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géopolitique - Page 778

  • Erdogan, tête de Turc ?

    Les islamistes turcs, quelles que soient leurs sensibilités respectives, démontrent piteusement qu’ils sont aussi des hommes comme les autres.

     
     

    Istamboul, c’est pas cool. Certes, les empires byzantin et ottoman n’étaient pas forcément connus pour leur rectitude morale, mais la corruption étant un travers universel, se riant des âges et des latitudes, le régime kémaliste n’était pas toujours propre non plus. Et le nôtre guère moins. Là, en Turquie, ça sent la grande lessive. Dix ministres débarqués d’un coup, d’un seul… Et pas des moindres, puisque ceux de l’Intérieur, de l’Économie et de l’Environnement font partie de la charrette.

    Certains ne sont même pas directement coupables de malversations, sachant que ce sont leurs enfants qui ont été pris la main dans le pot de confiture, façon progéniture à la Fabius. En Turquie, ça suffit pour pousser le père à la démission ; ici, non…

    Du coup, les manifestations se multiplient pour exiger que le Premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan, prenne lui aussi la porte. Au fait, ces affaires de corruption, quelles sont-elles ? Principalement des trafics avec l’Iran consistant à contourner l’embargo international.

    Et c’est là que Recep Tayyip Erdoğan aura trébuché. Depuis plus de dix ans, sa politique intérieure lui a assuré une popularité hors du commun. Armée remise au pas et croissance économique à deux chiffres. Certes, de nombreux journalistes mis en prison, surtout dans la foulée du fameux procès Ergenekon à l’occasion duquel, de 2007 à 2009, furent condamnés de nombreux parlementaires, intellectuels et généraux, accusés d’avoir comploté contre l’État turc au sein de ce que l’on peut tenir pour équivalent local des anciens réseaux Gladio en Italie. Soit une nébuleuse d’extrême droite, inféodée aux USA, et chargée par ces derniers de servir de « cinquième colonne » en cas d’affrontement avec la défunte URSS. Il est parfois des fantômes du passé qui ressurgissent.

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  • L’Arabie saoudite ébranlée par l’accord sur le nucléaire iranien

    L’Arabie saoudite a été prise de court par cet accord sur le nucléaire, comme elle l’a été en 2011 par le Printemps arabe. Cinq mois seulement après l’élection de Hassan Rohani à Téhéran, il ouvre la voie à la fin de plus de trente ans d’endiguement de l’Iran. Ce processus, s’il est mené à son terme, est de nature à annihiler le résultat des efforts déployés par la monarchie saoudienne depuis le renversement du shah en 1979 pour acquérir une place régionale dominante. Cependant, mesurer toute l’étendue actuelle de la frustration de l’Arabie saoudite et de sa colère à l’égard du président Barack Obama nécessite un rapide retour en arrière historique.
    Après la révolution iranienne
    En 1979, la révolution islamique iranienne avait brutalement mis fin à la stratégie des États-Unis pour la défense de leurs intérêts au Proche-Orient dans le contexte de la Guerre froide. Elle reposait sur deux piliers qui lui étaient tous deux alliés : l’Arabie saoudite et l’Iran impérial. Riyad restait toutefois dominé par Téhéran — le « gendarme du Golfe » — auquel les États-Unis fournissaient même des armements qu’ils n’exportaient nulle part ailleurs. La menace que s’est mise à représenter, pour les monarchies de la péninsule Arabique et la stabilité de la région du Golfe, l’Iran de l’ayatollah Rouhollah Khomeini, le déclenchement de la guerre Iran-Irak en septembre 1980 et l’invasion soviétique de l’Afghanistan, ont poussé Riyad en 1981 à former, avec les monarchies de la péninsule, le Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCG). Sa vocation non déclarée était avant tout de se protéger de l’Iran. Cette initiative avait les faveurs des États-Unis qui, de leur côté, créaient Central Command (Centcom)1 pour mieux assurer la sécurité de leurs intérêts régionaux, centrés sur l’Arabie saoudite. Ce dispositif prenait également en compte l’Égypte, seul allié stratégique du royaume face à l’Iran.
    Le développement politique et militaire du CCG voulu par les Al-Saoud reste cependant freiné depuis trente ans par la réaction de leurs pairs à leur hégémonisme, et ce malgré les crises graves qui ont secoué la région. Les familles régnantes des autres monarchies du CCG n’ont eu de cesse, à l’exception de Bahreïn, de préserver le plus possible leur indépendance vis-à-vis de leur homologue saoudienne, autant par souverainisme — fruit d’un atavisme socioculturel tribal partagé, que par leurs perceptions divergentes de la menace iranienne. Avatars de ce comportement, elles ont privilégié chacune séparément des achats redondants d’armements et des accords bilatéraux avec les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, préférant, pour leur défense et leur sécurité, une dépendance totale à l’égard de l’Occident à une interdépendance renforcée centrée sur Riyad.
    Aux difficultés persistantes de l’Arabie saoudite pour resserrer autour d’elle ses marches face à l’« hydre » — qualificatif employé par le roi Abdallah pour désigner la République islamique —, s’est ajoutée, à partir des années 2000 son exaspération croissante devant la politique américaine au Proche-Orient. En 2010, son résultat est l’accroissement sans précédent de l’influence régionale de l’Iran sans que ce dernier ait eu à tirer un seul coup de fusil — l’« arc chiite » continu de Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad et Damas.
    Le tournant de la politique américaine à partir de 2011
    Dans ce contexte, le Printemps arabe a provoqué un double traumatisme à Riyad : l’apparition brutale d’une menace sociopolitique grave pour l’assise des monarchies, et le lâchage, en quelques jours, par les États-Unis de Hosni Moubarak qui leur était pourtant un allié très proche. Également accablante aux yeux de Riyad a été l’acceptation par l’administration Obama de l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir au Caire. Le pacte scellé en 1945 entre le président Franklin Roosevelt et Abdelaziz Ibn-Séoud, par lequel les États-Unis s’engageaient à protéger le royaume saoudien en échange de leur accès à son pétrole, changeait de visage : dès lors que leurs intérêts fondamentaux n’étaient pas menacés, les Américains ne protégeaient pas les régimes en place. Les fortes critiques émises peu de temps après par Washington devant la répression par la monarchie bahreïnienne, appuyée par la Garde nationale saoudienne, du soulèvement de la majorité chiite marginalisée du petit royaume insulaire, n’ont fait que confirmer cette perception.
    Survient la crise syrienne. Pour le roi Abdallah d’Arabie Saoudite, c’est une opportunité pour casser l’« arc chiite ». Alors qu’en Égypte il a soutenu une contre-révolution pour chasser les Frères musulmans et récupérer son arrière-cour stratégique, en Syrie il s’est rangé du côté de la rébellion contre le régime. Riyad s’est d’abord attaché à mettre un coup d’arrêt à l’activité vibrionne de l’émir du Qatar qui, allié avec le Parti pour la justice et le développement (AKP, Adalet ve Kalkınma Partisi) turc, favorisait partout les Frères musulmans pour contrer l’hégémonisme saoudien. L’Arabie saoudite a ensuite espéré que l’attaque chimique du 21 août 2013 dans un quartier de Damas allait enfin provoquer une plus forte implication de Washington en Syrie. Mais le président Obama, qui entamait des pourparlers indirects avec Hassan Rohani via le sultan d’Oman, n’a pas franchi le pas malgré les exhortations saoudiennes.
    Entre une très forte opposition, à l’intérieur des États-Unis, à tout nouvel engagement militaire au Proche-Orient, doublée de sa réticence personnelle, et la certitude, s’il bombardait la Syrie, de mettre à mal le dialogue amorcé discrètement avec Téhéran, tout poussait Barack Obama à ne pas lancer d’intervention militaire malgré sa « ligne rouge », au grand dam de Riyad. Son acceptation immédiate de la proposition russe pour démanteler les armements chimiques syriens finit de convaincre Riyad que Washington n’interviendrait jamais militairement. Se sentant lâchée en Syrie par les États-Unis qui visiblement allaient privilégier un service minimum au profit de l’Armée syrienne libre (ASL) tout en recherchant avec Moscou – et Téhéran – une solution politique à la crise, l’Arabie Saoudite décide alors de faire cavalier seul, pour tenter de parvenir à ses fins – éliminer le régime de Bachar Al-Assad — tout en maintenant une coordination de surface avec les Occidentaux et l’ASL.
    Sortir de l’isolement ?
    C’est dans ce contexte de frustrations saoudiennes cumulées qu’est intervenu l’accord intérimaire sur le nucléaire iranien. Il est ressenti par la monarchie saoudienne comme un ultime coup de poignard dans le dos. Ce coup est rendu encore plus douloureux par l’accueil conciliateur qui lui est fait par les autres capitales du CCG. Toutes — toujours à l’exception de Bahreïn — voient plutôt l’intérêt de la perspective future d’une intensification des échanges avec l’Iran, que ce soit en termes de stabilisation du Golfe, d’abaissement de l’hégémonisme de leur grand frère saoudien, ou en termes économiques. Mais les épreuves de l’Arabie saoudite ne sont pas terminées : lors de la rencontre annuelle des ministres et responsables de la sécurité des pays du Golfe à Bahreïn (appelée « Manama Dialogue ») début décembre, quelques jours avant le sommet annuel du CCG, le ministre omanais des affaires étrangères a déclaré publiquement que le sultanat rejetait catégoriquement le projet de la monarchie saoudienne de transformer le CCG en Union des États arabes du Golfe, et qu’il s’en retirerait s’il était décidé. Jamais déclaration aussi hostile à l’Arabie saoudite n’avait été publiquement prononcée par un membre du CCG. Pour sauver la face lors du sommet de l’organisation, un consensus minimum a pu être trouvé pour créer un commandement militaire conjoint dans le cadre du CCG. Mais l’histoire du Conseil montre que les déclarations ostentatoires dans le domaine souverain de la défense ne sont que peu ou mal suivies d’effets.
    En cette fin d’année 2013, l’Arabie saoudite se retrouve isolée parmi ses pairs et en divergence profonde avec les États-Unis. Dans le même temps, la monarchie ne peut se passer des Américains pour la défense du royaume et pour l’entretien de son matériel militaire. Les États-Unis le savent, qui de leur côté ont besoin de l’alliance avec Riyad pour maîtriser la région selon leurs intérêts. Cependant, l’Arabie saoudite s’est affichée très fort et très loin dans ses objectifs propres, pour lesquels elle mobilise le plus possible le bras de levier de ses ressources financières et de ses alliances tribales, notamment en Syrie. Le Printemps arabe et ses conséquences régionales ont provoqué chez elle improvisation et précipitation qui l’ont placée en avant-scène, contrairement à son habitude d’agir sans bruit dans le temps. Sauf à perdre la face aux yeux de tous, il lui faut à présent une porte de sortie. Il est à craindre qu’elle ne perturbe toute stabilisation du Proche-Orient qui ne lui offrirait pas cette opportunité.
    L’un des dix commandements régionaux américains dépendant du secrétariat à la défense et qui couvre aujourd’hui le Proche-Orient et l’Asie centrale.

    Marc Cher-Leparrain

    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EFlZlZVAFATImjrwZW.shtml

  • 9 sept 2001 : Notes sur un tabou en perdition

    26 décembre 2013 – Premier point, indubitable, incontournable comme l’on dit : nous-mêmes, bien autant que tant d’autres, avons raté l’affaire. En effet, le récit ici rapporté remonte, pour la première source (chronologiquement) à en faire état, au 11 décembre, et pour une semaine plus tôt que ce 11 décembre pour le fait lui-même. Nous avons raté l’affaire, et de n’avoir pas été les seuls ne nous console pas ; par contre, cela, cette discrétion assez générale ou cette indifférence assez répandue, voilà qui substantifie et même justifie absolument le commentaire ci-dessous.

    Songez-y : il y a cinq ans, sept ans, dix ans, la simple hypothèse complètement honteuse impliquée par l’évocation de la possibilité de la proposition d’une résolution d’urgence mettant en cause l’intégrité de la narrative officielle de l’attaque 9/11 par deux parlementaires washingtoniens, un démocrate et un républicain, eut provoqué des évanouissements en série dans les salons. Nos plus belles plumes se fussent étouffées dans leur encre noire de rage. Les éditoriaux auraient fusés comme autant de drones vengeurs et néanmoins civilisés ... Comment, imaginer que 9/11 ne soit pas exactement ce que la presse-Système, les dirigeants-Système, les communiqués-Système en ont dit ? Des sels, vite, les “complotistes” arrivent ...

    Non seulement… Bien plus que ce que l’on évoque, le fait de la “résolution d’urgence” des deux parlementaires n’est pas une “simple hypothèse”, une “évocation de la possibilité” d’elle-même, mais bel et bien ce qu’elle est. Il s’agit de l’affirmation explicite et officielle qu’une partie d’un document mise sous les scellés de la classification “secret” sur l’intervention documentée du président Bush contient des révélations “choquantes” sur l’implication de “un ou plusieurs“ service(s) de renseignement de pays étrangers dans l’attaque du 9/11. Cette “affirmation explicite et officielle” constitue une hypothèse très solide, proche de l’affirmation, qu’il y a eu “complot” hors de la seule machination admise des 18 ou 19 terroristes de la version officielle ... (Le document évoquée comprend les 28 pages d’une partie intitulée “Specific Sources of Foreign Support” du rapport du Congrès de 800 pages établi en 2002 sous l’intitulé officiel de Congressional Investigative Report on 9/11 – Joint Inquiry into Intelligence Community Activities Before and After the Terrorist Attacks of September, 2001, – à ne pas confondre avec le rapport de l’enquête officielle de la Commission spéciale formée pour enquêter sur 9/11).

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  • Centrafrique, une situation inextricable

    Cet article analyse les faiblesses du volet politique de l'opération Sangaris, dès le départ et au fur et à mesure que la situation se détériore : apparition d'une troisième force en présence modifiant de fond en comble le contexte de l'intervention française, et transformation du conflit politique en guerre interconfessionnelle. Résultat :

    "Les ex-Séléka, les miliciens du Nord, accusent [les forces françaises] de vouloir les laisser désarmés face à la vengeance populaire, eux et leurs coreligionnaires musulmans. La majorité non musulmane, qui attendait de la France qu'elle renverse le président Djotodia et chasse les ex-Séléka détestés, reproche à présent à la France de les maintenir en place. Pour tout compliquer, des contingents de la force panafricaine prennent parti pour un camp ou pour l'autre, allant jusqu'à échanger des coups de feu entre eux."

    Tout bascule le 5 décembre, jour du vote de l'ONU :

    "l'attaque des Anti-Balaka [une jacquerie qui veut chasser les rebelles musulmans de l'ex-Séléka] sur Bangui modifie de fond en comble le contexte de l'intervention française. Si cette attaque échoue, elle déclenche une terrible répression de l'ex-Séléka dans les quartiers populaires de Bangui. À part quelques missions de protection de ressortissants, les troupes françaises n'interviennent pas: depuis Paris, les ordres sont d'attendre le mandat de New York.

    Lorsque la résolution est adoptée le même soir, les rues de Bangui sont jonchées de cadavres et le cycle de la guerre confessionnelle est enclenché. Ce millier de morts pèsera lourd sur la suite des opérations. Au lieu de pouvoir utiliser Bangui comme base arrière et se déployer en province comme c'était prévu initialement, les soldats français vont devoir agir dans l'urgence dans la capitale, pour tenir à l'écart des communautés qui s'affrontent. Tout le processus politique est par terre."

    Et que fait Paris ?

    "Pendant ce temps, l'ambassadeur de France à Bangui, personnage clef du dispositif, est remplacé au beau milieu de cette semaine folle, ainsi qu'un autre diplomate important. Hollande annonce que Djotodia doit partir, avant que Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius ne disent l'inverse. La mort de deux paras trois jours après le début des opérations fait encore changer de posture les forces françaises, renforçant la détermination des uns et des autres à pousser leur avantage. Et les visites officielles se succèdent, Hollande d'abord, Le Drian quelques jours plus tard, augmentant le fardeau opérationnel des unités débordées."

    Louise Tudy

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Centrafrique : l’inconséquence de François Hollande

    Avec les socialistes, les moyens militaires sont toujours amputés et le réel n’est jamais pris en compte...

    Avec les socialistes, nous vivons un éternel recommencement : les moyens militaires sont toujours amputés, le réel n’est jamais pris en compte et les interventions sont décidées au pic des crises…

    L’exemple de la RCA illustre cette constante. À l’heure où ces lignes sont écrites, la situation y est la suivante :

    1) La France a contre elle la minorité musulmane vivant dans le sud du pays. Instrumentalisée par la Séléka, elle accuse l’armée française de partialité. Quant à la majorité sudiste chrétienne, elle reproche à nos forces soit de ne pas la protéger, soit de ne pas lui permettre de se venger…

    2) Le conflit qui était ethnique au départ devient peu à peu religieux, engerbant, en quelque sorte, les composantes ethniques régionales avec tous les risques internationaux qu’une telle évolution implique.

    3) Une guerre dans la guerre menace, car le contingent tchadien réprime les chrétiens cependant que les contingents issus d’autres parties de l’Afrique matraquent les musulmans…

    L’erreur de François Hollande est triple : [...]

    Bernard Lugan - La suite sur Boulevard Voltaire

  • Le rapport de l’ONU sur les armes chimiques en Syrie expose les mensonges de Washington.

    La publication d’un rapport des inspecteurs des Nations unies sur les armes chimiques qui pointe plusieurs attaques au gaz sarin menées par les forces soi-disant « rebelles » expose encore plus les mensonges du gouvernement Obama sur la responsabilité du gouvernement syrien pour l’attaque à l’arme chimique du 21 août à Ghouta dans la banlieue de Damas.
    Washington s’était emparé de cet incident comme d’un prétexte pour une campagne de bombardement déjà prévue et pour accentuer la pression en faveur d’un changement de régime sur le président syrien Bashar el-Assad.
    La publication du rapport de l’ONU jeudi dernier fait suite à la publication par le journaliste d’investigation Seymour Hersh, lauréat du prix Pulitzer, d’un article détaillé dans la London Review of books. Celui-ci révélait que le gouvernement Obama avait délibérément manipulé les renseignements dont il disposait pour affirmer à tort qu’il avait des preuves de la responsabilité du gouvernement syrien et de son armée dans l’attaque de Ghouta.
    Hersh citait des responsables actuels et passés de l’armée américaine et des services de renseignements américains sur la falsification des informations concernant l’attaque du 21 août et sur le fait que le gouvernement Obama avait dissimulé l’existence de rapports des services de renseignements prévenant de ce que le Front Al Nusra (affilié à Al Qaïda) avait la capacité de fabriquer et d’utiliser comme arme du gaz neurotoxique sarin, le même qui a servi lors de l’attaque de Ghouta.
    Le rapport de 82 pages rendu par les l’ONU sur les armes chimiques s’appuie sur des enquêtes approfondies sur les lieux de plusieurs attaques où des allégations d’usage d’armes chimiques ont été faites soit par le gouvernement syrien, soit par les gouvernements américain, britannique et français. Les inspecteurs ont analysé le sol et d’autres prélèvements dans l’environnement, examinés des prélèvements de cheveux, d’urine, de tissus biologiques et sanguins pour y trouver des traces de composés chimiques, ils se sont entretenu avec des survivants, des témoins et du personnel médical, ils ont également étudiés les obus qui auraient servi de vecteur au sarin dans chaque incident.
    Ils sont arrivés à la conclusion qu’outre l’incident de Ghouta, il y a eu au moins quatre attaques « probables » au sarin. Dans trois de ces attaques, ce sont les soldats de l’armée syrienne qui ont été victimes du gaz mortel, et dans la quatrième, ce sont des civils. Aucune des attaques confirmées n’a visé les milices des combattants « rebelles ».
    Deux des attaques maintenant confirmées ont eu lieu à quelques jours de celle de Ghouta. Le 24 août – trois jours après Ghouta et au moment où Obama préparait l’armée américaine pour une frappe et dénonçait le gouvernement syrien pour avoir « franchi une ligne rouge » – le gaz sarin a été déployé contre des soldats syriens à Jobar dans la banlieue de Damas. Ce que le rapport de l’ONU décrit comme « une attaque relativement petite » a été confirmé par des entretiens avec des survivants et des personnels de santé, ainsi que par des prélèvements sanguins positifs au sarin collectés par les autorités syriennes et authentifiés par les inspecteurs de l’ONU.
    Sur cet incident, le rapport indique : « un groupe de soldats a reçu l’ordre de nettoyer certains bâtiments sous le contrôle des forces de l’opposition. Vers 11h00, l’intensité des tirs de l’opposition a baissé et les soldats avaient l’impression que l’autre camp se retirait. À près de 10 mètres de certains soldats, une bombe improvisée aurait éclaté avec un faible bruit, libérant un gaz qui sentait très mauvais. Un groupe de 10 soldats a été évacué dans des transports de troupes blindés vers le local médical de campagne avec des difficultés respiratoires et des symptômes étranges non spécifiés. »
    Un jour après cette attaque, le 25 août, du sarin a été utilisé « à faible échelle contre des soldats » dans la ville d’Ashrafiah Sahnay au Sud, au cours d’affrontements entre des « rebelles » et des troupes qui tenaient un poste de contrôle du gouvernement. Là aussi, l’ONU appuie ses conclusions sur des entretiens et des prélèvements sanguins effectués par le gouvernement syrien.
    Les inspecteurs n’avaient pas pour tâche de déterminer qui était responsable des attaques au sarin qu’ils ont confirmés, et ce rapport est donc silencieux sur cette question. Ce rapport, néanmoins, est rédigé dans les termes les plus circonspects, se contentant de donner des conclusions scientifiques.
    Cela ne fait qu’en rendre le contenu encore plus fort. La seule conclusion qui peut être tirée est que les milices « rebelles » soutenues par les États-Unis et dominées par les islamistes sont responsables de plusieurs crimes de guerre sous la forme des attaques chimiques contre les soldats syriens et les civils.
    Celles-ci ont été menées pour tenter d’inverser le sort sur le champ de bataille et de déclencher une intervention américano-britannico-française du même genre que celle qui avait donné la victoire aux rebelles libyens, afin d’écraser le régime d’Assad et d’installer au pouvoir l’opposition soutenue par les impérialistes. Le gouvernement Obama a délibérément menti parce qu’il y voyait une occasion de supprimer un autre obstacle à sa domination impérialiste de cette région riche en pétrole et d’isoler l’Iran, en préparation d’une frappe éventuelle contre ce pays.
    En fin de compte, Obama s’est retiré à cause des divergences tactiques aiguës au sein de son gouvernement, de l’élite militaire et des services de renseignements américains au sujet des implications qu’il y aurait à laisser le contrôle de la Syrie à des forces dominées par Al Qaïda; et à cause de l’opposition majoritaire dans la population Américaine et mondiale à une guerre sans raison de plus au Moyen-Orient.
    Washington a préféré organiser un changement de tactique, donnant son accord au plan russe pour la destruction des armes chimiques syriennes et à l’ouverture de négociations avec le gouvernement iranien. Un des motifs principaux de cette évolution était le désir de libérer les forces militaires américaines pour le « pivot » en Asie et une éventuelle guerre contre le rival montant de l’impérialisme américain sur la scène internationale, la Chine.
    Les dernières révélations sur les mensonges du gouvernement Obama sur la Syrie exposent encore plus le rôle criminel joué par les États-Unis et les médias internationaux. Il y a dix ans, les élucubrations du gouvernement Bush sur les armes de destruction massives irakiennes étaient promues comme des informations sûres par les grands médias. En août et en septembre de cette année, les médias ont fait comme si la population mondiale était affectée d’amnésie collective, avec des « renseignements » bidons et des affirmations sans preuves de la part de la Maison blanche, une nouvelle fois relayées par la presse et la télévision.
    Maintenant que ce barrage de propagande a été complètement exposé, la couverture se poursuit. L’article de Seymour Hersh comme les conclusions de l’ONU sur les attaques chimiques en Syrie ont été soit minimisés soit complètement passés sous silence.
    Les organisations de la pseudo-gauche dans le monde entier ont servi de complices dans ces efforts pour faire taire toute exposition de la propagande guerrière du gouvernement Obama. L’international Socialist Organisationaméricaine mal nommée, le Nouveau parti anticapitaliste en France, tout comme le Parti la Gauche (Die Linke) en Allemagne continuent à faire de l’agitation pour une intervention plus forte des États-Unis contre le régime syrien, en maintenant que les milices « rebelles » seraient à la pointe d’une « révolution » démocratique.
    Depuis les préparatifs de guerre d’Obama en août jusqu’à aujourd’hui, ces organisations issues des classes moyennes et pro-impérialistes ont rejeté toute remise en question des allégations américaines selon lesquelles le gouvernement Assad était responsable de Ghouta. Maintenant elles évitent toute mention de Hersh et des révélations de l’ONU.
    En opposition complète à cela, le World Socialist Web Site a immédiatement remis en question les affirmations faites sur Ghouta par le gouvernement Obama et ses alliés internationaux. Dans un article publié le lendemain de l’incident, le WSWS notait : « Les accusations non fondées selon lesquelles le régime syrien du président Bashar al-Assad a perpétré une attaque aux armes chimiques près de Damas et qui a tué un grand nombre de civils présentent toutes les caractéristiques d’une provocation montée de toutes pièces visant à déclencher une intervention occidentale. [...] Si l’on se demande à qui profite un tel crime, il est clair que ce n’est pas au régime d’Assad mais aux forces dirigées par les islamistes et qui combattent pour le renverser. Ces accusations de crimes de guerre perpétrés par le gouvernement syrien sont faites au moment où ces forces sont confrontées à une crise croissante et à une série de défaites militaires.»

    Patrick O’Connor

    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EFlZlZyulVUVPjorey.shtml

  • Constantes et changements dans l’histoire des conflits

    Constantes et changements dans l’histoire des conflits, bref essai de typologie des déterminants de conflits – par Aymeric Chauprade. Premier chapitre de l’analyse publiée dans Déterminants des conflits et nouvelles formes de prévention (Bruylant, 2013, sous la dir. de S.E. Jean-Pierre Vettovaglia).

    Introduction

    L’un des mérites de la recherche historique est d’avoir démonté tous les modèles explicatifs simples de l’histoire des crises et des conflits. Il s’agit d’emblée de repousser la causalité unique et systématique. Comme le disait Bossuet : « le plus grand dérèglement de l’esprit consiste à voir les choses telles qu’on le veut et non pas telles qu’elles sont ». Si l’idéologie règne en maîtresse incontestée entre 1945 et 1990 dans l’étude des relations internationales conflictuelles, la géopolitique et ses permanences ont, depuis, regagné leur place. Dans ce chapitre introductif de la partie théorique de cet ouvrage, nous tenterons de passer en revue les déterminismes de la géopolitique physique et humaine (persistance de constantes) qui ne constituent pas en soi des sources de conflits mais qui peuvent le devenir au gré des circonstances.

    Nous cherchons à participer à ce que Fernand Braudel appelle le nécessaire « rassemblement des sciences sociales » en vue de nous approcher de la vérité, par la convergence des savoirs. Pour parvenir à se rapprocher de la vérité des causes et de la compréhension du réel, dans leur complexité propre, toutes les sciences sociales doivent en effet  être tour à tour auxiliaires les unes des autres.

    Nous voulons poser comme hypothèse le rejet de tous les modèles d’explication monocausale du monde et considérer que la tentative d’explication d’un conflit contemporain intègre nécessairement  la prise en compte d’une multiplicité de facteurs et de paramètres. Car si les causes des conflits sont profondes et donc anciennes, il faut être capable d’aller à leur recherche jusque dans des temps reculés et il faut les suivre à travers les siècles pour souligner la récurrence de leurs effets. La recherche des déterminants des conflits est donc un aller retour permanent sur l’échelle du temps avec des stations courtes mais aussi des projections dans le passé (causalité continue/causalité discontinue). En un mot, il va s’agir d’observer la réalité dans sa diversité et sa complexité puis d’isoler les facteurs  explicatifs de conflits en soulignant à chaque fois l’insuffisance des explications monocausales et réductrices d’une part et d’autre part la nécessité de relier les facteurs entre eux pour progresser dans la compréhension des conflits. Notre tableau sera évidemment incomplet car comment rendre compte de l’immense richesse et complexité identitaire du monde ?

    L’addition des facteurs ne suffit d’ailleurs pas : encore faut-il savoir les hiérarchiser selon l’originalité propre de chaque conflit étudié.

    Chapitre I  Permanence de la carte, premier déterminisme

    1.1     L’enclavement

    La situation d’enclavement est d’une importance majeure car elle est à l’origine de nombreux chocs entre les peuples. Un État enclavé n’a pas d’accès maritime direct. Il peut disposer d’accès fluviaux mais leur navigabilité est soumise au passage chez les voisins. Ses communications économiques  avec le monde dépendent des relations politiques avec les voisins. La voie aérienne contribue à dédramatiser la situation d’enclavement mais la solution est mineure par rapport au handicap. L’enclavement entraîne souvent une situation de dépendance  à l’égard des voisins. L’ambition première d’un tel état est de sortir de l’enclavement. Cette situation provoque souvent des contentieux sérieux avec les États du voisinage. Il en existe une quarantaine dans le monde dont  le  Laos, la Serbie, le Kosovo, le Lesotho, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la RDC (avec seulement une quarantaine de km de côtes sur la façade atlantique), la Centrafrique, le Rwanda, le Burundi, l’Éthiopie, etc. Un exemple de tentative de désenclavement océanique en Afrique du Nord est celui de l’Algérie qui soutient le Front Polisario dans le Sahara occidental pour s’ouvrir une façade atlantique. On peut aussi signaler les « poussées vers les mers chaudes » de la Syrie à travers le Liban, de l’Irak à travers le Koweït et de l’Ethiopie à travers l’Erythrée et la Somalie tout en se rappelant du « Grand jeu » entre la Russie et l’Angleterre au XIXème siècle, et entre la Russie et les États-Unis au XXème.

    L’enclavement est une situation objective du point de vue territorial et un sentiment subjectif qui peut agir de manière déterminante  sur les comportements politiques des peuples se représentant comme enclavés et vivant un véritable complexe d’obsidionalité. On se sent enclavé et assiégé. Ce sentiment d’étouffement  détermine des velléités de poussées souvent déstabilisantes pour les États voisins (Moldavie, Gibraltar, etc).

    1.2     L’insularité

    Il existe de nombreuses situations de partage d’une île. Il est rare que dans ces circonstances il n’y ait pas refus par l’un des États considérés de la partition de l’île et revendication de l’unité insulaire à son profit (nationalisme irlandais, partage de l’île de Chypre condamnée par les Nations Unies, les îles Hanish du Yémen, l’unité comorienne remise en cause par les séparatisme îliens, celui d’Anjouan et de Mohélie en particulier, l’insatisfaction mauricienne de son héritage insulaire)

    1.3     Topologie, nature du relief

    La topologie a contribué à forger historiquement le rapport et la représentation entre les États et les peuples, rapport et représentation sur lesquelles nous vivons encore largement malgré les progrès de la technique qui diminuent la fonction séparatrice de mers et de déserts et donc la diminution de la pertinence des obstacles naturels. Dans les pays en développement, l’obstacle naturel continue de modeler les rapports  entre États voisins. De nombreux espaces vides, comme les déserts, et nombre de régions forestières ou montagneuses restent éloignées des phénomènes d’accroissements mondiaux des flux. La topologie reste stratégiquement une réalité incontournable.

    Espace vide, le désert est souvent représenté comme une zone de séparation entre aires distinctes voire comme une zone d’affrontement. Le Sahara est une zone de séparation et d’affrontement entre l’Afrique du Nord et l’Afrique noire. Parmi les dix États  construits sur des étendues sahariennes – six sont arabes et quatre appartiennent à l’Afrique noire – ceux qui se trouvent sur les franges du Sahara comme le Mali et le Niger sont bâtis sur une opposition Nord-Sud. Les pasteurs nomades arabisés s’y opposent aux populations africaines. D’une manière générale, l’Afrique noire est soumise à la poussée historique  des populations maghrébines et islamisées à travers le Sahara. Un tropisme sahélien pousse l’ensemble des pays du Maghreb – Mauritanie, Algérie, Maroc et Tunisie – vers l’Afrique selon des lignes de pénétration très anciennes  et qui correspondent notamment  aux poussées de l’islam dans la profondeur du continent africain, le long des routes de l’or.[1]

    Par nature extensif, le désert nourrit des forces de poussée. Ce caractère inhérent aux étendues désertiques est en contradiction avec l’idée de fixation des frontières et constitue donc un facteur de conflictualité. Il est difficile de matérialiser les frontières sur l’espace fluctuant des vides spatiaux et lorsque deux États se rencontrent  dans le désert, un conflit peut facilement apparaître (frontières récentes du Sahara, ex-Sahara espagnol)[2].

    En de nombreux points de la planète, des peuples s’affrontent encore pour le contrôle d’espaces désertiques qui ne sont pas nécessairement riches en pétrole, en gaz ou en matières premières. Des hommes se battent pour la maîtrise de l’étendue. A l’heure où nombre d’analyses soulignent la primauté absolue des causes socio-économiques dans les dynamiques d’affrontement, les « ambitions désertiques ou steppiques » appellent à méditer sur la place centrale qu’occupe encore aujourd’hui le territoire dans l’origine des dynamiques conflictuelles. Le « désir de territoire », dont François Thual a décortiqué les mécanismes[3], reste une donnée fondamentale du monde contemporain.

    Un lac peut être international s’il est placé sur la frontière de deux ou plusieurs États. Certains États de l’Afrique des Grands Lacs sont ainsi construits suivant une logique d’accès à un lac et se partagent celui-ci avec d’autres États. Lorsqu’un lac est une frontière, il est aussi un bassin commun de ressources – eau douce, hydro-électricité, pêche, irrigation – qui peut susciter bien des convoitises communes et des difficultés dans le partage. La formation territoriale de l’État du Niger est issue d’un compromis entre les colonisateurs français et anglais qui portait sur le contrôle du fleuve Niger.

    La montagne a ses peuples aux rudes identités qui s’opposent souvent à ceux des plaines plus conquérants. Dans cette opposition à la domination d’une ethnie  ou d’une religion, ou bien des deux à la fois, la montagne a été le refuge des minorités et des hérésies. Le monde arabe de la montagne a en fait largement résisté à la bédouinisation turque, contrairement aux montagnes d’Asie Mineure et des Balkans. L’Atlas saharien d’Algérie, le Haut Atlas marocain, les Aurès d’Afrique du Nord, les massifs du Yémen, d’Oman, les monts du Liban, la montagne alaouite de Syrie, ont, d’une manière ou d’une autre  résisté à la domination de la plaine, soit en conservant leurs modes de vie, soit en accueillant des populations de la plaine  fuyant la domination turque sunnite.

    L’interaction de la climatologie  et de la topologie n’est plus à démontrer. Au climat sont associés des conditions de vie plus ou moins favorables  pour l’homme et son développement. Ces conditions peuvent être des déterminants de conflits[4] dans la mesure par exemple où la chaleur insupportable, les maladies, peuvent provoquer des migrations de populations ou les empêcher comme la mouche tsé-tsé a longtemps arrêté les pasteurs peuls musulmans venus du Nord et par la même occasion la pénétration de l’Islam vers l’intérieur de l’Afrique noire.

    La question du changement de climat n’est pas nouvelle et il existe de nombreux exemples de changements climatiques qui eurent des conséquences importantes sur les sociétés humaines. Fernand Braudel pose très tôt la question du changement climatique dans ses conséquences sur les modes de vie des sociétés humaines.[5]

    La géographie physique constitue la donnée constante qui fonde la continuité de la politique des États. C’est la raison pour laquelle la géopolitique accorde la primauté aux caractéristiques d’enclavement, d’insularité, aux données du relief (montagne, désert)  qui sont elles-mêmes indissociables des données climatiques pour expliquer des comportements nationaux, régionaux ou internationaux et des ambitions avouées ou inavouées, potentiellement sources de conflit. C’est le premier déterminisme géopolitique.

    Aymeric Chauprade

    [1] F. Maurette, « Afrique équatoriale orientale et australe », in Géographie universelle, XII
    [2] A. Chauprade et F. Thual, « Dictionnaire de géopolitique », 2e éd., Paris, Ellipses, 1999, article Maroc
    [3] F. Thual, « Le désir de territoire », Paris, Ellipses, 1999
    [4] D.S. Landes, « Richesse et pauvreté des Nations », Paris, Albin Michel, 1998, p.30
    [5] F. Braudel, « Ecrits sur l’histoire », rééd. Paris, Flammarion, 1984, coll. « Champs », p. 169

    http://www.realpolitik.tv/2013/12/constantes-et-changements-dans-lhistoire-des-conflits/

  • Turquie: un triste spectacle.

    Vue de l'extérieur et malgré les efforts d'explication de la presse européenne, la Turquie paraît s'enfoncer dans une crise incompréhensible. Depuis quelques jours maintenant, les déclarations abruptes du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan se succèdent, accusant des manipulations politiques destinées à déstabiliser son gouvernement, dit islamo-conservateur, et son parti l'AKP.

    Dans le même temps, la justice et la police mènent depuis le 17 décembre une vaste opération dite anti-corruption. Cinquante et une personnes étaient toujours en garde à vue, mercredi soir, soupçonnées de malversations, de fraudes et de blanchiment d'argent. Parmi les placés en garde à vue figurent le maire (AKP) du quartier central de Fatih à Istanbul, les fils de trois ministres parmi les plus proches du chef du gouvernement, le cousin d'un responsable du bureau national de l'AKP, des bureaucrates de premier plan mais aussi des hommes d'affaires liés au secteur de la construction et de la promotion immobilière.. .
    La justice enquête en particulier sur l'Administration de développement de l'habitat collectif (TOKI), qui a réalisé au cours de la dernière décennie des bénéfices considérables en revendant à des promoteurs immobiliers amis du pouvoir des terrains publics, tout en réalisant ses propres projets de logements collectifs. Cette entreprise parapublique est au cœur de la politique de transformation urbaine initiée par Erdogan à Istanbul et tant décriée au printemps au moment des manifestations de la place Taksim. Ceux-ci protestaient notamment contre la destruction envisagée par le pouvoir du parc de la place Taksim, le seul ou presque espace vert demeurant dans la capitale.
    L'opposition menée par le CHP (Parti républicain du peuple), exige la démission du gouvernement et la création par l'Assemblée nationale d'une commission d'enquête. Mais la justice et l'opposition peuvent-elle se présenter comme neutres dans cette offensive de vertu? Malheureusement non. Il apparaît de plus en plus qu'elles sont instrumentalisées par une secte ou confrérie très puissante qui, un peu comme les frères musulmans dans d'autres Etats islamiques, a pris en mains une partie de la police, de la justice et des cercles économiques.
    Bien qu'elle s'en défende, la confrérie, née dans les années 1970 autour des prêches de l'imam turc Fethullah Gülen, issue du courant Nourdjou et inspirées par les idées du penseur Said Nursi, prospère depuis vingt ans dans les coulisses du pouvoir politique. L'Etat turc, quelle que soit la couleur du parti majoritaire, a utilisé, dès le début des années 1990, les réseaux de ces "missionnaires de la turcité", actifs dans les pays d'Asie centrale nouvellement indépendants.
    Une véritable guerre
    Or longtemps alliés, la secte et l'AKP s'opposent aujourd'hui dans une véritable guerre. Les partisans du premier ministre Erdogan affrontent désormais ceux de Fethullah Gülen, exilé depuis 1999 aux Etats-Unis à la suite d'enquêtes menées à l'époque par les militaires alors très présents au gouvernement avant d'en être chassés par Recep Tayyip Erdogan. L'instruction contre l'entourage de ce dernier est conduite par le procureur Zekriya Öz, proche des gülénistes, et qui avait dirigé l'enquête dans l'affaire Ergenekon, un réseau militaro-nationaliste démantelé après 2008.
    Pourquoi les deux pouvoirs, précédemment alliés, non seulement contre les militaires mais contre l'opposition réputée démocratique, sont-ils entrés en guerre? Les raisons n'en sont guère glorieuses. La secte reproche désormais au gouvernement la fermeture des dershane – un réseau de cours privés de soutien scolaire dans lesquels elle a massivement investi. Plus généralement, l'enjeu est la conquête du patronat, notamment de province. Depuis 2004, la forte croissance turque a largement profité aux petits patrons qui forment le tissu du mouvement religieux et financent ses écoles dans le monde entier. Depuis 2005, les gülénistes ont formé leur propre patronat : la confédération des entrepreneurs turcs (Tüskon). Elle compte 30 000 membres, dont 30 des 200 plus grandes entreprises du pays, et les réseaux commerciaux de ses hommes d'affaires sont incontournables.
    Mais pourquoi l'AKP a-t-elle décidé d'affronter la secte en organisant la fermeture de ses écoles privées? D'une part pour prendre de l'influence dans les esprits des très nombreux milieux sociaux fréquentant ces écoles, et d'autre part pour récupérer une partie des revenus en découlant.
    Tout ceci ressemble fort à une guerre entre mafias. L'actuel visage de la Turquie la rend plus mal fondée que jamais à poursuivre une entrée dans l'Union européenne, quels que soient les soutiens qu'elle avait reçus pour cela de l'Amérique. Certes les intérêts de beaucoup d'entreprises européennes sont très liés aux intérêts turcs dont nous venons de voir la complexité. Mais les Européens doivent cependant sauver les apparences. Ajoutons que les louvoiements de la diplomatie turque dans le conflit syrien augmentent encore les méfiances qu'elle inspire.
    La conclusion de ces péripéties pourrait être, non une montée sérieuse de l'opposition libérale toujours faible et divisée, mais un certain retour en grâce des militaires. Ils ont été chassés du pouvoir par Erdogan, à la suite d'accusations apparaissant aujourd'hui injustes. En fait, dans la tradition du kémalisme, ils incarnaient un gouvernement se voulant aussi laïc et intègre que souhaitent l'être beaucoup d'Etats européens. Dans une certaine mesure, ils ressemblaient aux militaires égyptiens revenus récemment au pouvoir à la suite du « coup d'état » du général Abd el Sissi.
    N'idéalisons pas ici les militaires turques ou ce qu'il en reste, mais bornons nous à retenir, en attendant la suite des évènements, que Recep Tayyip Erdogan et l'AKP ne donnent pas une image très attrayante de la politique islam-conservatrice modérée qu'ils prétendaient incarner. La place de la Turquie en Europe est moins souhaitable que jamais.

     

    Jean Paul Baquiast, 20/12/2013
  • Noël en Syrie : "La politique étrangère de la France est vécue comme une trahison"

    Quelques nouvelles de l'expédition de 21 Français en Syrie, partis passer Noël sur place avec 4 tonnes de jouets et de vêtements pour la population :

    "Le projet humanitaire de Noël en Syrie a rapidement trouvé sons sens sur place. Chaque distribution de cadeaux, chaque moment partagé avec des Syriens, des ministres aux simples Syriens, nous prouve combien la politique étrangère de la France est vécue comme une trahison à Damas. Trahison pour cette mère qui nous montre la photo de sa fille de sept ans tuée par les rebelles, trahison pour ces prêtres qui nous confient les plus de 300 martyrs de l’Eglise catholique melkite, trahison pour ces soldats loyalistes qui voient la France au chevet des intérêts américains et saoudiens, trahison pour les rescapés de Maaloula ou ses réfugiés qui expliquent les comportements barbares des djihadistes heureux de décapiter et violer quand ils entrent dans les villages chrétiens.

    Une journaliste qui m’interrogeait hier m’interpellait sur le fait que des armes financées par la France aient pu servir à tirer au mortier sur le lycée français de Damas, j’espère que nos lecteurs du Quai d’Orsay sauront trouver la réponse adéquate à cette interrogation légitime. (...)

    Je veux aussi vous dire que les informations que nous avons font vraiment de Sydnaya la prochaine cible privilégiée des rebelles, je vous demande de prier pour cette ville, historique et symbolique pour les chrétiens d’Orient. Je vous le demande car elle sera sans doute attaquée par les armes et les hommes qui servent à ceux qui sont aujourd’hui à la tête de notre Etat. Je vous demande de prier pour que les Syriens sachent reconnaître dans les plus de 2000 cadeaux de Noël en Syrie, le vrai signe de l’amitié historique entre nos deux peuples."

    Lettre complète à lire sur Nouvel Arbitre.

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Poutine a-t-il tout compris ?

    La Russie prône la révolution conservatrice contre les déchéances

    Jean Bonnevey
    Ex: http://metamag.fr
    L’homme qui vénère Staline et le général Denikine, qui se veut l’héritier d’une certaine grandeur soviétique se pose aussi en rempart de la tradition européenne. La Russie, dans un monde instable, doit être un rempart à l’hégémonie américaine et garantir les valeurs traditionnelles face à la déchéance du monde occidental. Toute la politique de Poutine tient en une phrase qui le désigne pour le mondialisme comme l’homme à abattre.
    La troisième Rome est de retour
    « Le monde devient de plus en plus contradictoire et agité. Dans ces conditions, c’est la responsabilité historique de la Russie qui se renforce », a déclaré M. Poutine lors de son adresse à la nation dans une salle d’apparat du Kremlin. Il s’agit de la responsabilité d’un « garant clé de la stabilité globale et régionale, et d’un État qui défend avec constance ses valeurs », a-t-il ajouté. « Nous ne prétendons pas à l’appellation de superpuissance, si on entend par là une ambition d’hégémonie mondiale ou régionale, nous ne nous attaquons aux intérêts de personne, n’imposons à personne notre parrainage, et ne faisons la leçon à personne », a déclaré M. Poutine, dans une allusion claire aux États-Unis. « Mais nous nous efforcerons d’être des leaders », a-t-il ajouté. Poutine, au pouvoir depuis plus de 13 ans et dont l’emprise sur le pays n’a cessé de s’affirmer, a aussi souligné sa détermination à faire aboutir le projet d’union économique eurasiatique de pays issus de l’ex-URSS, dans laquelle la Russie invite avec insistance l’Ukraine. Cette zone renforcée de libre-échange, qui se veut l'alternative à l'Est de l'accord d'association proposé par Bruxelles, regroupe aujourd'hui la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et demain, l'Arménie, voire le Kirghizstan.
    M. Poutine a enfin présenté son pays comme la dernière place forte du « conservatisme », notamment dans la conception de la famille par rapport à une déchéance morale supposée du monde occidental. Il a prôné « la défense des valeurs traditionnelles qui constituent depuis des millénaires la base morale et spirituelle de la civilisation de chaque peuple ». Poutine incarne donc une sorte de révolution conservatrice face à la subversion politique et morale que veut imposer l’occident atlantique. «On procède aujourd’hui dans de nombreux pays à une réévaluation des normes morales», a déclaré M. Poutine. Mais la Russie refuse «la soi-disant tolérance, stérile, qui ne fait pas de différence entre les sexes», a-t-il ajouté. La Russie a été vivement critiquée en Occident après la promulgation en juin dernier par le président Poutine d’une loi punissant la «propagande» homosexuelle devant mineurs, un texte dénoncé par des défenseurs des droits de l’homme qui le jugent potentiellement discriminatoire.
    La Russie avait auparavant réagi avec vigueur à la légalisation du mariage homosexuel dans plusieurs pays dont la France. « On exige de la société, aussi étrange que cela puisse paraître, qu’elle mette sur le même plan le bien et le mal», a encore déclaré M. Poutine. La Russie a, en la matière, «un point de vue conservateur, mais le conservatisme a pour but d’empêcher un mouvement en arrière et vers le bas, dans le chaos des ténèbres», a-t-il conclu, citant le philosophe orthodoxe Nicolas Berdiaev, qui avait été expulsé de Russie après la révolution de 1917. Voila un langage clair et qui explique tout.
    S'agissant de l'Ukraine, Moscou «n'impose rien à personne», a déclaré le président russe. «Si nos amis [ukrainiens] le souhaitent, nous sommes prêts à poursuivre le travail», a-t-il simplement ajouté. Contre toute évidence, Moscou prétend que, même sans l'adhésion de Kiev, un pays de 46 millions d'habitants considéré comme le berceau spirituel de la Russie, son union douanière resterait suffisamment «puissante». Et dément avoir exercé toute «pression» sur les industriels ukrainiens. C’est moins convaincant.
    En revanche il faut le croire quand il conclut : «Personne ne doit avoir d’illusions sur la possibilité d’obtenir la supériorité militaire sur la Russie. Nous ne l’accepterons jamais», a déclaré M. Poutine, rappelant avoir lancé un programme de réarmement du pays «sans précédent».
    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2013/12/18/temp-37422a257d0f2fe49cc4809d9b4f12be-5249748.html