Lorsque le Conseil d’Etat a annulé, le 26 août dernier, un arrêté municipal interdisant le port du burkini, nous avions rappelé que le principe de laïcité n’était pas le bon instrument pour protéger l’identité française et européenne de l’islamisation (*). La décision du Conseil d’Etat du 9 novembre 2016 sur les crèches le confirme.
Alors que le juge administratif suprême a privilégié une interprétation libérale de l’ordre public quand il a statué sur les burkinis, il a au contraire retenu une interprétation extensive et rigoriste du principe de laïcité quand il s’est agi de se prononcer sur l’installation de crèches de Noël dans les bâtiments publics.
Cette décision n’est pas anodine. D’abord par son contenu. Sa rédaction est, certes, alambiquée voire ambiguë mais les conséquences que le Conseil d’Etat a tirées de ses considérants de principe en déclarant illégale la crèche installée dans l’enceinte de l’hôtel de ville de Melun rendent les choses claires – même s’il n’a pas osé régler au fond le litige sur la crèche installée par Philippe de Villiers dans l’hôtel départemental de Vendée. En substance, le Conseil d’Etat estime que la loi de 1905 et le principe de laïcité s’opposent à l’installation de crèches dans les bâtiments publics sièges de services publics, telle une mairie, « sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ». En pratique, au-delà du concours de crèches ou du jour de l’arbre de Noël des enfants du personnel, les crèches semblent bel et bien interdites dans les mairies, même si ce sera aux juges du fond d’apprécier les circonstances particulières à chaque espèce.
Ce n’est que dans les autres emplacements publics, notamment sur la voie publique, que les juges suprêmes consentent à plus de libéralisme : l’installation d’une crèche y est possible, à la condition qu’elle s’inscrive dans le « caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année » et sous réserve qu’elle ne constitue pas « un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse ».
Non seulement cette décision est sévère mais elle est quasiment sortie du chapeau. En effet, l’article 28 de la loi de 1905 qui interdit la pose d’emblèmes religieux sur les emplacements publics ne fait aucune différence entre bâtiments publics sièges de services publics et autres emplacements publics, comme le fait pourtant en pratique le Conseil d’Etat ! Voilà une nouvelle manifestation du gouvernement des juges, qui inventent des règles non prévues par le législateur.
Cette décision est ensuite d’autant plus marquante qu’elle a été mûrement réfléchie par les membres de l’assemblée du contentieux, cette formation de jugement de 17 membres, qui comporte toutes les « huiles » du Palais-Royal. Ce n’est donc pas par hasard que cette solution est tombée. Le rapporteur public avait prôné une approche « pacificatrice » de la laïcité, en admettant les crèches dans les bâtiments publics au motif qu’elles sont un objet mixte, religieux et culturel, à la condition qu’elles ne manifestent pas une revendication religieuse. Une interprétation qui était tout à fait défendable juridiquement et qui aurait évité au juge de s’immiscer dans les choix des maires ou des directeurs d’hôpitaux quant aux décors accompagnant les festivités de Noël.
Mais les prétendus sages de la Haute Assemblée ont préféré retenir une interprétation stricte et prétorienne de la loi de 1905, au nom de leur vision des valeurs de la République, lesquelles s’opposent en l’occurrence aux traditions de la France. A en croire Le Figaro, cette décision n’a pas été évidente à prendre. Le premier délibéré n’aurait pas abouti à un accord. Le président de la formation de jugement semble avoir laissé le temps du débat mais ce temps n’a manifestement pas été mis à profit pour faire prévaloir la rectitude juridique et la mesure sur les passions laïcardes.
Dans sa récente lettre ouverte au vice-président du Conseil d’Etat, Philippe de Villiers l’avait mis en garde contre les effets dévastateurs de cette décision qu’il redoutait sur l’image et la légitimité même de l’institution. « Les conseillers d’Etat ont dit oui au burkini. S’ils disent non aux crèches, le Conseil d’Etat changera de nature dans le cœur des Français. Il ne sera plus le Conseil d’Etat de la France qui nous protège mais le Conseil d’Etat islamique », déclarait-il au Figaro le 31 octobre dernier.
Hélas, la messe – laïque – est dite ! Certes, on peut encore espérer que cette jurisprudence sur les crèches puisse aussi servir à faire interdire les événements islamiques ou islamophiles des autorités publiques – telle l’organisation d’une rupture du jeûne du Ramadan en mairie. Mais c’est une bien maigre consolation face à l’agression contre notre identité que constitue la décision des juges, alors qu’il nous faudrait une préférence de civilisation pour répondre à l’islamisation de notre pays.
Mettre sur le même plan les traditions musulmanes – qui sont étrangères et même hostiles à la France – et les traditions françaises d’origine chrétienne revient à nier l’identité culturelle de la France. La fête de Noël, qui est au demeurant d’origine païenne, s’est sécularisée et est aujourd’hui un élément de notre culture nationale : le 25 décembre est bien un jour férié ! A ce titre, interdire aux maires de célébrer cette fête dans l’ensemble de ses composantes religieuse, spirituelle, culturelle et festive, c’est priver les Français de leurs racines et de leur histoire millénaire. C’est nous forcer à oublier ce que nous sommes, pour mieux nous faire accepter la colonisation humaine et religieuse dont la France est l’objet.
Non, les décisions des juges qui, sous prétexte de laïcité, étouffent l’expression de notre identité nationale et civilisationnelle ne sont pas légitimes !
Carl Hubert, 9/11/2016
http://www.polemia.com/conseil-detat-laic-ou-conseil-detat-islamique/