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Une hypothèse sur la violence terroriste

Il est difficile de parler de la violence, de son étrange montée en puissance dans l(histoire de l’islam en Orient et en Occident, sans évoquer l’oeuvre de René Girard (1923-2015) et sans consulter tel de ses continuateurs psychanalystes.

D’où vient la violence ? S'agit-il simplement d'un échec de la Raison toute puissante ? Suffit-il d'expliquer pour faire reculer la violence ? Nos sociétés rationalisées ont toutes intégré l'idée que quand il y a de la violence, c'est parce que ceux qui sont violents souffrent d'un déficit d'explications, qu'on ne leur a pas donné les raisons. Il suffira d'expliquer aux Gilets jaunes que l'on ne peut pas faire autrement pour qu'ils se calment, c'était l'idée toute simplette qui a porté le fameux « grand débat ».

C'était aussi le ressort de la fameuse politique de la ville, à une époque où la République jetait davantage l'argent par les fenêtres investissons des milliards dans le cadre de vie des nouveaux arrivants et ils nous sauront gré de notre bonté. On aura juste acheté la paix sociale. L'argent reste toujours et partout le meilleur des arguments. Mais nos gouvernants sont en train de réaliser qu'il ne suffit pas de donner négligemment dix milliards d'euros aux "factieux" pour les faire taire. En réalité, face à la violence passionnelle, l'argent n'est pas le meilleur des arguments.

Nos gouvernants viennent de se rendre compte que la raison, même la raison comptable, n'a pas forcément le dernier mot. Voici la sagesse de René Girard « On dit fréquemment la violence "irrationnelle" Elle ne manque pourtant pas de raisons elle sait même en trouver de fort bonnes quand elle a envie de se déchaîner. Si bonnes, cependant, que soient ces raisons, elles ne méritent jamais qu 'on les prenne au sérieux. La violence elle-même va les oublier pour peu que l'objet initialement visé demeure hors de sa portée et continue à la narguer. La violence inassouvie cherche et finit toujours par trouver une victime de rechange ».

Le complexe de Caïn

À l'origine de la violence, on trouve d'abord l'envie ou la passion pour l'égalité. Si cette passion ne peut se satisfaire directement, si les vrais ennemis demeurent hors de portée, alors, « à la créature qui excitait sa fureur, la violence en substitue soudain une autre qui n'a aucun titre particulier à s'attirer les foudres du violent, sinon qu 'elle est vulnérable et qu'elle passe à sa portée ». C'est l'histoire de tous les attentats jusqu'à ceux de Strasbourg en France et de Christchurch en Nouvelle-Zélande, l'invention de boucs émissaires. Qui sont les boucs émissaires qui vont faire les frais de la violence dés tueurs ? Es sont inoffensifs, mais ils sont vulnérables, simplement parce qu'ils passent à portée de fusil.

Quant à « la créature qui excite la fureur », qui provoque la violence, elle reste hors de portée, pour le terroriste ou (cela revient au même) pour le révolutionnaire ni l'un ni l'autre ne touchent aux vraies causes de la passion égalitaire ou de là passion propriétaire qui s'est déclenchée en eux. Mais cela n'empêche pas leur violence de se diffuser largement. Comme pour une compensation, elle va chercher et trouver facilement des boucs-émissaires. C'est qu'elle a sa logique propre, qui est portée par le désir compulsif de l'emporter sur autrui.

Il est tentant d'appliquer ce schéma de la violence émissaire à ce que le romancier Ryad Girod nomme l'islam noir, celui qui recourt habituellement au terrorisme aveugle. Dans la lutte entre les monothéismes, l'islam s'est fait dépasser. Ce système religieux, qui, spirituellement, se sent supérieur, est amené à réaliser que le progrès technique l'a laissé sur le bas-côté de la route… Il y a là un motif d'envie dont on n'imagine pas la puissance démultipliée par le fanatisme religieux. Le psychanalyste Gérard Hadad n'hésite pas à parler de fantasme fratricide. C'est ce qu'il nomme le complexe de Caîn, la lutte du petit dernier des monothéismes contre ses grands frères qui, eux, ont pris le virage du progrès, quand lui en restait à une sociabilité et à une science médiévale. À l'origine du 11 septembre et des attentats qui ont suivi, il y aurait donc non pas un facteur rationnel que l'on puisse identifier et auquel il soit loisible de satisfaire, mais une montée à l'extrême, qui, en elle-même, n'est soluble dans aucune raison.

Comment donc enrayer la montée de la violence ? René Girard insiste sur le fait que c'est la connaissance du processus mimétique, que c'est la conscience que l'on prend de l'innocence des victimes émissaire qui est capable d'enrayer le processus. Seule la vérité peut faire cesser une violence trop sûre d'elle-même et de ce qui lui a donné naissance. Il faut donc en finir d'urgence avec les mensonges sur l'histoire de la mauvaise conscience occidentale, qui alimentent la violence, il faut poser en vérité les conditions d'un accès réel au développement. C'est certainement l'un des grands enjeux cachés de l'actuelle révolution algérienne. Si elle ne fait pas la vérité, elle plongera le pays dans la violence.

Abbé G. de Tanouarn monde&vie 11 avril 2019

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