichmann avait bien révélé l’existence de la « banalisation » du Mal ordinaire.

    La leçon à en tirer est malheureusement très simple 

    Placé dans certaines circonstances, pas forcément extraordinaires, la nature humaine se révèle être capable de tout. Une bête sauvage sommeille souvent au fond de nous -mêmes, prête à se réveiller pour peu que le contexte s’y prête.

    Comment expliquer autrement la sauvagerie des exécutions capitales pendant la Révolution française, à la fin du Siècle des Lumières pourtant, ou pendant la révolution bolchevique dans le début du 20° siècle en Russie, et tout au long du régime stalinien, sans évoquer les abominations nazies perpétrées non par des sadiques mais par de paisibles citoyens allemands ayant revêtu l’uniforme peu de temps auparavant.

    Il en va de même pour ces tueries de masse exécutées périodiquement dans des universités américaines par quelques fous furieux animés d’une haine incompréhensible envers leurs camarades étudiants La nature humaine est ainsi faite.

    Mais au-delà de ces épisodes, l’escapade au Moyen Orient de Mickael Dos Santos et de Maxime Hauchard nous interpelle, qu’on le veuille ou non, sur nous-mêmes et la société que nous avons fabriqué à leur usage. Car dans le comportement étrange de ces charmants Français convertis à l’Islam, « à ses pompes et à ses œuvres », peut-être pourrait-on déceler une cause plus profonde de leurs agissements.

    Certains d’entre eux ne sont pas seulement guidés par le goût de l’aventure en terre musulmane, affublés d’un costume étrange. Il faudrait peut-être y trouver aussi une sorte de révolte aveugle et inconsciente contre une société, la nôtre. Ils y voient, non sans quelque raison, une société largement déchristianisée, déshumanisée, aseptisée, une société avide de pensée unique et de mariage gay, une société qui marche clairement sur la tête et qui a perdu ses repères traditionnels, en quelque sorte une société construite sur un paradigme socialiste virtuel.

    Mais pourquoi l’Islam ?

    Sans doute l’Islam apparaît-il à ces esprits incultes, qui ne connaissent rien ni d’Allah ni du prophète Mahomet, comme une religion pure et dure débarrassée de ces impuretés qui souillent à leurs yeux notre religion.

    En conséquence ces jeunes égarés, qui, dans l’immense majorité, n’ont aucune notion religieuse, s’en vont se fabriquer une religion sur mesure en pays exotique, ce qui les autorise à tuer des innocents désarmés, au nom d’Allah bien sûr.

    Ces épisodes ne sont pas sans rappeler le geste fou d’un jeune norvégien, voici quelques années. Le 23 juillet 2011 Anders Behrig Breivik n’avait rien trouvé de mieux pour calmer sa fureur de voir son pays natal envahi par des flux d’immigrés venus d’ailleurs, que d’assassiner froidement sur une île déserte une petite centaine de ses compatriotes blonds aux yeux bleus. En fait de stupidité démente, il était difficile de faire mieux. Mais, comme toujours dans les cas de ce genre, si l’on gratte un peu derrière l’écorce de l’évènement se dissimulent peut-être des causes plus profondes.

    Car ces épisodes nous renvoient une bien fâcheuse image sur nous-mêmes. Et cette image n’est guère reluisante. En effet, ces jeunes égarés, sans culture ni mémoire, nous lancent au visage un message de rejet et de dégoût devant une société perçue et interprétée, il est vrai, à travers le prisme déformant d’internet.

    Là où nous voyons une société ordinaire, civilisée, policée, quiète et tranquille, ils perçoivent une société aseptisée, chloroformée, sans foi ni loi, une société qui a rejeté les valeurs fortes de naguère, patriotisme , foi enracinée, goût de l’effort ou du sacrifice ,au profit de valeurs molles, recherche du moindre effort et de la sécurité à tout prix, du confort et de la jouissance (sexe ou bouffe), une société qui a cru bon de remiser le patriotisme au magasin des accessoires et une foi volontiers foulée au pied ou tournée en ridicule.

    Quant aux vertus républicaines dont se gargarisent si volontiers nos hommes politiques sans en croire un traitre mot, ces jeunes ne sauraient se nourrir de cette nourriture creuse. Ils sont à moment de leur existence où, comme tant d’autres, ils cherchent désespérément à donner un sens à leur vie ou se mobiliser pour une cause quelconque à laquelle se consacrer. Alors, faute de mieux, ils s’en créent une comme ils le peuvent, de bric et de broc, à la hauteur de leur culture de semi débiles et de leur stature de nains féroces.

    On a les idéaux que l’on peut. A défaut d’en recevoir de la famille, de l’école, du cinéma ou de la télévision, on s’en fabrique une sur mesure. Et l’on part pour le Djihad en Syrie décapiter des femmes kurdes .On se distrait comme on peut.

    Quoi qu’il en soit, un gouvernement digne de ce nom entreprendrait sur le champ de déchoir ces renégats de la nationalité française. Mais la France n’a pas de gouvernement digne de ce nom. Et d’autres Français renégats continueront à partir faire le Djihad en Syrie.

    Yves-Marie Laulan

    notes

    *Yves-Marie Laulan préside aujourd'hui l'Institut de Géopolitique des Populations, après avoir été professeur à Sciences Po, l'ENA et Paris II. Il vient de publier aux Editions L'Harmattan , La préférence nationale pour la médiocrité, de Nicolas Sarkozy à François Hollande : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=44319

    source : Metamag :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EuEZuyApuySrAukVqV.shtml

  • L’influence américaine dans le dispositif européen du TTIP

    Depuis juillet 2013, l’Union Européenne (UE) a entamé des négociations avec les Etats-Unis (USA) afin de conclure un accord commercial de libre-échange entre l’UE et les USA en 2015. Cet accord, baptisé « Transatlantic Trade and Investment Partnership »  (TTIP soit « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ») a donc pour objectifs de réduire, voire supprimer les droits de douane, d’uniformiser les réglementations de part et d’autres de l’Océan atlantique, d’ouvrir les marchés pour les services, l’investissement et les marchés publics et de mettre en place un mécanisme de règlements des différents entre entreprises et Etats.
    Les différents éléments du mandat de négociations n’ont été diffusés que tardivement (9 octobre 2014) et partiellement. De façon générale, ces négociations restent opaques pour la plupart des élus des États membres et du grand public, contrairement à ce qui a été affirmé récemment par la Commission européenne, alors même que ce Traité engagera la vie économique et sociale de millions d’européens à long terme.
    Les enjeux de ce traité pour les Etats membres de l’UE nécessite débat démocratique et transparence à tous les niveaux. Or le constat est que ni l’un ni l’autre n’existent.
    Une réelle démarche de transparence serait en premier lieu de permettre au grand public de savoir qui sont les négociateurs mandatés par l’UE pour mener les négociations.

    1-Une équipe de négociateurs européens sous influence?

    a. Qui est M. Ignacio Garcia Bercero négociateur en chef européen pour le TTIP ? Son curriculum vitae est introuvable. Qui peut croire que cet homme est sans passé ? D’où vient-il, qu’elles ont été ses précédents postes  et missions ?
    b. Quant aux autres membres de la délégation, certains d’entre eux ont travaillé dans des instances internationales fortement orientées pour la défense d’une certaine forme de modèle de libre-échange, le libéralisme économique, et l’ouverture des marchés (OMC, FMI, banque mondiale) tandis que d’autres ont réalisé leurs études aux États-Unis (Université de Berkeley, Harvad Business School…)

    2-Une étude aux arguments orientés ?
    L’Union européenne justifie l’importance et l’intérêt du TTIP par les résultats d’une étude qu’elle présente comme « indépendante » et qui lui sert de référence dans le cadre des négociations. Cette étude intitulée « Reducing transatlantic barriers to trade and investment : an economic assessment » (mars 2013) a été réalisée par leCentre for Economic Policy Research (CEPR).
    Au-delà des résultats issus de cette étude, on peut réellement contester l’indépendance et la neutralité des dirigeants du CEPR et des auteurs de ce rapport puisque, en effet ils ont, dans le passé, occupé des fonctions en lien direct avec les intérêts économiques américains. Ainsi :

    a. Richard Baldwin qui occupe depuis janvier 2014 le poste de Directeur du CEPR. était directeur des études sur les politiques publiques (Policy Director) au moment où l’étude a été réalisée. Professeur d’économie réputé, il a occupé différents postes en Europe et aux Etats-Unis. Jusqu’en 1991, année où il est arrivé en Europe, il était conseiller auprès du Président américain Bush sur les questions économiques (Senior Staff Economist for the President’s Council of Economic Advisors in the Bush Administration). A ce titre il a participé aux négociations de plusieurs accords de coopération économique : Uruguay Round,NAFTA, US-Japan Structural Impediments Initiative, et US-Japan Semiconductor Agreement. Richard Baldwin a donc défendu les intérêts économiques américains par le passé.

    Lors de la négociation relative au traité NAFTA, des arguments basés sur des modèles économiques promettaient de la croissance et des créations d’emplois aux États-Unis ainsi qu’au Mexique. Ces prévisions ne se sont pas concrétisées. Selon l’étude « Heading South U.S.-Mexico trade andjob displacement after NAFTA » datant de 2011 et réalisée par l’Economic Policy Institute, au cours de la période 1993-1999, les Etats-Unis et le Mexique ont perdu plusieurs centaines de milliers d’emplois. En outre, les inégalités de revenus ont augmenté et l’impact sur les salaires a été négatif. La fiabilité des prévisions issues des modèles macro-économiques qui ne rendent pas compte de la complexité du monde actuel, parait donc douteuse.

    b. Guillermo de la Dehesa, également président du CEPR et économiste réputé, a occupé au cours de sa carrière divers postes dans le gouvernement espagnol, à la Banque d’Espagne mais aussi à la Banque Mondiale. Il a par ailleurs travaillé dans le secteur privé, notamment bancaire. Il a été également conseiller international de la banque américaine Goldman Sachs. Enfin Guillermo de la Dehesa est membre du « Group of Thirty », ou G30, think tank basé à Washington. Ce G30 a été fondé en 1978 à l’initiative de la fondation Rockefellerqui a également fourni les premiers fonds. Son premier président a été Johannes Witteveen, un ancien directeur du Fonds Monétaire International. Son président actuel est Paul Volcker. Le G30 regroupe des financiers importants et des universitaires qui cherchent à approfondir la compréhension des problèmes économiques et financiers ainsi qu’à examiner les conséquences des décisions des secteurs publics et privés relatives à ces sujets.

    c. Joseph François directeur de l’étude dite « indépedante » du CPER,  a été pendant longtemps en poste aux Etats-Unis en tant qu’économiste au Bureau des statistiques du travail (Bureau of Labor Statistics )(1983-1987) et directeur du bureau « économie » de la commission du commerce international (1991-1993). Cette commission est une agence fédérale qui défend les intérêts des entreprises américaines dans le cadre de plaintes pour contrefaçon, d’instruction de concurrence déloyale, de viol des barrières douanières de la part d’entreprises étrangères. Elle fournit également des études sur le commerce et la compétitivité au congrès et au Président américains.

    En conclusion et en l’état actuel des informations disponibles, tout citoyen européen peut légitimement se poser la question de la capacité de l’équipe de négociateurs européens à défendre les intérêts de l’UE dans les négociations menées pour conclure le TTIP. Manifestement, ce dispositif ne permet pas de négocier à armes égales avec les États-Unis. La communication affichée n’atténue pas l’opacité caractéristique des négociations de ce traité, on ne lève pas l’opacité par des effets de communication.

    http://www.infoguerre.fr/culture-et-influence/edito-linfluence-americaine-dans-le-dispositif-europeen-du-ttip-5544

  • la paix est un souhait la guerre est un fait

     Editorial du hors série n° 1 d’hiver 2014 de la revue Conflits

    Comme celle de géopolitique, et pour des raisons comparables, la notion de guerre économique est longtemps restée taboue après la Seconde Guerre mondiale. Elle renvoyait au protectionnisme des années 1930, elle était rendue responsable de la durée de la crise, elle était soupçonnée d’avoir contribué à l’éclatement du conflit. La situation s’est à peine améliorée. C’est que l’idée de guerre économique s’inscrit en faux contre les idées libérales qui se sont imposées dans le monde. 

    Depuis l’élaboration de la théorie des avantages comparatifs, le libéralisme part de l’idée que l’échange permet à chaque pays de se procurer au mieux ce dont il a besoin. En plus de rendre la guerre difficile à cause des liens commerciaux par lesquels il entrave les nations, le « doux commerce » la rendrait inutile puisqu’il permet à chaque pays d’atteindre le seuil de prospérité le plus élevé possible.

    La réalité est bien différente. Depuis le XIXème siècle, les entreprises réclament que l’État intervienne en leur faveur dans la défense comme dans l’attaque, pour être protégées, pour être subventionnées, pour se faire ouvrir des marchés. « [La bourgeoisie] abat toutes les murailles de Chine et contraint à capituler les barbares ayant la haine la plus opiniâtre de l’étranger » se réjouissait Marx dans Le Manifeste du Parti Communiste. Mais qui fournit les canons, qui signe l’acte de capitulation ? Les libéraux réclamaient la « porte ouverte » dans l’Empire du Milieu. Qui a enfoncé la porte à coups de pied ? Pour que règne la paix par le commerce, il fallait imposer le commerce par la guerre.

    Chers amis libéraux, bienvenue dans le monde des réalités. Les chefs d’entreprise, qui sont l’objet de vos attentions, ne croient pas en vos discours sur ce sujet car eux sont confrontés à la compétition plus ou moins loyale de leurs concurrents.

    Une fois les portes ouvertes, encore faut-il que toutes les nations respectent les règles de l’échange « loyal ». Sinon c’est le « dumping social », le « dumping fiscal », le « dumping environnemental » que certains États rendent possibles en adoptant des réglementations minimales et en réduisant les impôts et les cotisations sociales (quand elles existent !). Faute de gouvernement mondial (ce qui risque de perdurer un certain temps…), c’est aux États-nations de faire respecter un minimum de règles, de protéger leurs économies, de mieux les armer pour qu’elles partent à l’assaut de territoires nouveaux. C’est cela la guerre économique et il suffit qu’un seul État la déclare pour que tous soient entraînés dans le tourbillon. Les philosophes des Lumières écrivaient en une époque où les économies étaient peu ouvertes ; on peut leur pardonner de ne pas avoir prévu toutes ces évolutions. Ce n’est pas une raison pour croire aux utopies des XVIIIème et XIXème siècles.

    Chers amis libéraux, bienvenue dans le monde des réalités. Les chefs d’entreprise, qui sont l’objet de vos attentions, ne croient pas en vos discours sur ce sujet car eux sont confrontés à la compétition plus ou moins loyale de leurs concurrents. Les États-Unis, que vous donnez volontiers en exemple et qui se prétendent le pays le plus libéral du monde, se conduisent, dans ce domaine et dans bien d’autres, comme le plus guerrier de tous. Et, en fin de compte, ne prônez-vous pas la libre concurrence qui permet aux meilleurs de l’emporter et provoque la disparition des perdants ? D’un côté vous dites « Vive la paix par le commerce », de l’autre vous vous exclamez « Malheur aux vaincus de la compétition ». N’y a-t-il pas un risque de contradiction ? [...]

    Pascal Gauchon

    La suite sur le site de la revue Conflits

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?la-paix-est-un-souhait-la-guerre