Claude Chollet, on a assisté à une avalanche de faits divers, cet été. À quoi attribuez-vous cette omniprésence ?
Le sociologue marxisant Pierre Bourdieu (dont certaines analyses demeurent intéressantes, notamment sur la reproduction des élites) avait coutume de dire que l’exploitation des faits divers détournait le public des vrais problèmes. Dans un de ses derniers livres (Les Cosaques et le Saint-Esprit, Éditions de la Nouvelle Librairie), le talentueux écrivain Bruno Lafourcade écrit : « Les faits divers, ce n’est pas anecdotique : c’est de la vérité qui bouillonne à la surface du réel. » L’avalanche de faits divers signale que la température du réel sociétal monte. Les minorités ethniques et culturelles tiennent le haut du pavé et, après des années de laxisme, ne comprennent pas que tout ne soit pas permis. Disons que presque tout est permis, comme on a pu le voir lors des émeutes après la victoire récente d’une équipe de football supposée française et à capitaux du Qatar sur une autre équipe supposée allemande. Si vous reprenez les événements de l’été 2018 ou 2019, vous obtiendrez les mêmes faits divers, à ceci près que, chaque année, ils sont plus nombreux, plus violents, plus sanglants.
On a assisté à pléthore d’euphémismes concernant ces faits divers… Volonté de minorer ou erreur d’appréciation ?
« Incivilités », « bêtises » et « bagarres » sont les mots employés par certains représentants de l’autorité (président de la République, maires, préfets, sociologues de service) à la place d’« agressions », « saccages » et « émeutes » qui devraient figurer. Une telle conjonction des euphémisations ne peut être le fruit du hasard ou d’une accumulation d’erreurs individuelles. Il n’y a pas de complot non plus, pas de donneur d’ordre au sommet, seulement une politique de l’omerta pratiquée de manière systématique par les médias de grand chemin dès que les conséquences de l’immigration se font sentir. Nous avons été parmi ceux qui ont publié les prénoms des personnes accusées de meurtre sur le chauffeur de Bayonne. J’ai été interpellé par un journaliste d’@rrêt sur images qui m’a demandé « quel est l’intérêt de publier ces noms ». Il trouvait parfaitement légitime d’occulter une partie du réel, tant une grande partie des journalistes (pas tous) ne veut plus informer mais rééduquer le public dans un sens libéral-libertaire.
N’assiste-t-on pas à un certain réveil de l’opinion concernant l’indubitable « ensauvagement » de notre société ?
Ce n’est pas la société qui est ensauvagée, c’est une partie de la population qui fait sécession de la société globale. Il y a, en effet, des sauvages, acculturés, majoritaires dans certaines villes ou certains quartiers, ou en voie de le devenir, et qui veulent imposer leur loi. Jusqu’ici, les réactions des autorités tenaient du coup de menton altier et de déclarations d’intention jamais suivies d’effets. Et les réactions d’une partie de la société civile « Vous n’aurez pas ma haine » tenaient à la fois d’une mentalité Bisounours et de pas mal de lâcheté. Les choses commencent doucement, très doucement, à changer, le succès du hashtag #OnVeutLesNoms est un signe. Mais les censures publiques des lois dites antiracistes veillent, rejointes par les censures privées des réseaux sociaux américains. Il faudra, sans doute, d’autres morts, d’autres viols, d’autres émeutes pour constater un réveil durable de l’opinion. Un réveil qui exigera des mesures et non des paroles lénifiantes et anesthésiantes.
Claude Chollet, président de l’Observatoire du journalisme (OJIM), www.ojim.fr