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Le désordre mondial : 1/3

Source : Entretien publié par le magazine Rébellion

Quelle est l’origine historique de ce « désordre mondial » que votre dernier livre analyse en détail ?

La question du désordre mondial doit effectivement être posée dans ces termes. L’histoire nous renseigne mieux que quoi que ce soit et que quiconque sur l’origine des événements géopolitiques actuels. Le tournant politique qui annonce les événements que nous connaissons se trouve au XVIIème siècle et plus particulièrement dans le mouvement de bascule politique initié par les Révolutions que nous qualifierions aujourd’hui de « colorées ». En France, les mécontentements populaires avaient eux-mêmes été créés, dans une très large mesure, par la libéralisation des prix du grain initiée par les banquiers-commerçants présents au sein du gouvernement royal. La fabrication, largement volontaire, de la paupérisation populaire ajoutée à des mécontentements structurels et conjoncturels inhérents à tout type de société ont été le terreau sur lequel se sont développées les émeutes bientôt transformées en Révolution.

Ces mouvements de masse ont par ailleurs été largement manipulés, encadrés et armés par des personnes répondant à une feuille de route, précise, qui avait pour objectif de renverser l’ordre politique en vigueur fondé sur l’organisation de la Société en trois Ordres. De ces trois Ordres, chacun sait que seuls les deux premiers, à savoir la Noblesse et le Clergé, occupaient alors le pouvoir. Même s’il existait une porosité entre les Ordres de la Noblesse et du Clergé – dont les fonctions étaient souvent occupées par les enfants d’une même famille – il n’en restait pas moins que ces deux Ordres obéissaient à une hiérarchie distincte. Les deux Ordres fonctionnaient en conséquence, l’un vis-à-vis de l’autre, comme des contre-pouvoirs effectifs. C’est précisément en raison de l’existence de ce contrepouvoir que la bourgeoisie commerçante a pu se développer puis prospérer jusqu’à acquérir dans la Société une place quantitative – sinon prééminente (qu’elle détient actuellement) – de plus en plus importante.
C’est sur cette bourgeoisie commerçante en plein essor que les banquiers-commerçants, c’est-à-dire les changeurs et orfèvres du Moyen-Âge, se sont appuyés pour initier leurs grandes manœuvres politiques.

Car il faut se souvenir que les banquiers changeurs détenaient, de longue date, sur l’institution royale, un pouvoir très important en raison du fait qu’ils fournissaient du crédit au Roi et aux différents grands seigneurs ; crédits nécessaires à l’armement et à l’entretien des armées, à la tenue et au maintien des différentes obligations politiques et sociales du Roi et de la noblesse en général. Seul le Clergé échappait alors, dans une très large mesure, au pouvoir des banquiers changeurs. Il faut se souvenir que l’Église du Moyen-Âge a historiquement, durant très longtemps, joué un rôle de modération sur le pouvoir des financiers. C’est précisément pour cette raison que la caste des banquiers-commerçants a, dès le XVIIIème siècle, estimé que l’Ordre clérical était son véritable ennemi. Les financiers n’ont eu de cesse, depuis le XVIIIème siècle, de développer toute une panoplie d’armes civiles conventionnelles (en finançant le développement, sur tous les fronts – économique et sociétaux – de théories réellement anti-cléricales) et non-conventionnelles (infiltration…) pour abattre, sur la durée, le Clergé. La Révolution Française a été, au niveau politique, le point de départ de ces manœuvres, de type militaire, visant à la disparition du clergé dans un contexte où le pouvoir temporel (pouvoir Royal et noblesse), très affaibli par ses incessants besoins financiers, était déjà tombé aux mains des banquiers-changeurs.

D’un point de vue technique, l’Ordre politique d’Ancien Régime était techniquement fondé sur deux groupes : un pouvoir temporel (la Noblesse, c’est-à-dire l’aristocratie organisée autour d’un Roi considéré comme le premier d’entre ses pairs) et un pouvoir spirituel (le Clergé). Ces deux ensembles se faisaient face et s’équilibraient. Juridiquement, le lien entre ces deux Ordres reposait sur la prééminence du spirituel sur le temporel, traduit par le fil conducteur de la suprématie de l’Ordre naturel, bientôt traduit en « droit naturel ».

Ici se trouve la source de la volonté, développée par les banquiers-commerçants, de disparition de tout « ordre naturel ». Dans leur quête du pouvoir, les orfèvres-changeurs devaient abattre tous les fondamentaux sur lesquels reposaient le pouvoir ancien. Au fil du temps a donc émergé, sur la discrète direction des banquiers-commerçants, un concept juridique nouveau, celui de « droit positif », dont la vocation était de s’opposer au « droit naturel ». Cette notion nouvelle de « droit positif » a été la porte ouverte à l’avènement d’un ordre juridique nouveau, dérogatoire au droit commun qu’était alors le droit civil, appelé « droit commercial ». De fil en aiguille, sur le continent européen et en France en particulier (à partir de 1807, date de l’avènement, sous Napoléon, du Code de Commerce), le droit commercial est passé du statut dérogatoire, qu’il avait au XIXème siècle, au statut de droit commun qu’il prend actuellement. Ainsi, historiquement, le positivisme a été le moyen, utilisé par les banquiers-commerçants, pour obtenir le remplacement du droit civil par le droit commercial dans sa fonction de droit commun. Rappelons que qui dit « droit commun », dit règle de gestion et de régulation de la Société dans son intégralité.

Nous sommes aujourd’hui, en France, en Europe, et dans le monde, au point culminant de la domination, artificielle et encore relativement officieuse, de la caste des banquiers-commerçants, qui sont les héritiers directs des orfèvres changeurs du Moyen-Âge. Cette domination doit donc nécessairement se traduire par l’avènement politique de cette caste, ce qui sera réalisé par l’instauration d’un gouvernement mondial, de type autoritaire car dépourvu de tout contre-pouvoir politique et social effectif. La constitution de ce gouvernement repose sur deux outils, l’avènement d’une monnaie mondiale efficiente contrôlée par les banquiers-commerçants, et la constitution de relais de pouvoir locaux formalisés sur le modèle de l’Union Européenne. Le contrôle du commerce maritime mondial a été la porte d’entrée à la prétendue impérieuse nécessité de doter le monde d’une monnaie mondiale unifiée… et dûment contrôlée.

Comment les banques furent le moteur d’un passage d’une économie « réelle » à une finance totalement virtuelle ?

La virtualisation de la finance internationale a été le résultat, prévisible, de Bretton Woods. Le dollar alors imposé en tant que monnaie mondiale, ne pouvait techniquement, tout comme l’étalon or jusqu’alors utilisé, pas suivre le développement structurel, permanent et de nature exponentielle, des échanges économiques mondiaux tel que voulu par la doxa du libre-échange, en vigueur depuis le XVIIIème siècle. Rappelons-nous que le « libre-échange » est la version modernisée de la « liberté du commerce » imposée, en occident, par les Révolutions de la fin du XVIIIème siècle, lesquelles ont été initiées, c’est-à-dire dirigées et commanditées, par la caste des banquiers-commerçants.

Dans leur quête désespérée pour conserver leur propre monnaie, le dollar US, en tant que monnaie mondiale, les américains ont dû avoir recours, en plus de la mainmise sur les réserves financières de leurs vassaux occidentaux, à des subterfuges afin de créer, artificiellement, des actifs financiers. L’impérieuse nécessité de l’adossement de la monnaie à des richesses a donné naissance au vaste mouvement de dérégulation financière, née aux États-Unis d’Amérique dans les années 1970. Ce que nous appelons aujourd’hui « financiarisation de l’économie » est le résultat de la dérégulation financière qui a permis la naissance d’actifs financiers fictifs c’est-à-dire grosso modo la transformation – sur le modèle de l’alchimie – d’actifs toxiques, qui sont en réalité des dettes, en richesses.

Il faut bien comprendre les mécanismes intangibles de la monnaie : une monnaie ne peut fonctionner qu’adossée à une « économie ». S’agissant de monnaie mondiale, c’est là que le bât blesse. Car les contraintes économiques d’une monnaie locale, adossée à une économie locale, sont incompatibles avec les contraintes économiques d’une monnaie mondiale, qui doit être adossée à une économie mondiale. Une économie locale prospère repose sur une balance commerciale bénéficiaire, c’est-à-dire sur le fait que les exportations doivent être supérieurs aux importations. Or, pour être utile, une monnaie mondiale doit être émise en quantité suffisante pour pouvoir répondre à la totalité des échanges économiques mondiaux ; ce qui, techniquement, se traduit par le fait qu’une monnaie mondiale repose sur une économie mondiale. Or, pour pouvoir circuler en quantité suffisante pour répondre aux besoins mondiaux, le dollar US en tant que monnaie mondiale exigeait que les importations américaines soit supérieures aux exportations, ce qui a eu pour effet mécanique d’affaiblir l’économie (américaine) en déséquilibrant durablement et irrémédiablement sa balance commerciale.

Dès lors, le cercle vicieux se met en place : une économie faible ne peut pas justifier l’émission importante de monnaie sans faire perdre à celle-ci la confiance de ses utilisateurs. On a vu que l’émission importante de dollar avait en effet été adossé à la création d’actifs financiers fictifs qui ont eu pour effet de déstabiliser le fonctionnement monétaire et financier au niveau mondial par la circulation dans de très grandes quantité d’actifs toxiques hébergés par les banques et par tous les organismes financiers ; cette circulation d’actifs toxiques a définitivement, emporté, c’est-à-dire mis un terme à la confiance des utilisateurs du dollar en tant que monnaie mondiale, rendant dès lors nécessaire son remplacement.

Tel est précisément le principe actuellement dénoncé par le président Trump, qui exige, de façon de plus en plus impérieuse, l’abaissement par la Fed des taux directeurs américains. Cette exigence est justifiée par le fait qu’avec des taux trop élevés, les exportations américaines diminuent de façon mécanique. Trump défend, ce faisant, le retour à une conception purement locale du dollar américain. Ajoutons que ce type de position de Donald Trump est non seulement compatible mais surtout parfaitement alignée avec les visées de l’oligarchie mondialiste qui œuvre à l’avènement des DTS (panier de monnaies) comme monnaie mondiale ; les DTS étant la résurrection actualisée du Bancor défendu par Keynes en 1944.

À suivre

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