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géopolitique - Page 777

  • Proche-Orient : La réputation entachée des États-Unis

    Les « relations particulières » entre les États-Unis et Israël s’effondrent. Les médias américains sonnent l’alarme : l’attelage Washington – Tel Aviv ne parvient à faire l’unanimité ni sur la situation en Syrie, ni sur le programme nucléaire de l’Iran. En outre, des observateurs notent que les divergences se sont accentuées au sein des Juifs américains divisés en partisans et adversaires des relations avec le gouvernement israélien de centre-droit. Il semblerait que les États-Unis ont perdu leur position de garant de stabilité au Proche-Orient.

    Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis de protéger le monde contre un « mauvais accord » avec l’Iran. C’est ainsi que Tel Aviv qualifie les propositions iraniennes sur le programme nucléaire discutées à Genève à la fin de la semaine dernière. Au fond, Netanyahu a tenu sa promesse : une nouvelle fois le groupe des 5+1 ne s’est pas entendu avec l’Iran. Ceci bien que les États-Unis aient dépêché à Genève John Kerry et que l’entourage du secrétaire d’État se soit déclaré convaincu que cette fois tout réussira.

    Depuis le début du conflit syrien, Tel Aviv ne faisait presque pas de déclarations retentissantes, se contentant d’effectuer des raids épisodiques contre des bases militaires syriennes. Les États-Unis, qui avaient menacé Al-Assad de bombardements, se sont eux ravisés et ont accepté la proposition raisonnable de Moscou de placer les armes chimiques syriennes sous contrôle international. Israël s’attendait peut-être à un tel tournant, mais ne s’est pas privé d’exprimer sa déception.

    Bref, l’unanimité d’antan entre Washington et Tel Aviv sur le Proche-Orient s’est évanouie. Aux États-Unis on écrit même que « les repères stratégiques, culturels et démographiques qui renforçaient pendant plus d’un demi-siècle les relations entre les États-Unis et Israël s’effondrent sous nos yeux ». Pourtant en Israël beaucoup estiment que les journalistes dramatisent la situation. Alex Kogan, rédacteur en chef adjoint du site IzRus, en est convaincu :

    Il s’agit plutôt d’un refroidissement entre l’administration américaine et Israël. Quant aux relations entre l’État hébreu et le peuple américain, elles se renforcent d’année en année. La population considère Israël comme l’unique allié au Proche-Orient, comme l’État dont les actes sont conformes à la morale des États-Unis. En Israël les analystes disent en plaisantant que l’attitude des Américains envers Barack Obama est pire qu’envers Benjamin Netanyahu et que ce dernier devrait présenter sa candidature au poste de président des États-Unis.”

    Cependant le problème n’est pas seulement Obama. Depuis plus d’un demi-siècle la politique américaine au Proche-Orient se réduisait au principe consistant à « ménager la chèvre et le chou », en d’autres termes à celui de ne pas détériorer les relations avec l’allié principal israélien tout en conservant à la fois une influence sur les pays arabes (au moins, sur une partie d’entre eux). Résultat, les points de tension dans la région se sont multipliés.

    Le politologue Oleg Matveïtchev, estime qu’à l’heure actuelle nous constatons un processus logique : le prestige des Etats-Unis au Proche-Orient tend vers zéro.

    ” Les contradictions se sont sérieusement accentuées, il devient de plus en plus difficile de garder l’équilibre entre les Arabes et les Juifs. Il est impossible d’être assis entre deux chaises sans provoquer le mécontentement des deux parties. Pour les Etats-Unis le problème n’est pas seulement dans la dégradation des rapports avec Israël : leurs rapports se sont également détériorés avec l’Arabie saoudite. Ainsi eu égard au Proche-Orient, Washington est en passe de perdre sa réputation de « garant de la stabilité » pour ne pas dire davantage.”

    Les alliés américains au Proche-Orient sont de moins en moins nombreux. L’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Qatar sont offensés par toutes les promesses non tenues concernant la Syrie. Il est peu probable que la Syrie et le Liban voisin aient des sentiments chaleureux pour le « rempart de la démocratie » américain. L’Egypte tente de se rétablir d’une série de coups d’Etat : le Caire en aurait assez des expériences américaines et ses regards se sont de nouveau tournés vers la Russie. Ainsi, les préoccupations des États-Unis à propos des relations avec Israël sont prématurées : il est nécessaire pour Washington de ne pas se quereller avec Tel Aviv.

    La Voix de la Russie

     

  • Cent mille chrétiens sont éliminés chaque année à travers le monde

     

    Cent mille chrétiens sont éliminés chaque année à travers le monde
    Le Professeur Todd Johnson est le successeur de son collègue David Barrett (1927-2011), "Monsieur Statistiques" pour les chercheurs de sciences religieuses à travers le monde entier, à la tête du Center for the Study of Global Christianity de South Hamilton (Massachusetts), un centre qui est à l'origine des statistiques sur le nombre des fidèles des diverses religions utilisés par un grand nombre d'universités - et aussi d'Eglises et de communautés religieuses - à l'échelle internationale. Johnson sera en Italie en décembre pour un certain nombre d'engagements, et débutera un séminaire par un rapport sur la méthodologie de la statistique religieuse organisé par l'Université Roma Tre, en collaboration avec le CESNUR et avec l'Académie des Sciences humaines et sociales, le 16 Décembre.
    Barrett et Johnson sont également à l'origine de ce qu'ils appellent la «martyrologie» , c'est-à-dire la compilation de statistiques sur le nombre de chrétiens tués « dans des situations de témoignage» ce qui signifie tués parce que chrétiens. Ces chrétiens qui ont été tués, selon Barrett et Johnson, sont au nombre de soixante-dix millions de la mort de Jésus-Christ à l'an 2000, dont 45.000.000 se concentrent durant le XXe siècle. Dans la première décennie du XXIe, de 2000 à 2010, selon Barrett il y en a encore eu un million, soit 100.000 par an. Cette estimation d'une moyenne calculée sur dix ans était de 105.000 en 2011 - l'année où, en commentant ces chiffres lors d'une réunion de l'Union européenne, il la traduisait dans la formule, arithmétiquement logique par rapport au chiffre de 105.000, "d'un chrétien tué toutes les cinq minutes" - alors que l'estimation de Johnson pour 2013, publié dans le numéro 37/1 de sa publication "Bulletin international de recherche missionnaire" était de 100.000.
    Périodiquement, ces chiffres sont attaqués; et récemment une information parue sur le site de la BBC donnait l'impression que Johnson lui-même les avait en quelque sorte redimensionnés ou retirés. Afin de clarifier la façon dont les choses se présentent, j'ai interviewé le professeur Johnson lui-même.

    Professeur, est-il vrai que vous avez démenti la fameuse statistique des 100.000 chrétiens tués chaque année ?
    Mais pas du tout. Il se peut que le journaliste de la BBC ne m'ait pas bien compris, mais j'ai simplement expliqué que la statistique se réfère à une moyenne des dix dernières années, non à une année donnée. Par conséquent, la statistique que nous avons publiée en 2013 correspond à la somme des morts des années 2003 à 2012 divisée par dix. Et la somme divisée par dix donne précisément 100.000. Si nous nous livrons au même exercice l'an prochain, nous ferons le total des morts de 2004 à 2013 et nous le diviserons par dix. Ce chiffre est significatif d'une tendance bien plus que s'il se concentrait sur une seule année où les données peuvent être modifiées par des variables éphémères, et où l'on risque d'annoncer des retournements décisifs causés par des événements positifs ou négatifs qui ne se répéteront pas les années suivantes.

    La BBC objecte que 90% des morts au cours des dernières années ont été tués dans la République démocratique du Congo, où il y a une guerre civile en cours. Quelle est votre réponse?
    Pour certaines des dix années prises en compte par l'évaluation sur dix ans, il est vrai que les données du Congo pèsent jusqu'à 70% - 90% est exagéré, mais nous avons toujours dit que le Congo pesait beaucoup - ce n'est pas une découverte de la BBC - tandis que sur l'échelle de la décennie, si l'on regarde les autres années, nous prenons en considération une donnée non moins importante, celle du Sud-Soudan, où les choses se sont améliorées ensuite. Beaucoup de mes dernières interventions lors de conférences internationales examinent la situation au Congo, et l'affaire est intéressante pour expliquer notre méthode. Il y a certainement des cas où il est difficile de déterminer si des personnes sont tuées en raison du fait qu'elles sont chrétiennes ou pour des raisons ethniques ou politiques. Dans ce cas, nous évaluons le poids du facteur religieux et sur la base de ce facteur nous attribuons un pourcentage du total des personnes tuées à des raisons religieuses. Pour le Congo, nous avons estimé - de façon très prudente et à titre de précaution - que le facteur religieux intervient pour vingt pour cent dans les raisons qui provoquent les assassinats. Je dis prudente et à titre de précaution parce que nous avons recueilli sur le terrain, des centaines de témoignages qui parlent de personnes tuées dans les églises et tuées parce que, pour des raisons religieuses, elles refusent de se battre dans les milices ou a fortiori de s'impliquer dans des guerres qu'ils estiment injustes. Par conséquent, pour chaque année, nous ne comptabilisons pas cent pour cent de chrétiens assassinés au Congo dans nos statistiques, mais seulement vingt pour cent. Nous adoptons des critères similaires pour les autres pays. Les critères, on peut toujours les discuter, mais je dois avouer que je ne comprends pas bien les objections qui vous invitent à soustraire les chrétiens tués au Congo, comme s'ils étaient des victimes de seconde zone par rapport à ceux d'autres pays.

    Mais la BBC affirme que ce ne sont pas des «martyrs». Est-ce vrai?
    La notion de «martyr» n'est pas univoque. Par exemple, la tradition juive - qui considère «martyrs» les victimes de l'Holocauste - ou celle de l'islam qui ont un concept plus extensif du "martyre" que celui du christianisme. Je suis protestant, mais je sais que l'Église catholique a en revanche un concept plus restrictif: seul est "martyr" celui qui offre volontairement sa vie pour sa foi. Si quelqu'un est victime d'une bombe qui fait exploser une église ou un local fréquenté par les chrétiens, pour l'Église catholique, il n'est pas nécessairement un «martyr», alors que pour de nombreux protestants il l'est. Nous sommes conscients de ces différences de terminologie, et c'est pourquoi aujourd'hui nous avons tendance à moins parler de «martyrs» mais plutôt de «personnes tuées dans des situations de témoignage».

    Si la situation au Congo devait s'améliorer, votre moyenne calculée sur la dernière décennie va baisser?
    Il y a des chances, et nous espérons qu'il en sera ainsi. Mais je voudrais ajouter un mot d'avertissement. Lorsque la situation s'est améliorée au Sud-Soudan, nous avons pensé que nous pourrions arriver à des estimations beaucoup plus faibles, et c'est alors qu'a explosé la situation dramatique au Congo. L'histoire du christianisme dans les deux derniers siècles ne conduit pas à l'optimisme: quand la violence s'atténue dans un pays particulier, elle explose souvent ailleurs. Le fait que les chrétiens soient victimes de campagnes de haine, soient discriminés, soient tués en nombre encore élevé dans de nombreuses régions du monde fait craindre que de nouvelles flambées de violence se produisent dans d'autres zones géographiques.
  • Pourquoi Israël a assassiné Arafat

    Il semble qu’il y ait encore beaucoup de parties qui préféreraient que la mort d’Arafat continue à être traitée comme un mystère plutôt que comme un assassinat. Il est difficile, cependant, d’éviter de tirer la conclusion logique de la découverte la semaine dernière par des scientifiques suisses que le corps du leader palestinien contenait des niveaux élevés d’un isotope radioactif, le polonium – 210. Une étude concluante et beaucoup plus limitée par une équipe russe publiée immédiatement après l’annonce suisse suggère également qu’Arafat est mort d’un empoisonnement.

    Il est temps d’énoncer une évidence : Arafat a été tué. Et les soupçons tombent carrément sur Israël. Seul Israël avait les moyens, les antécédents, l’intention déclarée et le motif. Sans les empreintes digitales d’Israël sur l’arme du crime, ce sera insuffisant pour obtenir une condamnation devant une cour de justice, mais ce devrait être une preuve suffisante pour condamner Israël devant la cour de l’opinion mondiale. Israël avait accès au polonium de son réacteur nucléaire de Dimona, et il a une longue expérience dans la réalisation d’assassinats politiques, certains ostentatoires et d’autres secrets, souvent à l’aide d’agents chimiques difficiles à tracer. Plus notoirement, Israël a essayé de tuer tranquillement un autre leader palestinien, Khaled Mechaal du Hamas en Jordanie en 1997, en injectant un poison dans l’oreille. Mechaal n’a été sauvé que parce que les assassins ont été arrêtés et Israël a été forcé de fournir un antidote.

    Les dirigeants israéliens se sont succédé pour nier qu’il y ait jamais eu la moindre intention maligne du côté d’Israël envers Arafat. Silvan Shalom, le ministre de l’énergie, a affirmé la semaine dernière : « Nous n’avons jamais pris la décision de lui nuire physiquement ». Shalom doit souffrir d’un trou de mémoire. Il y a plusieurs preuves qu’Israël voulait, dans l’euphémisme de cette époque, ‘’retirer’’ Arafat. En Janvier 2002, Shaul Mofaz, chef d’état-major de l’armée israélienne, a été surpris au micro chuchotant au Premier ministre israélien, Ariel Sharon, parlant d’Arafat : « Nous devons nous débarrasser de lui ». Avec le dirigeant palestinien enfermé pendant plus de deux ans dans son enceinte dévastée à Ramallah, entouré de tanks israéliens, le débat au sein du gouvernement israélien était centré sur le fait de savoir s’il devait être exilé ou tué. En Septembre 2003, alors que Shalom était ministre des Affaires étrangères, le cabinet a même émis un avertissement qu’Israël  » supprimerait cet obstacle d’une manière ou d’une autre et au moment de son choix « . Le vice-Premier ministre d’alors, Ehud Olmert, a précisé que tuer Arafat était  » une des options « . Ce qui retenait la main d’Israël, et alimentait son ton équivoque, était la vive opposition de Washington. Dans le sillage de ces menaces, Colin Powell, le secrétaire d’Etat américain, a averti qu’un mouvement contre Arafat déclencherait  » la rage partout dans le monde arabe, le monde musulman et dans de nombreuses autres parties du monde « . En Avril 2004, cependant, Sharon a déclaré qu’il n’était plus tenu par son engagement antérieur avec le président George Bush de ne pas « nuire physiquement à Arafat « . « Je suis libéré de cet engagement « , avait-t-il observé. La Maison Blanche a aussi montré un fléchissement de sa position : un porte-parole anonyme a timidement répondu que les Etats-Unis  » sont opposés à toute action de cette nature« . L’inconnu est de savoir si Israël était en mesure de mener à bien l’assassinat seul, ou s’il a eu besoin de recruter un ou plusieurs membres de l’entourage d’Arafat, qui étaient avec lui dans son QG de Ramallah, en tant que complices pour livrer le poison radioactif.

    Alors qu’en est-il du mobile? Que gagne Israël à  » retirer  » Arafat ? Pour comprendre la pensée d’Israël, il faut revenir à un autre débat qui fait rage en ce moment, parmi les Palestiniens. La direction palestinienne a été scindée en deux camps, centrés sur Arafat et Mahmoud Abbas, l’héritier apparent d’Arafat. Le couple avait des stratégies nettement divergentes pour faire face à Israël. De l’avis de M. Arafat, Israël avait renié les engagements qu’il avait pris dans les accords d’Oslo. Il était donc réticent à investir de manière exclusive dans le processus de paix. Il voulait une double stratégie : maintenir les canaux ouverts pour des entretiens tout en conservant l’option de la résistance armée pour faire pression sur Israël. Pour cette raison, il a gardé une emprise personnelle serrée sur les forces de sécurité palestiniennes. Abbas, en revanche, estimait que la résistance armée était un cadeau à Israël, et délégitimait la lutte palestinienne. Il voulait se concentrer exclusivement sur ​​les négociations et le renforcement de l’État, dans l’espoir d’exercer une pression indirecte sur Israël en prouvant à la communauté internationale que les Palestiniens pouvaient inspirer la confiance avec un Etat. Sa priorité était de coopérer étroitement avec les Etats-Unis et Israël en matière de sécurité. Israël et les Etats-Unis préféraient nettement l’approche d’Abbas, forçant même Arafat pendant un certain temps à réduire son influence en nommant Abbas au poste nouvellement créé de Premier ministre.

    La principale préoccupation d’Israël était que, bien qu’Arafat soit leur prisonnier, il reste une figure unificatrice pour les Palestiniens. En refusant de renoncer à la lutte armée, Arafat a réussi à contenir, un tant soit peu – les tensions croissantes entre son propre mouvement, le Fatah, et ​​son principal rival, le Hamas. Avec Arafat disparu, et le conciliant Abbas installé à sa place, ces tensions ont violemment éclaté dans la foulée, comme Israël avait certainement prévu qu’il se passerait. Qui a abouti à une scission qui a déchiré le mouvement national palestinien et a conduit à un schisme territorial entre la Cisjordanie contrôlée par le Fatah et Gaza sous la domination du Hamas. Dans la terminologie souvent utilisée par Israël, Arafat était à la tête de l ‘«infrastructure de la terreur». Mais la préférence d’Israël pour Abbas ne provient pas du respect qu’il aurait pour lui ou d’une croyance qu’il pourrait réussir à convaincre les Palestiniens d’accepter un accord de paix. Sharon a eu cette déclaration célèbre que Abbas n’était pas plus impressionnant qu’un  » poulet plumé « .

    Les intérêts d’Israël en tuant Arafat sont évidents quand on considère ce qui s’est passé après sa mort. Non seulement le mouvement national palestinien s’est effondré, mais la direction palestinienne a de nouveau été ramenée dans une série de pourparlers de paix futiles, laissant à Israël le champ libre pour se concentrer sur l’accaparement des terres et la construction de colonies. Revenant sur  la question de savoir si Israël a bénéficié de la perte d’Arafat, l’analyste palestinien Mouin Rabbani observe :  » l’engagement exemplaire d’Abu Mazen [ Abbas ] vis-à-vis des accords d’Oslo au fil des années , et le maintien de la coopération sécuritaire avec Israël  contre vents et marées, n’ont-ils pas déjà répondu à cette question?  »

    La stratégie d’Abbas peut être confrontée à son test ultime maintenant, alors que l’équipe de négociation palestinienne essaie une fois de plus de cajoler Israël pour la concession du strict minimum pour un Etat, au risque d’être accusée d’être responsable de l’inévitable échec des négociations. L’effort semble déjà profondément mal orienté. Alors que les négociations n’ont accordé aux palestiniens qu’une poignée de vieux prisonniers politiques, Israël a déjà annoncé, en retour, une expansion massive des colonies et la menace d’expulsion de quelque 15000 Palestiniens de leurs maisons à Jérusalem-Est. C’est indubitablement un compromis qu’Arafat aurait amèrement regretté.

    Jonathan COOK

    Traduction Avic

    http://www.counterpunch.org/2013/11/13/why-israel-murdered-arafat/

    Source  http://reseauinternational.net/2013/11/15/pourquoi-israel-a-assassine-arafat/

  • La gestion de la crise syrienne par la diplomatie française défie toutes les logiques

    RBernard Squarcini, l'ancien patron de la DCRI, vient de publier un ouvrage dans lequel les autorités françaises actuelles en prennent pour leur grade. Extrait :

     

    "Depuis l’arrivée de Laurent Fabius au Quai d’Orsay, tous les ponts ont été coupés avec Damas parce que Paris mise sur la chute du régime. Calcul hasardeux ! Non seulement Bachar al-Assad est toujours là, mais il est ressorti renforcé de la crise diplomatique internationale déclenchée par l’usage d’armes chimiques lors d’une bataille dans la région de Damas le 21 août 2013, avec un soutien russe. La gestion de la crise syrienne par la diplomatie française défie toutes les logiques sans que l’on comprenne très bien à quelle motivation répond notre diplomatie, et surtout, au bénéfice de quels intérêts !"

    Michel Janva

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Paris, Colloque de “Maison Commune”, 28 septembre 2013

    Intervention de Robert Steuckers
    Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
    Quand le mystérieux “Enyo”, qui tire son pseudonyme de la déesse grecque des batailles, publiait son livre intitulé “Anatomie d’un désastre” en mars 2009 (1), il entendait stigmatiser l’incohérence d’une politique occidentale, euro-américaine, face à ce “rimland” islamisé du grand-continent eurasiatique, à cette frange littorale, océanique mais très souvent de grande profondeur continentale, qui s’étend du Maroc à l’Indonésie. Les “printemps arabes” n’avaient pas encore eu lieu ni la destruction de la Libye. A l’heure actuelle, le désastre est encore plus profond. Il affecte directement notre plus proche périphérie méditerranéenne, les tragédies récurrentes de Lampedusa et d’ailleurs l’attestent. Les Etats-Unis s’en fichent: le fossé atlantique les sépare du chaos qu’ils ont délibérément créé à nos portes, en Tunisie, en Libye, en Egypte et en Syrie.
    Instruments de l’hegemon dans sa volonté de créer ce désordre permanent, les fanatiques religieux participent allègrement à la genèse de ce chaos car ils refusent la complexité et les contradictions du monde. Ils ne cherchent pas à les harmoniser, à générer une féconde “coïncidentia oppositorum” (2). Quand on parle aujourd’hui de fanatisme religieux, on pense immédiatement au salafisme ou au wahhabisme. Et on oublie la tout aussi virulente “théologie puritaine” qui sous-tend le fanatisme américain, né aux 16ème et 17ème siècles d’un refus du Vieux Monde européen, de ses synthèses, de sa nostalgie féconde de l’antiquité grecque. L’histoire de ce refus, les travers d’un fanatisme protestant ont été maintes fois esquissés (3). Plus fréquemment toutefois, on a zappé, oublié, la transformation de ce fanatisme en un “rationalisme” intransigeant qui veut tout autant faire du passé table rase (4). Les “Lumières” américaines, françaises et mitteleuropéennes, voire celtiques (irlandaises, galloises et écossaises), n’ont pas le même arrière-plan culturel, alors qu’elles ont toutes, à titres divers, contribué à façonner les sociétés occidentales modernes: les unes ont inventé un rationalisme éradicateur comme le puritanisme ou le jansénisme avaient été des purismes délirants en marge des continuités historiques anglaises ou françaises (5); les autres ont mis le rationalisme au service d’un retour à des racines, jugées plus libertaires ou mieux inscrites dans leur histoire nationale (6), permettant de la sorte l’éclosion de syncrétismes fructueux. Aujourd’hui, nous faisons face à l’alliance calamiteuse de deux fanatismes religieux: le wahhabisme, visibilisé par les médias, chargé de tous les péchés, et le puritanisme américain, camouflé derrière une façade “rationnelle” et “économiste” et campé comme matrice de la “démocratie” et de toute “bonne gouvernance”.
    Mais que nous ayons affaire à un fanatisme salafiste ou hanbaliste (7) qui rejette toutes les synthèses fécondes, génératrices et façonneuses d’empires, qu’elles soient byzantino-islamiques ou irano-islamisées ou qu’elles se présentent sous les formes multiples de pouvoir militaire équilibrant dans les pays musulmans (8), ou que nous ayons affaire à un fanatisme puritain rationalisé qui entend semer le désordre dans tous les Etats de la planète, que ces Etats soient ennemis ou alliés, parce que ces Etats soumis à subversion ne procèdent pas de la même matrice mentale que lui, nous constatons que toutes nos propres traditions européennes dans leurs facettes aristotéliciennes, aristotélo-thomistes, renaissancistes ou pagano-renaissancistes, sont considérées par ces fanatismes contemporains d’au-delà de l’Atlantique ou d’au-delà de la Méditerranée comme des émanations du Mal, comme des filons culturels à éradiquer pour retrouver une très hypothétique pureté, incarnée jadis par les pèlerins du “Mayflower” ou par les naturels de l’Arabie du 8ème siècle (9).
    Les fanatismes rationalisés de l’hegemon américain bénéficient de complicités, de relais, au sein même de notre “Maison Commune” européenne, que ce soit dans les milieux médiatiques ou dans les milieux économiques ou encore dans les établissements d’enseignement, les héritiers de ceux dont Nietzsche doutait déjà de la pertinence. Ces complicités peuvent prendre le masque du gauchisme échevelé ou du technocratisme néo-libéral, selon la seule alternance binaire qui, finalement, est encore tolérée —gauche/droite, libéralisme/sociale-démocratie— par les médias contrôlants et surveillants qui nous vendent cette alternance monotone, génératrice d’oligarchies inamovibles, comme unique “bonne gouvernance”. Ces complicités se nichent dans ces trois milieux-clefs —médias, économie, enseignement— et participent à l’élimination graduelle mais certaine des assises idéologiques (au sens dumézilien du terme), des fondements spirituels et éthiques de notre civilisation. Les uns oblitèrent les résidus désormais épars de ces fondements en diffusant une culture de variétés sans profondeur aucune (10), les autres en décentrant l’économie et en l’éclatant littéralement par les pratiques de la spéculation et de la délocalisation (11), les troisièmes, en refusant l’idéal pédagogique de la transmission (12), laquelle est désormais interprétée comme une pratique anachronique et autoritaire, ce qu’elle n’est certainement pas au sens péjoratif que ces termes ont acquis dans le sillage de Mai 68 (13).
    Pourtant ce n’est pas un philosophe considéré aujourd’hui comme “autoritaire”, au sens où l’entend l’Ecole de Francfort, qui a, le premier, énoncé l’idée d’une émergence de valeurs fondatrices lors d’une “période axiale” de l’histoire. Ce philosophe est le brave existentialiste protestant Karl Jaspers, qui n’a eu aucune tentation totalitaire entre 1920 et 1945 (14). Pour Jaspers, entre 600 et 450 avant l’ère chrétienne, les idées fondatrices des grandes civilisations ont émergé dans l’histoire, pour se perpétuer jusqu’aux débuts de l’ère contemporaine. L’archéologie, l’exploration des époques dites proto-historiques ont permis de cerner avec davantage de précision ce qu’étaient les cultures humaines génératrices de cette émergence de valeurs, jugées indépassables jusqu’à l’avènement d’une certaine modernité —mais pas de toutes les modernités, de toutes les “Lumières”. Certaines “Lumières” insistent sur les racines et ne retiennent pas l’idée d’une “table rase” (15), comme étape nécessaire de l’histoire, avant l’avènement d’une très hypothétique ère définitive de bonheur et d’harmonie. Karen Armstrong, dans “The Grand Transformation” (16) poursuit la quête de Jaspers et précise ce qu’ont été ces périodes axiales, en s’appuyant sur toutes les sciences archéologiques, ethnologiques et anthropologiques contemporaines. La Grèce, l’Inde védique et l’Iran avestique, la Chine, le monde hébraïque ont tous connu leur “période axiale”; sauf pour l’Europe, héritière de la Grèce et de Rome, ces valeurs nées à la “période axiale” connaissent encore et toujours des avatars actuels. L’Inde et la Chine, puissances émergentes du BRICS, doivent à ces valeurs leur solidité et surtout leur sortie hors des marasmes dus au colonialisme britannique (17) ou à une longue période de ressac particulièrement calamiteuse au 19ème siècle (18).
    Pour résumer l’effacement des valeurs classiques en Europe, disons que l’Aufklärung, avec sa tradition révolutionnaire, que la sclérose des études classiques où l’on ne percevait plus le caractère dynamique et dionysiaque de l’hellénité pour n’en retenir qu’une caricature figée d’apollinisme, ensuite, l’engouement techniciste et, enfin, le choc du soixante-huitardisme fabriqué dans les officines de la subversion aux Etats-Unis (19), ont jeté aux orties les valeurs issues de la “période axiale”, posée en hypothèse par Jaspers et explorée à fond par Karen Armstrong au cours de la première décennie du 21ème siècle.
    Le rejet définitif de l’enseignement du grec et du latin puis l’imposition de la “correction politique” par les médias et les nouveaux pédagogues ont scellé notre destin: nous avons rejeté nos valeurs ancestrales, nous avons abandonné l’esprit renaissanciste, comme le reprochait Julien Freund à l’Europe de la seconde moitié du 20ème siècle (20). Cet abandon conduit à l’impolitisme (21) car une civilisation qui ne s’aime plus et ne veut plus reproduire son “mos majorum” entre irrémédiablement en déclin. Que l’on soit un décisionnare quiritaire à la mode caudilliste des années 30 ou un démocrate non amnésique qui se souvient du bon fonctionnement des “res publicae” romaines, on sait que la démocratie acclamative ou représentative a besoin des sciences humaines, ou plus exactement des traditions spirituelles, du “mos majorum”, comme le démontre la philosophe américaine Martha Nussbaum, professeur à Chicago, professeur honoris causa à Utrecht et à Louvain (KUL). Martha Nussbaum respecte le vocabulaire usuel qu’admet encore la “correction politique”; elle se soustrait ainsi à toute critique voire à tout lynchage médiatique. Dans son ouvrage largement diffusé en Flandre et aux Pays-Bas (“Niet voor de winst – Waarom de democratie de geesteswetenschappen nodig heeft”) (22), Martha Nussbaum dénonce la crise qui a secoué l’enseignement de fond en comble au cours de ces quatre dernières décennies: l’art grec d’observer le monde tel qu’il est, d’en comprendre les flux et les mécanismes, l’art critique au sens premier et positif du terme, l’art critique qui forme le “zoon politikon” (plutôt que le terme aujourd’hui galvaudé de “citoyen”) a complètement disparu sous les coups de butoir d’un économisme utilitariste qui ne vise plus qu’à former sans trop d’effort, sans aucune profondeur, des êtres appelés seulement à consommer ou à faire fonctionner des rouages abstraits et contrôlants donc liberticides. Cet utilitarisme-consumérisme s’est accompagné d’un discours anti-autoritaire, tablant sur une acception falsifiée et subversive de l’art grec de la critique (23). L’autorité, qui n’est pas définissable a priori comme pouvoir absolu, a été battue en brèche, posée comme intrinsèquement perverse, dangereuse et, bien sûr, “fasciste” selon les thèses boîteuses d’Adorno (24). Derrière ce discours anti-autoritaire propagé dans le sillage de Mai 68, des pouvoirs bien plus lourds s’installaient, beaucoup plus difficilement contournables: ceux de l’argent et de la sophistique médiatique.
    Les pratiques pédagogiques anti-traditionnelles, des-hellénisées, déconnectées des valeurs instaurées lors de la période axiale de notre histoire, se sont penchées exclusivement sur des “compétences” soi-disant “utiles” à l’exercice d’un “boulot à la con”, d’un “bullshit job” pour homme unidimensionnel (25). Résultat: la capacité d’empathie pour autrui, ou pour toute altérité collective, s’évanouit, que ce soit l’empathie pour le concitoyen proche ou pour le ressortissant d’un espace géoculturel lointain travaillé par d’autres valeurs nées lors d’une autre période axiale de l’histoire dans une autre aire géographique. Sous les coups de ce discours soi-disant anti-autoritaire et de cette déplorable praxis pédagogique utilitariste, la capacité des Européens à comprendre à fond les grandes dynamiques à l’oeuvre sur l’échiquier géopolitique planétaire est réduite à néant: les quelques voix qui proposent aujourd’hui une vision réalitaire, historique et alternative sur les conflits qui ravagent le rimland de Tunis à Rawalpindi, sont autant de “voces clamantes in deserto”. Le discours médiatique, profitant des arasements produits par le bricolage philosophique anti-autoritaire d’Adorno et profitant des ravages commis par les pédagogues utilitaristes, impose sa seule et unique vision, empêchant les décisionnaires politiques de faire les bons choix, des choix forcément différents de ceux de l’hegemon, pour le Bien Commun de notre Maison Commune européenne. Quand Martha Nussbaum déplore la perte catastrophique des capacités qu’offrait l’art critique grec, déduit des valeurs de la période axiale de l’histoire hellénique, elle ajoute que c’est une menace pour la “démocratie”. C’est là un langage américain: nous dirions plutôt une menace pour la “Cité”, vocable plus classique, soit une Cité qui, pour moi, n’est démocratie qu’aux seuls modes helvétique ou scandinave (26) quand tout va bien, qui use toutefois de l’autorité quand le danger pointe à l’horizon. Les autres acceptions de la “démocratie” ne sont en rien démocratiques, façon vieille-hellénique, ne sont rien d’autre qu’un écran de fumée pour camoufler des dictatures non personnelles masquées, des dictatures “oligarchisées” (Robert Michels), qui confisquent la parole aux peuples.
    Pour Martha Nussbaum, comme d’ailleurs pour d’autres observateurs du désastre actuel, tels les psychiatres et neurologues De Wachter en Flandre (27) et Spitzer en Allemagne (28), l’impératif majeur aujourd’hui est de revaloriser les matières scolaires, les disciplines non utilitaires, toutes avatars des valeurs de la période axiale. Elles seules peuvent ressusciter le “zoon politikon”, donc rétablir le politique après avoir balayé les facteurs et les fauteurs d’impolitisme ou, pire, de basculement dans des formes nouvelles de pathologie mentale collective (De Wachter).
    Plusieurs études, qui étayent désormais les soupçons épars émis par des voix clamant généralement dans le désert, ont démontré que l’OSS américaine avait organisé délibérément cette catamorphose européenne, dès le réveil de l’Allemagne avec le miracle économique et dès le réveil de la France gaullienne d’après 1963. C’est là un thème à explorer impérativement en séminaire dans nos cercles respectifs: cela aurait pour but de comprendre la généalogie de notre misère et de saisir les mécanismes et les travestissements de la véritable subversion qui a provoqué et entretenu notre déréliction systématique.
    L’objectif de Washington, et c’est normal pour tout hegemon, est de diviser pour régner, ou, avec la logique dérivée d’une bonne lecture de Sun Tzu, de faire imploser toute politie étrangère, ennemie ou alliée, pour qu’elle perde toute “épine dorsale” (Ortega y Gasset) (29) ou toute autonomie politique. L’objectif, plus concrètement dans le cas européen, a été de rendre inopérant le tandem franco-allemand de 1963, de réduire le marché Commun puis l’UE au nanisme politique, d’empêcher toute coopération énergétique entre l’Allemagne et la Russie, que celle-ci ait été soviétique ou soit désormais dé-soviétisée, entre le binôme franco-allemand et l’Iran, que celui-ci ait été impérial ou soit désormais islamo-révolutionnaire.
    L’Europe dans un tel contexte et face à cette stratégie efficace et triomphante (jusqu’ici) a dû renoncer à la force et se contenter d’appliquer scrupuleusement la norme, comme le démontre le politologue Zaki Laïdi (30). L’Europe, pour Laïdi, c’est donc “la norme sans la force”, dans un environnement global où Américains, Russes, Indiens et Chinois affirment clairement leur souveraineté nationale, plutôt leur souveraineté subcontinentale ou civilisationnelle. Les Européens refusent la Realpolitik. Les autres l’acceptent et la pratiquent. Pourquoi? Quelle est la genèse de cette situation? D’emblée, dès 1951 et 1957, les Européens ont cherché à dévitaliser les souverainetés nationales pour éviter qu’elles ne provoquent encore des guerres désastreuses. Bonne idée, en principe, mais la souveraineté continentale n’a pas suivie: elle a été rejeté au même titre que toute souveraineté nationale, nous plongeant tous dans un no man’s land impolitique parce qu’incapable de poser une décision suivie d’effets concrets. Pour parvenir à ce rejet complet, les Européens —je devrais dire les “eurocrates”— ont inventé un “modèle coopératif stable”, circonvenant, par un jeu de normes contraignantes, la souveraineté des Etats. Celle-ci ne se laisse toutefois pas escamoter aussi vite.
    En effet, cette pratique molle, impolitique, castratrice d’énergies vitales a conduit à des divergences rédhibitoires au sein de cette Europe qui reste malgré tout plurielle voire disparate: la France et la Grande-Bretagne demeurent encore très statocentriques, c’est-à-dire revendiquent encore une certaine souveraineté nationale, parfois marquée de quelque grandiloquence, toujours un peu hostile à la Commission, mais seulement quand ces pauvres velléités souverainistes arrangent l’hegemon, comme dans l’affaire libyenne de 2011, où les Etats-Unis n’avaient nulle envie de budgétiser une intervention coûteuse, suite aux ratés d’Afghanistan et d’Irak. L’Allemagne, vaincue en 1945, travaillée au corps par la réactualisation permanente de toutes les initiatives subversives de l’OSS, est l’Etat le plus puissant économiquement parlant de notre sous-continent, mais il est celui qui, officiellement, est le plus éloigné de la Realpolitik traditionnelle des Etats-Nations, tout en revendiquant un siège au Conseil de sécurité de l’ONU (ce qui peut paraître contradictoire) et en menant une politique énergétique tournée vers la Russie sous l’impulsion de ses deux derniers chanceliers socialistes, Helmut Schmidt et Gerhard Schroeder (31). L’UE ne présente donc pas, face au reste du monde, face à des puissances comme l’Inde ou la Chine, un modèle unitaire cohérent, en dépit de ce fétichisme habermassien de la norme (32), que tous les eurocrates partagent officiellement mais qui n’est que l’instrument d’une dissolution de toute souveraineté, qu’elle soit nationale ou supranationale, au sein d’une Europe dont on voudrait qu’elle n’affirme jamais plus la moindre souveraineté continentale. Tel est le sens du discours que l’ex-“Krawallo” gauchiste puis politicien pseudo-écologiste Joschka Fischer, devenu ministre des affaires étrangères de la RFA, avait prononcé en 2000 à la veille de l’introduction de l’euro. L’Allemagne, dans ce discours de Fischer, se déclarait prête à se dissoudre dans l’ensemble européen “normo-centré” et pacifique et appelait ses partenaires européens à en faire autant.
    Face à cette volonté de renoncer à toute Realpolitik et à toute forme de souveraineté affirmatrice, les Etats-Unis de Bush II, par la voix du néo-conservateur Robert Kagan (33), réaffirmaient leur position hobbesienne, celle d’être sur l’échiquier global, un LEVIATHAN hégémonique capable d’inspirer la terreur (“awe”) au monde, qui, soumis par la peur, devait, ipso facto, s’aligner sur les ordres donnés par Washington, faute de quoi, il subirait les foudres du Leviathan surarmé. Si l’option normative de l’Europe a donné jusqu’ici au nanisme politique européen le bien-être matériel et la puissance économique et a conservé pour les citoyens de l’Union un système de sécurité sociale inégalé ailleurs dans le monde, une question angoissante se pose désormais, au vu de la crise grecque, espagnole et portugaise, au vu de la fragilité de la France, de l’Irlande et de la Belgique, au vu de la bulle spéculative immobilière qui menace le triple AAA des Pays-Bas; cette question, pour Laïdi, est la suivante: l’Europe a-t-elle les moyens de défendre son modèle social, culturel et environnemental dans un monde globalisé, qui plus est, dérégulé par le néo-libéralisme, par les délocalisations, un monde toujours changeant où ne se renforcent que les seules puissances qui pratiquent souverainement une forme ou une autre de néo-colbertisme? A long terme, bien évidemment, la réponse est négative!
    La norme, censée gommer les conflits inter-étatiques intérieurs et générer un vaste consensus social sur base du modèle bismarckien et social-démocrate de sécurité sociale, va subitement apparaître comme un facteur de contrainte ne permettant plus aucune innovation, plus aucune audace politique, plus aucune tentative de déblocage. Ida Magli, anthropologue et essayiste italienne, chroniqueuse au quotidien de centre-gauche “La Repubblica”, professeur à l’Université de Rome, constate avec amertume et avec colère que, depuis 2007, toutes les promesses de l’UE, de faire advenir inexorablement, par la “bonne politique normative”, une Europe juste, se sont évanouies (34). Cet évanouissement a transformé la bonne politique habermassienne, néo-kantienne, en une politique non plus démocratique, idéalement démocratique, mais en une politique censurante et camouflante, où l’on occulte le désastre aux citoyens, parce qu’on ne veut pas avouer l’échec patent des machineries politiques libérales, démocrates-chrétiennes et socialistes, qui donnent le ton à Bruxelles et à Strasbourg. Pour Ida Magli, partisane des souverainetés nationales et avocate d’une revalorisation de la souveraineté nationale italienne, l’UE a démontré son inutilité puisqu’elle n’a pas réussi à éviter la crise (de l’automne 2008) et ses effets déliquescents. Evacué graduellement de l’horizon européen, le monde (im)politique officiel, à tous les échelons, se tait face au putsch des banquiers et des économistes. Ce monde (im)politique est désormais le “Grand Muet” sur les planches du théâtre continental. A court ou moyen terme, il n’y a pas, il n’y aura pas, de triomphe démocratique pour le “zoon politikon” comme l’espèrent encore les lecteurs de Martha Nussbaum: au contraire, nous assistons au triomphe d’une fausse démocratie qui bétonne le gouvernement de quelques oligarques et des banquiers de la BCE (Banque Centrale Européenne).
    Ce processus involutif a démarré le 2 mai 1998, lorsque l’on a décidé de créer l’Union Monétaire Européenne, prélude à l’introduction de l’euro. Ida Magli n’y voit pas seulement l’amorce d’une fragilisation de l’Europe, sous la férule d’une monnaie unique, non appuyée sur des éléments économiques concrets, qui auraient été également répartis au sein de tous les Etats européens. Cette disparité implique des transferts Nord-Sud, empêchant notamment de consacrer des budgets à une défense commune ou à une politique souveraine de présence satellitaire dans l’espace circumterrestre. Cette disparité permet aussi l’usage d’une arme bien particulière tirée de la panoplie des “guerres de quatrième dimension”: la spéculation contre les Etats fragiles. On n’a pas hésité à l’utiliser contre la Grèce ou contre l’Espagne dans le but avéré de nuire à l’Europe toute entière et à sa monnaie commune. La politique normativiste et anti-souverainiste a donc conduit à la lente mais inexorable désintégration de l’ensemble européen, dont les responsables politiques sont inféodés aux idéologies et aux partis dominants, désormais faillis et bien faillis. Cette désintégration a lieu au moment où s’affirment justement les ensembles continentaux et civilisationnels qui n’ont nullement renoncé à exercer leur souveraineté. L’Europe de la norme n’est donc pas prête à affronter les aléas du 21ème siècle. Qui pis est, des sondages effectués en mars 2013 par le “PEW Research Global Attitudes Projet” a montré que les Européens ont désormais perdu toute confiance en l’UE, en ses dirigeants aux niveaux national et européen. Au lieu d’être centripète, la politique normativiste menée jusqu’ici, s’avère bel et bien centrifuge: nous allons tous perdre du poids politique dans les décennies à venir, au profit de ceux qui n’ont renoncé ni au politique ni à la souverainté, conclut notre ami espagnol Eduardo Arroyo (35). Cette analyse pessimiste d’un européiste convaincu, animé par la pensée d’Ortega y Gasset, est corroborée par celle de l’Allemand Willy Wimmer (36), ancien secrétaire d’Etat à la défense de la RFA et membre de la CDU, parti pourtant en faveur de l’alliance atlantique inféodée aux Etats-Unis. Les révélations de Snowden ont eu pour effet d’arracher à l’Occident atlantiste, c’est-à-dire à la nouvelle entité américano-centrée depuis 1945, à l’américanosphère, le beau rôle qu’elle s’était toujours donné: celui d’être le réceptacle et l’exportatrice de l’idéal de liberté et des droits de l’homme. Ce sont la Chine et la Russie qui ont protégé Snowden, protégé son droit à la dissidence, rappelle Wimmer. Derrière le masque “démocratique”, affiché par les Etats-Unis et Obama, se profilait la rage de tout contrôler par le truchement de la NSA. Pire: les révélations de Snowden montrent clairement désormais que, depuis la Doctrine Clinton, les “alliés” n’étaient pas vraiment considérés comme tels mais, plus prosaïquement, comme des “alien audiences” qu’il convenait de surveiller et d’espionner, et surtout, au sein de ces “alien audiences”, les entreprises appartenant aux secteurs que l’économie américaine jugeait prépondérants (ou stratégiques).
    Wimmer, membre de la CDU pro-occidentale, constate dès lors que la clause des “Etats ennemis” de la Charte des Nations-Unies (37) est toujours en vigueur, en dépit de l’adhésion fidèle de la RFA à l’OTAN! Cette clause frappe l’Allemagne, le Japon, la Finlande, la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie et l’Italie et frappait aussi, dans un premier temps, la Thaïlande, qui est le seul pays de la liste à avoir perdu le statut d’ “Etat ennemi” des Nations-Unies. Rien n’a été prévu pour que le Japon et les autres Etats de la liste, tous européens, notons-le bien, le perdent un jour définitivement. Prenons une carte muette de l’Europe et colorions l’espace occupé par les “Etats ennemis des Nations Unies”: par ce simple petit exercice d’écolier, nous constaterons quelle fraction importante du territoire de notre continent, dont son centre géographique de la Baltique à la Sicile, est privée de toute souveraineté réelle, vu l’article 107 de cette clause dite des “Etats ennemis”, que ne dénoncent jamais les médiacrates et leur valetaille qui se piquent de gauchisme ou d’anti-impérialisme!
    Wimmer constate aussi que deux mille collaborateurs actifs de la CIA résident en Allemagne et que de nombreux anciens agents de la STASI ont été recrutés par les Américains. Le système d’espionnage Prism, révélé par Snowden, n’est pas plus surprenant que celui, découvert il y a une dizaine d’années, ECHELON, sauf que les féaux de la CDU, à commencer par Angela Merkel, sont aujourd’hui directement espionnés, même dans leur vie privée, et s’en offusquent. Wimmer en conclut dès lors que les Etats-Unis imposent, comme naguère l’URSS de Brejnev, un système de “souveraineté limitée” pour ses “alliés”. Notre souveraineté est donc limitée parce que nous n’avons pas cherché à mener une Realpolitik et parce que nos capacités industrielles et économiques indéniables n’ont pas été mises en oeuvre pour acquérir une maîtrise au moins partielle de l’espace circumterrestre afin de nous doter d’un système satellitaire adéquat, capable de rivaliser avec celui des Américains. Du coup, le système normatif, pour lequel nos dirigeants indignes ont opté en se drapant dans la toge du “bon démocrate” vole en éclats, précise Wimmer, car la liberté individuelle ou, plus exactement, le droit au secret des organes politiques européens et surtout de nos entreprises de haute technologie est désormais inexistant. Ces espaces politiques et industriels sont aujourd’hui totalement pénétrés et, de ce fait, pillés. Cela rend tout colbertisme européen impossible. Le normativisme, couplé à un libéralisme plus anglo-saxon qu’européen, créait l’illusion d’une liberté individuelle conforme en apparence à l’esprit de certaines Lumières mais générait simultanément un état de faiblesse catastrophique face à l’hegemon américain qui se déclarait officiellement incarnation de ce même esprit, tout en pratiquant une politique colbertiste, renforcée depuis Clinton, à l’aide de ses équipements satellitaires hyper-performants.
    Par ailleurs, l’OMC, la Banque Mondiale, le GATT et le FMI ont été autant d’instruments pour affaiblir toutes les économies du monde, appelées à se dé-colbertiser, sauf celle de l’hegemon qui restait en coulisses parfaitement colbertiste. Pour l’activiste politique hispano-catalan Enrique Ravello (38), c’est l’Europe, marquée jadis par diverses formes de colbertisme, qui sera le principal dindon de la farce, la zone la plus défavorisée par les politiques préconisées par l’OMC depuis 1986-1993, parce que l’UE a accepté de démanteler ses défenses face aux politiques extra-européennes de dumping social et économique qui permettent de déverser sur nos marchés des marchandises produites selon des critères bien moins rigoureux que ceux appliqués aux entreprises de chez nous. La dynamique, lancée par l’OMC est donc double, précise Ravello: on crée simultanément un marché mondial et on appauvrit délibérément les économies européennes —celles, au fond, de l’ennemi principal de l’hegemon— en profitant de la vacuité intellectuelle et de l’indigence politique et idéologique des dirigeants actuels de l’Europe. Les économies européennes sont désormais ouvertes à tous vents. Le Traité de libre commerce entre les Etats-Unis et l’Europe, que l’on est en train de nous concocter, va encore accentuer cette double dynamique, dénoncée par Ravello. En effet, le texte du projet dit explicitement en des termes “bonistes”, comme d’habitude: “une association étroite et transatlantique est un instrument-clef pour favoriser une mondialisation basée sur nos valeurs communes, dans la perspective d’un ordre mondial équilibré sur les plans politique et économique; il renforce par ailleurs le processus d’intégration économique transatlantique par le biais de la création d’un Conseil Economique Transatlantique”.
    Cette idée d’un “Conseil Economique Transatlantique” a reçu l’aval de Cameron, Merkel et Hollande qui, ipso facto, acceptent que soient abolies les restrictions européennes sur l’importation et la commercialisation de produits OGM, que soit pratiqué l’abaissement de tous les seuils protecteurs contre lesquels butent encore Google, Facebook ou Amazon, que les exportateurs américains obtiennent des dérogations face aux législations en matière d’écologie! La création de ce CET ne reçoit guère l’attention des médias. Pour nous, c’est clair: on cherche à nous l’imposer subrepticement, à l’escamoter à ce qui pourrait nous rester de sens critique. Ce traité de libre commerce entre l’UE et les Etats-Unis aura des conséquences catastrophiques sur la santé économique et la qualité de vie des classes moyennes et populaires en Europe, alors que celle-ci est déjà fortement battue en brèche. De plus, pour parachever l’horreur qui frappe à nos portes, le traité interdira tout monopole des services publics en matière de santé, privera l’Europe normativiste de son plus beau fleuron, la sécurité sociale la plus performante du monde et dont plusieurs catégories de la population usent et abusent en la rendant fort fragile en temps de crise.
    La classe dirigeante européenne a donc trahi ses électeurs: il est temps, dès lors, et nous sommes ici pour cela, de changer de paradigmes politiques dans les domaines social, écologique et identitaire, déclare Ravello.
    Quant au correspondant européen du journal italien Rinascita, Andrea Perrone (39), il rappelle, dans la foulée de ce projet de CET, que l’UE a raté une autre occasion: elle n’a pas réussi à créer une agence de rating européenne, laissant le terrain aux seules agences américaines Standard & Poor et Moody & Fitch, qui travaillent bien entendu pour le compte exclusif de leurs investisseurs américains, lesquels spéculent évidemment sur la faiblesse de leurs homologues européens potentiels.
    Autre incongruité du machin qu’est devenue l’UE: les banques fragilisées pourront désormais être sauvées par les fonds du “Mécanisme de Stabilisation Européen” (MSE) et ces opérations resteront secrètes ! Autrement dit, c’est le contribuable européen qui paiera pour les jeux risqués joués par les banquiers! Le culte fétichiste de la norme a donc conduit tout droit à l’usurocratie! N’a pas constitué le barrage nécessaire à l’usurpation du pouvoir réel par les banquiers et les spéculateurs! Et cela, en dépit des promesses qui avaient été faites solennellement, par les eurocrates, lors du Traité de Maastricht en 1993. Ce système secret risque de ruiner les assises industrielles de l’Italie, de la France et de l’Espagne et, au bout du compte, celles de l’Allemagne également qui perdra ses principaux débouchés en Europe occidentale. La crise n’a pas été évitée, comme on l’a prétendu, elle a été renforcée dans ses aspects négatifs pour la population, renforcée par des dispositifs qui vont perpétuer ses effets sur un plus long terme. Tout simplement. L’usurocratie en marche parie sur l’amnésie des masses flouées. Le problème reste en effet toujours structurel: la fragilisation du flanc sud de l’Europe oblige les Etats encore performants du Nord à pratiquer des transferts qui les fragilisent à leur tour et ne permettent plus autant d’investissements dans la défense, les secteurs de pointe, la Recherche & Développement dans le domaine des hautes technologies et de l’espace. En Finlande, je le rappelle, Nokia n’est déjà plus finlando-scandinave mais multinationale au sens voulu par les globalistes. Avec le CET, on pourra toujours acheter américain: le Plan Marshall de la fin des années 40 devient réalité (40); l’Europe étant redevenue un marché pénétrable, comme à l’époque de la défaite germano-italienne et de la ruine du reste du continent (41). Nous voilà donc revenus à la case départ !
    La globalisation, c’est donc le maintien de l’Europe, et de l’Europe seule, en état de faiblesse structurelle permanente. Et cette faiblesse structurelle est due, à la base, à un déficit éthique entretenu, à un déficit politique et culturel. Il n’y a pas d’éthique collective, de politique viable ou de culture féconde sans ce que Machiavel et les anciens Romains, auxquels le Florentin se référait, appelaient des “vertus politiques”, le terme “vertu” n’ayant pas le sens stupidement moraliste qu’il a acquis, mais celui, latin, de “force agissante”, de “force intérieure agissante”, étymologiquement apparentée à d’autres termes comme “vis”, la force, ou “vir”, l’homme mûr justement animé par la force physique et morale qui sied à un “civis”, à un citoyen romain, à un “zoon politikon”.
    Stuart Miller, un observateur américain, un anthropologue, qui était naguère venu nous observer comme on observe des lynx roux ou des phacochères dans la réserve tanzanienne du Serengeti, énumérait ces forces qu’il voyait encore agissantes chez ses interlocuteurs européens, des forces qui avaient fait l’excellence de l’Europe (42). D’abord, disait-il, avec un optimisme que je ne partage plus, les Européens ont encore des “visages”, des caractères; ils sont capables de discuter avec une certaine profondeur de politique ou de thématiques culturelles originales, qui, souvent, relèvent de notre propre inaliénable, alors que l’Américain, prélude de tous les hommes de demain pour les tenants de l’idéologie globaliste, est un être changeant au gré des influences extérieures, des modes et des productions médiatiques, qui croit qu’il peut devenir n’importe quoi en utilisant des techniques diverses. Stuart Miller ne se fait pas d’illusion, ce “caractère” européen est un résidu, de moins en moins consistant, de la mentalité “éristique” ou “agonale” de l’Européen, l’adjectif “éristique” étant dérivé du grec ancien “eristikos”, soit “celui qui aime la palestre”, qui est prompt au combat (intellectuel), à la “disputatio” philosophique, bref un esprit critique, figure dont Martha Nussbaum espère le retour, même aux Etats-Unis, même si ces attitudes éristiques écornent le consensus béat d’une Amérique abreuvée aux sources fétides de la médiacratie et font émerger des positions philosophiques empreintes de pessimisme et de cynisme (préludes à une action “katéchonique”, mue par la volonté et consciente de sa dimension tragique). Ce pessimisme et ce cynisme, prêtés aux vrais Européens, pourraient alors s’avérer vertus contestatrices, freiner les effets néfastes des “mauvaises politiques impolitiques” (Julien Freund) —bien ancrées dans les vilaines habitudes normativistes— amorcer un bouleversement complet.
    L’arme principale qui est dirigée contre l’Europe est donc un “écran moralisateur, à sens unique, légal et moral, composé d’images positives, de valeurs dites occidentales et d’innocences soi-disant menacées, pour justifier des campagnes de violence politique illimitée”, déclare le non-conformiste australien John Pilger (43), en ajoutant que cet “écran moralisateur”, diffusé par les média du “mainstream”, est “si largement accepté qu’il est pratiquement inattaquable”. C’est donc lui, cet écran posé comme inattaquable, que ceux qui se dressent, en Europe et ailleurs, doivent attaquer, dans un travail inlassable et patient. Cet “écran moralisateur” est le joujou de ceux que Pilger nomme, dans son langage d’homme de gauche, les “progressistes réalistes”, terme sans doute malheureux car, dans notre propre logique, nous préférerions les nommer les “progressistes médiacratiques”, utilisant l’écran irréel de leurs propagandes inconsistantes pour imposer au monde des systèmes de fausse et de mauvaise gouvernance qui ne génèrent que le chaos, la misère ou l’enlisement, ce qui est évidemment le but recherché. Les “progressistes médiacratiques”, adversaires de toutes les vertus politiques de machiavélienne mémoire, “ôtent à l’humanité l’étude des nations” —c’est-à-dire nous empêchent de prendre objectivement en compte les facteurs réels et nationaux qui composent le pluriversum politique de la planète— “en la figeant avec un jargon qui sert les intérêts des puissances occidentales (GB + USA) et en posant certains Etats —mais ce pourrait être n’importe quel Etat du pluriversum— comme “voyous”, “maléfiques”, “en faillite” en vue d’interventions humanitaires” (44). Nous ne sommes plus au temps des Bush, père et fils, cibles privilégiées de l’anti-américanisme inopérant des gauches européennes. Nous sommes au temps d’Obama, le Prix Nobel de la Paix, le successeur auto-proclamé de Lincoln, le président souple et généreux selon les médias; pourtant, l’homme de gauche Pilger constate que cette présidence, présentée comme “molle”, a laissé la bride sur le cou au militarisme outrancier réactivé dans un premier temps par les Bush et leurs conseillers néo-conservateurs: en effet, le président “mou” a laissé intactes les structures du Pentagone, a laissé les fauteurs de guerre et d’échecs en place, ceux qui ont ruiné l’Irak, l’Afghanistan et la Libye. Pour John Pilger et Norman Pollack, un contestataire américain, Obama est “un réformateur raté, joyeusement à l’oeuvre, planifiant des assassinats et arborant en permanence le sourire”. Il supervise un réseau militaire mondial qui, avec ses drones, “écrasecomme des insectes” les villages ou les camps où s’aventurent quelques récalcitrants ou d’anciens “alliés” dont on se débarrasse, car ils ne sont plus utiles, tant ils sont devenus compromettants! Le seul succès d’Obama, et il est significatif, c’est d’avoir détruit le mouvement anti-guerre américain, réduit désormais à sa plus simple expression.
    L’écran moralisateur et médiatique, que dénonce Pilger, repose évidemment sur l’idéologie des droits de l’homme, mais non pas sur les droits de l’homme en soi, la différence est de taille. Cette idéologie a été ressortie du placard au temps de Jimmy Carter, sous la présidence duquel un certain BHL, sur la place de Paris, a commencé sa carrière étonnante, justement en proposant une version française de cette idéologie (45), présentée comme le “Testament de Yahvé” himself. On en connaît les derniers avatars libyens et surtout les brillants résultats sur place, en Cyrénaïque et en Tripolitaine, pour ne pas parler de toute la zone sahélienne désormais plongée dans le chaos. L’idéologie des droits de l’homme a surtout contribué, écrit Fabrizio Fiorini (46) dans les colonnes du quotidien romain Rinascita, à figer le droit, à le présenter comme totalement immuable, cristallisé, idolâtré. Il est désormais “enchaîné par ces idéologèmes, véritables vieilles cariatides de stuc, typiques de l’ornementalisme de la fin du 19ème siècle, et a abouti à cet insupportable moralisme gauchiste, qui croit avoir recréé un Eden politique et moralisé définitivement les relations internationales”. C’est pourtant exactement le contraire qui s’est produit: si les Etats sont dépouillés de leurs prérogatives d’énoncer un droit taillé à la mesure des peuples qu’ils encadrent, le pouvoir réel, lui, est passé, clandestinement, aux mains d’instances supranationales, non étatiques, qui ignorent tout bonnement le droit, l’oublient. Le monde, déjà devenu a-politique, impolitique, devient aussi a-juridique, “injuridique”. Meilleure preuve: l’ONU, censée avoir “juridifié” le monde, n’est plus consultée par les Etats-Unis et leurs alliés du moment; pire: elle est brocardée, moquée, considérée comme une vieillerie inutile. Jusqu’à l’affaire syrienne de ces dernières semaines: pour éviter un engagement risqué face à la détermination russe —un engagement pourtant annoncé avec fracas et amorcé sur mer avec les porte-avions de l’US Navy en Méditerranée— on se retranche derrière une décision de l’ONU. Le bellicisme était allé trop loin: Obama avait pourtant déclaré, “nous agirons en Syrie comme nous avons agi au Kosovo”, mais le monde a changé, le monde a partiellement compris, sauf les Européens, que ce mode de fonctionnement, que cette manière de mettre le monde entier devant le fait accompli, ne pouvait perdurer. Mais attendons ce que l’avenir nous révélera: l’hegemon a plus d’un tour dans son sac.
    Pour le politologue et sociologue français contemporain Loïc Wacquant: “Jamais auparavant la fausse pensée et la fausse science n’ont été aussi prolifiques et ubiquitaires que de nos jours”. Raison de plus, pour nous, de lutter contre fausse science et fausse pensée qui empêche l’avènement d’une pensée et d’une science vraies, du point de vue des “Bons Européens”. C’est là le but d’un combat métapolitique... Où nous pourrons dire, avec l’Irlandais Gearoid O’Colmain (47), que le principe “bellum se ipsum alet”, “la guerre se nourrit d’elle-même”, est désormais bien ancré dans les horreurs du rimland islamisé, au nom de l’idéologie des droits de l’homme —et je le répète non au nom des droits de l’homme en soi. La guerre s’auto-alimente aujourd’hui par les actions des agences privées de mercenariat, par les gangs de narco-trafiquants, par les groupes terroristes et par les mafias internationales liés directement ou indirectement aux Etats-Unis. C’est la fin de l’équilibre préconisé au 17ème siècle par Grotius: les réseaux kosovars ont entraîné leurs homologues syriens, les djihadistes libyens combattent aujourd’hui en Syrie, les gangs armés recyclent le butin de leurs pillages dans les circuits de la contrebande, des mercenaires au service de la Turquie ou du Qatar ont démantelé des usines entières en Syrie pour les transplanter ailleurs, etc. Demain, à coup sûr, les “progressistes” auto-proclamés d’Amérique et d’Europe achèteront directement leur pétrole à des bandes mafieuses, installées dans de nouveaux rouages étatiques, depuis l’effondrement des Etats arabes laïcs.
    Je viens donc d’énumérer quelques fragilités auxquelles l’Europe est confrontée aujourd’hui, alors qu’elle est dans un état de faiblesse culturelle et structurelle inédit et très préoccupant. La liste des déboires européens pourrait être plus longue, plus exhaustive. Mais vous aurez compris, rien qu’avec les quelques exemples que j’ai donnés, que l’heure est grave pour notre “Maison Commune” européenne. Et que notre combat est plus urgent que jamais contre:
        l’abandon de nos valeurs, qu’il s’agit de conserver en nos fors intérieurs contre vents et marées médiatiques, car seuls ont un avenir les hommes et les femmes qui garderont une épine dorsale culturelle propre (non importée, non greffée);
        contre le discours dominant qui masque le réel et nous oblige, par conséquent, par esprit révolutionnaire, à dire ce réel et à dévoiler les véritables causes des événements tragiques qui secouent le monde que Francis Fukuyama nous annonçait comme “sortant de l’histoire”, il y a vingt ans.
    Je pense que cette intervention, qui, j’en ai bien conscience, n’a fait qu’effleurer très superficiellement la situation dans laquelle nous nous trouvons, doit nous amener à travailler en séminaire, à intervalles réguliers, chacun des thèmes qui ont été abordés brièvement ici, lors de ce colloque. Exemples de thèmes à approfondir: l’oeuvre subversive de l’OSS dès les années 50 en Europe; le travail de ceux qui, comme Martha Nussbaum, veulent une nouvelle pédagogie d’esprit traditionnel; les valeurs de la période axiale de l’histoire selon Jaspers et Armstrong; les effets pervers d’une politique trop normativiste; les qualités intrinsèques des Européens selon Stuart Miller; les occasions ratées de promouvoir une politique satellitaire, avec ou sans la Russie; etc.
    Ce sont là des tâches adéquates pour un nouveau mouvement métapolitique comme “Maison Commune”. Personnellement, quand on m’appelera pour ce type de travail, je répondrai “Présent!”. J’espère que ce sera aussi le cas pour vous tous. Je vous souhaite déjà “Bon travail!”.
    Robert Steuckers. (Forest-Flotzenberg, septembre 2013).
    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2013/11/12/temp-95bce454a5df30e50205977f479b9a88-5219472.html
    Notes :
        Enyo, Anatomie d’un désastre – L’Occident, l’islam et la guerre au XXI° siècle, Denoël, coll. “Impacts”, Paris, 2009.
        Pour Carl Schmitt, une idée impériale, une force génératrice d’empire et organisatrice d’un grand-espace (en l’occurrence le “grand espace” européen) doit être, à l’instar du catholicisme médiéval selon ce “Prussien catholique” de Rhénanie, capable de faire coïncider les oppositions, d’harmoniser les différences qui innervent ou structurent les sociétés qu’elle doit fédérer pour en faire un tout cohérent.
        Christopher Hill, Society and Puritanism in Pre-Revolutionary England, Panther Books, 1969; Christopher Hill, The World Turned Upside Down – Radical Ideas During the English Revolution, Penguin, Harmodsworth, 1975-76; Clifford Longley, Chosen people – The Big Idea that Shapes England and America, Hodder & Stoughton, London, 2002; Kevin Phillips, American Theocracy – The Peril and Politics of Radical Religion, Oil, and Borrowed Money in the 21st Century, Viking, New York, 2006.
        Robert Steuckers, “L’ironie contre la ‘political correctness’”, in: Nouvelles de Synergies Européennes, n°34, mai-juin 1998 (repris sur http://robertsteuckers.blogspot.com et sur http://vouloir.hautetfort.com, septembre 2013).
        Ralph Barton Perry, Puritanisme et démocratie, Robert Laffont, Paris, 1952.
        Robert Steuckers, “De l’étude des racines celtiques au projet politique pan-celtique de la République d’Irlande”, sur: http://robertsteuckers.blogspot.com (août 2013). Conférence prononcée en mars 2013.
        Robert Steuckers, “Définir le fondamentalisme islamique dans le monde arabe”, sur http://robertsteuckers.blogspot.com (à paraître en novembre 2013).
        Nikolaos van Dam, The Struggle for Power in Syria – Politics and Society under Asad and the Ba’th Party, I. B. Tauris, London, 1979-2011.
        Martin Riesebrodt, Fundamentalismus als patriarchalische Protestbewegung, J. C. B. Mohr, Tübingen, 1990; Martin E. Marty / R. Scott Appleby, Herausforderung Fundamentalismus – Radikale Christen, Moslems und Juden im Kampf gegen die Moderne, Campus, Frankfurt a. M., 1996; Hans G. Kippenberg, Gewalt als Gottesdienst – Religionskriege im Zeitalter der Globalisierung, C. H. Beck, München, 2008.
        Susan Jacoby, The Age of American Unreason – Dumbing Down and the Future of Democracy, Old Street Publishing, London, 2008.
        Pour cerner le phénomène de la délocalisation au sein du phénomène plus général de “globalisation”, lire: Alex MacGillivray, A Brief History of Globalization, Robinson, London, 2006; John Ralston Saul, The Collapse of Globalism and the Reinvention of the World, Atlantic Books, London, 2005; Gideon Rachman, Zero-Sum World – Politics, Power and Prosperity after the Crash, Atlantic Books, London, 2011.
        George Steiner & Cécile Ladjali, Eloge de la transmission – Le maître et l’élève, Pluriel, 2013 (1ère éd., 2003).
        Robert Steuckers, “Petites réflexions éparses sur l’Ecole de Francfort”, in: http://robertsteuckers.blogspot.com (octobre 2011). Cf. également, Rolf Kosiek, Die Frankfurter Schule und ihre zersetzenden Auswirkungen, Hohenrain, Tübingen, 2001; Jean-Marc Durand-Gasselin, L’Ecole de Francfort, Gallimard/Tel, Paris, 2012; Numéro spécial de la revue Esprit sur l’Ecole de Francfort, n°5, 1978.
        Karl Jaspers, Vom Ursprung und Ziel der Geschichte, Piper (SP 298), München, 1983 (la première édition de cet ouvrage date de 1949).
        F. M. Barnard, Herder’s Social and Political Thought, Oxford (Clarendon Press), 1965.
        Karen Armstrong, The Great Transformation – The World in the Time of Buddha, Socrates, Confucius and Jeremiah, Atlantic Books, London, 2006.
        Cf. Lawrence James, Raj – The Making of British India, Abacus, London, 1997-2003. Pour comprendre l’idéologie du renouveau indien, lire: Jean Vertemont, “Aux origines du nationalisme hindou: la pensée traditionaliste”, in: Antaios, 10, 1996, pp. 139-149.
        Robert Steuckers, “Sur la Chine”, in: http://robertsteuckers.blogspot.com (octobre 2011).
        Tim B. Müller (Humboldt-Universität, Berlin), Krieger und Gelehrte – Herbert Marcuse und die Denksysteme im Kalten Kriege, Hamburger Edition/HIS Verlag, 2010.
        Julien Freund, La fin de la Renaissance, PUF, Paris, 1980.
        Julien Freund, Politique et impolitique, Sirey, Paris, 1987.
        Martha Nussbaum, Niet voor de winst – Waarom de democratie de geesteswetenschappen nodig heeft, Ambo, Amsterdam, 2011.
        De Theodor W. Adorno: TWA, “Kulturkritik und Gesellschaft”, in: TWA, Gesellschaftstheorie undKulturkritik, Suhrkamp, SV772, Frankfurt am Main, 1975. De Max Horkheimer: MH, Traditionelle undkritische Theorie – Vier Aufsätze, Fischer, Frankfurt am Main, 1980; MH, Zur Kritik der instrumentellen Vernunft, Athenäum Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt am Main, 1974. De Herbert Marcuse: HM, Pour une théorie critique de la société – Contre la force répressive, Denoël, Paris, 1971. De Jürgen Habermas: JH, “Kritische und konservative Aufgaben der Soziologie”, in: JH, Theorie und Praxis, Suhrkamp, st9, Frankfurt am Main, 1974 (3°éd.); Sur Habermas: Jozef Keulartz, De verkeerde wereld van Jürgen Habermas, Boom, Amsterdam, 1992; pour explorer les contradictions entre exposants de l’Ecole de Francfort: Peter Moritz, Kritik des Paradigmentwechsels – Mit Horkheimer gegen Habermas, zu Klampen, Lüneburg, 1992. Pour connaître les dimensions volontaristes (positives comme négatives) des exposants de la “nouvelle gauche” issue des théories de l’Ecole de Francfort: Bernd Guggenberger, Die Neubestimmung des subjektiven Faktors im Neomarxismus – Eine Analyse des voluntarischen Geschichtsverständnisses der Neuen Linken, Alber, Freiburg, 1973. Etude critique sur les implications politiques militantes de l’Ecole de Francfort: Bernd Guggenberger, Wohin treibt die Protesbewegung? Junge Rebellen zwischen Subkultur und Parteikommunismus – Ursachen und Folgen der Unfähigkeit zur Politik, Herder, Freiburg i. Breisgau, 1975. Pour une approche générale (relativement critique): Pierre V. Zima, L’école de Francfort, éd. Universitaires, Paris, 1974. Pour connaître les tenants et aboutissants de la “querelle allemande des sciences sociales”: cf. l’ouvrage collectif De Vienne à Francfort: la querelle allemande des sciences sociales, éd. Complexe, Bruxelles, 1979.
        Theodor W. Adorno, Studien zum autoritären Charakter, Suhrkamp, st107, Frankfurt am Main, 1973.
        L’expression est due au professeur américain David Graeber; voir les articles de présentation “David Graeber: Bullshit Jobs” et “Vers une société de ‘boulots à la con’”, tous deux sur http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2013/08/29 (29 août 2013).
        Olof Petersson, Die politischen Systeme Nordeuropas – Eine Einführung, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1989. Recension de ce livre: cf. Robert Steuckers, “Aux sources de la démocratie scandinave”, sur: http://robertsteuckers.blogspot.com (avril 2012).
        Dirk De Wachter, Borderline Times – Het einde van de normaliteit, Lannoo Campus, Tielt, 2012. Voir notre entretien avec Manuel Quesada sur: http://robertsteuckers.blogspot.com (juillet 2013).
        Manfred Spitzer, Digitale Demenz – Wie wir uns und unsere Kinder um den Verstand bringen, Droemer, München, 2012. Voir notre entretien avec Manuel Quesada sur: http://robertsteuckers.blogspot.com (juillet 2013).
        José Ortega y Gasset, España invertebrada – Bosquejo de algunos pensamientos históricos, Espasa-Calpe, Madrid, 1979 (5°éd.); Alejandro de Haro Honrubia, Elites y masas – Filosofía y política en la obra de José Ortega y Gasset, Biblioteca Nueva/Fundación José Ortega y Gasset, Madrid, 2008.
        Zaki Laïdi, La norme sans la force – L’énigme de la puissance européenne, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 2005. A lire également: Zaki Laïdi, Le monde selon Obama – la politique étrangère des Etats-Unis, Flammarion, coll. “Champs actuel”, n°1046, notamment le chapitre intitulé: “Les Etats-Unis ont-ils encore besoin de l’Europe?” (pp. 281 à 318).
        Cf. Helmut Schmidt, Die Mächte der Zukunft – Gewinner und Verlirer in der Welt von morgen, Siedler Verlag, München, 2004; Alexander Rahr, Der kalte Freund – Warum wir Russland brauchen: Die Insider-Analyse, Hanser, München, 2011.
        Pour comprendre quels sont les six paradigmes occidentaux en matières de relations internationales, dont les paradigmes kantiens, néo-kantiens et habermassiens cf. Gérard Dussouy, Les théories géopolitiques – Traité de relations internationales (1), L’Harmattan, Paris, 2006.
        Cf., entre autres titres, Robert Kagan, The Return of History and the End of Dreams, Atlantic Books, London, 2008.
        Ida Magli, La dittatura europea, BUR Futuropassato, Milano, 2010-2011 (3a ed.).
        Eduardo Arroyo, El fin de la Unión Europea, in: http://euro-synergies.hautetfort.com , 28 août 2013.
        Willy Wimmer, Les Etats-Unis et leurs alliés – La “souveraineté limitée” selon la doctrine Brejnev, in: http://www.horizons-et-debats.ch (août 2013).
        Dieter Blumentwitz, Feindstaatenklauseln – Die Friedensordnung der Sieger, Langen Müller, München, 1972.
        Enrique Ravello, El Tratado de libre commercio Estados Unidos – Unión Europea – Otro paso hacia la globalización, in: http://enricravello.blogspot.com ; repris sur http://euro-synergies.hautetfort.com , 20 juin 2013.
       Andrea Perrone, L’Ue resta alla mercé delle agenzie di rating americane, in: Rinascita,http://rinascita.eu , 3 mai 2013; repris sur http://euro-synergies.hautetfort.com , 8 mai 2013.
        Cf. Michel Bugnon-Mordant, L’Amérique totalitaire – Les Etats-Unis et la maîtrise du monde, Favre, Lausanne, 1997.
        Keith Lowe, Savage Continent – Europe in the Aftermath of World War II, Penguin, Harmondsworth, 2013.
        Stuart Miller, Understanding Europeans, John Muir Publications, Santa Fe, New Mexico, 1990.
        John Pilger, “De Hiroshima à la Syrie, le nom de l’ennemi dont Washington n’ose pas parler”, in: http://www.mondialisation.ca ; à lire également: John Pilger, The New Rulers of the World, Verso, London/New York, 2003.
        Noam Chomsky, Les états manqués, Editions 10/18, n°4163, Paris, 2008.
        Philippe Cohen, BHL – Une biographie, Fayard, Paris, 2005.
        Fabrizio Fiorini, L’Occidente allo sbando, l’Occidente ha paura, in: http://www.rinascita.eu , 11 septembre 2013. repris sur http://euro-synergies.hautetfort.com , 12 septembre 2013.
        Gearóid Ó’Colmáin, Stealing Syria’s Oil: The EU Al-Qaeda Oil Consortium, in: http://www.globalresearch.ca (2013).

  • Dimension génocidaire de l’accord de libre-échange USA-UE

    Ex: http://www.dedefensa.org
    Dans cette note, nous nous permettons de reprendre intégralement l’interview de Max Keiser par Russia Today sur le marché de libre-échange transatlantique USA-UE dont les négociations officielles viennent de s’ouvrir. (Les négociations “officieuses” sont en cours depuis juillet dernier.) Normalement, nous aurions classé cet emprunt dans notre rubrique Ouverture libre, mais nous l’assortissons de commentaires importants qui conduisent à son classement dans le Bloc-Notes.
    Il s’agit de commentaires plutôt de type méthodologique, s’entend d’une méthodologie de la façon nécessaire de penser cet événement. L’intérêt de l’interview de Keiser tient d’abord à la personnalité de l’homme, induisant une certaine dialectique très spectaculaire, qui sort le commentaire sur cet accord en cours de négociation de la gangue habituelle du langage technique. Keiser emploie des termes polémiques comme “génocide” ou “holocauste” pour désigner cet accord, ce qui a effectivement l’avantage de donner une idée de la dimension et de l’orientation de l’acte en détruisant effectivement le rideau sémantique des “normes économiques” qui empêche d’en saisir la substance prédatrice. (Keiser est un ancien “boursier” professionnel et innovateur des technologies financières, devenu commentateur de télévision, à la fois spécialiste du domaine mais sur un ton et dans un esprit très polémiques et imagés, beaucoup plus politiques et de communication que spécialisés mais avec l’expérience du spécialiste, ou du connaisseur. La caractérisation professionnelle de Keiser est celle-ci : « Max Keiser, the host of RT's ‘Keiser Report,’ is a former stockbroker, the inventor of the virtual specialist technology, virtual currencies, and prediction markets. ») Voici donc l’interview de RT, le 12 novembre 2013.
    Russia Today : « An annual profit of 119 billion euros sounds pretty good and it could not come at a better time for the struggling European economy. Why be unhappy about this deal ? »
    Max Keiser : « This is an unbelievable act of corporate hubris. They’ve invented something now – ‘the corporate state’ or ‘the investor state’ - so that corporations have the ability to override sovereignty, to override countries’ legal framework for profit-seeking or rent-seeking. To give you an example, you’ve got Chevron Corporation, which has been active in Ecuador, devastating the ecology there. Not only will they not be able to go after Chevron for damages, but Chevron can claim the fact that the Ecuadorians are going after them for damages means Chevron can sue Ecuador’s government for damages for being inconvenienced for the ecological holocaust that they’ve created in Ecuador. This is the most remarkably corporate-friendly, devastating, human-centric-non-benefitting law that I’ve ever seen in my life. »
    Russia Today : « But European corporations will make huge profits, too. And profits are taxed, aren’t they ? Isn’t that exactly what governments want, income from taxation ?
    Max Keiser : « Corporations are taxed less and less. Here in the UK, the big corporations that we know are taxed very little if anything. Very little of what corporations make and what the wealthy in the world make is actually taxed. That’s the taxable income, the reportable income. Most of the income they make is through offshore accounts, through special-purpose-entities accounts, it’s completely untaxed.
    « I don’t think we’re getting to the nettle of how devastating this is. This is basically a business model based on holocaust. This is like saying that the manufacturers of Zyklon B during World War II would sue the million or so victims that were exterminated with Zyklon B for having the nerve of dying for being gassed by the manufacturers of Zyklon B. This makes holocaust a legitimate business model.
    « This makes Monsanto’s genetically-modified seeds, which are causing widespread devastation across the world - not only can it cause devastation, but Monsanto can sue a country like India for the Indian farmers who are committing suicide. Because they inconvenienced them. This is the most devastating piece of legislation, pro-corporation in history that we’ve ever seen! It’s absolutely mind-numbing ! »
    Russia Today : «What if someone comes to you and says, ‘Surely this means my job prospects in Europe are going to be improved.’ Why not let this deal go ahead? Because it’s my life, my life at stake at the moment and it’s a devastated European economy and I want a job to improve my prospects.
    Max Keiser : «Because it gives all the power to the entities that have destroyed the European economy, the big banks that have gutted the European economy. This now gives them the ability to sue the countries for damages they impose on these economies, for compensatory damages from the economies that they’ve just devastated. They can then get the governments to sue the citizens for more money after they’ve stolen the money. Imagine, for example, Goldman Sachs. They ransacked Greece, they stole billions from Greece. Now this gives them the opportunity to sue the Greek government for more compensatory damages. Then the Greek government has to go to the population for more money.
    « This gives extrajudicial power to corporations, to the investor state...beyond what is imaginable beyond the worst Orwellian nightmare. Whoever cooked this up - and I know who it is, by the way, Barack Obama. The most corporate-friendly, holocaust-, genocide-provoking idiot who has ever occupied the White House. He just threw the keys to these corporations and said, ‘Sue everybody you kill.’ It makes killing and genocide a legitimate business model.»
    Russia Today : « Surely Brussels will listen to what you have to say, they have those concerns. And they will surely make those laws protecting consumers’ interests, and, indeed, the environment from any invasive policies from the US. »
    Max Keiser : «Some countries are pushing back against this, but unfortunately in this current era, with the NSA spying on every country - what happened to Angela Merkel in Europe? She said I don’t want the NSA spying on me. Now she’s laying down supine, just letting this new law which favors American corporations to roll over her like a little frau in the woods. Like Bambi in the woods, just rolled over. She should stand up for her citizens. She’s being completely duplicitous by saying, ‘We don’t want NSA, but we want this new law.’ So she’s been identified as completely duplicitous, completely in the pocket of American corporations.
    « There are some companies that are trying to push back. But, remember, with the NSA in power, with the US dollar as world reserve currency and the Federal Reserve Bank running the world’s economy, there’s very little recourse. And you’ve got extrajudicial killing, extrajudicial lawmaking. America has become a rogue state. America has become an outlaw state. These countries have to wake up or they’re going to find themselves an American-casino-gulag state where they’re just going to be thrown down into a dungeon and forced to trade online virtual games to make virtual gold for their masters at Facebook or some other virtual corporation or gaming entity or casino operator. It’s devastating ! »
    On peut sans crainte accepter des expression telles que «an unbelievable act of corporate hubris» ou des images telles que celle d’un “génocide” ou celle d’un “holocauste”. La situation économique et sociale générale, et celle qui se développerait avec cet accord, méritent dans leur logique de tels termes. (Il s’agit de la logique de l’essence de la dimension économique et bureaucratique de la modernité, quel que soit son faux-nez, de “libre-échange” à “hyperlibéralisme”, “néo-capitalisme”, etc. Nous avons plusieurs fois rappelé l’analyse que fait l’un des auteurs les plus sérieux sur la question de l’holocauste du régime nazi, le professeur Richard L. Rubenstein, dans La perfidie de l’histoire, publié au Cerf en 2005. Nous écrivions le 16 septembre 2007 : «Ces remarques nous sont inspirées par le livre ‘La perfidie de l’Histoire’, du professeur Richard L. Rubenstein... [...] Rubenstein montre avec une grande précision les similitudes du mécanisme qui aboutit aux camps d’extermination nazis et du mécanisme capitalisto-bureaucratique du système de l’américanisme et de son extension globalisée : “Avec le temps, il devient évident que les atrocités perpétrées par les nazis dans leur société de domination totale, comme les mutilations et expériences médicales meurtrières sur des êtres humains, ainsi que l’utilisation des esclaves dans les camps de la mort, ne sont que la logique extrême des procédures et conduites prédominantes dans les entreprises modernes et le travail bureaucratique.”»)
    Cela posé, il est intéressant de noter, dans le discours véhément de Keiser, la façon dont il utilise deux approches différentes : d’une part, celle d’une responsabilité collective de ce qu’on pourrait nommer un Global Corporate Power, qui comprendrait la responsabilité collective des entreprises “globalisées” (donc n’ayant plus d’identité nationale) poursuivant ce type de développement de destruction du monde, avec l’aide active et consciente au moins en ce qui concerne les modalités économiques et anti-principielles de l’accord, des directions politiques aussi bien US que de l’UE et des pays de l’UE ; d’autre part, celle d’une agression du monstre économique US, identifié du point de vue de la nationalité, contre une Europe soit naïve, soit inconsciente, soit asservie, soit corrompue dans le chef de certains manipulateurs et subvertie par la pénétration US, etc. Cette double approche est bonne pour la polémique, mais pour l’identification du phénomène c’est une autre affaire. La contradiction de cette approche est radicalement dommageable à cette identification, laquelle est fondamentalement nécessaire pour comprendre la situation et orienter l’action antiSystème.
    ... Car, évidemment, notre approche est celle du Système, comme on s’en doute. Il n’y a plus d’entités nationales principielles, c’est-à-dire capables, non seulement de s’imposer, mais de seulement songer à s’opposer à l’attaque du Corporate Power comme si elles étaient vertueusement conscientes du danger de destruction du monde. (Alors qu’elles pourraient le faire, – s’opposer, – sans le moindre doute, et avec efficacité sans le moindre doute également ; il s’agit bien d’une faiblesse corruptrice de la psychologie.) Dans cette bataille apocalyptique qui est celle du Système versus la réaction antiSystème, personne dans ces sphères, – aussi bien les directions politiques que le Global Corporate Power, – n’est conscient de l’enjeu réel ; personne ne se réfère plus à aucun principe, que ce soit la souveraineté ou la légitimité, d’ailleurs par ignorance totale de la chose, par faiblesse psychologique bien plus que par corruption intrinsèque et volontaire de la pensée ; personne ne conçoit l’événement comme un affrontement, mais comme la recherche d’un accord où chacun cherche ses intérêts purement économiques et financiers, c’est-à-dire dans ce cas et en se référant à l’analyse juste sur ce point de Keiser, selon une expression de type-oxymore, disons ses “intérêts génocidaires” puisque l’entreprise conduit au “génocide du monde” (ou à l’“holocauste du monde”). Ils sont donc tous complices par faiblesse de la psychologie plus que par dessein maléfique dans une entreprise dont l’impulsion vient du Système lui-même, une entreprise qui est une autre façon (que celle du régime nazi), sans doute plus extrême encore dans son efficacité et sa globalité, de conduire à l’opérationnalité de «la logique extrême des procédures et conduites prédominantes dans les entreprises modernes et le travail bureaucratique».
    Il importe de comprendre cela, c’est-à-dire de faire son choix : USA contre l’UE selon une concurrence classique, ou bien Système opérationnalisant la destruction du monde par coopération active USA-UE dans ce cas. Notre choix est fait, pour des milliards de raisons et d’événements, et selon l’idée symbolique que la destruction de Detroit vaut exactement la destruction de la Grèce, dans leur logique commune tendant vers l’anéantissement qui porterait à son terme le processus dd&e. Une fois cela compris, on comprend qu’il faut écarter les incertitudes de l’interrogation “mais si le Système est détruit, que mettra-t-on à sa place ?”, selon la “logique extrême” de notre image classique qui dit que lorsqu’un homme se noie parce qu’il est habillé d’une cuirasse comme un chevalier du Moyen-Âge et que ce poids l’entraîne vers le fond, on se bat pour le débarrasser de cette cuirasse et tenter de le sauver de la noyade plutôt que de se demander de quoi on va l’habiller si on parvient à le débarrasser de cette cuirasse et à le sauver de la noyade. (On comprend que la cuirasse et son poids, c’est le Système.) Bref, il s’agit de ne pas réfléchir sur le but organisé et opérationnel de l’action et d’agir, parce que la réflexion dans ce cas équivaut évidemment à la capitulation et à l’abdication. Par ailleurs, on sait qu’il y a assez de signes puissants d’autodestruction du Système, y compris les appels d’une partie du corps scientifique qui a contribué à la mise en place du Système à la destruction de ce Système par la révolte populaire (voir le 31 octobre 2013), pour admettre que l’acte de la résistance, c’est-à-dire la réaction antiSystème, est non seulement un acte fondamental nécessaire à la dignité du sapiens s’il veut “être” au sens spirituel, mais un acte qui n’est nullement étranger à une possible sinon probable efficacité catastrophique pour le Système. (Phrase fameuse pour nous du de Gaulle des Mémoires de guerre nous invitant à ne jamais perdre espoir, car “perdre espoir” est une chose absurde évidemment : «Tout peut, un jour arriver, même ceci qu’un acte conforme à l’honneur et à l’honnêteté apparaisse, en fin de compte, comme un bon placement politique.») Par conséquent, que vienne ce grand marché que, de toutes les façons, personne dans les élites-Système, caractérisées par une bassesse im-monde (“hors du monde” dans l’étymologie d’immundus), n’est dans un état psychologique poussant à vouloir l’empêcher, et que l’on soit prêt à exploiter toutes ses catastrophiques conséquence en les retournant contre lui (ce qui s’appelle “faire aïkido”, dans ce cas plus efficace que la réflexion sur une alternative au Système).
    (“Faire aïkido” pour notre cas, voir aussi bien le 19 août 2013 que, antérieurement, le 2 juillet 2012  : «L’opérationnalité de la résistance antiSystème se concentre naturellement dans l’application du principe fameux, et lui-même naturel, de l’art martial japonais aïkido : “retourner la force de l'ennemi contre lui...”, – et même, plus encore pour notre cas, “aider la force de cet ennemi à se retourner naturellement contre lui-même”, parce qu’il est entendu, selon le principe d’autodestruction, qu’il s’agit d’un mouvement “naturel”.»)
    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2013/11/13/dimension-genocidaire-de-l-accord-de-libre-echange-usa-ue-52.html

  • Colère dans l'armée

    Dans Valeurs Actuelles, Jean-Pax Méfret rend compte de la montée des tensions au sein de l'Armée. Extraits :

    "Un sentiment de défiance se développe dans l’armée. Il est rapporté par les anciens de la “grande muette”, qui commencent à donner de la voix. « Ne soyez pas sourds, car nous ne sommes pas muets, demande aux journalistes l’ancien général de corps d’armée (2S) Dominique Delort, président de la Saint-Cyrienne, dans le dernier numéro du Casoar, la revue trimestrielle de l’association des anciens de Saint-Cyr. Il est facile de savoir que le moral n’est pas bon, il est facile de savoir que les inquiétudes sont grandes concernant l’outil de défense et la réforme en cours au ministère de la Défense […] »

    Dominique Delort s’adresse aussi à ses frères d’armes et rappelle : « À défaut d’être suffisamment entendus, il appartient aux plus hauts responsables militaires d’élever raisonnablement la voix quitte, en leur âme et conscience, à choisir de partir, car l’enjeu est grand. Nous sommes nombreux à ne pas baisser la garde, par devoir, car dans la cacophonie générale où tous les sujets s’entrechoquent sans ordre d’importance ni mise en perspective, c’est bien de la défense de la France qu’il s’agit. »

    Michel Janva

  • Tapis rouge pour François Hollande à Tel-Aviv

    « Benyamin Netanyahou avait déjà promis de recevoir dimanche prochain son “ami” François Hollande à l’aéroport Ben Gourion ».
    François Hollande et Laurent Fabius se sont vengés de Barack Obama qui n’a pas voulu les suivre en bombardant la Syrie et, humiliation suprême, sans les prévenir de son changement de position. Ils ont donc fait capoter, à Genève, le premier round de négociations sur le programme nucléaire iranien depuis l’élection de Hassan Rohani.
    L’occasion leur en a été donnée par un coup de téléphone de Meyer Habib, député centriste UDI des Français de l’étranger, prévenant Fabius que Benyamin Netanyahou donnerait l’ordre d’attaquer des sites nucléaires iraniens en cas d’accord du groupe 5+1 (Russie, Chine, France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Allemagne) avec le régime de Téhéran. C’est du moins ce que raconte The Times of Israel du 10 novembre.
    Habib Meyer a été élu, en juin 2013, député de la 8e circonscription des Français établis hors de France, qui comprend notamment Israël, avec le soutien de Benyamin Netanyahou (1). Il aurait milité dans sa jeunesse au sein du Bétar, un groupuscule sioniste d’extrême droite lié au Likoud israélien, puis, après des études à Haïfa, a fait partie de l’équipe de conseillers du premier ministre israélien.
    Habib Meyer est également vice-président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) où il préside la commission Israël.
    La visite officielle de François Hollande en Israël (17 au 19 novembre prochains) s’annonce donc sous les meilleurs auspices. Le président français a même cédé à la menace de Yuli Edelstein, président de la Knesset, qui refusait de le rencontrer s’il n’intervenait pas devant les députés israéliens (2).
    Yuli Edelstein, élu sur la liste Likoud–Israël Beytenou, est connu en Israël pour réclamer l’annexion de la Judée-Samarie, région de Cisjordanie sous autorité palestinienne.
    Les néoconservateurs pavoisent
    Benyamin Netanyahou avait déjà promis de recevoir dimanche prochain son « ami » François Hollande à l’aéroport Ben Gourion « en déroulant le tapis rouge » (3)… Pour que la visite soit un plein succès de propagande, il ne manquera plus qu’une photo de famille avec l’ultra-raciste Avigdor Lieberman, chef d’Israël Beytenou redevenu cette semaine ministre des Affaires étrangères… Si, après cela, l’électorat pro-israélien français ne vote pas pour les candidats socialistes aux prochaines élections municipales, c’est que la rose du PS est vraiment fanée.
    Aux Etats-Unis, les néoconservateurs pavoisent. Richard Grenell, qui avait débaptisé les frites (French fries, en anglais) pour les appeler « freedom fries – frites de la liberté », après le refus de la France de cautionner l’agression américaine de l’Irak en 2003, a tweeté qu’il en mangeait à nouveau sous leur nom véritable, pour célébrer la prise de position prise par la France à Genève… Heureusement que le ridicule ne tue pas !
    Gilles Munier, France-Irak-Actualité, 13/11/2013
    Auteur, journaliste indépendant. Ouvrages: Guide de l’Irak, Les espions de l’or noir. A dirigé la traduction de Zabiba et le roi, roman de Saddam Hussein.

    Notes :

    (1) Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou apporte son soutien à Meyer Habib (vidéo : 1’07) :
    (2) La Knesset veut boycotter Hollande (Le Figaro, 30/10/13) :
    (3) Netanyahou : « Israël déroulera le tapis rouge à Hollande » (Assawra, 4/11/13) :

    http://www.polemia.com/tapis-rouge-pour-francois-hollande-a-tel-aviv/

  • Les transformations silencieuses contre la gouvernance par le chaos

    Eurasisme versus Atlantisme

    Dans son ouvrage « La quatrième théorie politique » (Ars Magna Éditions, 2012), Alexandre Douguine définit les bases de ce que l’on pourrait appeler une « géopolitique archétypale ». Cette géopolitique décrit un antagonisme entre deux grands modes d’organisation politique. D’une part, l’Eurasisme, fondé sur un enracinement tellurique dans la Terre continentale eurasiatique, du Finistère au Kamtchatka ; d’autre part, l’Empire atlantiste et maritime, d’origine anglo-saxonne mais partagé par tout groupe sociologique ayant à voir avec le déracinement, le nomadisme, le « bougisme », la transgression des frontières et des limites, en un mot l’hybris caractéristique du postmodernisme libéral et occidental.

    D’un point de vue archétypal, Douguine dépeint donc une tendance eurasiste à la stabilité minérale, au conservatisme, au sens de la mesure et de la Tradition, entendue comme principe de « hiérarchie hétérophile », alliance de la Loi et de l’Amour, définissant un ordre par l’ordre, qui s’oppose à un atlantisme progressiste de la démesure, une anti-Tradition aux valeurs inversées, comme on parle de l’anti-Christ, adepte d’une « anarchie homophile », combinaison d’anomie et de narcissisme, définissant son ordre dans le chaos. Soit, dans les termes d’un Zygmunt Bauman, un modèle de « société solide » opposé à un modèle de « société liquide ».

    Cet anti-modèle de société liquide atlantiste (et sioniste) identifié à l’Occident postmoderne est profondément contre-nature et toxique pour la majorité. Il ne bénéficie qu’à une oligarchie morbide qui essaye d’entraîner le monde entier dans son suicide au moyen d’une ingénierie sociale négative, un « reality-building » visant à déconstruire toute forme de civilisation traditionnelle solide pour lui substituer une nouvelle réalité plastique et mondialisée, un Nouvel ordre mondial, dont elle contrôlera tous les paramètres après les avoir elle-même définis et qu’elle pourra dès lors façonner à sa guise. En raison de son caractère pathologique et dysfonctionnel, cette société liquide qui tente de se globaliser doit être combattue et annihilée totalement. Rien ne doit en rester, et rien n’en restera.

    Il est désormais acquis que l’Empire atlantiste cherche à gouverner par le chaos. Son élément naturel est l’hystérie, la crise, la destruction, la guerre, en un mot l’entropie, comme le souligne aussi la revue De Defensa, mettant l’accent sur le fait qu’un nombre croissant d’observateurs et d’acteurs géopolitiques importants, à commencer par Vladimir Poutine lui-même, accusent désormais les gouvernements occidentaux de propager intentionnellement le désordre et le chaos, notamment en Syrie. À ce stade, la question qui s’impose est : comment agir contre l’Empire sans obéir aux règles définies par l’Empire lui-même ? Donc comment agir de manière proprement eurasiste ? C’est-à-dire de manière réellement constructive et néguentropique ?

    Pour une pensée stratégique eurasiste

    Il nous faut définir ici une « méthodologie eurasiste », qui aurait le visage d’une ingénierie sociale positive, en tant que fabrique de pérennité, de paix et de vie, fabrique de Tradition, donc de hiérarchie hétérophile, s’opposant à l’ingénierie négative de l’Empire, en tant que fabrique de précarité, de guerre et de mort, fabrique d’inversion de la Tradition, donc d’anarchie homophile. Le concept de Base Autonome Durable pose le cadre général de notre action. Mais afin de ne pas se pétrifier dans une rigidité trop dogmatique et de reconnaître leurs droits relatifs au changement et à l’évolution, nous voulons lui adjoindre le concept de « transformation silencieuse ». Cette notion nous vient du Taoïsme et de ses applications dans le domaine de la stratégie et des divers arts de la guerre. François Jullien, éminent sinologue, travaille depuis de longues années à faire passer cette pensée chinoise en Occident, en montrant comment elle correspond aussi à une certaine tradition occidentale, mais minoritaire, qui va de Héraclite à Bergson en passant par Nietzsche et les courants mystiques des monothéismes.

    Cette tradition majoritaire en Chine mais minoritaire en Occident est une pensée du Devenir, où les choses et les identités ne sont pas fixes mais correspondent à des processus, des transformations graduelles et imperceptibles, comme la croissance des plantes ou l’érosion naturelle des pierres, et sont donc difficilement objectivables ou discrétisables en unités de représentations. En termes de stratégie, cette tradition « processualiste » dit qu’une chose ou qu’un comportement n’ont pas besoin d’être « distincts », c’est-à-dire perceptibles ou concevables immédiatement, pour être efficaces. L’action n’a pas besoin de se voir pour être prise au sérieux. L’essentiel est invisible, ou silencieux, et ne s’impose pas à l’esprit. La « petitesse » est la constante de cette méthode, comme l’expriment certains proverbes, « Les petits ruisseaux font les grandes rivières », « Petit à petit, l’oiseau fait son nid », ou encore la fable du colibri qui a inspiré le mouvement de Pierre Rabhi.

    À l’opposé, la culture occidentale majoritaire est imprégnée d’ontologie grecque et monothéiste. Il s’agit d’une pensée de l’Être, opposé au non-Être et sans rien entre les deux, pensée du « tiers exclu » et des substances pures et sans mélange, 0 ou 1, « vrai » ou « faux », « oui » ou « non », « bien » ou « mal », « noir » ou « blanc », où les choses et les identités sont fixes, et correspondent à des essences. Cette pensée « essentialiste » s’étend de Parménide jusqu’à aujourd’hui, en passant par Platon, Aristote, Descartes et l’interprétation courante des textes monothéistes. La conséquence ultime en est le Spectacle au sens situationniste, c’est-à-dire l’exigence de visibilité ontique décriée par Heidegger, le « se tenant devant », ou « au-dessus », par lequel on résume la substance des choses dans nos sphères culturelles conventionnelles occidentales et islamiques. En termes de stratégie, cette tradition gréco-monothéiste majoritaire dit qu’une chose ou qu’un comportement doivent être « distincts », donc perceptibles ou concevables immédiatement, pour être efficaces. L’action doit se voir pour être prise au sérieux. L’essentiel est visible, ou en tout cas bruyant, et doit s’imposer à l’esprit. La « grandeur », dans tous les sens du terme, est la constante de cette méthode.

    Dans le champ de la stratégie, ces deux traditions, essentialiste ou processualiste, induisent deux modes d’action bien distincts. L’essentialisme se dramatise dans un espace spectaculaire : c’est la tendance Clausewitz. Le processualisme, quant à lui, préfère agir dans l’invisible et viser le trivial : c’est la tendance Sun-Tzu. Loin de se résumer à des considérations théoriques ou historiques abstraites, il se trouve que ce double cadre méthodologique possède une actualité brûlante. Dans les milieux politiques dissidents, la question de la méthodologie du renversement du Pouvoir oligarchique est souvent évoquée selon cette même alternative duelle : d’une part, la manière typiquement gréco-monothéiste, c’est-à-dire l’action d’éclat de type révolutionnaire, la guerre civile, le coup d’État, le putsch, avec ou sans le soutien d’un réseau paramilitaire déjà constitué ; d’autre part, la manière asiatique, ou l’action discrète de type psychologique, la guerre culturelle et l’influence indirecte.

    L’action directe : une voie de garage balisée par l’ennemi

    En France en 2012, quelle est la faisabilité pratique de l’option dite « révolutionnaire » ? Quel est le potentiel de réussite d’une action consistant à prendre les armes pour déclencher une insurrection populaire débouchant sur un renversement du régime en place ? Sachant que les insurgés se retrouveront rapidement opposés à des professionnels de la violence physique, les fameuses « forces de l’ordre » (bien souvent « forces du désordre » en réalité) de la police et de l’armée, cette option requiert au minimum un entraînement spécifique aux techniques de combat, ainsi qu’une condition physique aguerrie capable de tenir tête à l’adversaire. L’auteur de ces lignes, s’appliquant à lui-même la méthode scientifique expérimentale dans le cadre d’un test de faisabilité dont il a été son propre cobaye, a pris le temps, pendant plusieurs années, de se former physiquement et mentalement aux méthodes paramilitaires en pratiquant les armes à feu et en s’initiant au combat rapproché (close-combat), en allant « sur le terrain » des manifestations et mouvements sociaux qui dégénèrent en vitrines cassées, voitures incendiées et sabotages divers, enfin, en mettant ses pieds dans certains milieux sociologiques dits « marginaux » ou « extrémistes » eux-mêmes placés sous surveillance, le tout complété par une approche historique et conceptuelle (lectures et conférences) des questions de Renseignement et de stratégie militaire.

    De cette étude menée sur la durée, plusieurs conclusions s’imposent : sans une condition physique optimum et une expérience vécue et pratique des situations de stress, donc sans un conditionnement spécifique de l’esprit et du corps dont l’approche ne peut être fournie que par un entraînement quotidien sur le long terme avec un encadrement de niveau professionnel du type « Forces spéciales », on ne tient guère que dix minutes face à l’ennemi. Un véritable fossé sépare l’amateur du professionnel, que l’on ne soupçonne même pas avant de s’y être frotté réellement, et qui rend modeste quand on en a eu ne serait-ce qu’un avant-goût.

    Par ailleurs, afin de finir de décourager nos lecteurs d’emprunter la voie de l’action directe et violente, notons que toutes les révolutions apparemment populaires et venant de la base, de 1789 au pseudo printemps arabe, en passant par 1917 et Mai 68, sont toujours en fait pilotées au sommet par des « minorités actives », services de renseignement, « sociétés de pensée » plus ou moins discrètes ou secrètes, mafias et lobbies divers. La nature du Peuple étant conservatrice et pacifique, jusqu’à la résignation, elle ne se lance jamais spontanément dans des entreprises de subversion et de déstabilisation de l’ordre commun établi. En outre, les putschs, coups d’État et révolutions diverses sont des opérations qui supposent un haut degré d’organisation centralisée, donc un petit nombre d’acteurs fortement coordonnés, et s’avèrent donc techniquement irréalisables par les masses.

    Évidemment, aucun régime politique n’a jamais réuni 100% de satisfaits. (Chercher le consensus total est, du reste, un fantasme utopique et politiquement immature, nostalgie de l’univers homogène et homéostatique de l’utérus maternel.) Il existe toujours une raison, bonne ou mauvaise, de ne pas être content, aliment d’un substrat d’opposition à tout système, quel qu’il soit. Mais dès lors qu’un mouvement de contestation authentiquement populaire se dessine et risque de représenter une menace réelle pour le régime en place, il est récupéré et désamorcé ou instrumentalisé par des minorités actives locales et/ou étrangères dans une perspective d’ingérence et de renversement du régime en place. « Agiter le peuple avant de s’en servir », résumait Talleyrand. Pour aller plus loin sur ce sujet, voir aussi Roger Mucchielli, « La subversion ».

    Le Pouvoir, quel qu’il soit, se pose toujours la même question : comment va-t-il réussir à gérer sa propre extériorité, sa propre contradiction ou opposition ? Plutôt que d’attendre qu’elle apparaisse pour tenter de l’infiltrer et de la retourner, le meilleur moyen consiste encore à la créer de toute pièce. À cette fin, un énorme travail de scrutation et d’anticipation des pensées et des comportements est appliqué aux populations chaque jour. Pour ne parler que de la France, tout notre beau pays a été placé depuis longtemps sous surveillance totale, vidéo, téléphonique, électronique (Echelon), et sous influence idéologique notamment par le « trolling rémunéré » sur les forums Internet afin d’enregistrer les tendances émergentes (veille des signaux mémétiques faibles), mais surtout pour y pratiquer de la désinformation, par exemple au moyen de faux profils Facebook chargés de donner l’illusion du nombre en faveur de telle idée ou de telle figure médiatique. On lira à ce propos deux textes accessibles sur Internet : « Les techniques secrètes pour contrôler les forums et l’opinion publique » (http://korben.info/techniques-secre...) et « Confessions d’un troll rémunéré » (http://lafilleducapitaine.revolublo...).

    Ce travail de surveillance et d’influence de la population serait bien sûr insuffisant sans le renseignement humain (Humint), c’est-à-dire l’infiltration et le noyautage des groupes politiques ou associatifs présentés comme « critiques », tels que le NPA, le Front de gauche, les syndicats, les « identitaires » de toutes sortes (racialistes, régionalistes, séparatistes, féministes, homosexuels), sans oublier la diffusion par les think-tanks du Pouvoir d’éléments de langage à fonction incapacitante tels que l’antiracisme, l’antifascisme, l’anti-conspirationnisme, l’anti-homophobie, le sans-frontiérisme, etc. Cette guerre culturelle pour la conquête des discours et des cerveaux s’appuie également sur un « renseignement d’ambiance » au moyen d’agents chargés de prendre la température en passant des soirées entières à écouter et discuter dans les bistrots des quartiers névralgiques. Parfois, le patron de bar lui-même…

    Le travail de repérage des individus « borderline  » susceptibles d’un passage à l’acte physique, à commencer par le simple agitateur de manif, éventuellement casseur et brûleur de voitures, jusqu’au criminel toxicomane, permet de les neutraliser mais aussi de les récupérer pour s’en servir. Les méthodologies de profilage psychologique, ainsi que d’« anticipation pré-cognitive » et d’induction comportementale, sont arrivées aujourd’hui à un haut degré de perfectionnement. En termes de cybernétique, quand une turbulence locale apparaît spontanément et menace de déstabiliser tout le système, il peut être indiqué de provoquer artificiellement une autre turbulence locale plus forte juste à côté pour y absorber et y résorber la première. Ce qui s’appelle aussi un « contre-feu ». Le grand art de cette sorte d’ingénierie du chaos consistant à provoquer en amont TOUTES les turbulences locales, de sorte à ne même plus laisser la place suffisante pour que se forment des turbulences spontanées et non maîtrisées, et se rendre ainsi propriétaire de toutes les zones de turbulence. En termes de cyndinique (sciences du danger et gestion de risque), afin de réduire sa propre zone d’incertitude, on provoque des zones d’incertitude pour autrui, zones d’instabilité apparente mais dont on tirera les ficelles car on en aura conçu soi-même les paramètres.

    La fabrique proactive de l’ennemi

    Ces méthodologies, ou « manières de faire », s’inscrivent dans une logique proactive de construction « a priori » de l’ennemi afin de mieux le contrôler, logique aboutissant au façonnage (« shaping ») de pseudos groupes révolutionnaires (d’ultragauche) ou terroristes (islamistes), quand ce n’est pas leur création complète ex nihilo par les services secrets occidentaux : counter-gangs d’origines et d’obédiences diverses, d’Al-Qaïda à l’Armée syrienne libre (A.S.L.), sans oublier tout le fatras de racailles sous contrôle que le Qatar, l’entité sioniste et les anglo-saxons travaillent à mettre sur pieds dans nos banlieues, avec la complicité active (et déplorable) d’une partie de nos Renseignements hexagonaux.

    Pour résumer : le moindre petit revendeur sous le manteau de 9 .mm est connu et fiché, de la plus petite mosquée aux plus grandes centrales syndicales en passant par la moindre cité HLM, tout est noyauté, infiltré, sous contrôle. Le quadrillage du territoire national par les loges maçonniques qui, en France, détiennent tout l’État profond, la haute fonction publique, les préfectures, les sous-préfectures et les organes du Renseignement, est assez exhaustif. Il faut l’admettre : s’il subsiste encore de l’insécurité dans notre pays en 2012, c’est bien parce que la police en a besoin et la cultive pour divers usages, de la mise en scène politico-médiatique d’une « menace terroriste » fictive (Tarnac, Mohammed Merah) jusqu’au maintien d’un niveau constant d’anxiété dans la population par le laisser-faire intentionnel des incivilités et l’entretien d’un taux minimum de délinquance et de criminalité. Nul besoin de flics ripoux pour normaliser ces pratiques de contrôle social par la peur et le stress, la criminologie scientifique officielle s’en est chargée en appliquant certains résultats de psychologie sociale (« Terror management theory ») ou de sociobiologie (Henri Laborit) sur le rôle joué par l’anxiété dans l’inhibition de l’action et la production de soumission dans les comportements. Aussi longtemps que nous vivons comme des souris effrayées, au moins nous ne dérangeons pas Goldman-Sachs…

    Aujourd’hui, tout individu qui se lancerait dans un passage à l’acte violent finirait donc comme Jean-Marc Rouillan ou Anders Breivik, c’est-à-dire chez les sous-prolétaires du Système, intégralement manipulé mais convaincu d’être un rebelle, et qui donne des prétextes au Système pour sévir encore plus fort. Toute initiative spectaculaire est destinée à finir en prison, à l’asile, ou au cimetière. C’est très exactement à cause de cette stérilité de l’action d’éclat que le Pouvoir cherche à y orienter toute initiative critique à son égard… pour la neutraliser. En effet, le Pouvoir n’aime ni l’invisibilité, ni la discrétion, ni le long terme, car il n’a aucune prise sur des processus dissidents qui cultivent ces qualités.

    En revanche, le Pouvoir maîtrise tout le champ de l’action visible et violente de court terme, raison pour laquelle il veut nous y pousser et nous y retenir. Il veut nous obliger à « sortir du bois » et à nous découvrir pour nous attirer sur son territoire. En un mot : il veut nous pousser à la faute. Dans ces conditions, le premier principe de l’action révolutionnaire pertinente doit être de ne pas se laisser entraîner sur le terrain de l’ennemi. Il a besoin que nous devenions visibles et violents. Soit, restons invisibles et non-violents. Il veut imposer son ordre par le chaos. Soit, infusons de l’ordre par l’ordre dans nos vies et dans celles des autres. Appliquons pour nous-mêmes la double éthique de ce que certains appellent l’Art royal, l’art de se faire oublier et de devenir invisibles, tout en poussant autrui à se montrer dans l’éclat du jour.

    L’option révolutionnaire « classique » est donc non seulement impraticable pour les raisons d’impréparation et d’amateurisme évoquées plus haut, mais elle doit en plus être prise exactement à contre-pied dans la mesure où elle nous est suggérée par l’ennemi. Dans « Choc et simulacre », Michel Drac évoque également cette création préemptive (proactive) par des services secrets ou des officines diverses du visage de leur propre ennemi pour mieux le neutraliser, dans la lancée du programme états-unien COINTELPRO (Counter-intelligence program), à l’origine de la contre-culture de gauche libertaire des années 1960-70, ou la « méthode Kitson » britannique, fondée sur l’usurpation d’identité et l’opération sous faux drapeau (false-flag).

    Concept de « révolution lente »

    Si l’attaque frontale du Système est évidemment vouée à l’échec, que nous reste-t-il comme mode d’action ? Ce qui reste, c’est la « guerre culturelle », c’est-à-dire l’influence sociologique diffuse, virale ou capillaire, la guerre psychologique de longue haleine par la réinformation de nos concitoyens, ainsi que la reconquête des réseaux et des structures institutionnelles déjà existantes, sans oublier l’organisation concrète en B.A.D., de sorte à reconstituer de la souveraineté alimentaire, énergétique, économique et… cognitive, tous ces efforts combinés permettant d’aboutir à des « révolutions lentes », apparemment invisibles mais pourtant bien réelles. Ajoutons à cela l’éducation populaire, le travail social, la démocratie locale dans les conseils de quartier, le jardinage collectif, bref tout ce qui permet de rayonner et de reconstituer le lien social pacificateur que le Pouvoir passe son temps à détricoter pour nous dresser les uns contre les autres. Redevenir des sujets parlants, des sujets structurés, c’est-à-dire de la logique indexée sur des faits, autrement dit du langage (du « logos ») indexé sur du réel, de sorte à court-circuiter les « captures imaginaires » en termes lacaniens, c’est-à-dire les rivalités identitaires, narcissiques et émotionnelles, et les séparatismes qui en découlent.

    Concept de « psy-arme »

    Sur le plan intellectuel, il nous incombe, à nous, l’« avant-garde du prolétariat », de mettre en méthode de manière scientifique ces techniques de renversements graduels et insensibles dans les rapports de force. En particulier, il nous reste à fournir une conceptualisation avancée des « transformations silencieuses », en nous appuyant sur la notion d’arme silencieuse, ou « arme psychologique » (psy-arme), inspirée du célèbre texte intitulé « Armes silencieuses pour guerres tranquilles » (« Silent weapons for quiet wars »). Nous sommes en guerre, et les armes utilisées ne sont pas exclusivement matérielles. Le concept général d’une arme offensive, arme physique comme arme psychologique, pourrait être défini ainsi : « Tout ce qui accélère artificiellement l’entropie d’une cible », ou encore « Tout ce qui permet de déstructurer intentionnellement quelque chose d’autre que soi-même ». En inversant les places et les signes, on trouve le concept général d’une arme défensive : « Tout ce qui neutralise l’entropie qu’un ennemi nous applique », donc « Tout ce qui entretient notre capacité de conservation et de résilience ».

    Les pays Non-alignés, que l’Iran a eu l’intelligence de remettre au goût du jour, attaquent l’oligarchie atlantiste et sioniste par le haut. Afin de la prendre en tenaille, notre rôle sera de l’attaquer par en bas en mettant sur pieds une sorte de Hezbollah à la française, qui pourrait également ressembler au parti politique grec « Aube Dorée », mouvement enraciné dans le social mais aussi capable de se défendre physiquement, et dont l’inspiration pourrait être trouvée dans la philosophie « par-delà droite et gauche » du Conseil National de la Résistance et de son célèbre programme de 1944. Ou encore « Gauche du travail, droite des valeurs », selon l’heureuse formule d’Alain Soral. Travaillons donc à ce que « Égalité et réconciliation » et tous ceux qui voudront bien en être les supporters, amis et compagnons de route, deviennent les fers de lance de cette reconquête.

    Lucien Cerise

    Source: Égalité et Réconciliation

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2013/11/14/les-transformations-silencieuses-contre-la-gouvernance-par-l.html

  • La Serbie contre le Nouvel ordre mondial – par Laurent Glauzy

    Quatorze années se sont écoulées depuis la déclaration de guerre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) à la Serbie. Dans la nuit du 24 au 25 mars 1999, l’OTAN déclenchait contre la Yougoslavie des frappes aériennes, qui ont duré soixante-dix-huit jours. Plusieurs milliers d’infrastructures, d’hôpitaux, d’écoles, de logements furent bombardés. Il fut dénombré 3 500 morts et 12 500 blessés.

    Cette attaque, conforme aux plans du Nouvel ordre mondial, constitue la seconde étape de la guerre de Yougoslavie qui a causé deux cent mille morts et 3 millions de personnes déplacées, de 1991 à 2001.

    C’est la première fois, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu’un conflit armé réapparaît au cœur de l’Europe. À cette occasion, la Serbie fut agressée par une armée de coalition. Naturellement, les raisons de cette attaque ne rendent pas du tout compte des intentions réelles des États-Unis et de l’Europe. Après avoir aidé les forces séparatistes de Krajina (entité serbe autoproclamée de Croatie) et de Bosnie, l’Occident justifia son intervention sous prétexte d’éviter une « catastrophe humanitaire » au Kosovo.
    Dans le quotidien italien
    Rinascita, Yves Bataille, géopoliticien franco-serbe et opposé à l’occupation atlantique de l’Europe, expose que l’effondrement de l’Union soviétique et la réunification de l’Allemagne furent nécessaires pour tenter d’effacer l’identité originale de la Yougoslavie reposant sur l’autonomie et la neutralité.

    Fondée le 1er décembre 1918 autour de six républiques, au lendemain de la « Grande guerre », la Yougoslavie qui constitue alors un trait d’union entre l’Ouest et l’Est, est envahie par le modèle économique occidental à partir de 1989-90. Après la chute du mur de Berlin, les anglo-saxons introduisent leur notion de marché libre, tandis que l’OTAN étend son contrôle sur les pays de l’ancien Pacte de Varsovie. Yves Bataille explique que la Yougoslavie, co-fondatrice du mouvement des pays non-alignés, lors de la Déclaration de Brioni (Croatie), signée le 19 juillet 1956 par les présidents Gamal Abdel Nasser, Tito, Sukarno, représentant l’Égypte, la Yougoslavie et l’Indonésie, et par le Premier ministre indien Nehru, devait non seulement disparaître, mais servir de banc d’essai aux guerres à venir.

    L’intervention de la CIA

    En 1990, la CIA prévoit l’écroulement de la Fédération yougoslave. En novembre de la même année, le Congrès des États-Unis abolit les prêts à la Yougoslavie jusqu’à ce que des élections se déroulent dans chaque république. Le processus « démocratique » devait contribuer à aggraver des antagonismes socio-économiques et ethniques. En 1986, le mémorandum de l’Académie serbe des Sciences et des Arts (SANU), la plus importante institution académique de Serbie existant depuis 1886, attire l’attention de la communauté internationale sur les difficultés des Serbes à vivre dans la fédération. Ce mémorandum est présenté de manière erronée par la presse occidentale comme un manifeste du nationalisme serbe aspirant à dominer la Yougoslavie. En réalité, seuls les Occidentaux nourrissaient des velléités de conquête sur la Yougoslavie.

    Pour les centres financiers de Washington, Londres, Bruxelles et Berlin, le président serbe Slobodan Milošević était un dictateur opposé aux directives du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, empêchant tout libre échange. Son « grand discours », qui rassembla en 1989 plus d’un million de personnes devant le monument de Gazimestan, commémorant la bataille de Kosovo Polje du 15 juin 1389, fut présenté par les Occidentaux comme une tentative de fonder une grande Serbie, menaçant les autres républiques.

    De plus, la Serbie affiche alors une capacité militaire faisant obstacle à la formation d’une nouvelle marche vers l’Est programmée par l’Occident : la majorité des soldats de l’Armée populaire yougoslave (JNA) sont serbes. Au début des années 1990, ils constituent 90 % des effectifs officiers. Les médias occidentaux assènent qu’il s’agit d’une armée de conquête, et criminalise par les médias l’ensemble du peuple serbe.

    L’Occident et la purification ethnique antiserbe

    Toutes les techniques de propagande sont monopolisées pour exciter contre la Serbie les groupes ethniques de la Fédération yougoslave. Les Oustachis, rebelles croates de la Seconde Guerre mondiale ; la Division Handchar presque entièrement composée de Musulmans de Bosnie ; Balli Kombëtar, mouvement nationaliste albanais de résistance anti-italien, anticommuniste et antiroyaliste, soutenu par les propriétaires terriens et la paysannerie, sont instrumentalisés et présentés comme des victimes de la Serbie. Cependant, en Krajina, en Bosnie et au Kosovo, des dizaines de milliers de Serbes comptent parmi les victimes d’une réelle purification ethnique orchestrée par l’Occident. La guerre de Yougoslavie est bien un conflit de destruction contre la Serbie, menée par des banquiers talmudistes.

    Contribuant à cette mascarade criminelle, l’OTAN justifie son intervention pour faire cesser les massacres ethniques. Le Kosovo est le berceau de l’histoire serbe. Indépendamment de cette réalité, Washington et ses valets européens veulent fonder un Kosovo « indépendant » à partir des accords de Rambouillet du 27 mai 1999. Derrière la façade du droit international de la charte des Nations unies, Washington et l’OTAN travaillent à l’érection d’un Nouvel ordre mondial.

    Dans War and Anti-War (Guerre et contre-guerre), l’écrivain et sociologue américain Alvin Toffler rappelle que les démocraties utilisent des montages politico-médiatiques afin de déclencher des guerres avec l’approbation des masses.

    L’OTAN déguise les cadavres

    Les attaques de Sarajevo, les faux « massacres » de Srebrenica en Bosnie en juillet 1995 et du village de Račak au Kosovo en janvier 1999, où les Serbes sont faussement accusés, ont précédé les actions de la communauté internationale et de l’OTAN. Ces mensonges justifient les sanctions, les embargos et les bombardements des nations occidentales. Pour ce faire, les morts de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) furent revêtus ou « déguisés » pour faire croire à un massacre de pauvres paysans albanais perpétré par les Serbes, au Kosovo.

    Les « observateurs » de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), composés essentiellement d’agents de la CIA, sont les responsables de cette mise en scène : William Walker, impliqué dans les escadrons de la mort à El Salvador, était le chef américain de la mission de l’OSCE au Kosovo. Le Dr Helena Ranta, responsable de l’équipe d’enquêteurs sur le terrain, spécialiste finlandaise de médecine légale de renommée mondiale, a publié sa biographie en 1999. Responsable de l’équipe d’enquêteurs internationaux, elle établit le rapport sur les événements qui s’étaient déroulés dans le village de Račak. Dans son livre, elle révèle les pressions subies pour accréditer la fausse version de la culpabilité serbe. Si, en 1999, le Dr Helena Ranta avait dû déclarer à la presse « oui, il s’agit d’un crime contre l’humanité », elle raconte que William Walker a brisé son crayon en bois et lui a lancé les morceaux au visage, furieux des conclusions de son rapport, car son « rapport n’était pas suffisamment convaincant » à l’égard des « atrocités serbes ». L’objectif de Walker était d’aider l’UCK et d’inventer un massacre attribué aux Serbes, afin de permettre l’intervention militaire : à savoir soixante-dix-sept jours de bombardements aveugles sur la République fédérale de Yougoslavie, qui se terminèrent le 10 juin 1999 avec l’entrée des forces de l’OTAN au Kosovo et la purification ethnique contre les Serbes.

    Le conseiller des séparatistes de la délégation albanaise à Rambouillet n’était autre chose que Morton Abramowitz, l’homme qui, au Département d’État américain, s’occupait des opérations secrètes pendant la guerre d’Afghanistan de 1979 à 1989, et avait fourni les fameux missiles terre-air Stinger aux Moudjahidin de Ben Laden. Cette guerre a été définie par Zbigniew Brzezinski pour démanteler l’Union soviétique. Et, en Yougoslavie, comme dans les pays arabes, les volontaires islamiques qui mènent le Djihad constituaient le fer de lance des guerres américaines avec le soutien des monarchies du pétrole.

    L’étude de la chronologie des évènements montre que la question du Kosovo figurait sur l’agenda des États-Unis. Déjà, en 1992, le Congrès américain avait pris position pour la minorité albanaise et avait annoncé l’intervention de la bannière étoilée dans la région autonome. Après le conflit de Krajina et de Bosnie, le ministre des Affaires étrangères allemand, Klaus Kinkel, atlantiste, annonçait publiquement que la question du Kosovo ne saurait rester une affaire interne à la Serbie.

    L’OTAN utilise les armes bactériologiques

    Lors des bombardements de l’OTAN, rapporte Yves Bataille, la réaction du peuple serbe a été exemplaire : « Les Serbes se comportèrent avec le plus grand sang froid. La population dansait et chantait sous les bombes. De leur côté, l’armée et la milice ont utilisé une technique qui se révéla très efficace pour éviter les frappes : ils évacuèrent les casernes et se divisèrent en petites unités, afin que les bombardements aient peu d’effet. Bien qu’elle ne fût pas des plus modernes, la Défense anti-aérienne (PVO) serbe avait contraint ses ennemis à ne pas voler en-dessous de cinq mille mètres. Les radars montés sur de vieux camions soviétiques permirent de tirer avec efficacité sur les avions de l’OTAN. » Il y eut peu de victimes militaires. Les opérations de l’aviation serbe détruisirent des dizaines d’avions américains notamment à Tuzla (Bosnie).

    Yves Bataille rapporte que les bombardements de l’OTAN ont bien fait plus de 3 500 morts, et non pas 500 comme l’avancent de manière mensongère Amnesty International et les armées de l’OTAN, parlant d’une prétendue « guerre propre ». De plus, ces données ne tiennent pas compte des dizaines de milliers de victimes en raison des projectiles à l’uranium appauvri et de la pollution engendrée par la destruction volontaire d’usines pétrochimiques. Il existe une corrélation entre les lieux de bombardements et l’apparition de tumeurs, comme l’expose Robin de Ruiter, auteur le plus traduit des Pays-Bas, dans son livre au titre évocateur Die Eingreiftruppen des Antichristen (L’assaut des troupes de l’antéchrist). L’auteur néerlandais évoque les malformations de bébés : une réalité à laquelle la population serbe sera encore confrontée lors des prochaines décennies.

    Des spécialistes de l’Académie militaire de médecine ont dénoncé l’usage des armes bactériologiques dans cinq localités. Mais l’ambassade des États-Unis a demandé au gouvernement serbe de détruire ses fichiers.

    Avec beaucoup de lucidité, Danilo Zolo, philosophe du droit italien, expose en 2006 dans La Giustizia dei Vincitori (La justice des victorieux) l’aspect véritable de l’« intervention humanitaire », présenté déjà en 1980 dans des documents préparés par les plus grandes autorités américaines. En 1990, dans un discours prononcé dans l’État du Colorado, le président américain George Bush parla des lignes directrices d’un programme de pacification du monde, le « Nouvel ordre mondial ». Ce projet fut perfectionné sous la direction du National Security Strategy of the United States, dont l’objectif est d’identifier les menaces susceptibles de nuire à la nation américaine. Parallèlement, l’OTAN, qui était un système défensif contre le Pacte de Varsovie, se transforma en bras armé pour de nouvelles interventions.

    Les États-Unis bafouent le droit international

    L’armée devient l’exécutrice du Nouvel ordre mondial. Instituée en 2005, Responsability to Protect est une initiative de l’Organisation des Nations unies (ONU) articulée autour de l’idée que la souveraineté n’est plus un droit, mais une responsabilité. Elle entre dans le cadre de la prévention des génocides, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et ethniques. En réalité, cette supercherie a permis de justifier et de dissimuler les crimes de l’OTAN. Morton Abramowitz, ancien ambassadeur des Nations unies en Turquie, président de la Carnegie Foundation pour la paix internationale et fondateur de l’International Crisis Group (ICG) participe à cette hypocrisie diplomatique. Cette entité, a été créée en 1995, comme Organisation non-gouvernementale (ONG) internationale, sur l’initiative de personnalités transatlantiques cherchant, selon la version officielle, à anticiper les conflits des années 1990, survenus en Somalie, au Rwanda et en Bosnie.

    Responsability to Protect a servi de porte étendard contre la Yougoslavie, sous le nom de « devoir d’intervention » par Bernard Kouchner, Haut représentant de l’ONU au Kosovo de 1999 à 2001, accusé par les Serbes de trafic d’organes. En revanche, il est moins connu que sa compagne, Christine Ockrent, fut la représentante en France pour l’ICG. Les affaires du Kosovo étaient une affaire de famille.

    Des personnes clé appartenant à l’ICG comme Gareth Evans (ancien ministre des Affaires étrangères australien), Lee Hamilton (ancien haut commissaire pour les droits humains aux Nations unies), David Hamburg de la Carnegie Foundation, ou James Traub du Conseil des Relations étrangères, travaillaient au siège de Responsability to Protect. Ils constituaient un club anglo-saxon, au service de la sphère impérialiste américaine et des Nations unies. Tous ces politiciens défendent le soi-disant droit international, qui est une de leur interprétation du droit et s’applique seulement à certains lieux et non à d’autres. Telles sont les explications de Danilo Zolo.

    Après trois mois de bombardements, les Serbes avaient accepté la résolution 1244 de l’ONU prévoyant que le Kosovo reste à la Serbie dans le cadre d’une grande autonomie. Mais, là aussi la communauté internationale, sous l’égide notamment de Morton Abramowitz, viola tous les accords, en concédant l’indépendance à l’identité albanaise : la communauté internationale ne s’est pas comportée conformément aux obligations prévues par la Charte de l’ONU, qui garantit l’intégrité territoriale de ses pays membres, statut dont jouit la Serbie, contrairement au Kosovo. Pour l’heure, le véto de la Russie et de la Chine empêche d’envisager une prochaine admission du Kosovo au sein de l’ONU.

    À travers le cas du Kosovo, la Serbie est victime d’un programme mondialiste, défini en ces termes, en 1992, par le diplomate américain Strobe Talbott : « La souveraineté nationale sera obsolète et tous les États reconnaîtront une unique autorité mondiale ».

    Vojislav Šešelj : un vrai nationaliste serbe au TPIY

    Le 31 mai 2012, Tomislav Nikolić, deuxième président de la république de Serbie, succède à Boris Tadić. Élu premier président de la République de Serbie en juin 2006, Tadić fut représentant du Parti démocratique, ainsi que membre observateur du Parti socialiste européen et de l’Internationale socialiste. Cette entité politique est née fin 1989. Un groupe de treize « intellectuels » prirent l’initiative de transformer la Yougoslavie communiste en une démocratie à l’Occidentale. Il contribua ainsi aux perspectives mondialistes dont la Yougoslavie est aujourd’hui la victime. Mais ces plans ne fonctionnèrent pas selon les visées de Washington et de l’OTAN.

    En 1990, il avait adhéré au Parti [nationaliste] radical populaire, qui s’unit ensuite avec le mouvement tchetnik serbe pour former le Parti radical serbe (SRS). La position à tenir vis-à-vis de l’Union européenne a profondément divisé le SRS, conduisant à une scission. Le 5 septembre 2008, ces pseudo-nationalistes favorables à l’entrée de la Serbie dans l’UE, dans son intégralité géographique, c’est-à-dire avec le Kosovo, avaient accepté de voter le rapprochement entre la Serbie et l’UE. Le jour même, Tomislav Nikolić est désavoué par les siens. Il est mis en minorité par l’aile dure, sur consigne de Vojislav Šešelj, président du Parti radical serbe. Il dut démissionner de la présidence par intérim du parti et de la direction du groupe parlementaire. Perturbant les visées hégémoniques du Nouvel ordre mondial, le 7 mars 2012, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) monte une cabale contre Vojislav Šešelj. Il est condamné à une peine de vingt-huit ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre !

    Sur le plan de la politique étrangère, les positions du « nationaliste » Nikolić, considéré comme un Judas à la solde des mondialistes, sont très ambiguës. D’un côté, il se prononce pour l’intégration européenne et, de l’autre, il prône un accord de coopération avec la Russie. Avec l’ancien président Tadić, Washington et Bruxelles étaient sûrs d’insérer la Serbie dans la sphère euro-atlantique et d’obtenir, dans une seconde étape, la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par Belgrade. Tout ce processus explique la création précoce du Parti démocrate et l’intervention du TPIY, véritable arme de la dictature mondialiste à la solde des criminels de l’OTAN. Et, le 25 avril 2013, le site d’information Klix.ba a révélé que Tomislav Nikolić, prêt à tout pour se faire accepter par ses nouveaux alliés mondialistes, présente maintenant « à genoux ses excuses pour tous les crimes commis par des Serbes ».

    Les États-Unis financent les partis démocrates

    L’hypothèse d’un rapprochement entre Belgrade et Moscou a provoqué une onde de choc considérable qui déboucha sur le financement des partis démocratiques, certainement, par les officines américaines. La publication par le quotidien séparatiste Slobodna Vojvodina (Liberté Voïvodine) de l’article Serbie, l’État fantoche russe dans les Balkans d’un certain Michaël Morgan, abonde dans ce sens. Le géopoliticien Yves Bataille s’étonne que, à partir de la scission du Parti radical serbe (SRS), le Parti progressiste serbe (SNS), ouvertement pro-européen et fondé seulement en 2008 par Nikolić, après la scission du Parti radical serbe (SRS), ait bénéficié de ressources considérables, au moins égales à celles du Parti démocratique (DS) de Boris Tadić. Soros Foundation [qui finance entre autres des pédophiles pour la rédaction du programme d’éducation sexuelle en Croatie], National Endowment for Democracy (NED), qui œuvre au renforcement et au progrès des institutions démocratiques à travers le monde, et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), ont créé une myriade d’associations et d’ONG qui reçoivent des moyens financiers considérables pour asseoir le pouvoir mondialiste dans les Balkans. D’ailleurs, un des fondateurs de la NED, Allen Weinstein, déclarait en novembre 2010 au Washington Post que « bien des choses effectuées maintenant étaient faites clandestinement par la CIA, vingt-cinq ans auparavant ».

    L’implication de la Soros Foundation

    Qui plus est, la constitution du pouvoir serbe est entièrement diligentée par le pouvoir financier mondialiste. Le premier gouvernement de Mirko Cvetković, membre du Parti [socialiste] démocratique, en place de juillet 2008 à mars 2011, nomma l’ultralibéral Mladjan Dinkić comme vice-Premier ministre et ministre de l’Économie, entouré par une majorité de ministres socialistes. Une fois de plus, ce parti fondé par d’anciens communistes montrait son accointance avec les milieux de la finance apatride. Cette coalition fut promue par les officines suprématistes américaines, à l’instar de la NED, de la Soros Foundation et de l’USAID. En mars 2011, Dinkić, menacé de limogeage, préfère présenter sa démission, entraînant ainsi la chute du gouvernement. La seconde formation de Mirko Cvetković se maintient à peine plus d’un an, de mars 2011 à juillet 2012, à laquelle succède le dernier gouvernement d’Ivica Dačić du Parti socialiste de Serbie. En utilisant le même processus répressif que celui de la révolution française, depuis mars 1999, marquant le déclenchement des frappes aériennes, la Yougoslavie est bien devenue la première victime du Nouvel ordre mondial, dont les agents ne sont que d’anciens communistes recyclés en pro-occidentaux. L’histoire de Draža Mihailović, général royaliste serbe très populaire, mort le 17 juillet 1946, et livré par Londres aux communistes de Tito, se répète. La Serbie montre une fois de plus la collusion existant entre communisme et capitalisme.

    Sur l’échiquier diplomatique, nous constatons que l’Occident a exploité la disparition momentanée de la Russie pour attaquer la Serbie. L’accession de Vladimir Poutine comme président de la Fédération de Russie, en 2000, a eu lieu quand l’agression territoriale de la Serbie était en cours de réalisation. Des volontaires russes combattirent alors aux côtés de leurs frères serbes en Bosnie et au Kosovo. Le retour de Poutine au pouvoir, le 7 mai 2012, est devenu une source d’espoir pour les nationalistes serbes qui ont échappé aux purges du TPIY. Ils espèrent une alliance avec la Russie pour assurer l’indépendance et la sécurité nationale. La forte influence russophile est démontrée par un florilège d’associations serbo-russes. La coopération technique militaire était déjà développée sous le précédent régime. Les Russes l’ont élargie dans l’ambition de posséder une base militaire à proximité de Nis, la troisième plus grande ville de Serbie, à quelque 160 km de la base américaine de Camp Bondsteel.

    En outre, la Serbie est positionnée sur 450 km dans le cadre du tracé du gazoduc South Stream, prévu pour fin 2015. À cet effet, il a été construit à Banatski Dvor, en Voïvodine, un grand réservoir d’une capacité de 300 millions de m3 de gaz pouvant fournir toute l’Europe occidentale : la Serbie en contrôlera le robinet. Alors, pour perturber cette entente autour de la politique énergétique entre Belgrade et Moscou, les États-Unis tentent d’exacerber le sentiment indépendantiste de cette ancienne province hongroise et bulgare, qui fut unifiée à la Serbie à l’issue de la Première Guerre mondiale, le 12 novembre 1918.

    Les communistes bradent la Yougoslavie

    Cette relation serbo-russe signifiera une intensification de la coopération entre deux pays qui pourrait voir l’intégration de Belgrade au sein de l’Union eurasiatique de Vladimir Poutine. La Serbie trouverait ainsi une issue économique honorable, alors que la Yougoslavie est devenue un espace territorialement fragmenté, où six entités théoriques jouent la comédie de l’indépendance. Dans l’ex-République de Yougoslavie, les États ont perdu le contrôle de leurs ressources : l’agriculture et les secteurs industriels ont été bradés aux intérêts étrangers par le biais des privatisations. Les banques yougoslaves ont été achetées par des banques étrangères. Les sources d’eau minérale et les entreprises de tabac sont entre les mains de Coca-Cola et de British American Tobacco. La Dalmatie a perdu certaines de ses îles, vendues au plus offrant. Construite par le consortium turco-américain Bechtel-Enka, l’autoroute Zagabria Adriatico a coûté trois fois plus que l’estimation initiale. Les États-Unis contrôlent l’acier serbe. La navigation sur le Danube a été considérablement réduite : la Slovénie et la Croatie n’ont plus d’autosuffisance alimentaire et doivent importer les denrées d’Allemagne et d’Autriche. Le pro-occidental Milo Djukanovic, vingtième fortune du monde, a vendu la quasi-totalité de l’économie monténégrine à des entreprises occidentales. Un bel exploit pour ce pur produit de la Ligue des communistes de Yougoslavie. En 1989, à l’âge de 27 ans, il devint membre du comité central, le plus important organe de décision du parti.

    La marque automobile serbe Zastava a disparu à la faveur de Fiat. En septembre 2000, Georges Soros, le « humaniste » juif qui réduisit des milliers de Brésiliens à l’état d’esclavage dans les plantations de canne à sucre, investit 150 millions de dollars pour obtenir les contrôle des mines d’or, d’argent, de lignite et de zinc de Trepca, dans le nord du Kosovo, représentant une valeur de 5 milliard de dollars. L’espace yougoslave a subi le vol et le pillage. Cependant, malgré la période désastreuse de transition démocratique, l’État serbe a maintenu une identité solide et une forte capacité de résistance.

    Enfin, le peuple serbe qui n’a pas vendu sa liberté à l’OTAN, continue à résister en Bosnie et au Kosovo. Dans le Nord du Kosovo, les Serbes refusent de céder au pouvoir des représentants et des mafieux albanais placés par l’OTAN. Cette résistance sans leader est un modèle, comme le montre le barrage de Kosovska Mitrovica, grande cité industrielle, dont l’essor reposait sur les mines de Trepca. Le pont reliant les rives du fleuve Ibar, surveillées jour et nuit par des volontaires, constitue un symbole que l’OTAN ne peut accepter : il utilise des hommes liges du gouvernement pour parvenir à une « solution ». Les quelque 40 000 Serbes qui vivent dans cette partie du Kosovo ne reconnaissent pas l’autorité de Pristina. Le 3 novembre 2013, les élections municipales organisées dans le Nord du territoire kosovar, avec la bénédiction et le soutien de Belgrade, pour la première fois depuis l’indépendance du Kosovo proclamée en 2008, ont été interrompues par des nationalistes serbes ayant fait éruption dans des bureaux de vote de la partie nord de la ville de Kosovska Mitrovica.

    Les municipales kosovares étaient considérées comme un test pour l’application de l’accord de normalisation des relations entre Belgrade et Pristina, conclu en avril 2013 à Bruxelles sous le « parrainage » ou plutôt la vindicte de l’Union européenne, qui s’évertue à la démolition de la liberté des peuples.

    Laurent Glauzy

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