« Mettez-un voile, vous serez plus belle. » La phrase a jailli, sans complexe, de la bouche de Brulux, rappeur franco-tunisien. Vous ne le connaissiez pas ? Étonnant. Il s’autoproclame pourtant star internationale sur les réseaux sociaux ou encore sur le plateau de « Touche pas à mon poste », où il était invité, mardi soir, pour débattre de mixité dans les banlieues : « T’sais chui qui ? Je suis une star internationale ! » Un avis qu’il partage sûrement au moins avec sa maman, ce qui, me direz-vous, est déjà un début.
« Brulux c’est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir, mais ils l’ont invité, fallait inviter Kery James ou Medine pour nous défendre, pas Brulux », déplore, sur Twitter, un certain Abdel25435. On ne sait trop ce que recouvre, au juste, ce « nous », on peut néanmoins en déduire que le génie ineffable de Brulux ne fait pas l’unanimité jusque dans son camp (qui reste à définir). Mais une forme de hargne éloquente lui tient lieu, si l’on veut, de talent.
« Mettez-un voile, vous serez plus belle. » Cette petite phrase lourde de sens s’adressait à Alice Cordier, présidente de Némésis, collectif féministe identitaire, qui avait eu l’outrecuidance de l’interrompre, ce qui, dans un débat, on en conviendra, est proprement scandaleux. Crime de lèse-majesté. Car il faut dire que Hedi Chabar (c’est son vrai nom) arbore aussi une couronne incrustée de pierres en guise d’émoji sur tous ses profils.
« Mettez un voile vous serez plus belle. » Pas de réaction sur le plateau, seulement un rapide « s’il vous plaît, s’il vous plaît… » de Cyril Hanouna. David Guiraud, porte-parole de La France insoumise, assis à côté de Brulux – et que celui-ci appelle « mon co-équipier » en le gratifiant de grandes bourrades amicales dans le dos -, si prompt à voler au secours des femmes voilées pointées du doigt, ne bronche pas. Les femmes non voilées que l’on exhorte publiquement à se couvrir la tête pour être plus jolies lui en font une belle.
Il est vrai que les accointances non dénuées d’arrière-pensées électoralistes de La France insoumise ne sont un mystère pour personne. Plus incompréhensible, en revanche, la discrétion de violette de Marlène Schiappa, si prompte habituellement à s’émouvoir sur son compte Twitter de toute micro-polémique à relents misogynes montée en épingle… Elle n’a toujours pas réagi, à cette heure.
Quand Éric Zemmour suggère à Hapsatou Sy que Corinne aurait été un joli prénom pour elle, Marlène Schiappa monte au créneau et pourfend, indignée, le grand criminel. Mais quand une jeune Alice se voit administrer un conseil sexiste sur son physique, s’apparentant singulièrement aux pressions morales que subissent les filles qui refusent de « jouer le jeu » dans les quartiers islamisés – voilées, les femmes sont « plus belles », donc « mieux » que les autres… et quoi d’autre, encore ? Plus vertueuses ? -, c’est silence radio.
Ce Brulux, qui selon sudinfo.be (il était domicilié dans la région de Liège) a été incarcéré en détention préventive le 20 janvier 2019 et « placé sous mandat d’arrêt dans le cadre d’un dossier de violence conjugale » avant d’être libéré deux mois plus tard (sur le plateau de TPMP, il affirme que « Madame est à la maison, les enfants sont à la maison » et que « tout le monde vit bien », « il n’y aura pas de procès »), ne doit pas faire partie de ces relous contre lesquels Marlène Schiappa entend lutter. Pourtant, prétendre que les paroles de ses chansons font montre d’un esprit délié serait très exagéré…
Est-il besoin de le préciser ? Aucune autre féministe ne s’est non plus manifestée pour protester.
Marlène Schiappa vient de lancer les États généraux de la laïcité ? On attend avec impatience le grand débat sur la tartufferie.